En 2023, des observations du télescope James-Webb concernant l'exoplanète K2-18b suggéraient qu'elle était probablement une planète océan. Mieux, bien que présentée avec prudence, la détection d'une molécule pouvant signaler la présence d'une vie comparable à celle du phytoplancton de nos océans était également annoncée. Après avoir rappelé quelques explications de l'astrophysicien Franck Selsis, membre du Laboratoire d'astrophysique de Bordeaux (LAB), nous avions demandé sur sa recommandation l'avis de son collègue Jérémy Leconte sur cette question. L'astrophysicien était sceptique et il semble qu'un nouvel article publié par une équipe de chercheurs utilisant à nouveau des observations du JWST va dans son sens.

 

 

 


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    Nouveau rebondissement dans le débat concernant la mini-NeptuneNeptune K2K2-18 b qui se trouve à environ 120 années-lumière du Soleil en direction de la constellation du Lion. Certains astrophysiciensastrophysiciens avançaient qu'elle était un bon exemple de ce qu'ils ont appelé une planète « hycéenne », c'est-à-dire une sorte de planète-océan avec un océan global d'eau liquide et recouverte par une atmosphèreatmosphère majoritairement composée d'hydrogène.

    Dans le cas de K2-18 b, les observations du télescope spatial James-Webb (JWST) permettant d'analyser partiellement la composition de son atmosphère indiquaient la présence de CO2 et l'absence simultanée d'ammoniac (NH3), ce qui était présenté comme une preuve de l'existence d'un océan. Mais aussi bien Franck Selsis que Jérémy Leconte, tous deux membres du Laboratoire d'astrophysiqueastrophysique de Bordeaux, avaient expliqué à Futura dans les précédents articles ci-dessous qu'il y avait en réalité de bonnes raisons de douter de la présence d'un tel océan sur K2-18 b, bien que la chimiechimie de l'océan d'une planète hycéenne soit effectivement un modèle possible pour expliquer les observations du JWST.

    Aujourd'hui, une équipe composée d'astronomesastronomes, de spécialistes de la Terre et de planétologues vient de publier un modèle alternatif dans un article de The Astrophysical Journal Letters que l'on peut trouver en accès libre sur arXiv.


    Une atmosphère planétaire possède une signature spectrale qui représente sa composition chimique, mais également sa composition en nuages et « brouillard ». Grâce à plusieurs techniques, il est possible de déterminer les caractéristiques physico-chimiques de l'atmosphère d'une exoplanète. Parmi ces techniques : le transit spectroscopique, le transit secondaire ou éclipse, l’observation spectroscopique directe de la planète ou encore l'observation de la planète à différentes phases autour de l'étoile afin de mesurer des variations temporelles et saisonnières. Partez à la découverte des exoplanètes à travers notre websérie en neuf épisodes à retrouver sur notre chaîne YouTube. Une playlist proposée par le CEA et l’Université Paris-Saclay dans le cadre du projet de recherche européen H2020 Exoplanets-A. © CEA

    Une planète hycéenne ou dantesque ?

    Ce que les membres de l'équipe expliquent c'est qu'ils ont modélisé la chimie atmosphérique de mini-Neptunes telles que K2-18b avec une atmosphère similaire mais en interaction avec un océan de magmamagma, et pas un océan d'eau liquide. Il se trouve que comme les chercheurs l'expliquent dans l'abstract de leur article, ils ont démontré que « l'appauvrissement atmosphérique en NH3 est une conséquence naturelle de la forte solubilité des espècesespèces azotées dans le magma dans des conditions réductrices ; précisément les conditions qui prévalent lorsqu'une épaisse enveloppe d'hydrogène est en communication avec une surface planétaire en fusionfusion ».

    Surtout, leur modélisationmodélisation se montre capable de reproduire le spectrespectre de l'atmosphère de K2-18b mesuré par le James-Webb. L'accord est inférieur à 3 sigmas cependant comme disent les scientifiques quand ils parlent de tests statistiques hypothèse, de sorte qu'ils n'ont pas encore démontré que leur modèle avec océan de magma s'applique vraiment à K2-18b. Mais il a le mérite d'être en accord avec les arguments et les observations laissant entendre que l'exoplanèteexoplanète est trop chaude pour posséder de l'eau liquide.

