Comment sont nés les trous noirs supermassifs, dont certains sont à l'origine des quasars, tapis au centre des galaxies ? Ils se seraient formés à partir d'étoiles géantes qui se seraient ensuite effondrées en trous noirs géants, germes des trous noirs supermassifs.


au sommaire


    Nouveau retour de balancier pour la théorie de l'origine des trous noirs supermassifs contenant de plusieurs millions à plusieurs milliards de masses solaires en cosmologie, suite à une publication dans le célèbre journal Nature. L'article provient d'une équipe d'astrophysiciensastrophysiciens menée par Danile Whalen de l'Université de Portsmouth (UK) et il fait intervenir des simulations numériquessimulations numériques basées sur le nouveau paradigme dominant de la croissance des galaxies, celui des filaments de matière noirematière noire froide. L’astrophysicien et cosmologiste français Romain Teyssier, l’un des acteurs de cette révolution, nous en avait parlé dans un précédent article de Futura.

    Rappelons que les trous noirs supermassifs, comme ceux qu'imagent directement les membres de la collaboration Event Horizon Telescope, à savoir Sgr A* et M87*, se sont d'abord révélés à la noosphère sous la forme de quasars distants de plusieurs milliards d'années-lumièreannées-lumière. Ces objets ressemblent à des étoilesétoiles dans des télescopestélescopes en première approximation, mais en zoomant on se rend compte qu'il s'agit de noyaux actifs de galaxiesnoyaux actifs de galaxies qui sont de fabuleuses sources de rayonnement. Seuls des trous noirs supermassifs de Kerr en rotation et accrétant d'importantes quantités de matière peuvent libérer assez d'énergieénergie pour rendre compte de la luminositéluminosité prodigieuse des quasars.


    Il y a plus de 10 ans, en utilisant des instruments de l'ESO, des astrophysiciens découvraient un quasar ancien dont le trou noir contenait déjà deux milliards de masses solaires. Ce quasar, appelé ULAS J1120+0641, est observé tel qu’il était seulement 770 millions d’années après le Big Bang. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © European Southern Observatory (ESO)

    Plusieurs scénarios pour des germes de trous noirs géants

    Toutefois, on a rapidement eu du mal à comprendre l'origine des trous noirs supermassifs. Au fur et à mesure que l'on découvrait qu'il en existait dans un passé de plus en plus reculé en les observant à des distances de plus en plus grandes de la Voie lactéeVoie lactée, la perplexité des astrophysiciens a augmenté, car il est devenu clair que certains étaient déjà très massifs moins de deux milliards d'années après le Big BangBig Bang. Or, pendant des décennies, les modèles de croissance des galaxies et aussi des trous noirs géants qu'elles hébergent - on constate une relation de proportionnalité quasiment valable pour toutes les tailles de galaxies entre leurs masses et celles des trous noirs supermassifs logés en leur cœur - avaient beaucoup de mal à rendre compte d'une croissance rapide très précoce des trous noirs et des galaxies. Des processus de fusionfusion ou d'accrétionaccrétion de nuagenuage de matière devaient prendre trop de temps et certains en tiraient même la conclusion que le cosmoscosmos observable devait être plus âgé qu'on ne le pensait, au point de remettre en cause la théorie du Big Bang.

    En ce qui concerne l'origine elle-même des trous noirs supermassifs, plusieurs hypothèses ont été avancées dont celles faisant intervenir des germesgermes initiaux en quelque sorte. Il existe ainsi une théorie qui prédit la formation de trous noirs primordiaux de toutes tailles à partir de fluctuations de densité au cours des premières secondes du Big Bang. Certains des trous noirs produits (cela dépend des conditions initiales inconnues du Big Bang) sont aussi petits qu'une montagne, mais d'autres peuvent déjà contenir des dizaines, voire des centaines de milliers de masses solaires.

