Il y a presque un an, la détection d'une molécule dans l'atmosphère de Vénus avait laissé espérer que l'on pourrait bien découvrir des formes de vie ailleurs que sur Terre, et pas sur Mars en premier comme beaucoup le pensaient. Mais la présence de cette molécule et le fait qu'on ne puisse l'expliquer que par une activité biologique étaient et restent des hypothèses questionnables. Aujourd'hui, la possibilité que la molécule de phosphine soit en fait bien la trace d'une activité volcanique revient sur le devant de la scène des débats.
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On se souvient de la petite bombe qui avait explosé dans le monde de l'exobiologie en septembre 2020 quand la présence d'une molécule associée sur Terre à l'activité de bactériesbactéries anaérobies, la phosphine, avait, semblait-il, été découverte dans l'atmosphèreatmosphère de VénusVénus. Les planétologues ayant annoncé cette découverte faisaient notamment valoir que malgré leurs efforts, ils n'avaient pas pu trouver de mécanismes abiotiquesabiotiques capables de produire dans les quantités mesurées la phosphine détectée.
Mais, rapidement, des voix se sont fait entendre pour inciter à la prudence quant à la réelle présence de la phosphine et surtout en ce qui concernerait l'impossibilité de la synthétiser en quantité suffisante sans faire intervenir des micro-organismesmicro-organismes vivants dans certaines des couches, probablement ni trop chaudes ni trop acides dans l'atmosphère de Vénus et avec un peu d'eau. Comme le montrent les articles précédents sur cette question, ci-dessous, c'est précisément ce qu'avait expliqué à Futura l'astrophysicienastrophysicien Franck Selsis. Son collègue, l'astrochimiste Hervé Cottin, professeur à l'Université Paris-Est-Créteil, chercheur au LisaLisa (Laboratoire interuniversitaire des systèmes atmosphériques) avait également exprimé un appel à la prudence, tout comme un communiqué de la Société française d'exobiologie (SFE).
L’astrophysicienne française Thérèse Encrenaz, spécialisée dans les atmosphères planétaires, avec ses collègues, avait à son tour questionné la quantité de phosphine vraiment détectée, comme Futura l'avait aussi expliqué.
La Nasa va retourner sur Vénus. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Nasa's Goddard Space Flight Center, David Ladd
Des volcans explosifs qui crachent des phosphures ?
Les débats ont continué depuis, mis en relief par les récentes annonces de la Nasa et de l'ESA concernant le lancement de la constructionconstruction de pas moins de trois missions à destination de Vénus pour étudier de plus près son atmosphère et sa géologiegéologie, voire sa géodynamique si des traces en ce sens, comme par exemple des éruptions volcaniqueséruptions volcaniques en ce moment même sur la sœur de la Terre, pouvaient être détectées.
Aujourd'hui, il y a un nouveau rebondissement avec une publication en accès libre dans Proceedings of the National Academy of Sciences. Elle provient de Jonathan Lunine, professeur David C. Duncan en sciences physiques et président du département d'astronomie du Collège des arts et des sciences de l'université de Cornell. Avec Ngoc Truong, doctorant en géologie, le célèbre planétologue et physicienphysicien américain a revisité l'hypothèse d'une production de phosphine par un volcanismevolcanisme vénusien actif de nos jours : « La phosphine ne nous parle pas de la biologie de Vénus. Elle nous parle de sa géologie. La science pointe vers une planète qui a un volcanisme explosif actif aujourd'hui ou dans un passé très récent », comme il l'affirme dans un communiqué de l'Université Cornell.
Les deux chercheurs se sont penchés sur les données spectrales signalant la présence de phosphine fournies par le radiotélescope Clerk Maxwell (JCMT) situé à l'observatoire du Mauna Kea à Hawaï et par ceux de l'Atacama Large Millimeter / submillimeter Array (Alma) au Chili. Ils ont relié ces données à l'hypothèse de la présence de phosphures, des composés du phosphore avec un ou plusieurs autres éléments moins électronégatifs, dans le manteaumanteau profond de Vénus.
