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    Pour donner un ordre de grandeur, on estime que le cerveaucerveau contient un peu plus de 100 milliards de neuronesneurones dont chacun peut former jusqu'à 10 000 connexions, le tout contenu dans un volume équivalent à celui d'une brique de lait. C'est grâce à ce formidable réseau de neurones que nous pouvons entre autres apprécier un bon film, tomber amoureux ou résoudre une énigme.

    Dans le cerveau, un réseau complexe de neurones. © Laurent, Fotolia
    Dans le cerveau, un réseau complexe de neurones. © Laurent, Fotolia

    Le cerveau est le siège des fonctions supérieures (fonctions cognitives, sens, mémoire, émotion...). La recherche scientifique nous permet aujourd'hui d'en savoir plus sur cet organe essentiel qui assure la régulation de toutes les fonctions vitales.

    On estime que le cerveau contient un peu plus de 100 milliards de neurones. © DR
    On estime que le cerveau contient un peu plus de 100 milliards de neurones. © DR

    Le cerveau dans tous ses états

    Dans ce dossier, parcourez en détail l'anatomieanatomie du cerveau, la description de la cellule nerveuse (neurone), le rôle des gènesgènes dans la formation cérébrale.

    Découvrez les causes et conséquences de la différence de taille (et de fonctionnement) du cerveau entre hommes et femmes, apprenez tout ce qu'il faut savoir sur l'empreinte génomiquegénomique puis testez vos connaissances en fin de dossier avec nos tests.

    À lire aussi sur Futura :


    Anatomie du cerveau

    Le cerveau est principalement constitué de substance blanchesubstance blanche mais, à sa surface, se trouve aussi la substance grisesubstance grise. Le cerveau est composé de deux hémisphères cérébraux, qui sont eux-mêmes subdivisés en cinq lobes cérébraux. Découvrez en détail l'anatomie du cerveau.

    Lorsque l'on dissèque le cerveau, on remarque que ce dernier est principalement constitué d'une matière blanchâtre à laquelle on donne le nom de « substance blanche ». À la surface du cerveau, se trouve au contraire une fine pellicule de matière grisâtre : c'est le cortexcortex cérébral, ou substance grise.

    Anatomie du cerveau. © Vege, Fotolia
    Anatomie du cerveau. © Vege, Fotolia

    Cette différence de couleur provient du fait que le cortex contient principalement les corps cellulaires de neurones, alors que la substance blanche est constituée d'un agglomérat d'axones qui relie les différentes aires corticales les unes aux autres.

    Le cerveau est subdivisé en plusieurs parties, que l'on peut distinguer en se basant d'une part sur son développement et, d'autre part, sur son architecture. 

    Les hémisphères du cerveau

    Chez l'Homme, les deux hémisphères cérébraux sont particulièrement développés. Ils ressemblent à une étoffe chiffonnée, ramassée sur elle-même, d'où le fait qu'on aperçoive une succession de bosses et de creux : les gyri et les sulci.

    Les deux hémisphères cérébraux. © DR
    Les deux hémisphères cérébraux. © DR

    Les hémisphères cérébraux sont eux-mêmes subdivisés en cinq lobes cérébraux :

    • le lobe frontallobe frontal ;
    • le lobe pariétal ;
    • le lobe temporaltemporal ;
    • le lobe occipital ;
    • le lobe limbique.

    Pour se repérer, on définit un axe antérieur-postérieur qui va de la face vers l'arrière du cerveau. En dessous des hémisphères cérébraux, on distingue d'autres structures comme l'arrivée de la moelle épinièremoelle épinière et le cerveletcervelet.

    D'un point de vue évolutionniste, le pont et le bulbe rachidien font partie des structures les plus anciennes du cerveau. Ils sont responsables de fonctions majeures, indispensables à la survie, comme les battements cardiaques ou la respiration.

    Le pont et le bulbe rachidien (en orange sur ce schéma, entre le thalamus et la moelle épinière) font partie des structures les plus anciennes du cerveau. © DR
    Le pont et le bulbe rachidien (en orange sur ce schéma, entre le thalamus et la moelle épinière) font partie des structures les plus anciennes du cerveau. © DR

    Pour apercevoir le lobe limbique, ou cortex cingulaire, il faut couper le cerveau en deux, verticalement et par le milieu : une telle section est appelée « coupe sagittale médiane ». On découvre ainsi toute une architecture interne complexe.

    Une coupe du cerveau. © DR 
    Une coupe du cerveau. © DR 

    Sur une coupe sagittale médiane, on voit apparaître un certain nombre de structures importantes comme le thalamusthalamus et le corps calleux. Ces deux structures servent à relayer l'information. Le thalamus gère celle qui provient du corps alors que le corps calleux joue le rôle d'interface entre les deux hémisphères cérébraux.