    On a tenté aussi de faire intervenir l'effondrementeffondrement de nuages de matière après le Big Bang qui aurait donné naissance à des étoiles supermassives dans des conditions exotiquesexotiques que l'on ne retrouve plus dans les galaxies plus jeunes, où les étoiles ne dépassent guère les 150 masses solaires. On sait que ces étoiles supermassives sont très instables et devraient donc s'effondrer gravitationnellement en donnant des trous noirs de plusieurs milliers à plusieurs dizaines de milliers de masses solaires.

    Futura a consacré plusieurs articles à ces hypothèses au cours des précédentes années, comme on peut s'en convaincre avec les articles ci-dessous.


    Françoise Combes, astrophysicienne et professeure au Collège de France, explique les dernières découvertes au sujet des quasars. © Espace des sciences

    Des simulations nouvelles avec le paradigme des filaments de matière froide

    Toutefois, les simulations numériques conduites dans le cadre du Modèle standardModèle standard cosmologique avec de la matière noire n'avaient montré jusqu'à présent que s'il était bien possible de former des étoiles supermassives contenant de 10.000 à 100.000 masses solaires quelques centaines de millions d'années après le Big Bang, il fallait des environnements qui ne ressemblaient pas à ceux que l'on prédisait aussi dans le cadre de ce modèle. Il fallait d'intenses sources de rayonnement ultravioletultraviolet initiales ou encore des écoulements de flots de gazgaz à des vitessesvitesses supersoniques avec la matière baryonique ordinaire en interaction avec la matière noire, alors que l'on supposait plutôt que la matière était dominée par des mouvementsmouvements turbulents.

    Mais, tout vient de changer, comme l'explique Whalen dans un communiqué de l'université de Portsmouth : « Nos modèles numériquesmodèles numériques sur superordinateursuperordinateur, en remontant à des temps très anciens, ont révélé que les mêmes filaments de gaz froids et denses, capables de former un trou noir en le faisant croître d'un milliard de masses solaires en quelques centaines de millions d'années seulement, créaient leurs propres étoiles supermassives sans avoir besoin d'environnements inhabituels. Les courants froids y provoquent des turbulencesturbulences dans un nuage de matière qui empêchent la formation d'étoiles normales jusqu'à ce que le nuage devienne si massif qu'il s'effondre de manière catastrophique sous son propre poids, formant deux gigantesques étoiles primordiales - l'une de 30.000 masses solaires et l'autre de 40.000. Par conséquent, les nuages ​​primordiaux capables de former un quasar juste après l'aubeaube cosmique - lorsque les premières étoiles de l'UniversUnivers se sont formées - ont également créé leurs propres graines de trous noirs supermassifs. Ce résultat simple et beau explique non seulement l'origine des premiers quasars mais aussi leur démographie - leur nombre aux premiersnombre aux premiers temps. Les premiers trous noirs supermassifs étaient donc simplement une conséquence naturelle de la formation de structures dans les cosmologies de matière noire froide - les enfants de la toile cosmique. »

    Un extrait de la simulation montrant la naissance d'étoiles supermassives. Les zones les plus denses dans un nuage de gaz froid sont en rouge. © 2022 University of Portsmouth
    Un extrait de la simulation montrant la naissance d'étoiles supermassives. Les zones les plus denses dans un nuage de gaz froid sont en rouge. © 2022 University of Portsmouth

    La fin de l'énigme de l'origine des trous noirs supermassifs avec la découverte du plus lointain quasar connu ?

    Article de Laurent SaccoLaurent Sacco publié le 15/01/2021

    Comment sont nés les trous noirs supermassifs, dont certains sont à l'origine des quasars, tapis au centre des galaxies ? Ils ne se seraient formés à partir d'étoiles géantesétoiles géantes qui se seraient ensuite effondrées en trous noirs géants, germes des trous noirs supermassifs. C'est ce que suggère maintenant la découverte du plus lointain quasar connu à ce jour qui accrédite une autre hypothèse.