    Les deux hypothèses restent donc en lice mais de futures observations du JWST concernant une détermination du rapport CO2/CO dans l'atmosphère de K2-18b pourraient permettre de les départager selon les planétologues.


    Le télescope James-Webb a-t-il observé une planète-océan avec une signature biologique ?

    Article de Laurent SaccoLaurent Sacco publié le 20/09/2023

    En ce début du mois de septembre 2023, des observations du télescope spatial James-Webbtélescope spatial James-Webb concernant l'exoplanète K2-18b ont fait le buzz. Elles étaient présentées comme accréditant l'idée qu'elle était probablement une planète avec un océan d'eau liquide global possédant une température favorable à la vie telle que nous la connaissons. Mieux, bien que présentée avec une certaine prudence, la détection d'une moléculemolécule pouvant signaler la présence d'une vie comparable à celle du phytoplanctonphytoplancton de nos océans était annoncée. Sommes-nous à la veille d'une révolution en exobiologieexobiologie ? Après avoir rappelé quelques explications de l'astrophysicien Franck Selsis, membre du CNRS et du Laboratoire d'astrophysique de Bordeaux (LAB), nous avons demandé l'avis de son collègue Jérémy Leconte sur cette question.

    Vue d'artiste de l'exoplanète K2-18b autour de son étoile. © ESA, <em>Hubble Science Team</em>, M. Kornmesser
    Vue d'artiste de l'exoplanète K2-18b autour de son étoile. © ESA, Hubble Science Team, M. Kornmesser

    Après avoir lu rapidement un récent communiqué de presse de la NasaNasa sans regarder plus en détail le contenu de l'article scientifique associé et dont on peut lire une version en accès libre sur arXiv, nombreux sont sans doute ceux qui prennent au sérieux l'hypothèse que la mini-Neptune, qui se trouve à environ 120 années-lumière du Soleil en direction de constellation du Lion, est bien une planète « hycéenne », c'est-à-dire que K2-18 b serait une sorte de planète-océan recouverte par une atmosphère majoritairement composée d'hydrogène.

    L'existence des planètes hycéaniques est prise très au sérieux tout d'abord par l'astrophysicien Nikku Madhusudhan, célèbre professeur d'astrophysique et de sciences exoplanétaires à l'Institut d'astronomie de l'Université de Cambridge et que l'on peut voir dans la vidéo ci-dessous. Avec ses collègues, il pense que K2-18 b pourrait non seulement être un exemple de ces planètes mais qu'étant donné sa distance à la naine rougenaine rouge autour de laquelle l'exoplanète a été découverte via la méthode des transitstransits par le défunt télescope Kepler, la température de son océan pourrait fort bien permettre l'existence de formes de vie comme celles que nous connaissons sur Terre.

    Le chercheur considère que les analyses des données concernant la composition de l'atmosphère K2-18 b qu'il a pu faire avec ses collègues grâce au télescope spatial James-Webb s'interprètent au mieux s'il y a vraiment un océan sur l'exoplanète. En fait, déjà en 2019, des observations faites avec le télescope Hubble semblaient montrer la présence de vapeur d'eau dans l'atmosphère de K2-18 b. Toutefois, comme Futura l'avait expliqué dans le précédent article ci-dessous, déjà à cette époque l'astrophysicien Franck Selsis nous avait prévenus que l'existence d'eau liquide sur cette exoplanète, dont le rayon est d'environ deux fois celui de la Terre pour environ huit fois sa massemasse, était très douteuse et pour le moins pas établie, contrairement à ce que l'on pourrait croire.


    Des astronomes de Cambridge ont utilisé les données du télescope spatial James-Webb pour découvrir du méthane et du dioxyde de carbone dans l’atmosphère de K2-18 b, une exoplanète supposée « hycéenne » c’est-à-dire avec une surface océanique sous une atmosphère riche en hydrogène. Dans cette vidéo, Nikku Madhusudhan nous donne l’opinion de son équipe au sujet des données de Webb qu’ils ont analysées pour aboutir à cette conclusion. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Cambridge University, ESA, NASA, Amanda Smith

    La biosignature d'un phytoplancton extraterrestre ?

    Mais supposons qu'il existe bel et bien un océan global. Selon Nikku Madhusudhan, les données de Webb permettraient aussi d'envisager qu'il contient des équivalents du phytoplancton terrestre, la seule source connue dans l'atmosphère de notre Planète bleue d'une molécule de sulfure de diméthylesulfure de diméthyle (ou diméthylsulfure, DMS, en anglais), un composé organosulfuré de formule (CH3)2S.