    La cellule nerveuse (neurone)

    Le neurone est une cellule, au même titre qu'une cellule du foiefoie ou du cœur, mais sa fonction première est différente de ces deux dernières puisqu'elle sert principalement à propager de l'information sur de grandes distances.

    Le neurone, ou cellule nerveuse, a une fonction caractéristique, propager l'information sur de grandes distances. Il en découle une forme tout à fait particulière : le neurone possède un corps cellulaire entouré d'une ou de plusieurs ramifications qui peuvent atteindre une longueur allant parfois jusqu'à un bon mètre.

    Les neurones sont des cellules. © Adimas, Fotolia
    Les neurones sont des cellules. © Adimas, Fotolia

    Les neurones forment un réseau sophistiqué de connexions, qui permet de redistribuer l'information, en parallèle ou en série, dans différentes aires corticales. Les messages transitent selon deux formes différentes : électrique à l'intérieur du neurone, et, le plus souvent, chimique pour passer d'un neurone à l'autre.

    L'architecture du neurone

    Avant d'expliciter la fonction de la cellule nerveuse, il est utile de s'arrêter quelques instants sur sa forme caractéristique. Comme toutes les cellules, la cellule nerveuse possède un corps cellulaire, ou somasoma, mais, contrairement à elles, des ramifications s'étendent depuis ce corps cellulaire selon une structure arborescente.

    Axone et collatérales d'axone. Un peu à la manière d'un fil électrique, l'axone véhicule les messages nerveux à distance, dans le système nerveux. Le sens de la transmission de l'information nerveuse est indiqué par les flèches. © DR
    Axone et collatérales d'axone. Un peu à la manière d'un fil électrique, l'axone véhicule les messages nerveux à distance, dans le système nerveux. Le sens de la transmission de l'information nerveuse est indiqué par les flèches. © DR

    On distingue deux types de prolongements :

    • L'information provenant des neurones en amont est transmise par l'intermédiaire des dendritesdendrites, on parle alors de signaux d'entrée ou « inputs ». 
    • L'information quitte le neurone par l'intermédiaire de l'axone pour être transmise à un ou plusieurs neurones en aval, on parle dans ce cas de signaux de sortie ou « outputs ».

    Un neurone maintient un contact avec de nombreuses autres cellules nerveuses ; ces contacts sont appelés des « synapsessynapses ». En moyenne, on comptabilise 10 000 connexions pour une cellule nerveuse. Le signal qui se propage à l'intérieur des ramifications nerveuses est de nature électrique, mais, à la synapse, les messages qui doivent transiter d'un neurone à l'autre sont envoyés, le plus souvent, par l'intermédiaire d'un messager chimique.

    Ces substances, appelées « neurotransmetteursneurotransmetteurs », jouent un rôle très important pour notre santé : quand elles sont relâchées en trop grande quantité, il en découle de nombreux dysfonctionnements. Par exemple, l'abus de stupéfiant va modifier le fragile équilibre chimique à la synapse, en l'occurrence, le taux de neurotransmetteurs relâché avec ce processus est à la base de l'accoutumance.

    Schéma d'un neurone. © DR
    Schéma d'un neurone. © DR

    Un neurone reçoit un flot d'informations continu et il doit à tout instant juger de l'importance des messages avant de transmettre lui-même la synthèse des informations reçues plus loin. On dit que le neurone « intègre » l'ensemble des messages électriques reçus par l'intermédiaire de ses dendrites. Ce processus d'intégration est localisé dans le soma. Si l'information est jugée suffisamment conséquente, le neurone va en avertir ses voisins au moyen d'un potentiel d'actionpotentiel d'action, sinon, il restera silencieux et le flot de l'information s'arrêtera là.

    Les différents types de neurones

    • Distinction selon le nombre de neuritesneurites :
      • 1 neurite : neurone unipolaire ;
      • 2 neurites : neurone bipolaireneurone bipolaire ;
      • n neurites : neurone multipolaire.
    On distingue plusieurs classifications de neurones selon le nombre de neurites, leur forme anatomique, leur fonction et le type de neurotransmetteurs qu'ils sécrètent. © DR
    On distingue plusieurs classifications de neurones selon le nombre de neurites, leur forme anatomique, leur fonction et le type de neurotransmetteurs qu'ils sécrètent. © DR
    • Distinction anatomique (3 exemples) :
      • les cellules pyramidales se trouvent dans la matière grise, ou cortex cérébral ;
      • les neurones en étoiles se trouvent également dans le cortex cérébral ;
      • les cellules de Purkinjecellules de Purkinje sont des cellules aux ramifications très nombreuses et diffuses que l'on retrouve exclusivement dans le cervelet.
    • Distinction selon la fonction :
      • les neurones sensorielsneurones sensoriels sont directement reliés aux organes des sens et sont responsables de faire transiter l'information sensorielle (on dit aussi « information ascendante ») vers le cerveau ;
      • les motoneurones ou neurones moteursneurones moteurs se chargent de faire transiter les ordres provenant du cerveau (on dit également « information descendante ») en direction des muscles ;
      • les interneuronesinterneurones sont représentés par tous les neurones qui ne sont ni sensoriels ni moteurs mais qui font la jonction entre ces deux types de neurones.