    Il y a presque 50 ans, les astrophysiciens ont commencé à soupçonner qu'au cœur des grandes galaxies on trouverait des trous noirs supermassifs. La montée en puissance des moyens d'observation à toutes les longueurs d'ondelongueurs d'onde depuis plus d'une décennie a confirmé cette intuition. Nous pensons aussi que derrière les prodigieux quasars, ces noyaux actifs de galaxies si brillants qu'on peut les voir à des milliards d'années-lumière de distance, se trouvent également ces mêmes astresastres compacts accrétant voracement de la matière dont on pense savoir maintenant qu'elle provient de courants de matière baryonique froids, canalisés par des filaments de matière noire.

    Mais une énigme en a découlé. Ces trous noirs contiennent de plusieurs millions à plusieurs milliards de masses solaires, de sorte qu'ils ne peuvent résulter de l'effondrement d'étoiles ordinaires dont toutes les observations montrent qu'elles ne dépassent que rarement les 100 masses solaires.

    Plusieurs mécanismes ont été proposés depuis environ un demi-siècle pour produire des germes de trous noirs supermassifs, germes dont les tailles vont croître avec les apports des courants froids et les collisions galactiques conduisant à la fusion des trous noirs géants que les grandes galaxies contiennent.


    Toutes les galaxies abritent en leur centre un trou noir supermassif, de masse comprise entre un million et quelques milliards de masses solaires, explique dans cette conférence Françoise Combes, astronome à l'Observatoire de Paris au Laboratoire d'étude du rayonnement et de la matière en astrophysique (LERMA). Son domaine actuel de recherche concerne la formation et l’évolution des galaxies. © École normale supérieure, PSL

    Trous noirs primordiaux, amas stellaires relativistes ou...

    Ainsi, la naissance de l'Univers observable devait s'accompagner d'un plasma dense et turbulent de matière dont la densité fluctuait chaotiquement localement. Parfois, cette densité devait être suffisamment élevée pour s'opposer, par son champ de gravitationgravitation et tout aussi localement, à l'expansion du cosmos et à la pressionpression du plasma de particules élémentairesparticules élémentaires. Des trous noirs primordiaux, de tailles très différentes, pouvaient donc prendre naissance en s'effondrant gravitationnellement. Malheureusement, ce scénario, bien que toujours autorisé par les observations, est devenu sévèrement contraint, et il n'est pas certain que ce soit vraiment ne serait-ce qu'une partie de la solution de l'énigme des trous noirs supermassifs.

    Une autre hypothèse, moins connue, fait intervenir la naissance d'amas globulairesamas globulaires si denses que la théorie de la relativité généralerelativité générale est nécessaire pour rendre compte de leur comportement. Ces amas relativistes d'étoiles sont instables et peuvent s'effondrer gravitationnellement en trou noir. On se pose des questions sur eux depuis les années 1960, comme le montre l'exemple du prix Nobel de Physique Kip Thorne. À l'époque, certains pensaient même qu'ils pouvaient expliquer les quasars. En générant un important décalage vers le rougedécalage vers le rouge du fait de leur champ de gravitation, on pouvait croire par erreur en appliquant la loi de Hubble-Lemaître qu'ils étaient très distants et donc très lumineux, ce qui pouvait expliquer la vraie nature des quasars. On sait aujourd'hui que ce n'est pas le cas et ces amas stellaires relativistes attendent encore un vrai contact avec les observations.

    Troisième hypothèse, celle de l'existence tôt dans l'histoire du cosmos d'étoiles supermassives, elles aussi instables en raison d'effets relativistes. Comme Futura l'expliquait dans le précédent article ci-dessous, des simulations numériques crédibles font effectivement naître ce genre d'étoiles qui va rapidement donner naissance à des trous noirs intermédiaires entre les trous noirs stellairestrous noirs stellaires classiques et les trous noirs supermassifs, contenant de l'ordre de 10.000 à 100.000 masses solaires.