    Voilà bien évidemment de quoi être très excité, même si le chercheur précise qu'il reste encore du travail à faire pour confirmer sa présence.

    Toujours, dans le précédent article ci-dessous, notamment en reprenant un texte écrit en 2019 par Franck Selsis, Futura avait incité à la prudence et à garder un regard critique non seulement sur l'existence des planètes hycéennes, mais aussi sur le fait de vraiment prendre au sérieux la présence de la signature spectrale de DMS.

    Pour y voir plus clair, nous avons donc décidé sur la recommandation de Franck Selsis de prendre l'avis d'un de ses collègues en poste au Laboratoire d'astrophysique de Bordeaux (LAB), en l'occurrence Jérémy Leconte.

    Au CNRS, et comme il le précise sur sa page personnelle, Jérémy Leconte étudie la dynamique des atmosphères planétaires et la physiquephysique des climatsclimats planétaires dans des environnements extrêmes, à la fois par la modélisation et la caractérisation observationnelle. Il se penche aussi sur la problématique de la structure interne des exoplanètes et des naines brunes, ainsi que sur leur évolution en forte interaction avec leur étoileétoile hôte.


    Jéremy Leconte, astrophysicien au LAB (Laboratoire d'Astrophysique de Bordeaux). © Association Dealers de Science

    Futura : La communauté des planétologues prend-elle au sérieux le concept de planète hycéanique ?

    Jérémy Leconte : Ce qui est certain c'est que nous avons des modèles et des simulations de ces exoplanètes qui nous disent qu'elles peuvent tout à fait exister. Ce qui pose problème, c'est que l'existence d'un océan d'eau liquide n'est possible que pour une bande étroite des valeurs de certains paramètres de ces modèles. Si pour une raison ou une autre ils se mettent à changer un peu, l'océan disparaît. Ainsi, par exemple, s'il y a juste un petit peu trop d'hydrogène dans l'atmosphère, l'eau ne peut exister que sous forme d'un fluide supercritique.

    La situation est bien différente dans le cas de la Terre où il existe des mécanismes qui tendent à stabiliser les conditions rendant possible l'existence de l'eau liquide. Prenons un exemple.

    Sur une échelle de temps bien supérieure à celle d'une vie humaine, la tectonique des plaques - en enfouissant dans l'intérieur de la Terre des sédimentssédiments carbonatés - et le volcanismevolcanisme - en injectant du gaz carbonique provenant de l'intérieur de la Terre dans notre atmosphère - participent au cycle du carbonecycle du carbone, ce qui tend à réguler la température de notre Planète bleue jusqu'à un certain point.

    Ce mécanisme de stabilisation n'existe pas avec les planètes hycéaniques. En fait, elles devraient être très rares dans la Voie lactéeVoie lactée, ce qui rend très peu crédible d'en observer une aussi proche du Système solaireSystème solaire que l'est K2-18 b.

    Futura : Pourtant, Nikku Madhusudhan et ses collègues semblent confiants dans le fait que K2-18 b peut bel et bien être une planète hycéanique...

    Jérémy Leconte : En effet, car ils ont un argument en ce sens du fait qu'en l'état actuel des mesures, on ne trouve pas d'ammoniac (NH3) dans son atmosphère. Lorsque l'on modélise une planète hycéanique dans les conditions observées pour K2-18b, la structure de son atmosphère avec un océan et des réactions chimiquesréactions chimiques de destruction et de reformation de molécules d'ammoniac font que nous ne devrions pas les voir en quantités mesurables dans l'atmosphère de cette mini-Neptune alors que la molécule est présente dans celles d'UranusUranus et Neptune dans le Système solaire..

    Toutefois, il se pourrait que K2-18 b se soit simplement formée à partir de matériaux appauvris en azote, de sorte que la quantité d'ammoniac présente est suffisamment faible pour échapper pour le moment à une détection ou tout simplement que même sans un océan global, des mécanismes que nous ne connaissons pas encore produisent, là aussi, un manque de NH3 dans l'atmosphère de K2-18 b.

    En résumé, rien ne prouve vraiment que K2-18 b soit une planète hycéanique. C'est possible, mais ça reste très spéculatif.