Un volcanisme explosif pourrait alors injecter ces phosphures dans l'atmosphère de Vénus où ils peuvent réagir avec l'acide sulfuriqueacide sulfurique présent pour donner de la phosphine. Le processus serait suffisamment efficace pour rendre compte des données des deux radiotélescopesradiotélescopes, en supposant bien sûr que les signatures spectrales observées sont bien celles de la phosphine.
Vie sur Vénus : du dioxyde de soufre ordinaire aurait-il été confondu avec la phosphine ?
Article de Laurent SaccoLaurent Sacco publié le 19/07/2021
Une molécule associée sur Terre à l'activité de bactéries anaérobies, la phosphine, semblait avoir été découverte dans l'atmosphère de Vénus, suggérant l'existence de formes de vie microscopiques dans les hautes couches de l'atmosphère de la planète. L'astrophysicien Franck Selsis avait expliqué à Futura qu'il fallait rester prudent. Or, une nouvelle publication d'une équipe d'astronomesastronomes menée par des chercheurs de l'Université de Washington remet à nouveau en cause la présence de cette molécule.
Cela fait des décennies que tout le monde ronge son frein en ce qui concerne l'existence d'une forme de vie sur Mars. Mais, pas plus qu'avec les sondes Viking de la NasaNasa, les données collectées par les rovers martiens n'ont permis d'établir l'existence actuelle ou passée ne serait-ce que de biosignatures. Il apparait même raisonnable de penser que, si des micro-organismes sont peut-être apparus sur la Planète rouge il y a plus de 3 milliards d'années, celle-ci serait finalement devenue hostile à toutes formes de vie par la suite.
Bien sûr, nous n'en savons vraiment rien et ces dernières années, le regard des exobiologistes se tournait de plus en plus vers Europe et EnceladeEncelade, les luneslunes océans de JupiterJupiter et SaturneSaturne. On comprend donc aisément que l'annonce faite via un article publié dans la revue scientifique Nature Astronomy le lundi 14 Septembre 2020, et concernant la détection d'une potentielle biosignature dans l'atmosphère de Vénus, ait fait l'effet d'une petite bombe.
Il fut un temps où la couverture nuageuse de Vénus avait laissé penser qu'elle indiquait une planète riche en eau, probablement chaude et marécageuse. Mais, lors du début de la seconde moitié du XXe siècle, les observations allaient rapidement réfuter cette théorie et il était devenu clair au cours des années 1970 que Vénus était bien un monde infernal dominé par un effet de serreeffet de serre important et un volcanisme copieux, avec une température moyenne en surface de 460 °C environ et une pressionpression de l'ordre de 92 atmosphère au sol.
Toutefois, même si les nuagesnuages étaient largement constitués de gouttelettes d'eau riche en acide sulfurique, les planétologues avaient pu déterminer que certaines couches hautes de l'atmosphère de Vénus étaient à des pressions et des températures comparables à celles où la vie prospère abondamment sur Terre. Or, la découverte annoncée dans Nature Astronomy concernait la présence d'un gazgaz de formule PH3, la phosphine, en quantité si importante et dans certaines couches de l'atmosphère de Vénus si peu hospitalières, qu'il semblait raisonnable d'en conclure qu'un apport continuel biogénique devait intervenir pour maintenir les quantités observées alors que la molécule PH3 devait être relativement rapidement détruite, notamment par les ultravioletsultraviolets solaires.
En effet, il ne semblait pas y avoir de moyen de produire ces quantités par des processus abiogéniques, par exemple avec du volcanisme. Il s'en suivait que, comme sur Terre, des micro-organismes devaient les produire en vivant dans les couches accueillantes de l'atmosphère de Vénus.
Une signature spectrale peu solide
Plusieurs chercheurs n'ont pas été convaincus, comme Hervé Cottin, professeur à l'université Paris-Est-Créteil, chercheur au Laboratoire interuniversitaire des Systèmes atmosphériques et président de la Société française d'Exobiologie (SFE), et l'astrophysicien Franck Selsis, spécialisé dans la recherche sur les biosignatures possibles avec les exoplanètesexoplanètes. Le premier avait fait des commentaires dans son article sur le site de la SFE et le second également, Futura avait repris son article avec son autorisation comme on peut le constater dans les précédents articles ci-dessous.