    Un trou noir 1.000 fois plus brillant que la Voie lactée

    Aujourd'hui, une publication dans Astrophysical Journal Letters et que l'on peut trouver en accès libre sur arXiv semble en mesure de départager les scénarios avancés. Elle provient d'une équipe internationale d'astronomesastronomes qui annonce en tout premier lieu avoir établi un nouveau record de distance avec la découverte du plus lointain quasar connu à ce jour. Il a été débusqué dans les observations du réseau de radiotélescopesradiotélescopes de l'Atacama Large Millimeter/submillimeter Array (Alma) au Chili.

    Dans un catalogue, le quasar porteporte le nom de J0313-1806 et il est observé alors que le cosmos n'avait encore que 670 millions d'années environ. Or, la masse du trou noir derrière ce quasar, environ 1.000 fois plus brillant à lui seul que notre Voie lactée, est estimée à environ 1,6 milliard de fois celle du SoleilSoleil. Les observations d'Alma permettent d'estimer également que la galaxie hôte du quasar forme de nouvelles étoiles à une vitesse 200 fois supérieure à celle de notre Galaxie, et que la luminosité du quasar indique que le trou noir accrète et avale une quantité de matière équivalente à 25 Soleils chaque année.

    Selon les chercheurs, un trou noir aussi massif, et né aussi tôt dans l'histoire du cosmos observable, serait donc apparu bien trop vite pour avoir démarré son existence suite à l'effondrement d'une étoile supermassive ou d'un amas stellaire relativiste.

    Il ne resterait qu'une hypothèse en liste et ce n'est pas celle des trous noirs primordiaux bien qu'elle soit une cousine. Non, le trou noir derrière J0313-1806 se serait formé directement par l'effondrement d'un immense nuage d'hydrogènehydrogène et d'héliumhélium après le Big Bang.


     

    Une coupe de l'intérieur d'une étoile supermassive d'environ 55.000 masses solaires débutant son explosion. Il s'agit d'une simulation montrant les courants de matière qui s'élèvent tels des panaches dans un volume dont le rayon est celui de l'orbite de la Terre. © Ken Chen, UCSC
    Une coupe de l'intérieur d'une étoile supermassive d'environ 55.000 masses solaires débutant son explosion. Il s'agit d'une simulation montrant les courants de matière qui s'élèvent tels des panaches dans un volume dont le rayon est celui de l'orbite de la Terre. © Ken Chen, UCSC

    Les trous noirs supermassifs sont-ils nés d'étoiles supermassives ?

    Article de Laurent Sacco publié le 08/06/2020

    Comment sont nés les trous noirs supermassifs, dont certains sont à l'origine des quasars, tapis au centre des galaxies ? De nouvelles simulations numériques sur le superordinateur japonais ATERUI II confortent le scénario où ils se seraient formés à partir d'étoiles géantes de quelque 10.000 masses solaires. Ces astres se seraient ensuite effondrés en trous noirs géants, germes des trous noirs supermassifs.

    Le premier succès de la collaboration Event Horizon Telescope avec la première image d'un trou noir, en l'occurrence M87*, en sera sans nul doute suivi de bien d'autres, à commencer par une image d'un autre trou noir supermassif, celui au cœur de notre Voie lactée, Sgr A*Sgr A*. Mais cette réussite éclatante ne doit pas nous faire oublier que nous ne savons toujours pas vraiment comment sont nés les trous noirs, contenant de quelques millions à quelques milliards de masses solaires, que l'on observe depuis des décennies au centre des galaxies, qu'elles soient spirales ou elliptiques.

    Il semble de plus en plus clair qu'ils sont nés à partir de trous noirs déjà bien plus massifs que les trous noirs stellaires, qui ne peuvent naître qu'à partir d'étoiles contenant une centaines de masses solaires tout au plus, et que la croissance de ces germes des trous noirs supermassifs se serait ensuite largement poursuivie, tout comme pour les galaxies, en raison de l'existence de courants froids de matière ordinaire canalisés par des filaments de matière noire. Mais quid de l'origine de ces germes eux-mêmes ?