    Futura : Venons-en maintenant à ce qui est présenté comme la détection possible d’un marqueur biologique et peut-être même d’une potentielle authentique biosignature.

    Jérémy Leconte : Il faut vraiment être très prudent encore avec les détections des molécules dans les atmosphères des exoplanètes.

    Prenons l'exemple de la vapeur d'eau que l'on pensait avoir mis en évidence via des raies spectralesraies spectrales avec les observations de Hubble il y a quelques années. En fait, déjà à l'époque, les raies accessibles pouvaient aussi s'interpréter comme trahissant la présence de molécules de méthane (CH4) dans K2-18 b.

    Les observations plus précises dans l'infrarougeinfrarouge proche du James-Webb ne confirment pas la présence de molécules d'eau et attribuent donc aujourd'hui tout le signal observé par Hubble aux molécules de méthane.

    La signature de molécules de sulfure de diméthyle n'est pas statistiquement crédible.

    Elle n'est que de 1 sigma environ, il en faudrait 5 pour avoir une découverte et encore, ce 1 sigma est obtenu en combinant des mesures de deux instruments du James-Webb dont nous ne savons pas à quel point dans l'espace ils sont affectés par des biais systématiques. Si l'on tient compte d'une estimation raisonnable des incertitudes alors ce signal disparaît, ce qui n'est pas le cas de celui indiquant la présence de méthane, dont la signature est de ce fait très robuste.

    À ce stade, on ne devrait même pas commencer à évoquer la présence de sulfure de diméthyle...


    Le télescope James-Webb précise la composition de l'atmosphère d'une exoplanète potentiellement habitable

    Article de Laurent Sacco publié le 12/09/2023

    L'exoplanète K2-18b avait été découverte dans la fameuse zone d'habitabilitézone d'habitabilité par le télescope Kepler et son atmosphère de mini-Neptune avait été étudiée en utilisant Hubble qui y avait décelé de la vapeur d'eau. C'est aujourd'hui au télescope spatial James-Webb de tenter de percer les secrets de l'exoplanète, en espérant y trouver solidement peut-être un jour des traces de formes de vie. Quelques explications supplémentaires avec un recul critique sont données par l'astrophysicien Franck Selsis, membre du CNRS et du Laboratoire d'astrophysique de Bordeaux (LAB).

    En ce qui concerne le télescope spatial James-Webb, on attend principalement de lui qu'il prenne le relais de Hubble pour étudier ce qui s'est passé à partir de quelques centaines de millions d'années à un milliard d'années après le Big Bang au niveau des galaxiesgalaxies d'une part, et d'autre part de permettre un bond très significatif dans l'étude de la composition des atmosphères des exoplanètes dans la banlieue proche du Soleil dans la Voie lactée.

    Sur ce dernier aspect, le rêve est que l'on puisse trouver dans un avenir pas trop lointain une définition de ce que serait une biosignature particulièrement convaincante et au final, de la retrouver dans l'atmosphère d'une exo-Terre potentielle, ce qui nous permettrait de dire que la vie existe vraiment ailleurs que dans le Système solaire. Ce serait une révolution scientifique et philosophique majeure.


    L'ESO présente la découverte de K2-18b. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © ESA-Hubble, M. Kornmesser, Nasa's Goddard Space Flight Center Conceptual Image Lab

    K2-18 b, de Hubble au James-Webb

    Le télescope Hubble avait déjà été mobilisé il y a quelques années pour étudier la mini-Neptune K2-18 b qui se trouve dans ce que l'on pourrait appeler la zone habitable naïve autour de son étoile hôte, c'est-à-dire celle où l'on peut s'attendre à trouver de l'eau liquide en raison de la température moyenne supposée exister. On sait que cette notion n'est pas simple, déjà parce que l'existence ou non d'une atmosphère peut tout changer. VénusVénus et la Terre ont presque la même masse et sans doute la même composition chimique et pourtant Vénus est un enfer.

    L'exoplanète K2-18 b est à environ 120 années-lumière du Système solaire, c'est donc une cible de choix pour le James-Webb, d'autant plus qu'avec Hubble on avait trouvé des traces de vapeur d'eau dans son atmosphère.

    Un communiqué de la Nasa fait savoir que de nouvelles analyses faites avec les instruments du James-Webb révèlent maintenant la présence de méthane (CH4) et de gaz carbonique dans l'atmosphère de K2-18 b mais avec pas d'ammoniac (NH3) détectable.