    Les cellules de soutien

    L'architecture neuronale est soutenue par un agglomérat de cellules qualifiées de cellules glialescellules gliales ou cellules de soutien. En voici les principaux constituants :

    • les astrocytesastrocytes s'occupent de réguler la concentration de diverses substances contenues dans le milieu cellulaire. On pense également qu'ils ont un rôle important pour seconder les neurones dans le traitement de l'information ;
    • les cellules de Schwanncellules de Schwann et les oligodendrocytes sont des cellules particulières qui forment une gaine isolante, composée de myélinemyéline, qui s'enroule autour des fibres nerveusesfibres nerveuses. Cette espèceespèce d'isolationisolation biologique sert à optimiser la vitessevitesse de conduction de l'information le long de l'axone ;
    • la microgliemicroglie est un type de cellules qui s'occupe en quelque sorte de « faire le ménage », c'est-à-dire de libérer le milieu extracellulaire de tous les déchetsdéchets cellulaires environnants.
    Représentation d'un oligodendrocyte. Comme les cellules de Schwann au niveau des nerfs périphériques, les oligodendrocytes sont à l'origine de la gaine de myéline formée autour d'un très grand nombre d'axones du système nerveux central et de la moelle épinière. La gaine de myéline est interrompue à intervalles réguliers par les nœuds de Ranvier. © DR
    Représentation d'un oligodendrocyte. Comme les cellules de Schwann au niveau des nerfs périphériques, les oligodendrocytes sont à l'origine de la gaine de myéline formée autour d'un très grand nombre d'axones du système nerveux central et de la moelle épinière. La gaine de myéline est interrompue à intervalles réguliers par les nœuds de Ranvier. © DR

    Neurones excitateurs vs neurones inhibiteurs

    Lorsque deux neurones sont connectés l'un à l'autre, on les distingue selon le sens de transittransit de l'information : le neurone présynaptique, c'est-à-dire le neurone situé avant la synapse, transmet l'information au neurone postsynaptique, soit le neurone situé en aval de la synapse. Selon qu'il soit excitateur ou inhibiteur, le neurone présynaptique va imposer deux comportements opposés au neurone postsynaptique :

    • un neurone excitateur qui décharge va activer le neurone postsynaptique ; 
    • un neurone inhibiteur qui décharge va empêcher le neurone postsynaptique de décharger.
    Implication des microtubules dans le transport axoplasmique. Le matériel à transporter est incorporé dans la membrane de vésicules particulières qui vont migrer du soma vers la partie terminale des axones grâce à l'action d'une protéine, la kinésine, se déplaçant le long des microtubules par un processus dépendant de l'ATP. © DR
    Implication des microtubules dans le transport axoplasmique. Le matériel à transporter est incorporé dans la membrane de vésicules particulières qui vont migrer du soma vers la partie terminale des axones grâce à l'action d'une protéine, la kinésine, se déplaçant le long des microtubules par un processus dépendant de l'ATP. © DR

    Bref voyage au niveau moléculaire

    La structure, ou cytosquelettecytosquelette, du neurone est formée de longues moléculesmolécules relativement robustes, principalement de l'actineactine et des microtubules qui sont responsables de soutenir l'architecture de la cellule nerveuse.

    Les mitochondriesmitochondries représentent un type d'organelles importantes que l'on trouve principalement dans le soma de toutes les cellules. Elles jouent un rôle crucial puisqu'elles sont capables de puiser de l'énergieénergie dans l'oxygèneoxygène que nous inhalons et de la transformer en énergie vitale pour la survie du neurone.

    La présence de longues ramifications, appelées « neurites » lorsqu'on ne distingue pas l'axone des dendrites, implique que la cellule nerveuse doit pouvoir faire transiter différents facteurs du soma aux extrémités des neurites. Ce transit porteporte le nom de « transport axoplasmique » et joue un rôle fondamental, notamment pour l'axone qui ne peut pas synthétiser de protéinesprotéines et qui doit donc se faire envoyer ces dernières par le soma. Pour que la communication soit correctement établie, il faut que les messages puissent transiter dans les deux sens. On parle de « transport axoplasmique antérograde » lorsque les molécules transitent du soma aux extrémités et de « transport rétrograde » dans le sens contraire.