Thérèse Encrenaz nous explique son travail sur Vénus avec l'instrument Texes sur le Mauna Kea. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © EuroVenus official
Futura avait également fait écho aux travaux de l’astrophysicienne française Thérèse Encrenaz, spécialisée dans les atmosphères planétaires qui, avec ses collègues, avait recherché d'autres signatures de la phosphine dans des spectresspectres infrarougesinfrarouges de Vénus archivés qui avaient été enregistrés en mars 2015 avec le spectro-imageur Texes (Texas Echelon Cross Echelle Spectrograph)) monté à l'IRTF (InfraRed Telescope Facility) sur le Mauna Kea, à Hawaï. Les nouveaux résultats obtenus n'étaient guère encourageants comme l'expliquait Futura dans le précédent article ci-dessous.
Tout récemment, Thérèse Encrenaz était revenue sur le sujet dans un article publié sur le site de l’Association française pour l’information scientifique (Afis). Ses conclusions sont les suivantes : « L'histoire de la phosphine n'est donc sans doute pas terminée. Ce que l'on peut retenir en premier, c'est l'emballement démesuré qui a suivi la première annonce. Ce qui aurait dû s'appeler "De la phosphine sur Vénus ?" s'est transformé en "La vie sur Vénus ?" sans que le moindre scénario justificatif soit proposé. Cette petite histoire de la phosphine illustre la fascination que la recherche d'une vie extraterrestre exerce à juste titre sur le public. Raison de plus pour que les scientifiques soient extrêmement vigilants dans leur démarche et dans la présentation de leurs résultats au public ».
Aujourd'hui, une équipe d'astrophysiciens états-uniens vient d'enfoncer un clou de plus dans ce qui pourrait bien être le cercueil de l'existence de la phosphine dans certaines couches de l'atmosphère de Vénus via un article accepté par l'Astrophysical Journal et dont une version en accès libre existe sur arXiv.
Un modèle d'atmosphère pour interpréter les spectres moléculaires
Pour arriver à cette conclusion, les planétologues sont partis d'une modélisationmodélisation de la physique et de la chimiechimie de l'atmosphère de Vénus afin de mieux interpréter les signaux mesurés sur Terre. Andrew Lincowski, chercheur et membre du Département d'astronomie de l'UW précise à son sujet que : « C'est ce qu'on appelle un modèle de transfert radiatif, et il intègre des données de plusieurs décennies d'observations de Vénus provenant de plusieurs sources, y compris des observatoires ici sur Terre et des missions spatiales comme Venus ExpressVenus Express ».
La théorie du transfert radiatif est développée depuis presque un siècle et elle est enseignée à tous les apprentis astrophysiciens, aussi bien pour modéliser l'intérieur des étoilesétoiles et leurs atmosphères que celles des planètes ou même encore le transfert de rayonnement dans les nuages interstellairesnuages interstellaires. Dans le cas présent, elle permet de modéliser le comportement des molécules et leurs effets sur le passage du rayonnement dans le milieu qui les contient. La pression, la température et l'état de turbulenceturbulence vont ainsi influencer les réactions chimiquesréactions chimiques entre les molécules et les caractéristiques des raies spectralesraies spectrales absorbées ou émises.
On savait par exemple que la phosphine et le dioxyde de soufresoufre absorbent et émettent des ondes radio proches de la fréquencefréquence de 266,94 gigahertz et c'est pour différencier les deux molécules que les chercheurs avaient combiné les observations de Vénus obtenues avec le télescopetélescope James Clerk Maxwell (JCMT) et celle de l'Atacama Large Millimeter / submillimeter Array (Alma). À l'époque, et comme seul le SO2 pouvait absorber du rayonnement à certaines fréquences proches de 266,94 gigahertz, les astrophysiciens en avaient conclu qu'ils observaient bien la phosphine, ne voyant pas traces significatives des raies d'absorptionabsorption du dioxyde de soufre.