    Les spectres de K2-18 b, obtenus avec les instruments Niriss <em>(Near-Infrared Imager and Slitless Spectrograph) </em>et le NIRSpec <em>(Near-Infrared Spectrograph) </em>de Webb, montrent une abondance de méthane et de dioxyde de carbone dans l'atmosphère de l'exoplanète, ainsi qu'une possible détection d'une molécule appelée sulfure de diméthyle (DMS). La détection de méthane et de dioxyde de carbone, ainsi que la pénurie d'ammoniac confortent pour certains l'hypothèse selon laquelle il pourrait y avoir un océan d'eau sous une atmosphère riche en hydrogène dans K2-18 b. K2-18 b, 8,6 fois plus massive que la Terre, orbite autour de l'étoile naine froide K2-18 dans la zone habitable et se trouve à environ 120 années-lumière de la Terre. © Nasa, CSA, ESA, R. Crawford (STScI), J. Olmsted (STScI), Science : N. Madhusudhan <em>(Cambridge University)</em>
    Les spectres de K2-18 b, obtenus avec les instruments Niriss (Near-Infrared Imager and Slitless Spectrograph) et le NIRSpec (Near-Infrared Spectrograph) de Webb, montrent une abondance de méthane et de dioxyde de carbone dans l'atmosphère de l'exoplanète, ainsi qu'une possible détection d'une molécule appelée sulfure de diméthyle (DMS). La détection de méthane et de dioxyde de carbone, ainsi que la pénurie d'ammoniac confortent pour certains l'hypothèse selon laquelle il pourrait y avoir un océan d'eau sous une atmosphère riche en hydrogène dans K2-18 b. K2-18 b, 8,6 fois plus massive que la Terre, orbite autour de l'étoile naine froide K2-18 dans la zone habitable et se trouve à environ 120 années-lumière de la Terre. © Nasa, CSA, ESA, R. Crawford (STScI), J. Olmsted (STScI), Science : N. Madhusudhan (Cambridge University)

    Une biosignature qui reste élusive

    Certains chercheurs, comme Nikku Madhusudhan, astronome à l'université de Cambridge, en déduisent que cela renforce la thèse faisant de l'exoplanète une planète océanplanète océan avec une atmosphère essentiellement composée d'hydrogène. Cela les a conduits à introduire un nouveau concept de planète potentiellement habitable, celui d'une planète-hycéan ou planète hycéanique des mots « hydrogène » et « océan(ique) ».

    Mais tout le monde n'est pas d'accord avec cette hypothèse, qu'évoquent d'ailleurs Madhusudhan et ses collègues dans l'article consacré aux observations du JWST concernant K2-18 b et dont on peut trouver une version sur arXiv.

    Les chercheurs se posent aussi la question de la crédibilité de la signature d'une molécule de sulfure de diméthyle (dimethyl sulfide  ou DMS en anglais) dont on sait dans le cas de la Terre qu'elle trahit la présence du phytoplancton. Il reste du travail pour confirmer, ou non, la présence de cette molécule et même si elle est bien là, il est trop tôt pour en déduire que ce serait la preuve de l'existence de processus biotiques et qu'il n'existe pas des processus abiotiquesabiotiques pour la produire. On a le même problème avec la phosphine de Vénus.

    Que faut-il penser de tout cela ?

    Il semble pertinent de rappeler ce que l'astrophysicien Franck Selsis, membre du CNRS et du Laboratoire d'astrophysique de Bordeaux (LAB) nous avait expliqué il y a quatre ans lorsqu'il avait gracieusement permis à Futura de reprendre l'article qu'il avait consacré à la découverte de la vapeur d'eau dans l'atmosphère de l'exoplanète K2-18b, et qui était publié sur le site du LAB. Il y remettait les pendules à l'heure en ce qui concerne cette découverte, la notion de zone habitable et son lien avec la recherche de vie ailleurs, ainsi que sur la possibilité que K2-18b soit une planète océan.

    L'astrophysicien Franck Selsis étudie les atmosphères planétaires et l'exobiologie. © Benjamin Pavone
    L'astrophysicien Franck Selsis étudie les atmosphères planétaires et l'exobiologie. © Benjamin Pavone

    Voici son texte !