    Schéma d'une cellule nerveuse. © DR
    Schéma d'une cellule nerveuse. © DR

    La membrane cellulairemembrane cellulaire, dite aussi « membrane phospholipidique », sépare le milieu intracellulaire du milieu extracellulaire. Sa fonction de barrière imperméable joue un rôle critique pour le bon fonctionnement de la cellule nerveuse. Elle est formée d'une double couche phospholipidique. Ce sont des molécules dont une extrémité est polaire (groupe phosphategroupe phosphate qui attire l'eau) alors que l'autre extrémité est non polaire (repousse l'eau, comme l'huile par exemple).

    Imbriqués dans cette membrane, on trouve des canaux ioniquescanaux ioniques. Cet aiguillage de protéines forme une sorte de tunnel reliant l'intérieur et l'extérieur de la cellule. Une caractéristique fondamentale de ces canaux est qu'ils peuvent s'ouvrir et se refermer, pour ne laisser pénétrer ou s'échapper dans la cellule que certaines substances spécifiques. C'est la raison pour laquelle un neurone peut être perméable à certains ionsions et pas à d'autres.

    Structure du canal ionique membranaire. Les canaux ioniques sont constitués de protéines insérées dans la membrane qui s'assemblent entre elles pour former un pore. Dans cet exemple, le canal est constitué. © DR
    Structure du canal ionique membranaire. Les canaux ioniques sont constitués de protéines insérées dans la membrane qui s'assemblent entre elles pour former un pore. Dans cet exemple, le canal est constitué. © DR

    La cellule nerveuse en images

    • Astrocyte étoilé :
    Astrocyte en culture émettant de nombreux prolongements étoilés (en vert). La couleur bleue représente les noyaux des autres cellules présentes dans la culture. © Karin Pierre, Institut de Physiologie, UNIL, Lausanne, DR
    Astrocyte en culture émettant de nombreux prolongements étoilés (en vert). La couleur bleue représente les noyaux des autres cellules présentes dans la culture. © Karin Pierre, Institut de Physiologie, UNIL, Lausanne, DR
    • Astrocytes et neurones en culture :
    Culture mixte d'astrocytes (en vert) et de neurones (en rouge) issus de cortex de souris. En bleu, le noyau des cellules non marquées. © Karin Pierre, Institut de Physiologie, UNIL, Lausanne, DR
    Culture mixte d'astrocytes (en vert) et de neurones (en rouge) issus de cortex de souris. En bleu, le noyau des cellules non marquées. © Karin Pierre, Institut de Physiologie, UNIL, Lausanne, DR
    • Astrocytes et neurones en culture :
    Présence d'astrocytes (en vert) et de neurones (en rouge) dans une culture mixte de cortex de souris. © Karin Pierre, Institut de Physiologie, UNIL, Lausanne, DR
    Présence d'astrocytes (en vert) et de neurones (en rouge) dans une culture mixte de cortex de souris. © Karin Pierre, Institut de Physiologie, UNIL, Lausanne, DR
    • Astrocyte ayant une forme de bonhomme :
    Astrocytes (en rouge) dans une culture de cellules issues de cortex de souris. En bleu, les noyaux des cellules non marquées de la culture. © Karin Pierre, Institut de Physiologie, UNIL, Lausanne, DR
    Astrocytes (en rouge) dans une culture de cellules issues de cortex de souris. En bleu, les noyaux des cellules non marquées de la culture. © Karin Pierre, Institut de Physiologie, UNIL, Lausanne, DR
    • Double marquage d'un astrocyte :
    Double marquage immunocytochimique d'un astrocyte en culture. En vert-jaune, une protéine spécifique des astrocytes, la GFAP. En rouge, une protéine du métabolisme cellulaire, la lactate déshydrogénase. En bleu-violet, les noyaux des cellules. © Karin Pierre, Institut de Physiologie, UNIL, Lausanne, DR
    Double marquage immunocytochimique d'un astrocyte en culture. En vert-jaune, une protéine spécifique des astrocytes, la GFAP. En rouge, une protéine du métabolisme cellulaire, la lactate déshydrogénase. En bleu-violet, les noyaux des cellules. © Karin Pierre, Institut de Physiologie, UNIL, Lausanne, DR
    • Neurones et leurs synapses :
    Culture de neurones corticaux de souris doublement marqués pour une protéine de structure, le MAP2 (en rouge) et une protéine du métabolisme, un transporteur de monocarboxylates (en vert). L'aspect punctiforme de la réaction traduit un marquage de type synaptique. © Karin Pierre, Institut de Physiologie, UNIL, Lausanne, DR
    Culture de neurones corticaux de souris doublement marqués pour une protéine de structure, le MAP2 (en rouge) et une protéine du métabolisme, un transporteur de monocarboxylates (en vert). L'aspect punctiforme de la réaction traduit un marquage de type synaptique. © Karin Pierre, Institut de Physiologie, UNIL, Lausanne, DR
    • Double marquage de neurones corticaux :
    Culture de neurones corticaux de souris doublement marqués pour une protéine de structure, le MAP2 (en rouge) et une protéine du métabolisme, un transporteur de monocarboxylates (en vert). © Karin Pierre, Institut de Physiologie, UNIL, Lausanne, DR
    Culture de neurones corticaux de souris doublement marqués pour une protéine de structure, le MAP2 (en rouge) et une protéine du métabolisme, un transporteur de monocarboxylates (en vert). © Karin Pierre, Institut de Physiologie, UNIL, Lausanne, DR