Mais, forts de leur modèle, les chercheurs états-uniens font savoir que, pour eux, les signaux captés ne proviennent pas de la couche nuageuse de Vénus mais d'une région en plus haute altitude dans la mésosphèremésosphère. Sur Terre, la mésosphère est la couche de l'atmosphère terrestre comprise entre la stratosphèrestratosphère (au-dessous) et la thermosphèrethermosphère (au-dessus) entre 50 km et 80 km d'altitude. Dans le cas de Vénus, la couche nuageuse s'étend entre 31 et 68 km d'altitude environ et la mésosphère entre de 65 km à 120 km d'altitude.
Or, dans la région de la mésosphère où le signal prendrait vraiment son origine, les conditions chimiques et le rayonnement UV du SoleilSoleil sont tels que toute molécule de phosphine serait photodissociée en quelques secondes seulement. Victoria Meadows précise dans un communiqué de l'UW que : « La phosphine dans la mésosphère est encore plus fragile que la phosphine dans les nuages de Vénus. Si le signal du JCMT provenait de la phosphine dans la mésosphère, alors pour tenir compte de sa force et de la duréedurée de vie inférieure à la seconde du composé à cette altitude, la phosphine devrait être délivrée à la mésosphère à environ 100 fois la vitessevitesse de l'oxygèneoxygène pompée dans l'atmosphère terrestre par photosynthèsephotosynthèse ».
Pour finir, les chercheurs montrent également maintenant que, non seulement, on peut rendre compte des observations précédentes avec du dioxyde de soufre mais que les quantités impliquées sont plausibles avec ce que l'on sait de la chimie de l'atmosphère vénusienne -- le SO2 est le troisième composé chimique le plus courant dans l'atmosphère de Vénus. Cette même chimie est également très clairement défavorable à l'existence de la phosphine dans les régions où elle est sensée exister.
Vénus : la présence de phosphine dans son atmosphère est remise en cause
Article de Laurent Sacco publié le 24/10/2020
Une molécule associée sur Terre à l'activité de bactéries anaérobies, la phosphine, semblait avoir été découverte dans l'atmosphère de Vénus, suggérant l'existence de formes de vie microscopiques dans les hautes couches de l'atmosphère de la planète. L'astrophysicien Franck Selsis avait expliqué à Futura qu'il fallait rester prudent. Or, une nouvelle publication d'une équipe menée par des chercheurs français du Lesia remet en cause la présence de cette molécule.
Il y a un mois maintenant, on se souvient du buzz déclenché par une publication dans le célèbre journal Nature Astronomy par une équipe internationale de chercheurs. Avec ses collègues, dont l'astrophysicienne états-unienne Sara Seager et l'astrochimiste Clara Sousa Silva, toutes deux du MIT, l'astronome britannique Jane Greaves, elle-même professeure d'astronomie à l'université de Cardiff, annonçait avoir des indications convaincantes de la présence d'une quantité anormale de phosphine (PH3) dans l'atmosphère de Vénus.
Or, cette molécule est particulière. On la trouve dans l'atmosphère de la Terre et c'est un sous-produit de l'activité de bactéries sur notre Planète bleue et dans une moindre mesure de l'industrie humaine. Par contre, on la détecte aussi dans l'atmosphère de la géante gazeusegéante gazeuse qu'est Jupiter mais on sait que sa synthèse y est le résultat des conditions physico-chimiques bien particulières qui y règnent. Son origine est donc abiotique, comme disent les exobiologistes, donc rien à voir avec une forme de vie. Pouvait-il en être autrement sur Vénus ?
Pour Sara Seager et certains des auteurs de la publication dans Nature Astronomy la question se posait. Malgré le fait que la molécule soit certes détectée dans des couches de l'atmosphère de Vénus où les températures et pressions sont clémentes (entre 53 et 61 kilomètres d'altitude), on pouvait avoir des doutes car les nuages y contenant de l'eau étaient surtout composés d'acide sulfurique pur à des concentrations jamais supportées même par des extrêmophilesextrêmophiles terrestres.