    « La détection de vapeur d'eau dans l'exoplanète K2-18b a eu un grand retentissement médiatique. Cette observation constitue une étape très importante pour l'étude des exoplanètes mais son lien avec la recherche de vie ailleurs où l'habitabilité a été fortement exagérée par certains médias. Revenons donc sur ce fascinant système, sur cette fameuse observation et ses implications.

    L'étoile K2-18 se trouve à environ 120 années-lumière, ce qui en fait un système relativement proche. Pour donner un ordre d'idées, il y a environ 15 000 étoiles plus proches que cela. C'est une étoile d'un type très commun, une naine rouge qui fait environ un tiers de la masse du Soleil et dont la luminositéluminosité est environ de 3 % de celle du Soleil.

    Sa planète b orbiteorbite en 32 jours autour de l'étoile à une distance de 0,14 fois la distance Terre-Soleil, ce qui lui donne une insolationinsolation quasiment identique à celle de la Terre en terme énergétique (mais pour un rayonnement beaucoup plus rouge). La planète fait entre 6 et 10 masses de la Terre et son rayon est de 2,3 fois celui de notre Planète. La densité de K2-18b est donc bien trop faible pour qu'il s'agisse d'une planète rocheuseplanète rocheuse : avec ce rayon, une composition terrestre impliquerait une masse supérieure à 20 fois celle de la Terre. La planète doit donc être composée en grande partie de constituants dits volatils, formant une enveloppe fluide, dont les candidats principaux sont l'hydrogène moléculaire, l'héliumhélium, l'eau. On appelle généralement ce type de planète une mini-Neptune, faute de meilleure terminologie. C'est un monde intermédiaire entre, par exemple, la Terre (ou Vénus) et Uranus (ou Neptune).

    Cette planète s'est manifestée à nous par ses transits, c'est-à-dire que nous, observateurs, sommes dans le plan de son orbite et que, de notre point de vue, elle passe tous les 32 jours devant le disque de son étoile en faisant diminuer son éclat apparent. C'est de cette façon qu'elle a été découverte avec le télescope spatial Kepler, dans son mode d'observation K2, d'où le nom du système.

    En haut de ce schéma, une comparaison entre les tailles du Soleil et de la Terre d'un côté avec celle de K2-18b et son étoile K2-18. En bas, les distances de ces astres sont mises en perspective, mais le rapport avec les tailles n'est pas respecté car une UA vaut environ 150 millions de kilomètres alors que la taille du Soleil est de l'ordre du million de kilomètres. Les planètes ne respectent pas non plus les échelles de taille par rapport à leurs étoiles hôtes. © 2017-2019 LAB
    En haut de ce schéma, une comparaison entre les tailles du Soleil et de la Terre d'un côté avec celle de K2-18b et son étoile K2-18. En bas, les distances de ces astres sont mises en perspective, mais le rapport avec les tailles n'est pas respecté car une UA vaut environ 150 millions de kilomètres alors que la taille du Soleil est de l'ordre du million de kilomètres. Les planètes ne respectent pas non plus les échelles de taille par rapport à leurs étoiles hôtes. © 2017-2019 LAB

    L'observation publiée récemment par deux groupes (Tsiaras et al., Benneke et al.) a été réalisée avec le télescope spatial Hubbletélescope spatial Hubble pendant le transit de cette planète. En comparant le spectre de l'étoile durant le transit et hors transit avec un spectromètrespectromètre, ils ont analysé comment les limbeslimbes de l'atmosphère filtrent la lumière de l'étoile. Ces observations ont révélé la signature spectroscopique de la vapeur d'eau. Ce n'est pas une première, la vapeur d'eau a été ainsi mise en évidence sur plusieurs exoplanètes depuis 2007. Jusqu'à présent, il s'agissait de planètes plus grosses et plus chaudes, ce qui rendait l'observation plus aisée.

    La présence d'une atmosphère et de vapeur d'eau sur une planète de cette densité est attendue, c'est son absence qui serait une surprise. Mais cette observation est techniquement très difficile et aurait pu être rendue impossible par la présence de nuagesnuages, l'activité de l'étoile et bien d'autres facteurs. Par ailleurs, si la planète ne possédait pas d'enveloppe d'hydrogène mais uniquement des constituants plus lourds : vapeur d'eau, dioxyde de carbonedioxyde de carbone, méthane..., l'atmosphère n'aurait sans doute pas pu être détectée car les limbes de l'atmosphère auraient été trop fins, comme une mince coquille d'œuf autour de la planète. L'hydrogène étant un gaz très léger, l'atmosphère est très étendue et permet de détecter les constituants mineurs qu'elle porteporte, dont la vapeur d'eau.