    Note : les figures et légendes présentées ici sont tirées du livre Neurosciences, à la découverte du cerveau. Avec l'aimable autorisation des auteurs : M. F. Bear, B. W. Connors, et M. A. Paradiso.


    Taille du cerveau : comparaison femme-homme

    Une étude publiée dans Journal of Neuroscience démontre que le cerveau masculin contient davantage de liquideliquide céphalocéphalo-rachidien et de substance blanche que celui de la femme. La femme possède, au contraire, une quantité plus importante de substance grise, c'est-à-dire davantage de tissu neuronal et d'éléments de réceptionréception (dendrites). Quelles conséquences ?

    Le fait que les hommes demandent beaucoup moins souvent leur chemin que les femmes pourrait s'expliquer par certaines différences dans le cerveau. Telle est la conclusion d'une étude publiée dans Journal of Neuroscience dans laquelle le docteur Ruben Gur et ses collègues du Pennsylvania Medical Center démontrent que le cerveau masculin contient davantage de liquide céphalo-rachidien et de substance blanche que celui de la femme.

    Quelles sont les différences entre le cerveau des femmes et celui des hommes ? © FsHH, Pixabay, DP
    Quelles sont les différences entre le cerveau des femmes et celui des hommes ? © FsHH, Pixabay, DP

    Chez l'homme, la substance blanche est formée de prolongements, parfois très longs, de la cellule nerveuse (axones) qui facilitent les transferts d'information entre les différentes régions du cerveau, permettant ainsi à l'individu de se situer et de s'orienter dans l'espace. La femme possède, au contraire, une quantité plus importante de substance grise, c'est-à-dire davantage de tissu neuronal et d'éléments de réception (dendrites), ce qui lui confère de remarquables aptitudes combinatoires.

    La structure du cerveau. © DR
    La structure du cerveau. © DR

    Hommes-femmes : des méthodes différentes

    Grâce à ses compétences spatiales plus développées, l'homme a donc en lui comme une sorte de GPSGPS, dont il se sert pour assurer sa navigation, alors que la femme tire parti de ses compétences neuronales pour associer rapidement ce qu'elle voit, prendre des séries de repères et comprendre comment s'articulent les pièces du puzzle.

    On ne peut pas dire qu'une méthode soit forcément supérieure à l'autre, mais elles s'appuient, comme le souligne l'auteur de l'article, sur des façons très différentes d'appréhender une même situation. Ruben Gur et son épouse et collaboratrice Raquel ont utilisé les techniques de l'imagerie cérébrale pour étudier le cerveau de 40 femmes et de 40 hommes bien portants, âgés de 18 à 45 ans, et comparé ensuite les images avec les compétences linguistiques et spatiales de ces mêmes personnes.

    Leur recherche visait à résoudre l'énigme suivante. Dans tout le règne animal, la taille du cerveau va, on le sait, de pair avec le développement de l'intelligence, et il est classique d'établir la même corrélation chez l'Homme. Comment se fait-il, s'est donc demandé Ruben Gur, que les femmes, dont le cerveau est généralement plus petit que celui des hommes, obtiennent des résultats tout aussi bons qu'eux dans les tests d'intelligence ?

    Compétences spatiales et tests verbaux

    Les recherches, y compris les siennes, montrent aussi que les hommes réalisent de meilleurs scores dans les épreuves testant les compétences spatiales, alors que les femmes obtiennent de meilleurs résultats dans les tests verbaux. Selon l'auteur, ce phénomène s'expliquerait par le fait que l'on trouve dans les deux cerveaux une proportion différente de substance grise et de substance blanche.

    Les tâches spatiales, explique Ruben Gur, requièrent davantage de substance blanche que n'en possèdent la plupart des femmes, dont le crânecrâne est généralement trop petit pour contenir les quantités de cette substance qu'il faudrait pour réaliser de bons scores à ce genre de tests. Mais il dit aussi que les résultats sont d'autant meilleurs que le cerveau est grand, et que cela est valable pour les deux sexes.

    Le rapport est cependant plus étroit chez la femme, ce qui pourrait indiquer que celle-ci tire de chaque millilitre de tissu cérébral en plus un rendement plus grand que n'en sont capables les hommes. Dans l'étude qu'il a faite, Ruben Gur n'a pas trouvé chez l'homme cette même corrélation entre le niveau de performance et la taille du cerveau.