Ses doutes n'ont pas empêché Sara Seager de se lancer, avec l'appui du programme de recherche de vie extraterrestre Breakthrough Initiatives financé par le milliardaire Yuri Milner, dans l'étude de missions à destination de Vénus pour y chercher les éventuels micro-organismes, peut-être à l'origine de la phosphine détectée. On peut s'en convaincre en consultant le site qu'elle a mis en ligne à ce sujet avec des collègues : The Search for Life in Venus’ Clouds.
Des explications de Jane S. Greaves (École de Physique & d’Astronomie, université de Cardiff, Royaume-Uni), qui a mené l'étude initiale sur la phosphine de Vénus. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Royal Astronomical Society
Une raie d'absorption détectée par deux télescopes
On peut la comprendre, tellement la possibilité d'avoir une forme de vie extraterrestre aussi proche de la Terre était excitante. Mais déjà à ce moment-là, des voix s'élevaient pour inciter à la prudence comme celle de l'astrophysicien Franck Selsis dont les thèmes de recherche portent précisément sur les atmosphères des exoplanètes et la détermination de l'épineuse réponse à la question « Qu'est-ce qu'une biosignature fiable en exobiologie ? ». Il nous avait expliqué sa position dans le précédent article de Futura (voir ci-dessous) concernant cette annonce de détection de PH3 dans l'atmosphère de Vénus. Son collègue, l'astrochimiste Hervé Cottin, professeur à l'Université Paris-Est-Créteil, chercheur au LISA (Laboratoire interuniversitaire des systèmes atmosphériques), et président de la Société française d'exobiologie avait également exprimé un appel à la prudence dans un article et on peut lire aussi à ce sujet un communiqué de la SFE.
Cette prudence apparaît comme encore plus justifiée aujourd'hui, suite à une publication à destination de la revue Astronomy & Astrophysics, que l'on peut consulter sur arXiv. Elle émane d'une équipe internationale d'astrophysiciens, coordonnée par des chercheurs du LESIA (Laboratoire d'études spatiales et d'instrumentation en astrophysiqueastrophysique) de l'Observatoire de Paris-PSL, et qui comporte comme coauteurs Jane Greaves et Clara Sousa Silva elles-mêmes !
Rappelons que la présence de la phosphine avait été avancée parce que l'on semblait avoir détecté une des raies d'absorption quantique (voir incidemment à ce sujet le livre du Prix Nobel de Chimie, Harold Clayton Urey, ou ceux d'un autre Prix Nobel de Chimie, Linus Pauling) de cette molécule dans une bande millimétrique à la fois accessible aux détecteurs équipant l'Atacama Large Millimeter Array (Alma) au Chili, et le télescope James Clerk Maxwell (JCMT) à Hawaï. La possibilité d'un biais systématique identique dans les deux instruments étant hautement improbable, on pouvait penser que la molécule était bien présente. Cela pouvait être d'autant plus raisonnable que les quantités de phosphine détectées dans les nuages de Vénus étaient problématiques pour une molécule susceptible d'être détruite par les rayons ultraviolets du Soleil, soit directement, soit par les radicaux induits par les ultraviolets... à moins que certains processus reconstituent les molécules détruites.
Plusieurs raies sont nécessaires pour découvrir une molécule
Mais, comme l'expliquait Hervé Cottin dans son article sur le site de la SFE, « Le bon usage quand on cherche à identifier des nouvelles molécules dans des environnements extraterrestres veut que l'on ne considère une détection comme avérée que si plusieurs bandes spectroscopiques, signatures de la molécule, sont aussi détectées avec des intensités relatives identiques à celles observées en laboratoire ou éventuellement calculées par un modèle prenant en compte l'environnement observé (température, pression...). La plupart des molécules laissent en effet une empreinte à différentes longueurs d'ondelongueurs d'onde (dans les domaines UV, visible, infrarouge, radio...). La détection d'une seule bande caractéristique ne permet généralement pas une attribution sans équivoque à une unique molécule. ».
