Le terme « trou noir » a été inventé par le physicien américain John Wheeler, en 1967, pour décrire une concentration de masse-énergie qui s'est effondrée gravitationnellement sous sa propre force d'attraction et qui est devenue si compacte que même les photons ne peuvent se soustraire à cette force gravitationnelle.
Jean-Pierre Luminet, Directeur de recherche au CNRS, et Françoise Combes, Professeur au Collège de France, nous parlent des trous noirs. © Fondation Hugot du Collège de France
Trou noir, horizon des évènements et relativité générale d'Einstein
L'idée avait déjà été conçue au XVIIIe siècle par John Michell et Pierre-Simon de Laplace. Mais, pour un physicien et un astrophysicien moderne, un trou noir est, d'abord et avant tout, caractérisé par l'existence d'un horizon des évènements, ce qui, dans ce cas précis, est une surface sphérique délimitant une région de l'espace-temps dont même la lumière ne peut sortir.
Dans le cadre des équations de la relativité générale, un tel objet est décrit par une unique famille de solutions des équations d'Einstein dites de Kerr-Newman et qui correspondent à un trou noir en rotation possédant un moment cinétique, une masse et une charge électrique.
Trous noirs de Kerr, de Schwarzschild et de Reissner-Nordström
- quand un trou noir tourne mais est sans charge, on parle de trou noir de Kerr ;
- quand un trou noir ne tourne pas et est sans charge, on parle de trou noir de Schwarzschild ;
- quand un trou noir ne tourne pas mais a une charge, il est décrit par la solution de Reissner-Nordström.
Bien qu'une singularité de l'espace-temps soit présente dans ces solutions, elle ne caractérise pas un trou noir. Les astrophysiciens ont des raisons de penser qu'un traitement quantique de l'espace-temps et de la matière à l'intérieur d'un trou noir supprime cette singularité qui peut être décrite approximativement comme un point de densité infinie où la courbure de l'espace-temps est également infinie. Un modèle quantique de trou noir conduit au concept d'étoile de Planck.
Trous noirs stellaires, trous noirs supermassifs et minitrous noirs
- Les trous noirs stellaires se forment à l'occasion de l'effondrement gravitationnel de certaines étoiles massives qui explosent en supernovae.
- On sait qu'il existe, au cœur de certaines galaxies, des trous noirs dits supermassifs. Ils contiennent de quelques millions à quelques milliards de masses solaires, mais l'on ne comprend pas bien comment ils se forment.
- Il pourrait également exister des minitrous noirs issus des phases très primitives de l'univers. L'Homme pourrait en créer grâce à des collisions de particules dans des accélérateurs.
Les astrophysiciens ont des raisons de penser que les trous noirs chargés se déchargent spontanément et très rapidement. Ainsi, ceux qui existent dans l'univers ne devraient être que des trous noirs de Kerr ou de Schwarzschild.
Une présentation du succès de l'Event Horizon Telescope qui vient de livrer la première image d'un trou noir, celle de celui qui est supermassif et qui se trouve au cœur de la galaxie elliptique M87 à environ 53 millions d'années-lumière de la Voie lactée. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Perimeter Institute for Theoretical Physics
Trous noirs : le prix Nobel de physique pour Chandrasekhar
Subrahmanyan Chandrasekhar avait prévu la formation des trous noirs avant tout le monde au début des années 1930 en découvrant qu'une étoile ayant épuisé son carburant nucléaire et dont la masse dépassait 1,44 masse solaire devait s'effondrer sur elle-même. Bien qu'un tel effondrement gravitationnel puisse parfois simplement conduire à la formation d'une étoile à neutrons, il peut aussi conduire à celle d'un trou noir, comme Robert Oppenheimer et George Volkoff l'ont montré en compagnie d'Hartland Snyder.
