L'explosion de la première bombe atomique a produit temporairement des conditions de températures et de pressions similaires à celles des collisions géantes qui ont fait naître la Terre et la Lune. En étudiant les roches fondues sur le site de cette explosion, on peut donc tester les théories sur l'origine de notre satellite naturel.

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    Avec un accélérateur de particules comme le LHC, les physiciensphysiciens tentent de recréer certaines des réactions qui ont accompagné la plus grande explosion de tous les temps, celles du Big BangBig Bang. Les hautes pressions et les hautes températures qu'ils obtiennent par exemple avec les collisions d'ions lourds leur permettent de comprendre la physique du plasma de quarks et de gluons qui a précédé l'apparition des baryonsbaryons qui composent étoilesétoiles et galaxiesgalaxies. Ce faisant, les chercheurs marchent dans les pas de physiciens comme John Wheeler et Yakov Zel'dovich qui, à partir de la fin des années 1960, ont transposé leur expertise des explosions d'armes atomiques et thermonucléaires pour progresser dans la compréhension de la théorie du Big Bang.

    C'est également en étudiant la physique et la chimiechimie des collisions des corps célestes dans le disque protoplanétairedisque protoplanétaire à l'aubeaube du Système solaireSystème solaire que l'on peut espérer comprendre en détail la naissance des planètes, en particulier de la Terre et de la LuneLune. Il s'agit d'un problème fascinant de cosmogonie et ces dernières années, beaucoup de travaux ont été consacrés à l'hypothèse d'une collision géante entre la jeune Terre et une planète de la taille de Mars, baptisée Théia, il y a environ 4,5 milliards d'années, laquelle permet de comprendre l'origine de la Lune.


    Comment tester certaines théories sur l’origine de la Lune avec les Trinitites. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l’écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Scripps Oceanography

    Les Trinitites et la formation de la Lune

    Ce scénario, qui explique bien certaines caractéristiques chimiques communes à la Terre et la Lune n'est pas sans poser des problèmes. Pour tenter d'y voir plus clair, un groupe de cosmochimistes et de géophysiciens, parmi lesquels James Day, de la célèbre Institut d'océanographie Scripps (en anglais Scripps Institution of Oceanography) située à La Jolla en Californie, et Frédéric Moynier de l'Institut de physique du globe de Paris, a eu une brillante idée. Comme les chercheurs l'expliquent dans un article paru dans Science Advances, ils se sont servis de la première explosion nucléaire de l'histoire humaine pour reproduire certains des processus à l'œuvre dans la collision supposée être à l'origine de la Lune. L'idée est particulièrement élégante car elle ne suppose pas de nouvelles expériences faisant intervenir les conditions extrêmes de pressions et de températures de cette collision dont la reconstitution est bien sûr difficile et coûteuse.

    Concrètement, pour comprendre la stratégie mise en œuvre dans ce travail, il faut savoir que l'explosion d'une puissance de 20.000 tonnes de TNT qui est survenue sur le site de test Trinity, au Nouveau-Mexique, le 16 juillet 1945, a produit ce que l'on appelle des Trinitites. Il s'agit de sortes de verresverres analogues aux tectitestectites, les roches fondues qui sont associées aux chutes de petits corps célestes formant des grands cratères sur Terre. La détonation de l'arme à fissionfission utilisant du plutoniumplutonium surnommée « Gadget » par les membres du laboratoire de Los Alamos a en effet « vitrifié » une partie du sablesable « arkosique » environnant. Ce sable, soulevé dans les airsairs par l'explosion et devenu liquideliquide et même sous forme de vapeur sous l'effet des températures dépassant les 8.000 °C. Il est ensuite retombé en se solidifiant par refroidissement pour donner une couverture de roches verdâtres et radioactives à l'époque dans un rayon de 300 m environ autour du site de l'explosion.

    C'est la composition isotopique de ces Trinitites qui a intéressée les cosmochimistes, plus précisément celle des éléments volatils, en particulier du zinczinc. Il s'agissait de tester des modèles théoriques qui prédisaient un appauvrissement en ces éléments volatils en fonction de la température et des pressions dans les matériaux résultants de la collision entre la Terre et ThéiaThéia. Les chercheurs ont constaté que les Trinitites étaient comme prévu d'autant plus appauvries en zinc et enrichies en éléments lourds qu'elles s'étaient formées à proximité de l'explosion. Surtout, le degré d'appauvrissement en volatils dans les verres silicatés obtenus est similaire aux taux d'appauvrissement en volatils des échantillons lunaires.

    On dispose donc d'un test et d'un laboratoire pour mieux comprendre pourquoi la Lune est appauvrie en certains isotopesisotopes et aussi en eau. Voilà qui permet de poser des contraintes sur les théories de l'origine du satellite naturel de la Terre.