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    Il faudra donc arriver à produire tôt ou tard sans glyphosateglyphosate. Mais on doit aussi continuer à produire intensément. Rappelons qu'il faudrait encore augmenter de 70 % la production agricole mondiale d'ici à 2050, si on veut éviter une crise alimentaire mondiale, comme je l'ai détaillé dans un dossier précédent.

    Alors même que les effets du réchauffement climatiqueréchauffement climatique vont être particulièrement délétères chez les agriculteurs. En particulier ceux des pays tropicaux, mais aussi ceux des pays tempérés, comme je l'ai exposé précédemment. On ne pourra pas se contenter des relativement faibles rendements de l'agriculture biologiqueagriculture biologique, puisque ce serait désastreux d'augmenter fortement les surfaces cultivées dans le monde, inévitablement au détriment des forêts.

    Arracher les adventices en gratouillant le sol avec une « houe rotative » est beaucoup moins nocif que de le labourer. © Barnafe, Pixabay
    Arracher les adventices en gratouillant le sol avec une « houe rotative » est beaucoup moins nocif que de le labourer. © Barnafe, Pixabay

    Mettre en place un ensemble de solutions pour produire sans glyphosate

    Avec les interdictions à venir, il faut impérativement inventer et mettre en place un ensemble de solutions complémentaires (s'il y en avait une seule, ça se saurait). Tentons de citer quelques batailles que l'on peut inventer envers les adventicesadventices, dans le cadre d'une agriculture écologiquement intensive.

    Les dérouter, en allongeant les rotations, et en faisant se succéder des plantes à cycle de vie différent (céréalescéréales d'hiverhiver et de printemps, légumineuseslégumineuses, etc.). En particulier des plantes qui se récoltent avant la montée des graines des adventices, ou des plantes qui se développent précocement et étouffent les adventices. On peut également décaler les semis.

    Les étouffer, en couvrant le sol en permanence pour ne pas leur laisser la possibilité d'accéder aux ressources (eau, soleil, etc.) : via des plantes de couverture, des cultures dérobées, des faux semisfaux semis, etc. On choisira de préférence des plantes gélives (qui ne résistent pas au gelgel), mais avec le réchauffement climatique, on n'est jamais assuré qu'il y ait un vrai gel partout. L'idée est d'utiliser des plantes dites « de service » (qui nous rendent des services, ici d'herbicideherbicide) : sélectionner par exemple celles qui poussent plus vite que les autres, recouvrent le sol avec un feuillage large pour faire de l'ombre aux autres, et ont le bon goût de geler l'hiver. 

    Cultiver autrement. © Bruno Parmentier, tous droits réservés 
    Cultiver autrement. © Bruno Parmentier, tous droits réservés 

    • Les recouvrir avec du mulch, du boisbois raméal fragmenté, ou du paillage, végétal (écorces de pin, de peuplier, coques de cacaocacao, linlin, chanvre, etc.) ou minéralminéral (pouzzolanepouzzolane, schiste, ardoiseardoise, tuilestuiles concassées, etc.), ou encore bâches plastiquesplastiques (recyclables !). Cela permet également de limiter les chocs thermiques, de maintenir l'humidité du sol, de l'enrichir en matière organique, d'éloigner certains insectesinsectes prédateurs et au contraire de favoriser la microfaune, de ne pas abîmer les arbresarbres lors du passage de machines, etc. Cela peut être valable en particulier en horticulture et en arboriculture, mais on ne voit pas très bien l'application de ce type de technique pour les céréales.

    Arbres fruitiers paillés et protégés. © Wisemandarine, Flickr – Paillis minéral : graviers, galets, ardoise, pouzzolane, briques et bien d'autres. © hcast, Adobe Stock – Salades sur paille au potager. © zlikovec, Adobe Stock – Fraisiers sur paillis plastique. © BN100 <em>Wikimedia commons</em>, DP
    Arbres fruitiers paillés et protégés. © Wisemandarine, Flickr – Paillis minéral : graviers, galets, ardoise, pouzzolane, briques et bien d'autres. © hcast, Adobe Stock – Salades sur paille au potager. © zlikovec, Adobe Stock – Fraisiers sur paillis plastique. © BN100 Wikimedia commons, DP

    Les empoisonner autrement, avec des insecticidesinsecticides qui sont encore autorisés (mais pour combien de temps ?), comme le prosulfocarbe, le S-métolachlore, le pendiméthaline, l'acide pélargonique le 2.4D ou le Dicamba. Ou, mieux, via des produits naturels utilisés par les agriculteurs, par exemple à base de géraniumgéranium, vinaigre blanc, divers acides grasacides gras, huiles de pin. Ou les nouveaux bio-produits d'imitation de la nature qui vont arriver rapidement, sur la base de l'allélopathie (mécanismes inhibiteurs de proximité inspirés de certaines plantes, qui ont historiquement pu résister à la concurrence en produisant des molécules toxiques contre les adventices). Cette bio-inspirationbio-inspiration garantit que les molécules sont métabolisables dans la biosphèrebiosphère et qu'elles peuvent donc avoir une fin ultime.