La théorie des trous noirs fit l'objet d'impressionnants travaux de la part de Chandrasekhar pendant les années 1970. Avec sa découverte de ce qui s'appelle maintenant « la masse de Chandrasekhar », ils furent en partie à l'origine de son prix Nobel de physique, obtenu en 1983. Comme d'habitude pour la remise de ce prix, le lauréat donna une conférence. À la fin de celle-ci, le grand astrophysicien indien fit de fascinantes remarques concernant la théorie mathématique des trous noirs :
« Je ne sais pas si toute la portée de ce que j'ai dit est claire. Laissez-moi vous expliquer. Les trous noirs sont des objets macroscopiques avec des masses variant de quelques masses solaires à des milliards de masses solaires. Lorsqu'ils peuvent être considérés comme stationnaires et isolés, ils sont tous, chacun d'entre eux, décrits exactement par la solution de Kerr. C'est le seul cas connu où nous avons une description exacte d'un objet macroscopique.
Les objets macroscopiques tout autour de nous sont régis par une variété de forces, décrites par diverses approximations de plusieurs théories physiques. [...] En revanche, les seuls éléments de construction de trous noirs sont nos concepts de base de l'espace et du temps. Ils sont ainsi, presque par définition, les objets macroscopiques les plus parfaits de l'univers. Et, puisque la théorie de la relativité générale nous fournit une famille de solutions dépendant uniquement de deux paramètres pour leur description, ils sont aussi les objets les plus simples de l'univers ».
Trous noirs : le rayonnement de Hawking
Ces considérations posent problème car elles conduisent à penser que toute l'information contenue dans les objets tombant dans un trou noir (à commencer par celle contenue dans une étoile se transformant en trou noir) est définitivement détruite, ou pour le moins inaccessible. Un trou noir devrait donc posséder une entropie et, comme tout objet possédant une entropie, il devrait posséder une température et rayonner. C'est la conclusion à laquelle est arrivé Stephen Hawking en appliquant la mécanique quantique aux trous noirs, ce qui lui a permis de découvrir que ceux-ci devaient émettre du rayonnement à la façon d'un corps noir chauffé.
Les trous noirs devraient donc s'évaporer par rayonnement Hawking. Pourtant, aucune observation ne soutient cette théorie à ce jour, bien qu'elle semble très solide sur les bases de la physique théorique actuelle. Elle conduit cependant à des paradoxes, comme le paradoxe de l'information et le paradoxe du pare-feu, dont les solutions révolutionneraient la physique.
Les astrophysiciens cherchent à démontrer que les objets qui se comportent comme des trous noirs le sont vraiment, c'est-à-dire qu'ils possèdent des horizons des évènements. L'étude des ondes gravitationnelles émises par des fusions de trous noirs, avec Ligo mais surtout eLisa, et peut-être aussi le Event Horizon Telescope (EHT), pourrait nous apporter des réponses à ce sujet. Ligo a détecté directement sur Terre pour la première fois les ondes émises par une telle fusion de trous noirs en 2015 et les membres de la la collaboration EHT ont révélé une première image d'un trou noir supermassif avec son horizon des événements le 10 avril 2019. L'image est celle du trou noir au centre de la galaxie M87 et elle est conforme à celle prédite sur ordinateur pour la première fois par Jean-Pierre Luminet en 1979.
[EN VIDÉO] Au plus près des trous noirs Plongez au coeur des trous noirs, ces astres qui dévorent toute la matière, et même la lumière !
