Vente directe à la ferme, marchés locaux, Amap et coopératives… Ces formes de consommation, censées être plus vertueuses au niveau environnement, ont le vent en poupe. Mais, en réalité, le transport ne représente qu’une infime partie des émissions de gaz à effet de serre induits par la production alimentaire. Manger local peut même s’avérer encore plus néfaste pour l’environnement que d’acheter des fruits venus de l’autre bout du monde.
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Les circuits courts de proximité, comme la vente directe à la ferme, les marchés, les Amap (association pour le maintien d'une agriculture paysanneassociation pour le maintien d'une agriculture paysanne) séduisent de plus en plus de consommateurs. Les supermarchés eux aussi profitent de cette tendance avec des offres de produits régionaux et locaux. Selon un sondage Opinion Way pour Max HavelaarMax Havelaar France réalisé en 2019, 76 % des personnes interrogées disent acheter au moins une fois par mois un produit provenant de leur région, et 68 % disent avoir augmenté leurs achats de ces produits durant l'année.
Transport : une part négligeable des émissions dans la production alimentaire
Cela semble tomber sous le coup du bon sens : pour réduire son empreinte carbonecarbone, mieux vaut acheter du bœuf produit par un éleveur à côté de chez soi plutôt que du bœuf qui a parcouru des milliers de kilomètres avant d'atterrir dans le supermarché du coin. Sauf que le transport ne représente en réalité qu'une part négligeable du bilan environnemental d'un produit alimentaire. Selon une étude du Commissariat général au développement durable (CGDD), 57 % des émissionsémissions de gaz à effet de serre de la chaîne alimentaire sont liés à la phase de production et seulement 6 % au transport.
Cette moyenne varie énormément selon le type de produit. De manière générale, plus son empreinte carbone est élevée, plus le transport est un critère négligeable. Selon une étude de 2018 parue dans Science, le transport représente à peine 0,5 % des émissions de gaz à effet de serre pour le bœuf et le fromage, et généralement moins de 10 % pour les autres produits agricoles (voir graphique). Acheter du bœuf argentin plutôt que du bœuf français n'a donc pas une véritable incidenceincidence. Le transport pèse cependant 33 % des émissions pour les fruits et légumes et jusqu'à 43 % pour le sucresucre.
Manger local pour sauver la planète ?
Si les produits vendus en circuit court parcourent effectivement une distance plus faible, « la consommation d'énergieénergie et les émissions de gaz à effet de serre ne sont pas pour autant systématiquement plus faibles, note l’Ademe. Ramenées au kilo de produit transporté, elles peuvent parfois même être plus élevées. En effet, les émissions par km parcouru et par tonne transportée sont environ 10 fois plus faibles pour un poids lourd de 32 tonnes et 100 fois plus faibles pour un cargo transocéanique que pour une camionnette de moins de 3,5 tonnes ».
En outre, dans les formes de commercialisation locale (marchés, livraison de paniers, etc.), les camionnettes reviennent la plupart du temps à vide, ce sont autant de kilomètres « gaspillés ».
“11 % des émissions de la production alimentaire proviennent du trajet qu’effectue le client pour se rendre sur le lieu de vente”
Mais la plus grande partie des émissions de gaz à effet de serre liées au transport sont en fait... du côté du consommateur. Selon le CGDD, 11 % des émissions de la production alimentaire proviennent du trajet qu'effectue le client pour se rendre sur le lieu de vente (contre 6 %, on le rappelle, pour le transport du produit jusqu'au magasin). Parcourir 50 km en voiturevoiture pour aller chercher sa canette de légumes bio est ainsi hautement inefficace par rapport à des légumes importés qu'on est allé acheter à pied à la supérette (ou à l'hypermarché si on en profite pour faire d'autres courses en même temps).
Consommer local : des économies d’énergie ?
Pour reprendre l'exemple du bœuf argentin, les vaches bénéficient là-bas d'une herbe qui pousse 11 mois sur 12, ce qui ne nécessite pas de consacrer autant de terres aux cultures fourragères pour les nourrir (sojasoja, maïsmaïs...) et donc d'utiliser moins d'intrantsintrants. On arrive ici sur une autre évidence : adapter les cultures au sol et au climatclimat permet de diminuer l'empreinte écologiqueempreinte écologique d'un produit. Une salade cultivée sous serre en hiverhiver aura ainsi un bilan carbonebilan carbone deux fois plus élevé que la même salade importée d'Espagne où elle est cultivée en plein airair, indique l'AdemeAdeme.
De même, le bilan énergétique d'une fabrication à petite échelle peut s'avérer hautement moins efficace que dans un processus industriel. La fabrication d’un kilo de pain par une boulangerie artisanale consomme ainsi 1,5 fois plus d'énergie qu'un kilo de pain fabriqué par une boulangerie industrielle, signale le CGDD.
Changer son type de régime plutôt que son approvisionnement
Comme on peut le constater sur le graphique plus haut, le type d'alimentation est un facteur nettement plus déterminant que le « consommer local » pour réduire son empreinte environnementale. Un régime riche en produits carnés a ainsi un impact considérablement plus élevé qu'un régime végétarien. Produire un kilo de bœuf nécessite ainsi 71 fois plus de terres agricoles, 9 fois plus de gaz à effet de serre et 8 fois plus d'eau que produire un kilo de soja. Une étude du Centre commun de recherche de la Commission européenne de 2018 a calculé que, si chaque Français passait au régime végétarienvégétarien, jusqu'à 2.770 litres d’eau par personne et par jour pourraient être économisés chaque année, soit plus d'un million de litres.
Le « localisme » n'est cependant pas à jeter à la poubelle. Favoriser la production de proximité permet de soutenir l'emploi local, de contribuer à la cohésion de territoires, de maintenir les paysages agricoles et d'avoir plus de transparencetransparence sur l'origine des produits.