    Des nuages de matière géants qui s'effondrent directement en trou noir ?

    Plusieurs hypothèses ont été avancées, par exemple, celle faisant intervenir des trous noirs cosmologiques primordiaux, vestiges de la phase à haute densité du Big Bang où de grandes quantités de matière pouvaient s'effondrer gravitationnellement en donnant directement ces trous noirs. Mais, il est aussi possible de faire intervenir des étoiles exotiques très massives faisant partie des toutes premières étoiles du cosmos observable, celles dites de Population III. Ces étoiles seraient nées dans les conditions particulières de l'Univers au moment des âges sombresâges sombres, alors que la matière baryonique à l'origine de toutes les étoiles était constituée d'un mélange presque pur d'hydrogène, d'hélium et leurs isotopesisotopes, sans aucune trace d'éléments lourds comme le carbonecarbone, le siliciumsilicium et le ferfer.

    Cette différence est d'importance, depuis des milliards d'années, l'existence de poussières silicatées et carbonées est nécessaire pour permettre l'effondrement des nuages moléculaires et poussiéreux où naissent des pouponnières d'étoiles. En effet, en s'effondrant sous leur propre gravitégravité, ces nuages s'échauffent et il apparait une pression qui stoppe l'effondrement, sauf si un agent dissipe une partie de la chaleurchaleur dans ces nuages, les conduisant à se refroidir. Au sortir du Big Bang, sans ces poussières, la formation des étoiles ne pouvait pas être la même, et de fait, on a également des problèmes pour faire naître des étoiles supermassives qui, après avoir explosé en supernovaesupernovae, pourraient laisser des trous noirs géants contenant bien plus que quelques centaines de masses solaires, les germes des trous noirs supermassifs.


    La simulation numérique des chercheurs japonais étudiant la naissance des étoiles supermassives au tout début de l'histoire de la formation des étoiles et des galaxies. On voit en accéléré sur plusieurs centaines d'années (years en anglais) l'effondrement d'un nuage atomique d'hydrogène où se forment des étoiles. Les densités les plus élevées sont en rouge, les plus basses en bleue. En noir, des étoiles supermassives avalant des étoiles moins massives et plus petites (en blanc). © Sunmyon Chon

    Il se trouve qu'une équipe d'astrophysiciens japonais de l'Université de Tohoku (Japon) vient d'apporter une nouvelle lumière sur la genèse possible de ces étoiles supermassives comme elle l'explique dans un article publié dans Monthly Notices of the Royal Astronomical Society mais que l'on peut aussi trouver en accès libre sur arXiv.

    Des étoiles de 10.000 masses solaires

    Sunmyon Chon et son collègue Kazuyuki Omukai ont ainsi utilisé le superordinateur ATERUI II pour effectuer des simulations 3D haute résolutionrésolution qui étaient impossibles à faire auparavant et qui concernaient certaines variantes des scénarios envisagées pour la formation des étoiles supermassives. Rappelons que la théorie de ces objets nécessairement décrits au moyen de la théorie de la relativité générale d'EinsteinEinstein a une longue histoire qui remonte au début des années 1960 avec les travaux de Hoyle, Chandrasekhar, Feynman et Zel’dovich pour ne citer qu'eux. Certains espéraient rendre compte avec elles des quasars nouvellement découverts. Par nature très lumineuses, elles devaient aussi subir un fort effet de décalage spectral vers le rouge à cause d'un fort champ de gravitation les faisant donc passer pour très lointaines en raison de la loi de Hubble-Lemaitre.

    Il se trouve que les précédentes simulations de formations d'étoiles massives en faisaient naître trop peu à partir du gaz primordial du Big Bang. Ensuite, le début de l'enrichissement très rapide de ce gaz en éléments lourds inhibait leur formation. Les calculs montraient en effet que ces éléments lourds conduisaient des nuages atomiques d'hydrogène à se fragmenter en donnant des étoiles nettement moins massives.