La mort des étoiles et les naines blanches À la fin de la vie d’une étoile de la taille du Soleil, survient une période d’expansion, puis une explosion qui expulse une grande partie de sa matière. Ne reste qu’un cœur très dense qu’on appelle naine blanche. Un dé à coudre de la matière d’une naine blanche pèserait environ 1.000 kilos. © DR
Eta Carinae, une étoile hypergéante Eta Carinae est une étoile hypergéante comme on en trouve très peu – environ 1 étoile sur 10.000. Elle montre des signes de perturbations, comme en témoignent les immenses lobes aux extrémités. En fin de vie, lorsqu’elle s’effondrera, Eta Carinae deviendra... un trou noir. © N. Smith, J.-A. Morse (U. Colorado) et al., Nasa
La composition des étoiles : hydrogène et hélium Le carburant d’une étoile, c’est la matière dont elle est formée, soit essentiellement de l’hydrogène et un peu d’hélium. Plus une étoile est massive, plus elle va fabriquer des éléments chimiques lourds. Au moment de sa mort, l’étoile va disperser toute cette matière dans l’espace. © Nasa, Esa et AURA/Caltech
Des trous de ver pour voyager dans l'univers ? Comment voyager dans l’immensité du cosmos ? La théorie d’Einstein permet d’imaginer une solution : le trou de ver. Ainsi, il serait possible d’emprunter un trou noir pour ressortir dans un autre endroit de l’univers par une sorte de symétrique d’un trou noir, qu’on appelle « fontaine blanche ». © Hubble Space Telescope
Comment détecter un trou noir ? Un trou noir ! Comment le détecter s’il absorbe toute la matière (et la lumière) ? On ne voit pas directement le trou noir, mais bien sa « signature », marquée par des jets de gaz, un rayonnement électromagnétique et des éclairs de rayons gamma. De plus, avant d’être avalée, la matière qui est comprimée et chauffée se met à briller. © DR
La formation des étoiles à neutrons, ces cadavres cosmiques L’étoile à neutrons est un « cadavre cosmique ». Elle se forme lorsqu’une étoile géante (environ 10 fois la masse du Soleil) explose après avoir brûlé tout son carburant. L’équivalent d’un dé à coudre de la matière d’une étoile à neutrons pèserait entre 100 millions et 1 milliard de tonnes ! © DR
Comment détecter les exoplanètes ? En soustrayant le signal visuel d’une étoile sur des paires de photographies, on arrive à révéler le mouvement des planètes. Cette technique en développement est 100 fois plus puissante que les précédentes pour détecter les exoplanètes ! © Christian Marois, Conseil national de recherches du Canada
Hubert Reeves et la vie ailleurs dans l'univers « Je vais vous donner mon opinion personnelle. La vie intelligente est un phénomène très général et répandu. Il y a des millions de groupes, sinon des milliards, qui préparent des émissions de télévision dans lesquelles on discute de la présence de la vie ailleurs dans l’univers. » – Hubert Reeves. Ici, une image de la Voie lactée, notre galaxie. © DR
L'explosion d'une étoile à neutrons en supernova Lorsqu’une étoile à neutrons arrive en fin de vie, elle explose en supernova. Ce phénomène cosmique libère autant d’énergie que le Soleil pendant 10 milliards d’années. On compte environ 2 ou 3 supernovas par siècle et par galaxie. La plus récente s’est produite le 24 février 1987. © ESO/L. Calçada
Proxima du Centaure, l'étoile la plus proche du Soleil Pour donner une idée des distances à l’échelle du cosmos, considérons l’étoile la plus proche du Soleil, Proxima du Centaure. Elle est située à 39.900 milliards de kilomètres, soit 4,22 années-lumière. Il faudrait donc 60 millions d’années pour s’y rendre en voiture à 100 km/heure ! © DR
L'âge de l'univers Le télescope spatial Hubble peut étudier une très petite portion du ciel – un septième du diamètre de la Lune – pendant plusieurs jours. En étudiant les strates d’images captées par Hubble, il devient possible de voir dans le passé. On espère ainsi découvrir les toutes premières générations de galaxies. © DR
La trajectoire elliptique des étoiles de la Voie lactée La trajectoire elliptique des étoiles autour du centre de la Voie lactée révèle la présence d’un trou noir. Une vingtaine d’années d’observation avec des outils très précis ont permis d’arriver à cette conclusion. Il s’agit d’un petit trou noir qui ne fait que 4 millions de fois la masse du Soleil. © ESO