Pour en avoir le cœur net, l’astrophysicienne française Thérèse Encrenaz, spécialisée dans les atmosphères planétaires, et ses collègues, ont donc recherché d'autres signatures de la phosphine dans des spectres infrarouges de Vénus archivés, qui avaient été enregistrés en mars 2015 avec le spectro-imageur TEXES (Texas Echelon Cross Echelle Spectrograph) monté à l'IRTF (InfraRed Telescope Facility) sur le mythique Mauna Kea à Hawaï.
On le sait, absence de preuve n'est pas preuve de l'absence, mais les astrophysiciens annoncent qu'en tentant de détecter une autre raie d'absorption correspondant à une transition vibrationnelle de la molécule PH3, bien isolée d'autres bandes possibles et donc plus facile à observer de façon nette et convaincante, ils ne l'ont pas trouvée. Si de la phosphine est tout de même présente, elle ne peut exister qu'en quantités correspondant à une limite supérieure de 5 ppbv (partie par milliard en volumevolume) pour la pression partielle de PH3 au niveau du sommet des nuages, comme l'explique un communiqué du LESIA qui ajoute que : « Cette valeur est quatre fois plus faible que la valeur déduite par J. Greaves et ses collègues (20 ppbv), dans l'hypothèse d'un rapport de mélange constant avec l'altitude au-dessus des nuages. Cette nouvelle mesure apporte une contrainte forte sur l'abondance maximale de la phosphine au sommet des nuages ».
Le communiqué précise toutefois que « Les deux résultats ne peuvent être réconciliés que si l'on admet que la phosphine est présente seulement dans la haute mésosphère, à des niveaux non observables par spectroscopie infrarouge, ou si l'on considère que l'abondance de phosphine peut varier avec le temps ».
Mais sa conclusion confirme qu'il nous faut encore une détection de la phosphine vraiment convaincante avant de spéculer sur la manière dont des formes de vie pourraient exister et survivre en produisant ce gaz dans certaines couches de l'atmosphère de Vénus.
Vie extraterrestre : un gaz troublant identifié dans l'atmosphère de Vénus
Article de Laurent Sacco publié le 20/09/2020
Une molécule associée sur Terre à l'activité de bactéries anaérobies, la phosphine, a été découverte dans l'atmosphère de Vénus. Cela suggère l'existence, postulée depuis plus d'un demi-siècle, de formes de vie microscopiques dans les hautes couches de l'atmosphère de la planète. Mais la prudence s'impose comme l'a expliqué à Futura l'astrophysicien Franck Selsis qui nous a autorisés à reprendre un texte qu'il a rédigé à ce sujet.
C'est le buzz du moment alimenté par une publication dans le très réputé journal Nature Astronomy. Il faut dire que l'article peut laisser penser que l'on a trouvé une biosignature suggérant l'existence de formes de vie microscopiques dans certaines couches de l'atmosphère de Vénus, qui sont relativement clémentes pour des organismes connus sur Terre du point de vue des températures et pressions présentes. Une équipe d'astronomes de l'université de Manchester, du Massachusetts Institute of Technology et de l'université de Cardiff annonce en effet avoir identifié la signature spectrale d'une molécule bien particulière dans ces couches en utilisant le mythique radiotélescope Atacama Large Millimeter/submillimeter Array (Alma), au Chili et le James Clerk Maxwell Telescope (JCMT) situé à Hawaï. La molécule en question est loin d'être aussi complexe que celle de l'ADNADN ou encore de la chlorophyllechlorophylle dont la découverte avait été mise en scène sur Europe dans la toute aussi mythique adaptation sur grand écran du roman du regretté Arthur Clarke, 2010 : Odyssée deux. En effet, il s'agit de la phosphine, une molécule contenant seulement quatre atomesatomes, un de phosphore (P) et trois d'hydrogènehydrogène(H) donc de formule PH3.