    Différences hormonales : le chromosome X

    Les différences anatomiques ne sont pas les seules qui existent entre le cerveau des hommes et celui des femmes. Les différences hormonales semblent, elles aussi, jouer un rôle. Selon des travaux effectués par le docteur Sally Shaywitz, et une équipe de l'université Yale, les œstrogènesœstrogènes ont tendance à améliorer les capacités de lecture du cerveau, ce qui pourrait être une explication au fait que les femmes sont généralement supérieures aux hommes dans les tests de langage. Zoom sur les différences hormonales et le chromosomechromosome X.

    On possède aujourd'hui un nombre considérable d'informations sur les différences concernant certaines caractéristiques du cerveau des mammifèresmammifères qui sont liées au sexe et qui, pour la plupart, sont dues à l'action d'hormones sexuelles produites par les gonadesgonades. Ces différences viennent de la présence d'un chromosome Y contenant le gène qui détermine le sexe et à partir duquel va se développer le testiculetesticule. C'est de là que tout découle.

    Quels rôles les chromosomes jouent-ils ? © Koya979, Fotolia
    Quels rôles les chromosomes jouent-ils ? © Koya979, Fotolia

    Les différences entre les phénotypesphénotypes mâle et femelle, y compris certains aspects de l'anatomie du cerveau, sont déterminées par la présence ou l'absence d'androgènesandrogènes produits par le testicule.

    Qu'est-ce que l'empreinte génomique ? © DR
    Qu'est-ce que l'empreinte génomique ? © DR

    Le fait que l'homme possède un chromosome Y et un seul chromosome X a pour corollaire que, chez la femme, qui possède deux chromosomes X, ce jeu supplémentaire de gènes X est compensé par l'inactivation, dans tous les tissus de l'organisme, de l'un des deux chromosomes X.

    Théoriquement, une femme qui perd un chromosome X (XO) ne devrait donc pas être différente d'une femme XX ayant un chromosome X inactivé. Comme le montre le syndrome de Turnersyndrome de Turner, elles sont, en réalité, très différentes l'une de l'autre, et cette différence est encore amplifiée selon que son chromosome X est d'origine maternelle ou paternelle. Les filles qui souffrent de ce syndrome sont de petite taille, ont un QI normal et présentent des retards de pubertépuberté dus à une insuffisance ovarienne.

    Voir aussi

    Les mystères du cerveau

    Il semblerait donc que certains gènes du chromosome X échappent au mécanisme chargé de les inactiver et que le fait qu'ils soient ou non exprimés dépende du parent dont ils proviennent. Cette expression des gènes selon l'origine parentale existe également pour d'autres chromosomes. C'est ce qu'on appelle l'empreinte génomique.

    Cellules gynogénétiques et androgénétiques

    Pour déterminer quels sont les gènes contrôlés par l'empreinte génomique qui ont ce mode d'expression et étudier leur effet sur le cerveau, les chercheurs ont construit des chimèreschimères embryonnaires de souris contenant soit des cellules androgénétiques normales, soit des cellules gynogénétiques normales. Les cellules gynogénétiques (Gg) et androgénétiques (Ag) ont le complément normal des chromosomes, mais issu de chromosomes exclusivement maternels (Gg) ou exclusivement paternels (Ag). Ces techniques permettent de se faire une idée précise de la façon dont les cellules gynogénétiques et androgénétiques se répartissent aux différents stades du développement cérébral.

    À la naissance, celles qui ont hérité le génomegénome du père fournissent une contribution tissulaire importante aux régions du cerveau commandant les fonctions instinctives et émotionnelles (par exemple, l'hypothalamushypothalamus et certaines parties du système limbiquesystème limbique), mais ne participent pas au développement du néocortexnéocortex et du striatum. Aux tout premiers stades du développement du cerveau de la souris (jours 9 et 10), on trouve des cellules androgénétiques dans tous les tissus neuraux. Au fur et à mesure de la gestationgestation, ces cellules ont une prolifération abondante dans les structures profondes du cerveau.

    À la naissance, en revanche, elles sont pratiquement absentes des zones centrales et antérieures de celui-ci. Inversement, les cellules gynogénétiques (c'est-à-dire les deux allèlesallèles d'origine maternelle) sont absentes des structures profondes du cerveau et confinées aux territoires cérébraux dont les cellules androgénétiques sont exclues, spécialement dans le néocortex et le striatum. Ce dosagedosage, où les gènes d'expression maternelle l'emportent sur ceux d'expression paternelle, se traduit, en outre, chez les chimères gynogénétiques, par un excès de croissance cérébrale, alors que les chimères androgénétiques ont, au contraire, un cerveau plus petit que les animaux normaux, et ce non seulement en termes absolus, mais également par rapport à leur poids corporel.