    La planète K2-18b est présentée dans les deux études comme une habitable-zone planet, autrement dit une planète se situant dans la zone habitable. Cela signifie que son insolation n'interdit pas la présence d'eau liquide à sa surface pourvu, toutefois, que de nombreux facteurs soient favorables : la teneur en eau de la planète, la composition de l'atmosphère et la rotation de la planète, l'existence d'une surface... Cette expression a pu être mal comprise par les médias qui ont parfois parlé de « planète habitable », ce qui, pour les astrophysiciens, signifierait que la planète possède effectivement de l'eau liquide à sa surface. Nous allons voir que cela semble peu probable.


    L’étude des exoplanètes a révélé une incroyable diversité des architectures de systèmes planétaires, mais aussi des types de planètes, en ce qui concerne les masses, rayons, températures et compositions. Les méthodes d’observation permettent désormais de sonder la structure et la composition de leur atmosphère, ouvrant ainsi un champ de recherche considérable à la planétologie comparée. Voici, en 2016, une conférence de Franck Selsis organisée par le Bureau des longitudes (Académie des Sciences) et le département de géosciences de l'ENS. © École normale supérieure - PSL

    L'habitabilité de K2-18b

    Tout d'abord, compte tenu de l'insolation de la planète, nous ne savons pas si elle se situe dans cette « zone habitable ». Bien que son insolation soit la même que celle de la terre au niveau de l'énergieénergie, le spectre de son étoile est très différent, beaucoup plus efficace pour chauffer une atmosphère. Si on plaçait la Terre à la place de K2-18b, ses océans seraient vaporisés car, au lieu de réfléchir 30 % de l'énergie incidente, elle en réfléchirait trois fois moins. Certaines études proposent toutefois que, si une telle planète a une rotation synchronesynchrone avec son orbite - c'est-à-dire, dans le cas de K2-18b, si elle tourne sur elle-même en 32 jours et montre ainsi toujours la même face à son étoile -, les épais nuages se formant sur l'hémisphère jour permettraient de réfléchir l'excédent de lumière et d'avoir un climat habitable. Il est très possible, en raison des maréesmarées stellaires exercées sur la planète, que celle-ci soit effectivement en rotation synchrone, mais l'effet que cela aurait sur le climat d'une atmosphère de type terrestre est actuellement très débattu.

    Par ailleurs, l'observation nous dit qu'on a affaire à une atmosphère riche en hydrogène et non « terrestre ». L'hydrogène est un gaz à effet de serregaz à effet de serre très efficace et la vapeur d'eau y étant un constituant mineur, il est très peu probable que de l'eau soit présente à l'état liquideétat liquide, ni à la surface de la planète ni même sous forme de gouttelettes dans des nuages. L'une des deux études conclut à la présence probable d'eau liquide mais il est clair pour la communauté que l'argument avancé pour le démontrer est erroné.

    La planète peut tout à fait être très riche en eau. Bien plus que la Terre. Neptune et Uranus le sont et il est très vraisemblable que K2-18b le soit également. Mais nos modèles - qui restent perfectibles - nous disent que cette eau n'y est jamais liquide. Elle est à l'état gazeuxétat gazeux dans l'atmosphère, certainement aussi sous forme de particules de glace dans la haute atmosphère. En profondeur et selon la composition, on pourrait trouver de l'eau sous forme de fluide supercritique, puis de la glace d'eau mais dans des états à haute pressionpression et haute température, différents de la glace habituelle que nous connaissons. Il est très possible que cette planète ne possède pas de surface et que l'on passe continûment de l'atmosphère externe à une enveloppe supercritique comme c'est le cas dans JupiterJupiter, SaturneSaturne, Uranus et Neptune.

    Ces observations sont passionnantes et très importantes pour la planétologie comparée. Nous n'avons pas de telles planètes dans le Système solaire et avons énormément à apprendre à leur sujet. K2-18b et des planètes similaires seront des cibles de choix pour les futurs télescopes spatiaux James-Webb et Ariel ».