Le phosphore est indispensable pour la vie telle que nous la connaissons sur Terre puisque, rappelons-le, chaque nucléotidenucléotide de l'ADN est constitué d'un groupement phosphatephosphate (ou acide phosphorique) lié à un sucresucre, le désoxyribosedésoxyribose, lui-même lié à une base azotéebase azotée. Le squelette de l'ADN est donc formé de la répétition sucre-phosphate. On a fait la découverte du phosphore dans la composition de la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko, comme l'expliquait Futura dans un précédent article. Ce qui laisse penser que c'est le bombardement des comètescomètes et des astéroïdesastéroïdes qui l'a amené sur la Terre primitive.
La phosphine, une molécule biotique et abiotique
Sur notre Planète bleue, la phosphine est bien présente dans notre atmosphère et on peut relier son existence, avec les quantités observées, à celle de l'activité de bactéries anaérobies. Dans un précédent article que l'on peut consulter sur arXiv, la célèbre exobiologiste Sara Seager (qui a contribué à l'article de Nature Astronomy), avait avancé avec ses collègues que la présence de phosphine dans une atmosphère d'une planète telluriqueplanète tellurique de type terrestre pouvait constituer un argument pour l'existence de formes de vie, qui constitueraient la seule explication plausible à la présence des molécules PH3 en certaines quantités. Dans un autre article, où elle expliquait que l'on avait découvert des micro-organismes dans les nuages sur Terre, elle développait, toujours avec ses collègues, des réflexions et un modèle pour un cycle de vie pour ces formes vivantes, dans l'atmosphère de Vénus.
La condition qui fait intervenir un environnement associé à une planète de type terrestre a son importance pour donner du poids à cet argument. En effet, l'atmosphère de Jupiter contient de la phosphine et cela n'étonne personne depuis longtemps car on explique très bien sa présence par des processus abiotiques. La prudence s'impose donc, comme nous allons bientôt le voir, quand on parle de biosignatures. Car cette notion n'est pas sans poser des problèmes et exige d'être maniée avec précaution, tellement il est difficile d'être sûr que certaines molécules ne peuvent être produites que par l'activité de formes de vie.
Pour Janusz Petkowski et Clara Sousa Silva, chercheurs au MIT et parmi les auteurs de la découverte de la phosphine, nous ne connaissons aucun processus non biologique sur Vénus capable de produire les molécules détectées. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Massachusetts Institute of Technology (MIT)
Mais comment des micro-organismes, fussent-ils extrêmophiles, pourraient-ils survivre dans l'atmosphère de Vénus ? C'est un enfer avec une pression au sol d'environ 90 atmosphères et surtout des températures de l'ordre de 450 °C, sans parler des nuages responsables de pluies d'acide sulfurique.
Certes, mais nous savons que certaines des couches de la haute atmosphère de Vénus ont des conditions plus clémentes, à savoir des températures et des pressions comparables à celles de l'atmosphère tempérée sur Terre et que l'on doit même y trouver des gouttelettes d'eau liquideliquide, à tel point que Russes et Américains ont envisagé sérieusement d’y installer des colonies avec des ballons. Toutefois, si des températures de l'ordre de 30°C doivent bien exister dans ces couches, les modélisations et les mesures concernant l'atmosphère de Vénus laissent penser que les nuages y seraient très riches en acide sulfurique, à 90 % contre 5 % pour les environnements terrestres où survivent malgré tout des extrêmophiles. L'existence de micro-organismes sur Vénus n'a donc rien d'évident.
Une autre question que l'on peut se poser est celle de l'origine de ces formes de vie. En fait, on soupçonne depuis quelque temps que Vénus n'a pas toujours été un enfer et qu'il y a environ un milliard d'années, elle était habitable. Les formes de vie microscopiques qui existent peut-être aujourd'hui dans son atmosphère pourraient donc être des vestiges des formes de vie vénusiennes initiales. On peut aussi penser qu'il s'agit de contaminationscontaminations bien terrestres, apportées par des météoritesmétéorites, si l'on croit quelque peu à la théorie de la panspermie.