    Il est étonnant de voir les cellules gynogénétiques proliférer, à ce qu'il semble, au détriment des cellules normales et engendrer chez les chimères un télencéphale plus volumineux, qui semble toutefois être anatomiquement et fonctionnellement normal.

    Étonnant, parce qu'un grand nombre de gènes de ces cellules ont été inactivés (c'est-à-dire tous les gènes contrôlés par l'empreinte génomique qui sont d'expression paternelle) et que d'autres, qui sont d'expression maternelle, ont été dupliqués. Cela semblerait vouloir dire que les allèles d'expression maternelle sont très importants pour le développement du télencéphale et que ceux d'expression paternelle ne le sont pas. La répartition distincte des cellules gynogénétiques et androgénétiques dans les tissus et leur effet différencié sur le développement du cerveau sembleraient indiquer que l'empreinte génomique ait joué un rôle important dans l'évolution du cerveau antérieur. La comparaison de ces structures, au développement desquelles contribuent de façon différenciée les gènes sous contrôle génomique maternel et paternel, montre que l'évolution des mammifères s'est accompagnée d'un remodelage du cerveau.

    Au fur et à mesure que l'ordre des mammifères évoluait des spécimens insectivoresinsectivores vers les primatesprimates, c'est-à-dire les singes et l'Homme, le néocortex et le striatum ont pris beaucoup de volume par rapport au reste du cerveau et au corps, tandis que l'hypothalamus, ainsi que des régions plus profondes du cerveau, par exemple le système limbique, régressaient. L'empreinte génomique pourrait donc avoir concouru, sur une très longue échelle de temps, à une expansion rapide et non linéaire du cerveau (et spécialement du néocortex et du striatum) par rapport à la taille des individus.


    Gènes et œstrogènes

    « Nous pensons que les œstrogènes pourraient avoir un rapport avec la lecture, explique le docteur Sally Shaywitz, et l'observation selon laquelle les œstrogènes augmentent l'activité d'une région du cerveau dont dépend le stockage de l'information phonologique est une découverte qui conforte considérablement cette hypothèse. » La guerre des sexes aurait-elle pour nouveau théâtre le cerveau ? « Les hommes sont plus doués pour certaines choses, les femmes pour d'autres, dit le docteur Ruben Gur, et notre rôle est de comprendre pourquoi. » 

    Gènes, œstrogènes et cerveau : quel rapport ? Ici, un brin d'ADN. © Zffoto, Fotolia
    Gènes, œstrogènes et cerveau : quel rapport ? Ici, un brin d'ADN. © Zffoto, Fotolia

    Gènes d'expression paternelle

    Le fait de travailler sur des chimères androgénétiques pose un problème aux chercheurs qui étudient le cerveau et le comportement, car il est rare qu'elles vivent plus de vingt-quatre heures. Les travaux sur des gènes d'expression paternelle gouvernés par l'empreinte génomique (MestMest et Peg1) font apparaître une remarquable similitude d'expression avec les régions du cerveau où s'accumulent les cellules androgénétiques.

    Ces gènes soumis à l'empreinte génomique sont exprimés dans toutes les parties de l'hypothalamus, ainsi que dans certaines parties du système limbique. Ces gènes d'expression paternelle ont ceci de commun qu'ils influencent fortement le comportement maternel. Les souris chez lesquelles ces gènes ont été volontairement mutés sont indifférentes à leur progéniture, elles ne libèrent et ne nettoient qu'une petite partie des souriceaux en vue de l'allaitementallaitement. Ce qui est intéressant, c'est qu'il s'agit ici de gènes uniquement exprimés à travers la lignée paternelle, mais que cette expression a sur le cerveau de la femelle une action qui influence son instinct maternel. Pour intéressantes que soient ces découvertes, qui font apparaître sous un jour nouveau certains aspects de l'évolution du cerveau et du comportement humain, il convient toutefois de se garder d'une interprétation par trop simpliste.

    Le cerveau. © DR
    Le cerveau. © DR

    Les gènes sous contrôle de l'empreinte génomique sont, pour la plupart, des gènes de régulation qui modulent l'expression d'autres gènes. Ils font, autrement dit, partie du génome et ne fonctionnent pas isolément. Considérer la fonction des gènes en les isolant du génome serait aussi absurde que de vouloir comprendre le fonctionnement du cerveau à partir d'un seul neurone. Il est néanmoins intéressant de noter que le remodelage du cerveau qui s'est fait sous l'action de l'empreinte génomique et sous l'influence des différences de comportement mâle-femelle a amélioré l'efficacité des hormoneshormones sexuelles en faveur de leurs vertus socialisatrices.