    Un extrait de la simulation des chercheurs japonais. Trois étoiles supermassives en noir sont bien visibles, les autres, en blanc et jaune, sont des étoiles ordinaires. L'échelle est donnée en unité astronomique (1 au valant 150 millions de km environ ). © NAOJ
    Un extrait de la simulation des chercheurs japonais. Trois étoiles supermassives en noir sont bien visibles, les autres, en blanc et jaune, sont des étoiles ordinaires. L'échelle est donnée en unité astronomique (1 au valant 150 millions de km environ ). © NAOJ

    Mais, avec les moyens de calculs modernes, les algorithmes des modèles qu'ont implémentés Chon et Omukai sur ATERUI II se sont mis à raconter un tout autre scénario. Les nuages atomiques enrichis en éléments lourds par les premières explosions de supernovae se fractionnaient en étoiles non-supermassives. Mais l'existence d'un fort flux de gaz en direction des régions les plus denses de ces nuages conduisent les jeunes étoiles vers ces régions où elles fusionnent en donnant des étoiles 10.000 fois plus massives que le Soleil !

    Au final, il semble bien que ce scénario soit en mesure de rendre compte de la population de trous noirs supermassifs observée car le taux de leur formation est fortement augmenté. Mais il reste du travail à faire pour vraiment le confirmer. Ce qui est sûr, c'est qu'une nouvelle voie de recherche a été ouverte.

    Une vue d'artiste de la simulation précédente. Trois étoiles supermassives y avalent des étoiles de masses solaires. © NAOJ
    Une vue d'artiste de la simulation précédente. Trois étoiles supermassives y avalent des étoiles de masses solaires. © NAOJ

    Trous noirs supermassifs : des étoiles supergéantes en seraient à l'origine

    Article de Laurent Sacco publié le 13/03/2017

    Comment sont nés les trous noirs supermassifs, dont certains sont à l'origine des quasars, tapis au centre des galaxies ? De nouvelles et récentes simulations numériques consolident une des hypothèses avancées : ils se seraient formés à partir d'étoiles géantes de quelque 100.000 masses solaires. L'étude des ondes gravitationnellesondes gravitationnelles pourrait confirmer, ou pas, ce scénario.

    Dès le début des années 1960, l'existence d'étoiles supermassives a été postulée pour expliquer les observations étonnantes concernant les quasars qui venaient tout juste de faire leur apparition en astrophysiqueastrophysique (voir article ci-dessous). La luminosité intrinsèque de ces objets semblait difficile à admettre étant donné leur décalage spectral vers le rouge qui indiquait qu'ils étaient très lointains. Des quantités prodigieuses d'énergie devaient être libérées chaque seconde et il n'était pas possible d'en rendre compte à partir de réactions de fusion thermonucléaire. Il était alors plus confortable intellectuellement de supposer l'existence d'étoiles géantes proches de la Voie lactée, voire dans notre Galaxie, mais avec un champ de gravitation si élevé qu'il produisait l'important décalage observé. Cette hypothèse aida à la création de l'astrophysique relativiste car de telles étoiles devaient nécessairement être soumises à des effets non négligeables de la physiquephysique d'Einstein concernant le champ de gravitation.

    Les quasars sont expliqués aujourd'hui en postulant l'existence de trous noirs supermassifs possédant entre plusieurs millions et plusieurs milliards de masses solaires. Mais cette hypothèse, qui éclaire de nombreuses observations, a conduit à une nouvelle énigme : comment ces objets se sont-ils formés ?


