La théorie des trous noirs, que ce soit en relativité générale ou en gravitation quantique, est particulièrement difficile mathématiquement. C'est pourquoi des calculs et des simulations numériques à l'aide d'ordinateurs se sont révélés nécessaires, aussi bien pour comprendre leur formation que leur comportement dans le cadre de l'astrophysique. Ces simulations numériques ont rendu possible la détection des ondes gravitationnelles issues de la fusion de trous noirs avec Ligo et Virgo. Un ouvrage de vulgarisation Le petit livre des trous noirs, écrit par deux chercheurs, Steven Gubser et Frans Pretorius, vient d'être publié aux éditions Dunod.


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    Les équations de la théorie de la relativité générale d'EinsteinEinstein sont non linéaires comme les équations de la mécanique des fluides, celles de Navier-Stokes, utilisées en météorologiemétéorologie et en aérodynamique. Elles sont très difficiles à résoudre analytiquement dans les deux cas et encore plus en relativité générale. Ce n'est pas le cas de l'équation de Schrödinger en physique atomique et moléculaire, et comme il est difficile de mesurer des effets de la relativité générale, son étude est restée dormante de la fin des années 1920 à la fin des années 1950. Les physiciensphysiciens ont donc préféré se consacrer au développement de la physique quantique, bien plus facile mathématiquement et bien plus riche en phénomènes accessibles à l'expérience.

    Toutefois, la course aux armes nucléaires ayant stimulé la naissance des ordinateursordinateurs et le développement des techniques de simulation numériquesimulation numérique, de calculs d'hydrodynamique et de transferts radiatifs pour la mise au point de ces armes et l'étude de leurs explosions, les physiciens mieux équipés au début des années 1960 se sont à nouveau tournés vers l'étude des équations d'Einstein. Nous allons alors assister à la naissance d'une nouvelle discipline, la relativité numérique.

    Nous découvrons en effet pendant les années 1960 d'abord les quasarsquasars, puis le rayonnement fossilerayonnement fossile du Big BangBig Bang et enfin les pulsarspulsars. Plusieurs figures de la course à la bombe à hydrogènehydrogène, comme John Wheeler à l'université de Princeton aux États-Unis et Yakov Zel'dovich à l'Institut Sternberg, se rendent ainsi compte que les travaux isolés d'Oppenheimer et ses collaborateurs à la fin des années 1930 sur les étoiles à neutronsétoiles à neutrons et l'effondrementeffondrement gravitationnelle des étoiles sont à prendre en considération. Wheeler va bientôt les appeler des trous noirstrous noirs.


    Une application des ordinateurs à la théorie des trous noirs avec une simulation de Jean-Alain Marck en 1991. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Jean-Pierre Luminet

    D'Oppenheimer à Hawking en passant par Thorne et Wheeler

    Au tout début des années 1960, Stirling Colgate et Richard White, alors en poste au laboratoire national de Lawrence Livermore, l'un des principaux laboratoires où la bombe H états-unienne a été mise au point, vont justement s'atteler à la simulation numérique de l'effondrement d'une étoile et montrer que l'on devait bien s'attendre à la formation d'un trou noir. Juste après l'obtention de ce résultat, White et un autre collègue, Michael May, sous l'influence de discussions avec Wheeler et ses collaborateurs, vont faire des calculs relativistes. La même année, en 1964, Susan Hahn et Richard Lindquist leur emboîtent le pas en produisant un premier calcul du comportement des interactions de deux trous de ver attirés l'un vers l'autre, préfigurant ainsi les calculs avec collisions de deux trous noirs. Nous allons aussi assister à l'essor des logicielslogiciels de calcul formel pour manipuler les fameux tenseurstenseurs de la relativité générale à partir de solutions analytiques connues des équations d'Einstein ou que l'on cherche à calculer (SageManifolds est une version moderne et en open sourceopen source).

    Les 30 années suivantes vont voir la montée en puissance des ordinateurs, le développement des techniques mathématiques pour implémenterimplémenter des algorithmes d'astrophysiqueastrophysique relativiste sur les supercalculateurssupercalculateurs pour finalement aboutir à des simulations de collisions d'étoiles à neutrons et de trous noirs. L'objectif étant de calculer le spectrespectre des ondes gravitationnellesondes gravitationnelles que ces phénomènes vont produire afin d'en tirer le signal auquel l'on peut s'attendre avec les détecteurs d'ondes gravitationnelles projetés comme LigoLigo et VirgoVirgo. Cela va permettre de faire des calculs qui, de deux dimensions d'espace vont passer à trois dimensions, et des collisions de trous noirs qui ne sont plus simplement frontales mais à partir de systèmes binairessystèmes binaires en interaction. On est alors en mesure de calculer et de simuler l'aspect des trous noirs entourés d'un disque d'accrétiondisque d'accrétion comme l'a bien montré à la fin des années 1970 par ses travaux Jean-Pierre LuminetJean-Pierre Luminet, puis l'astrophysicienastrophysicien français Jean-Alain Marck.

    Les théoriciens ne vont pas chômer de leur côté pour développer la théorie des trous noirs ainsi qu'une approche quantique de la gravitationgravitation, notamment bien sûr des chercheurs comme Roger PenroseRoger Penrose, Kip Thorne, Bryce DeWitt et Stephen Hawking. La théorie des supercordesthéorie des supercordes va aussi faire sa seconde révolution au cours des années 1990, renouvelant notre compréhension des trous noirs avec la notion de D-brane et laissant même espérer que l'on pourrait les créer en laboratoire avec des collisions de protonsprotons au LHCLHC. Difficile à résoudre les équations des supercordes commencent, là aussi, à permettre des calculs de gravitation quantique sur ordinateur.


    Steven Gubser et Frans Pretorius nous parle de la relativité générale et des trous noirs, comme dans leur livre de vulgarisation. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Talks at Google

    La relativité numérique sur ordinateur a produit ses premiers triomphes aujourd'hui avec la détection des ondes gravitationnelles de la fusionfusion de deux trous noirs et de deux étoiles à neutrons formant initialement des systèmes binaires. On a pu établir l'existence de ces ondes parce que l'on était en mesure de calculer précisément pour une large gamme de paramètres le signal attendu, ce qui a permis de remonter aux massesmasses des trous noirs impliqués.

    Nous pouvons mieux faire connaissance avec cette saga, qui a mené de la découverte des équations de la relativité générale d'Einstein aux ondes gravitationnelles détectées par Ligo et Virgo, en passant par celles du rayonnement Hawking et du paradoxe de l'information qui l'accompagne, en lisant le livre accessible qu'ont consacré à ce sujet Steven Gubser et Frans Pretorius, tous deux professeurs à l'université Princeton. Le petit livre des trous noirs est édité en France chez Dunod.

    Gubser, ancien lauréat états-unien à 17 ans de l'Olympiades internationales de physique, est un spécialiste de la théorie des supercordes ayant participé à l'essor de la théorie des D-branes et de la fameuse correspondance AdS/CFT appliquées aux trous noirs. Frans Pretorius, physicien canadien d'origine sud-africaine, s'est lui fait un nom en 2005 en faisant faire un bond aux simulations numériques de collisions et fusions de trous noirs. On lui doit aussi des travaux sur la formation de trous noirs avec des collisions de particules, par exemple au LHC.