    • Les empoisonner sélectivement, en installant des caméras en avant de chaque buse des étendeurs, couplées à une intelligence artificielleintelligence artificielle qui peut (maintenant) reconnaître 80 000 plantes et faire la différence entre les cultures désirées et les adventices. On peut diminuer ainsi des 2/3 la quantité d'herbicide en ne l'appliquant que sur les seules adventices, sans polluer inutilement le sol. On passe ainsi d'un seul coup de la gestion « au champ » à la gestion « à la plante » ! La société Kuhn va commercialiser cet équipement dès le début de l'année 2024.

    Un concept de pulvérisation localisée intelligente. © Kuhn, tous droits réservés
    Un concept de pulvérisation localisée intelligente. © Kuhn, tous droits réservés
    L’intelligence artificielle embarquée du futur ISpray de Kuhn devrait permettre de diminuer des deux tiers les quantités épandues, et donc la pollution associée. © Kuhn, tous droits réservés 
    L’intelligence artificielle embarquée du futur ISpray de Kuhn devrait permettre de diminuer des deux tiers les quantités épandues, et donc la pollution associée. © Kuhn, tous droits réservés 

    • Les brûler ou les ébouillanter sélectivement (une solution coûteuse en énergieénergie). Des techniques de destruction électrique, voire au laserlaser, arrivent également sur le marché, 14 éventuellement couplées à des drones. Mais, compte tenu de leur coût, elles seront probablement réservées à des cultures à très forte valeur ajoutée.

    • Les solariser. En horticulture sous serre, et parfois en plein champ, on utilise également la technique de solarisation. Entre les cultures, on aplanit et humidifie le sol, puis on étend une bâche plastique transparente, et on laisse le soleil élever la température à 40 ou 50° pendant six à huit semaines, ce qui brûle les adventices restantes.

    • Les faire manger sélectivement par certains animaux : citons par exemple les canards (qui n'aiment pas le riz) lâchés dans les rizières ; ils les désherbent impeccablement, éliminent également certains insectes prédateurs, et on peut les coupler avec des carpescarpes, qui, elles, se nourriront de leurs excréments ! Cette pratique issue d'Asie s'est récemment développée dans les rizières de Camargue.

    Lâcher des canards qui n’aiment pas le riz dans une rizière, une solution géniale pour éliminer les mauvaises herbes sans se faire mal au dos ! Et en plus, ils fertilisent… © Kogera, Adobe stock 
    Lâcher des canards qui n’aiment pas le riz dans une rizière, une solution géniale pour éliminer les mauvaises herbes sans se faire mal au dos ! Et en plus, ils fertilisent… © Kogera, Adobe stock 

    • Les enfouir durablement (jusqu'à ce que mort s'ensuive). Des expérimentations sont actuellement menées sur l'introduction de plages de cinq années de prairies dans les zones céréalières, après labourlabour. Des éleveurs de ruminants itinérants louent ces terres, qui dans cette période se fertilisent et se débarrassent des graines d'adventices, les rendant ensuite prêtes à une agriculture sans labour.

    • Les arracher sélectivement, à la main, par binagebinage ponctuel ou via des nouveaux outils qui se développent beaucoup actuellement comme la herse étrille ou la houe rotative, avec des tracteurs guidés par GPS, à la fois pour le semis et pour le désherbage. On est là dans une extrême précision, pour arriver à faire un choix rigoureux de ce qu'on arrache, et ne pas faire prendre de risques sur la culture elle-même.

    Herse à étrilles. © Einboeack Officiel, <em>Wikimedia commons,</em> CC 4.0
    Herse à étrilles. © Einboeack Officiel, Wikimedia commons, CC 4.0

    • Les faire arracher par des robotsrobots. Cette ultra-précision prend beaucoup de temps, car il est hors de question d'avancer à toute vitessevitesse dans les champs, et qu'il faut passer plusieurs fois à quelques semaines d'intervalle, pour ne pas laisser les adventices acquérir une taille qui compliquerait la reconnaissance et l'arrachage.

    Le Vitirover, un robot désherbeur, autonome. Il tond tout ce qui pousse autour des ceps, jusqu'à deux centimètres du pied de vigne et sans sortir de la parcelle dont les contours sont définis par un positionnement au GPS. © Vitirover
    Le Vitirover, un robot désherbeur, autonome. Il tond tout ce qui pousse autour des ceps, jusqu'à deux centimètres du pied de vigne et sans sortir de la parcelle dont les contours sont définis par un positionnement au GPS. © Vitirover

    Or, le temps des agriculteurs est précieux. Ceci amène évidemment au développement rapide de robots autonomes, qui commencent à arriver ; gageons qu'on en verra de plus en plus souvent dans nos champs, nos serres et nos vignes, car ce secteur est en plein développement. Et le plus souvent ils seront vraiment autonomes à énergie solaire.

    Les robots agricoles, des alliés de plus en plus fonctionnels. © Naïo Technologies
    Les robots agricoles, des alliés de plus en plus fonctionnels. © Naïo Technologies