Cela ressemble à un remède de grand-mère contre la gueule de bois. Ce cocktail a pourtant été scientifiquement sélectionné par des chercheurs qui ont passé au crible des centaines de fruits et légumes, des épices, des produits laitiers ou des boissons pour tester leur efficacité dans la dégradation de l’éthanal.
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Mal de tête, nausées, fatigue, engourdissement, sueurs, tremblements... Ce sont les symptômes désagréables de la gueule de boisbois consécutive à l'abus d'alcoolalcool. Ces symptômes sont liés entre autres à la production d'acétaldéhyde, un composé toxique que le corps fabrique pour dégrader l'éthanal. Ce composé est d'abord produit par une enzyme, l'alcool déshydrogénase (ADH), puis transformé en acétate (inoffensif) par une autre enzymeenzyme nommée aldéhydealdéhyde déshydrogénase (ALDH). La gueule de bois apparaît lorsque la quantité d'acétaldéhyde dépasse les capacités de transformation de l'ALDH.
Gueule de bois : des recettes de grand-mère aux remèdes scientifiques
Sur InternetInternet, se dénombre une quantité de remèdes naturels censés faire passer plus vite le malaise, allant du thé au miel au jus de tomatetomate en passant par le bouillon de bœuf ou le chou fermenté. Rien de tout cela n'étant, bien sûr, validé scientifiquement. De nombreuses études se sont toutefois penchées sur cette question en essayant de trouver le composé miracle, capable d'augmenter la production de l'une ou l'autre des enzymes et d'accélérer ainsi l’élimination de l’alcool par le foie. Les polyphénols, qui se trouvent dans de nombreux fruits et légumes, semblent ainsi avoir une certaine efficacité. Un chercheur chinois a même publié en 2015 la recette d'une mixture nommée DTS20 à base d'herbes médicinales, permettant de faire chuter le taux d'alcool dans le sang et le stress oxydatifstress oxydatif.
La vitamine C, néfaste pour la métabolisation de l’alcool
Pour tenter d'y voir plus clair, une équipe de chercheurs indiens de l'institut chimique de technologie de Mumbai a passé au crible des dizaines d'aliments et de composés, allant de la papayepapaye à l'oignonoignon en passant par le fromage, le gingembre, le bléblé, l'acide ascorbiqueacide ascorbique, le café ou encre le safransafran. Ils ont ensuite mesuré in vitroin vitro l'activité de ces extraits sur les enzymes ADH et ALDH, ainsi que leur pouvoir antioxydantantioxydant. Certains aliments s'avèrent particulièrement efficaces : la poirepoire qui augmente l'ADH de 90,98 %, le citron doux (limette) qui booste l'ALDH de 33,47 %, ou encore le cheddar, le blanc d'œuf, le thé vertthé vert et l'eau de coco.
Plus étonnant, les chercheurs ont constaté que la vitamine Cvitamine C, pourtant ingrédient phare des remèdes anti-gueule de bois vendus en pharmacie, faisait chuter de 88 % l'activité des deux enzymes. Aucune corrélation entre le pouvoir anti-oxydant et l'action sur les enzymes n'a en revanche pu être établie, « ce qui suggère que l'effet anti-gueule de bois des antioxydantsantioxydants est largement surfait », avancent les auteurs dans leur étude parue sur Current Research in Food Science.
Un cocktail poire-citron doux-eau de coco
Forts de leur résultats, les chercheurs ont élaboré un cocktail incluant les aliments les plus prometteurs. Ils ont d'abord testé un cocktail de citron doux, poire et eau de coco, additionné de concombreconcombre et de tomate, mais ils se sont aperçus que leur boisson avait franchement mauvais goût. Exit donc les légumes, ainsi que la manguemangue et et la pastèquepastèque, très efficaces sur l'ADH mais pas sur l'ALDH, ce qui risquait donc d'aggraver les symptômes. Finalement, la formulation retenue comme la plus efficace est constituée de 65 % de poire, 25 % de citron doux et 10 % d'eau de coco. Cette boisson augmente l'ADH de 23 % et celle de l'ALDH de 70 %, et elle semble gustativement appréciable.
Évidemment, tous ces tests étant menés in vitro, on ignore leur véritable efficacité dans la vie réelle, d'autant plus que la vitessevitesse de métabolisation de l'alcool peut être affectée par bien d'autres facteurs (quantité d'eau contenue dans le corps, massemasse adipeuse, sexe, différences individuelles...)). À supposer que ce cocktail arrive vraiment à faire éliminer l'alcool plus rapidement, il n'en reste pas moins vrai que ce dernier produit de dégâts dans l'organisme à court et moyen terme en perturbant l'équilibre hydrique et minéralminéral et en endommageant le foie. Seul conseil possible : boire modérément. Cela vous épargnera une expérience pénible et l'élaboration d'un cocktail aux effets incertains.
La première boisson probiotique OGM est sur le marché
Article de Céline DeluzarcheCéline Deluzarche publié le 29/08/2019
La start-upstart-up ZBiotics vient de lancer une boisson contenant une bactériebactérie génétiquement modifiée pour dégrader l'éthanal, un composé dérivé de l'alcool. Censée lutter contre les symptômes de la gueule de bois, elle s'appuie cependant sur des preuves scientifiques très limitées et soulève de nouvelles questions sur la régulation des produits OGMOGM.
