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    On voit bien que la mise en œuvre combinée de ces solutions réclame un raisonnement anticipateur et complexe, et peut être vue comme « un investissement » patient, nécessitant de savoir gérer les risques. Mais avec un réel espoir de devenir de plus en plus efficace avec le temps. On va procéder par tâtonnements, car ce qui a marché une année n'est absolument pas assuré de marcher l'année suivante si les conditions météorologiques, hydrologiques ou sanitaires ont changé.

    De plus, ce qui est valable dans un terrain plat ne l'est pas sur des parcelles non mécanisables, par exemple sur des sols très caillouteux, un terrain accidenté ou des terrassesterrasses. Ce qui est fréquemment le cas pour les vignes ou l'arboriculture, qu'on a souvent implanté justement là où on avait du mal à faire des céréalescéréales.

    Les moyens écologiques pour se débarrasser des mauvaises herbes. © stopabox, Adobe Stock
    Les moyens écologiques pour se débarrasser des mauvaises herbes. © stopabox, Adobe Stock

    Et tout ceci a un coût tout à fait réel : on parle bien de centaines de millions d'euros annuels, voire en milliards. Qui va payer ? Le gouvernement commence à comprendre que ça risque d'être lui, en imaginant des indemnités ou des soutiens du type « crédit d'impôtcrédit d'impôt temporaire », pour ceux qui se passent de désherbage chimique. Mais il hésite en réalisant l'ampleur du coût et sachant que cela risque de durer des années avant que l'on trouve des solutions économiques, fiables et satisfaisantes pour toutes les cultures et tous les terrains.

    Évidemment les agriculteurs, eux, ont très peur que ces aides de l'État ne représentent qu'une faible part des coûts qu'ils auront à supporter.

    Van Gogh aimait peindre des coquelicots dans les champs… De son temps, on était content quand on récoltait deux tonnes de blé à l’hectare. Maintenant, on en récolte huit, mais il y a moins de coquelicots, en particulier « grâce » au glyphosate ; c’est effectivement moins poétique ! © Sotheby's New York, <em>Wikimedia commons</em>, DP
    Van Gogh aimait peindre des coquelicots dans les champs… De son temps, on était content quand on récoltait deux tonnes de blé à l’hectare. Maintenant, on en récolte huit, mais il y a moins de coquelicots, en particulier « grâce » au glyphosate ; c’est effectivement moins poétique ! © Sotheby's New York, Wikimedia commons, DP

    À terme, il faudra bien que les consommateurs financent les exigences des citoyens.

    Car il est difficile d'imaginer qu'une augmentation forte et permanente des coûts de production ne finisse pas un jour par provoquer une augmentation du prix des produits alimentaires. On voit par exemple que les produits bios, qui coûtent plus cher à produire, sont vendus aux consommateurs à des prix nettement plus élevés.

    Sauf à abandonner purement et simplement l'agriculture dans les pays européens très sensibles aux problèmes environnementaux, au profit de l'importation de produits issus de pays nettement moins regardants.

    L'option de la carte « joker » : la possibilité de changement

    En fait, l'erreur est peut-être dans l'idée très idéologique du tout ou rien (autorisation ou interdiction). On pourrait tenter l'option du joker : on interdit le glyphosateglyphosate, mais on donne en même temps cinq jokers à chaque agriculteur. L'interdiction l'incite à faire de vraies expérimentations de solutions alternatives, mais il reste sécurisé par le fait qu'il lui reste encore cinq possibilités d'utilisation de ce produit en secours, les années où ce qu'il a essayé n'a pas bien marché...

    On passe vraiment à une agricultureagriculture de plus en complexe, mais passionnante ! Car justement elle devient techniquement faisable, puisqu'on va disposer dorénavant, grâce à l'électronique et l'intelligence artificielleintelligence artificielle, d'outils d'analyse et d'action beaucoup plus précis, pour gérer les champs plante à plante. Et qu'on pourra passer réellement des alliances avec ce monde de l'infiniment petit (bactériesbactéries, champignons et autres) qui pullule dans nos champs, plutôt que de lui faire la guerre (avec tellement de « dommages collatéraux » !).