    Voire les commentaires en bas de l’article au sujet de cette vidéo. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l’écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Durham University

    Des étoiles de 100.000 masses solaires comme graines de trous noirs

    Les astrophysiciens et les cosmologistes explorent plusieurs pistes, dont un renouveau de l'hypothèse de l'existence des étoiles supermassives relativistes au début de l'histoire du cosmos observable. Nous n'en avons pour le moment observé aucune mais cela n'empêche pas les astrophysiciens numériciens de simuler leur formation et leur comportement sur ordinateurordinateur, à travers divers scénarios. L'un des derniers en date à ce sujet provient notamment de chercheurs du fameux Los Alamos National Laboratory, là où a été conçu et fabriqué la première bombe atomique.

    Selon Joseph Smidt et ses collègues, comme ils l'expliquent dans un article déposé sur arXiv, les premiers trous noirs géants pourraient être nés de l'effondrement direct d'importants nuages d'hydrogène moléculaire et d'hélium ayant conduit à la formation, tout d'abord d'étoiles supermassives de... 100.000 masses solaires ! En s'effondrant gravitationnellement, elles vont ensuite donner naissance à des trous noirs qui vont accréter rapidement du gaz et devenir supermassifs, de l'ordre du milliard de masses solaires. Ils étaient déjà nombreux, un milliard d'années après le Big Bang.

    D'autres scénarios sont possibles et il est probable qu'ils opèrent simultanément, rendant compte du spectrespectre de masses des trous noirs supermassifs observés. Il est possible ainsi d'invoquer des fusions précoces de trous noirs massifs.

    En ce qui concerne l'existence des étoiles supermassives, la mise en orbiteorbite en 2018 du télescope spatialtélescope spatial James Webb pourrait contribuer à nous les révéler. À plus longue échéance, si l'on en croit des travaux réalisés l'année dernière par des membres de l'Institute for Computational Cosmology (ICCICC) de l'université Durham au sein du projet EAGLE et qui ont réalisé des simulations, ces différents scénarios conduisent à des émissionsémissions d'ondes gravitationnelles distinctes que l'on devrait pouvoir observer et mesurer avec eLISA, ce qui permettrait de les départager (voir la vidéo ci-dessus).


    L'origine énigmatique des trous noirs supermassiif

    Article de Laurent Sacco publié le 11/11/2013

    Une des énigmes de l'astrophysique et de la cosmologie concerne l'origine des trous noirs supermassifs occupant le cœur des galaxies. En faisant revivre une vieille hypothèse à l'aide de simulations numériques, un groupe d'astrophysiciens vient de proposer qu'ils se soient formés au sein d'étoiles supermassives dépassant 10.000 masses solaires. En s'effondrant, elles produiraient même deux trous noirs, ce qui est inédit, qui finiraient par fusionner.

    Les trous noirs supermassifs contiennent de quelques millions à quelques milliards de masses solaires. On ne comprend pas vraiment comment ils se sont formés. On admet cependant qu'il y a généralement une relation entre la masse de ces trous noirs et la taille des galaxies qui les abritent. Cela suggère donc que ces astres compacts croissent de pair avec les galaxies. Problème : on ne sait pas très bien non plus comment ces dernières grandissent. On pensait que c'était essentiellement lors de fusions entre galaxies plus petites, mais il semble que des courants d'hydrogène froids soient aussi un mécanisme efficace et peut-être tout aussi important pour la formation des grandes galaxies. Lorsque deux galaxies fusionnent, il doit aussi en être de même pour leurs trous noirs supermassifs et ceux-ci doivent continuer à grandir en accrétant des nuages de gaz ou des courants de matière.

    On pourrait croire que pendant le premier milliard d'années de l'univers observable, les trous noirs supermassifs n'étaient pas encore les monstres que l'on connaît et qu'ils ont grandi rapidement à partir de trous noirs beaucoup plus petits. Malheureusement, cette hypothèse résiste mal aux observations et aux calculs. Il faut qu'il ait existé assez tôt dans l'histoire du cosmos des graines de trous noirs supermassifs, de masses déjà très importantes. Des simulations conduites par des astrophysiciens du célèbre California Institute of Technology (Caltech)) viennent de donner un nouvel éclairage sur ce problème, en faisant intervenir des astres relativistes théorisés pendant les années 1960 : les étoiles supermassives.