Après le maïsmaïs tolérant aux herbicidesherbicides, la pomme qui ne brunit pas, la papaye résistante aux virusvirus et le saumon transgénique qui grossit plus vite, un nouvel aliment OGM vient d'être lancé aux États-Unis : une boisson probiotiqueprobiotique dont les bactéries ont été génétiquement modifiées. Fabriquée par la startup californienne ZBiotics, elle est destinée à combattre la « gueule de bois » en dégradant l'éthanal, ou acétaldéhyde, un composé chimique dérivé de l'alcool.
La souche génétiquement modifiée est celle de Bacillus subtilisBacillus subtilis, qui se trouve dans de nombreux suppléments probiotiques et dans la préparation du nattō, un plat traditionnel japonais à base de sojasoja fermenté. La start-up a ajouté à la bactérie un gènegène codant pour l'aldéhyde déshydrogénase, une enzyme qui dégrade l'éthanal en acide carboxyliqueacide carboxylique. Cette enzyme est naturellement produite par le foie, mais la boisson pourrait permettre d'accélérer la dégradation de l'éthanal, responsable des symptômes de la gueule de bois (maux de tête, nausées, sueurs, tremblements...). Le foie possède en effet des capacités limitées d’élimination : environ 35 ml d'alcool éthylique pur en une heure (l'équivalent d'une bière, un verre de vin ou 50 ml de vodka).
ZBiotics n'a pas eu recours à la technique CRISPRCRISPR, aujourd'hui très appréciée des scientifiques, mais à une ancienne méthode appelée recombinaisonrecombinaison homologue, où des séquences de nucléotidesnucléotides sont échangées entre moléculesmolécules d'ADNADN identiques grâce à une protéineprotéine recombinase. Fondée en 2016, la start-up travaille depuis sa naissance sur Bacillus subtilis avec l'idée de créer une boisson probiotique. Mais aucun de ses projets n'avait jusqu'ici retenu l'attention des investisseurs. « Un remède contre l'alcool, en revanche, ça excite l'imagination du public et attire l'attention sur cette technologie », rapporte Zack Abbott, le fondateur de la start-up, dans un entretien au site Chemical & Engineering News.
“Un remède contre l’alcool, ça excite l’imagination du public et l’intérêt des investisseurs”
Des effets qui restent à prouver in vivo
D'après un essai mené chez des rats et publié en août sur la plateforme bioRxiv, la bactérie génétiquement modifiée n'entraîne aucun effet indésirable après 90 jours d'ingestioningestion. En revanche, si elle s'avère bien capable de dégrader l'éthane en laboratoire, aucune étude n'a encore été menée in vivoin vivo pour montrer son efficacité dans le traitement des symptômes de la prise d'alcool. « Nous avons mené des tests en interne en aveugle contre un placeboplacebo », assure cependant Zack Abbott, qui parle d'une expérience « éprouvante mais divertissante » (on imagine en effet les soirées bien arrosées qu'a nécessité ce test).
D'après la start-up, qui se garde bien d'allégations santé sur son site pour ne pas tomber sous le coup du régulateur des médicaments -- son produit est vendu en tant que « boisson fonctionnelle » --, la boisson probiotique est à prendre avant la consommation d'alcool. « Si vous l'utilisez le lendemain, c'est déjà trop tard », précise Zack Abbott, qui affirme avoir déjà distribué 10.000 échantillons et reçu 94 % de retours positifs. « Ce qui n'est pas une donnée scientifique », tempère toutefois John Oliver, le responsable Recherche et Développement, qui explique qu'une étude de grande ampleur serait trop coûteuse à mener. Comme beaucoup d'autres compléments alimentaires, il faut donc se contenter des promesses du flacon, vendu 36 dollars (32,5 euros) les trois bouteilles de 15 ml.
Réconcilier les consommateurs avec les OGM, vraiment ?
Outre le fait qu'une telle boisson peut être perçue comme un encouragement implicite à la consommation d'alcool, cela pose la question de la régulation des OGM, les aliments génétiquement modifiés étant normalement soumis à une autorisation de la FDA (Food and Drug AdministrationFood and Drug Administration) pour leur mise sur le marché. D'autres start-up qui commercialisent des probiotiques pourraient d'ailleurs profiter du filonfilon pour boosterbooster leurs produits.
“Une telle boisson peut être perçue comme un encouragement implicite à la consommation d’alcool”
Contrairement à la France, où les consommateurs sont très méfiants vis-à-vis des OGM, Zack Abbott espère qu'aux États-Unis sa boisson va convaincre les consommateurs de ses bienfaits pour la santé. « Jusqu'à présent, la majorité des aliments OGM sont conçus pour être tolérants aux herbicides ou aux insectesinsectes, ce qui est bénéfique pour les producteurs mais n'apporte aucun avantage au consommateur, explique Zack Abbott. Lorsque quelqu'un va essayer notre produit et se sentir mieux le lendemain, cela lui fera une expérience positive vis-à-vis de la modification génétiquegénétique ».
Pas sûr qu'un produit aussi sujet à controverse contribue à réconcilier les consommateurs avec les OGM, alors que de nombreuses études sur des légumes enrichis en protéines ou du soja au profil nutritionnel amélioré, bien plus utiles à la société, ont été stoppées en raison d'une trop forte opposition.