    Les œstrogènes, des hormones sécrétées surtout par l'ovaire

    Une étude montre que l'on observe sur les scans cérébraux de femmes post-ménopausiques sous œstrogènes des signes distincts d'activité lorsqu'on demande à celles-ci de se rappeler des séries de mots ou de figures abstraites. Quand on compare leurs scans avec ceux des femmes recevant un placeboplacebo, on s'aperçoit que l'activité cérébrale est plus grande chez les femmes sous œstrogènes, avec une prédominance de l'hémisphère gauche lorsqu'elles mettent ces mots ou ces figures en mémoire et une prédominance de l'hémisphère droit lorsqu'elles les restituent.

    Cette étude montre que les œstrogènes modifient la façon dont l'information circule dans le cerveau, et Sally Shaywitz constate que les différences ressemblent à celles que l'on peut observer lorsqu'on compare des sujets jeunes à des sujets plus âgés. Voilà qui devrait encourager davantage encore les femmes qui envisagent un traitement de substitution hormonale et qui conduit aussi à s'interroger sur les effets que les œstrogènes, et peut-être aussi d'autres hormones sexuelles, pourraient exercer sur le cerveau dès l'âge de la puberté.

    Pour tenter de répondre à cette question, Sally Shaywitz mène une étude longitudinale chez des personnes se situant dans cette tranche d'âge. Cette recherche prolonge les travaux qu'elle, son mari, le docteur Bennet Shaywitz, et leur équipe de Yale, consacrent depuis plusieurs années à la dyslexiedyslexie. Ces travaux ont pour but d'étudier les circuits neuronaux sous-tendant la lecture et de permettre de comprendre les altérations de ces circuits aboutissant à la dyslexie. On sait aujourd'hui que le traitement du langage a pour préalable la capacité à décomposer les mots en phonèmesphonèmes, qui sont la plus petite unité du langage parlé. Lire, c'est segmenter le mot écrit en phonèmes le composant et que représentent les lettres. La dyslexie résulte d'une incapacité du cerveau à opérer cette segmentation. Sally Shaywitz fait observer que l'une des régions du cerveau dont l'activité était renforcée chez les femmes sous œstrogènes (le lobe pariétal inférieur) est la même que celle dont elle a démontré qu'elle intervenait dans le stockage de l'information phonologique.

    Notons pour finir que l'une des raisons d'étudier les différences homme-femme existant sur le plan cérébral est d'ouvrir aux chercheurs des pistes sur la façon de traiter des pathologiespathologies cérébrales bien déterminées, que l'on rencontre plus souvent chez l'un que chez l'autre, par exemple la schizophrénie, plus fréquente chez l'homme que chez la femme. « Nous devons apprendre à nous aider les uns les autres », dit le docteur Ruben Gur en guise de conclusion.


    Qu'est-ce que l'empreinte génomique ?

    Il a été suggéré que les mammifères avaient développé l'empreinte génomique pour que puissent s'exprimer les intérêts divergents que les gènes paternels et maternels ont par rapport à la progéniture.

    L'étude des fossilesfossiles semble indiquer que de nombreuses lignées de mammifères ont peu à peu acquis une capacité crânienne plus grande, mais il se pourrait que les différences entre la vie des mâles et celle des femelles aient soumis le cerveau à des modes de sélection différents, qui ont favorisé un remodelage sous contrôle de l'empreinte génomique.

    Qu'est-ce que l'empreinte génomique ? © Stevebex101, Pixabay
    Qu'est-ce que l'empreinte génomique ? © Stevebex101, Pixabay

    Empreinte génomique paternelle et empreinte génomique maternelle

    On dit de beaucoup de sociétés de primates qu'elles sont cimentées par les femelles, alors que les mâles sont plus indépendants du groupe. Ce sont les femelles qui donnent au groupe sa stabilité et sa cohésion ; plus attachées au groupe, ce sont elles qui, de génération en génération, assurent sa continuité. Elles sont le creuset de la société matrilinéaire, dont font partie les filles, mais pas les fils. Les mâles se détachent plus vite du groupe natal, sont sexuellement très actifs, ont des comportements agressifs et des liens hiérarchiques beaucoup plus ouverts.

    Voir aussi

    Le gène, de l'ADN aux protéines

    Aussi, l'évolution cérébrale peut-elle avoir été soumise à des modes de sélection différents, épousant les différences comportementales les plus aptes à permettre à l'un et l'autre sexe d'avoir son meilleur rendement reproductif. Des impératifs de sélection différents ont donc pu agir sur les gènes selon qu'ils étaient contrôlés par l'empreinte génomique paternelle ou maternelle, mais telle est la nature de l'empreinte génomique que les effets sont aussi bien transmis aux fils qu'aux filles et que les différences liées au sexe sont encore amplifiées par les hormones testiculaires et ovariennes.