Pour garder notre cerveau en pleine forme, il est important de bien le nourrir. Voyons ce que les sciences nutritionnelles peuvent nous dire à ce sujet.


au sommaire


    Rappelons quelques points essentiels avant de commencer cet article. Il n'existe pas une seule bonne façon de manger. La prise alimentaire n'est pas uniquement là pour maximiser notre santé. Elle répond à d'autres objectifs comme le plaisir, la convivialité, l'éthique, etc. Aussi, l'alimentation n'est pas une faiseuse de miracles. Ce n'est pas une raison pour ne pas la considérer, bien au contraire. Les sciences nutritionnelles, comme beaucoup d'autres, sont réductionnistes. C'est-à-dire, qu'elles tentent de cerner l'effet des nutriments (ce qui compose les aliments) sur notre organisme, certaines voies métaboliques par exemple. C'est dans cette optique que nous allons vous parler de l'importance de bien nourrir son cerveau. Le niveau de preuves de ce que nous allons énoncer est donc relativement faible pour être pris comme valide dans la réalité complexe. Ce que nous allons évoquer reposera surtout sur des raisonnements biochimiques et parfois quelques études épidémiologiques, qui tentent de sortir de ce cadre réductionniste, mais qui ont également leurs limites. Sans plus attendre, c'est l'heure de se nourrir le cerveau d'informations sur comment nourrir son cerveau.

    L'alimentation et...

    Une récente revue narrative de la littérature scientifique vient d'être publiée dans Nutrition Reviews par des chercheurs suédois, danois et néo-zélandais. Les scientifiques partent du constat que le lien entre l'alimentation et la santé mentale est de plus en plus admis dans la communauté scientifique. De même, dans le domaine de la psychiatrie, on s'intéresse davantage à la nutrition car elle pourrait permettre d'optimiser certains traitements. C'est de là que le concept de brain food ou « nourriture pour le cerveau » émane. Il concerne les aliments ou les nutriments qui pourraient potentiellement aider ou optimiser les performances de notre cerveau. Soyons prudents avec le terme performance. Vous n'allez pas subitement devenir un génie grâce à l'alimentation. Mais il existe des preuves, qu'il convient d'examiner avec rigueur, qui pourraient être utiles dans certains cas.

    Le lien entre l'alimentation et la santé mentale est de plus en plus admis dans la communauté scientifique. © Natalia Lisovskaya, Adobe Stock
    Le lien entre l'alimentation et la santé mentale est de plus en plus admis dans la communauté scientifique. © Natalia Lisovskaya, Adobe Stock
    • La santé générale du cerveau 

    L'alimentation occidentale, typiquement définie comme une alimentation à haute densité calorique et à faible densité nutritionnelle, riche en graisses saturées et en glucides raffinés, couplée à des comportements d'excès alimentaires, est un facteur de risque de certaines maladies. Ces pathologies ont à leur tour un effet sur la santé cérébrale. Des méta-analysesméta-analyses récentes confirment d'ailleurs cette relation entre qualité de l'alimentation et santé mentale.

    • Ses effets neuro-protecteurs

    Plusieurs méta-analyses suggèrent qu'une alimentation méditerranéenne réduit considérablement le risque d'accident vasculaire cérébralaccident vasculaire cérébral et d'altération cognitive. De même, en agissant sur l'axe intestin-cerveau notamment, elle pourrait avoir des propriétés contre la dépression. L'alimentation contre l'hypertensionhypertension permettrait aussi de lutter contre le vieillissement cérébral. Des études sur l'animal suggèrent qu'une restriction calorique affecte le cerveau de façon positive. Chez l'Homme, rares sont les études d'intervention sur le sujet mais certaines d'entre elles trouvent des effets positifs chez des populations très particulières (chez les femmes obèses par exemple). Pour en savoir plus à ce sujet, il faudrait faire une revue de la littérature afin de se prémunir contre le cherry picking ou « cueillette de cerisescerises ».

    Le régime cétogène donne de bons résultats sur la cognitioncognition animale. Concernant l'Homme, les résultats sont attendus, mais une telle alimentation est souvent contraignante et assez difficile à mettre en place, si bien que les bénéfices se devront d'être importants pour l'emporter sur les éventuels risques ou les contraintes psychologiques et sociales. L'alimentation saine nordique, par sa richesse en baies et fruits rouges, pourrait aussi avoir des effets positifs sur la cognition. Ces aliments - et non super-aliments comme on l'entend trop souvent, un terme qui n'a, scientifiquement, aucun sens - sont riches en antioxydantsantioxydants et en composés phénoliques, qui, dans le paradigme réductionniste des sciences nutritionnelles, ont un effet protecteur sur nos cellules cérébrales. L'alimentation d'Okinawa fait aussi partie des façons de manger qui préservent la bonne santé de nos neuronesneurones et réduit le risque de maladies neurodégénérativesmaladies neurodégénératives. En somme, pour garder son cerveau en bonne santé générale, il suffit de manger équilibré, varié et d'éviter les produits raffinés et ultra-transformés.