    Une alternative à la théorie des quasars

    En 1963, alors que l'on venait de découvrir les premiers quasars, Fred Hoyle et Williams Fowler refusaient de les considérer comme des objets aussi lointains que leurs décalages spectraux vers le rouge le laissaient entendre. Ils ont préféré postuler l'existence de ces étoiles plutôt que de commencer à admettre que la théorie du Big Bang de Gamow et Lemaître devait être juste.


    L'effondrement d'une étoile supermassive a fait l'objet de la simulation numérique que l'on voit sur la gauche de cette vidéo. Sa rotation accélère au fur et à mesure de l'effondrement, de sorte que des instabilités sont amplifiées et génèrent deux noyaux denses finissant par s'effondrer en donnant d'abord deux trous noirs puis un seul. Lors de cette phase ultime, l'étoile perd sa symétrie sphérique et elle commence à rayonner des ondes gravitationnelles, comme le montrent les oscillations en bas à droite de l'image. Un détecteur d'ondes gravitationnelles suffisamment sensible permettrait de détecter ce signal. © SXSCollaboration

    Dans le cadre du modèle cosmologique standardmodèle cosmologique standard de l'époque, dont Hoyle était l'un des créateurs, découvrir que dans le passé (en l'occurrence avec des objets très distants), l'univers était différent d'aujourd'hui, revenait à réfuter l'idée d'un univers éternel sans commencement, ni fin, ni évolution bien qu'en expansion. Avec des étoiles contenant plusieurs millions et même plusieurs milliards de fois la masse du Soleil, le champ de gravitation est si puissant qu'il produit un décalage spectral vers le rouge important. Les quasars n'avaient pas à être situés à des milliards d'années-lumière. Ils pouvaient même être dans la Voie lactée.

    Feynman puis Chandrasekhar ne tardèrent pas à découvrir que les effets de la relativité générale rendaient des étoiles aussi massives très instables et qu'elles devaient s'effondrer en trou noir. Les années passant, avec la découverte du rayonnement fossilerayonnement fossile confirmant la théorie du Big Bang et le développement de la théorie des quasars, les étoiles supermassives ont été reléguées au placardplacard.

    Deux trous noirs dans une étoile supermassive

    Des chercheurs viennent de les en sortir, comme le démontre l'article qu'ils ont déposé sur arxiv. Ils postulent la formation, par effondrement de nuage de gaz dans un halo de matière noire, d'étoiles ayant des masses comprises entre 104 et 106 masses solaires. En quelques millions d'années, en se refroidissant, ces astres amorcent leur effondrement gravitationnel et tournent de plus en plus vite, et ainsi s'aplatissent et deviennent plus compacts. Il se forme à l'intérieur deux concentrations de matière orbitant l'une autour de l'autre. Devenant plus denses, ces concentrations voient leurs températures grimper. Comme l'avaient déjà prédit en 1965 Igor Novikov et Yakov Zel’dovich, elles finissent par atteindre le seuil d'énergie correspondant à la création de paires d'électronélectron et de positronpositron. Cela rend ces concentrations très instables et elles s'effondrent rapidement pour donner deux trous noirs très massifs.

    Ces deux objets vont rapidement se rapprocher l'un de l'autre, car ils perdent de l'énergie cinétiqueénergie cinétique en rayonnant des ondes gravitationnelles. Ils vont finir par fusionner pour donner un trou noir qui a les bonnes propriétés pour grandir suffisamment vite dans le jeune cosmos, et rendre compte de l'existence des trous noirs supermassifs. Si les chercheurs ont raison, il doit exister dans le fond d'ondes gravitationnelles cosmologiques des traces de nombreuses fusions de trous noirs binairesbinaires issus de l'effondrement d'étoiles supermassives. Il se peut que l'on puisse les détecter un jour avec des instruments dans l'espace comme Lisa.