En tout état de cause, on pourrait tester cette théorie avec des missions à destination de Vénus qui sont déjà en projet et qui pourraient, par exemple, introduire un ballonballon dirigeabledirigeable dans l'atmosphère de Vénus pour y faire des analyses qui pourraient s'avérer concluantes. On pense par exemple à une mission russe à l'étude, Venera D.
La conférence du 14 septembre 2020 sur la découverte de la phosphine. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Royal Astronomical Society
Que pense aujourd'hui Franck Selsis, bien connu des lecteurs de Futura pour ses travaux sur les exoplanètes et notamment la recherche de biosignatures, de la publication de Nature Astronomy ? Nous lui avons demandé et voici ses commentaires.
La plus grande découverte scientifique de l'histoire ?
Voici quelques remarques qui me semblent importantes, suite aux communiqués annonçant la mise en évidence d'un possible marqueur de vie, ce que l'on appelle aussi souvent une biosignature, sur Vénus, à savoir l'observation de phosphine (PH3) dans l'atmosphère vénusienne :
Détecter un ou plusieurs constituants simples comme la phosphine (PH3), le méthane (CH4), l'oxygène (O2), l'ozoneozone (O3) dans l'atmosphère d'une planète ou en mesurer l'abondance, ne peut pas être en soi considéré comme une biosignature.
Soyons précis sur le vocabulaire : une biosignature ou un biomarqueur, ce n'est pas quelque chose qui est possiblement lié à la vie, c'est la "preuve" non ambiguë que la vie est impliquée.
Donc annoncer la détection d'une biosignature sur une autre planète, c'est annoncer la plus grande découverte scientifique de l'histoire. Or, on ne compte plus, hélas, de telles annonces en particulier dans l'histoire de l'exploration martienne.
Ce n'est en effet pas parce que la vie peut produire une molécule que la présence de cette molécule implique la vie.
« On ne comprend pas donc c'est la vie ! » Non ! Se trouver face à un phénomène qui n'est pas immédiatement compris est très commun en science et heureusement car c'est la principale motivation et source d'enthousiasme dans la recherche.
Affirmer qu'une propriété dérive d'un processus biologique implique justement d'en comprendre et d'en démontrer la nature et non pas d'avoir mis en évidence une "anomalieanomalie", c'est-à-dire une observation pour l'instant sans explication. Par exemple, si je vois une lumièrelumière inhabituelle dans le ciel, je peux ne pas avoir d'explication pour le phénomène, mais affirmer qu'il s'agit d'un vaisseau extraterrestre nécessiterait des données solidessolides démontrant que c'est de cela qu'il s'agit.
Il faut donc bien prendre garde avec ce communiqué sur la phosphine vénusienne à ne pas se retrouver dans une posture qui ne serait pas différente de celle consistant à crier à l'invasion extraterrestre parce qu'on voit une lumière inhabituelle dans le ciel.
Que signifierait "trouver une biosignature" en observant une autre planète ?
- Que l'on dispose d'un ensemble assez détaillé d'informations concernant la composition et les conditions physiques sur cette planète, son irradiationirradiation par l'étoile, ses dégazagesdégazages volcaniques, etc. Or, cette condition n'est pas encore remplie pour Vénus dont les processus atmosphériques et les échanges entre la surface et l'atmosphère sont encore mal compris.
- Que cet ensemble de propriétés soit inexplicable par des processus physico-chimiques et géophysiques seuls et que cette conclusion fasse consensus au sein de la communauté scientifique. Il n'y a qu'une publication pour l'instant !
- Que l'on propose l'hypothèse que des métabolismesmétabolismes puissent être à l'origine de l'anomalie observée [on a sauté directement à cette étape] et que cette hypothèse s'accompagne d'un ensemble de tests observationnels, c'est-à-dire de conséquences impliquées par l'hypothèse et vérifiables par l'observation.
- Que cette hypothèse tienne la route face aux tests observationnels proposés et à toutes les nouvelles observations disponibles mais aussi face aux théories alternatives, jusqu'au stade éventuel (atteignable ou non ?) où la communauté considérera que cette hypothèse biologique est bien confirmée.