    Le régime alimentaire de la future mère est important pour le bon développement du cerveau de son enfant. © Kraken Images, Adobe Stock
    Le régime alimentaire de la future mère est important pour le bon développement du cerveau de son enfant. © Kraken Images, Adobe Stock
    • Le développement du cerveau 

    Durant les premières années de notre vie et même avant, notre cerveau se développe. Des cellules vont se différencier et, petit à petit, prendre position dans ce qu'on considère en sciences comme notre ordinateurordinateur biologique. L'alimentation de la mère est donc importante pour le développement du futur nouveau-né. Pour sa structure et ses fonctions cognitives, il n'est plus à démontrer que les lipideslipides ont une importance fondamentale. La consommation de la maman en acides grasacides gras poly-insaturés influence, par exemple, la prolifération de cellules au sein de l'hippocampehippocampe. De même, certaines graisses seraient très importantes pour accroître les capacités d'apprentissage, de mémoire et de signalisation optimale de notre cerveau.

    Certains micronutriments, tels que la vitamine B12, sont aussi impliqués dans les désordres cognitifs lorsqu'ils viennent à manquer. La vitamine D, qu'on appelle le « neurostéroïde négligé », est aussi importante pour le développement du cerveau, surtout afin de permettre une absorptionabsorption optimale du calciumcalcium, un acteur clé de la transmission synaptique. Le ferfer, le zinczinc et l'iodeiode sont également des éléments indispensables pour un développement cérébral optimal. Les femmes enceintes se voient souvent prescrire des ordonnances pour se munir de tels compléments alimentaires, parfois indispensables. 

    • La signalisation et la réception nerveuse

    Plusieurs maladies ou troubles chroniques sont le fait d'une mauvaise signalisation et/ou d'une mauvaise réceptionréception nerveuse. Non pas en tant que cause fondamentale, mais en cela qu'on le constate. C'est le cas de la dépression, des troubles du sommeiltroubles du sommeil et de la douleurdouleur.

    Concernant la dépression, un faisceau de preuves générales suggère plusieurs choses comme augmenter les portions de fruits et de légumes, de céréalescéréales complètes, d'oléagineuxoléagineux et de réduire l'apport en produits sucrés. Mais ces conseils émanent d'études randomiséesétudes randomisées. Difficile pour une personne dépressive de suivre ces conseils dans la vraie vie. C'est aussi pour cela qu'il faut relativiser et que le contrôle sur la prise alimentaire est loin d'être la réponse à tous les problèmes évoqués dans cet article. Mieux vaudrait aussi, selon certaines études d'observation, ne pas manquer d'oméga 3oméga 3, de vitamines du groupe B, de magnésiummagnésium et de certains antioxydants spécifiques dont certains sont présents dans le thé ou dans le raisinraisin.

    À propos des troubles du sommeil, des aliments riches en tryptophanetryptophane, un acide aminéacide aminé précurseur de la mélatonine, pourraient avoir une certaine utilité, de même que les vitamines du groupe B. Aussi, il faut veiller, si l'on est sensible, à ne pas boire trop de boissons contenant de la caféinecaféine. Pour ce qui est de la douleur, les preuves sont encore moins robustes que pour le reste des affections. Nous ne préférons donc pas en parler.

    Pour conclure 

    Il y a d'autres paramètres évoqués par les investigateurs comme la cognition et la mémoire, ou encore la formation et la dégradation des protéinesprotéines. La suite de la publication entre dans des considérations extrêmement réductionnistes que nous ne préférons pas aborder. Au final, les auteurs donnent une règle assez simple à retenir (et donc un peu fausse sur le plan scientifique, forcément) : « Ce qui est bon pour votre cœur est bon pour votre cerveau. » Contre les maladies cardiovasculairesmaladies cardiovasculaires, l'alimentation qui possède actuellement le meilleur niveau de preuves est le régime méditerranéen. C'est aussi l'alimentation la plus étudiée, ce qui peut constituer un biais dans le statut de « meilleure alimentation » qu'on lui confère souvent.