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Le 16 décembre 2017 marque le centenaire de la naissance d'Arthur Clarke (et l'année prochaine, le 19 mars 2018, il y aura exactement dix ans que l'auteur de 2001 : L'Odyssée de l'espace nous aura quittés). Remarquablement, ce centenaire coïncide avec le moment où les scientifiques écoutent le mystérieux objet 'OumuamuaOumuamua, à l'aide du radiotélescope de Green Bank, dans le cadre du projet Breakthrough Listen. Ce dernier a pour but de détecter une vie intelligente extraterrestre dans la lignée du programme Seti ; il est financé à hauteur de 100 millions de dollars sur dix ans par le milliardaire russe Yuri Milner. Le projet a reçu le soutien de pas moins de quatre prix Nobel, dont Kip Thorne et James Watson.
'Oumuamua, jusqu'à preuve du contraire, n'est qu'un astéroïde, certes exotiqueexotique (sa forme allongée et sa trajectoire indiquent qu'il ne provient pas du Système solaire), mais un simple objet naturel tout de même. Alors, pourquoi mettre en relation le centenaire d'Arthur Clarke avec l'écoute par un radiotélescope de 'Oumuamua ? Tout simplement parce que Clarke était un visionnaire (son influence sur le monde moderne ne se limite pas à ses romans de science-fiction) et que la découverte de ‘Oumuamua fait irrésistiblement penser à celle décrite dans un de ses ouvrages, le mythique Rendez-vous avec Rama.
Arthur Clarke sera probablement considéré par les historiens du futur comme l'un des penseurs les plus lucides et les plus influents du XXe siècle. À l'origine du concept de satellite de télécommunication géostationnaire, il avait prédit l'essor d'Internet et la prépondérance des robots dans l'exploration du Système solaire. © Wikipédia, DP
De fait, bien des astrophysiciensastrophysiciens ou des ingénieurs dans le domaine de l'astronautique ont fait, au moins à titre personnel, le rapprochement avec ce roman de Clarke, et pas seulement de manière anecdotique. Arthur Clarke mettait un point d'honneur à faire ce que l'on appelle de la hard science-fiction (dite aussi hard science, hard SF, SF dure), c'est-à-dire que ses récits se devaient de respecter les lois de la physique connues, comme celles à la base de l'astronautique, et, au pire, les spéculations de chercheurs sérieux, comme John Wheeler concernant par exemple l'existence de trous de ver traversables, l'énergieénergie du vide quantique ou les recherches sur l'intelligence artificielleintelligence artificielle d'un Marvin Minsky. Ce faisant, il a suscité bien des vocations et beaucoup de ses lecteurs ont, par la suite, fait des études en sciences ; certains ont même intégré la NasaNasa.
Pionnier de l'astronautique, Arthur Clarke avait anticipé les satellites de télécommunication géostationnaire et était un consultant régulier aux États-Unis pour le développement des applications possibles des premiers satellites, notamment pour la météorologie. Il avait anticipé, avec cinquante ans d'avance, le monde d'Internet dans lequel nous vivons. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur la roue dentée à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © BBC Horizon
Arthur Clarke, le visionnaire qui a inspiré la Nasa
L'Agence spatiale américaine ne s'y est d'ailleurs pas trompée. Lors du décès d'Arthur Clarke en 2008, elle a déclaré : « Le travail de Clarke résonnait profondément avec celui de la Nasa et de ses employés ». Le directeur de la Nasa à cette époque, Michael Griffin, avait rendu un brillant hommage à Arthur Clarke :
« Avec le décès d'Arthur C. Clarke, nous avons perdu dans la communauté spatiale un autre pionnier légendaire des premiers vols spatiaux. Il fut parmi les premiers à avoir développé et promu des concepts de missions spatiales sérieuses.... On se souviendra toujours de Clarke pour sa suggestion en 1945 que l'orbiteorbite équatoriale, avec une période de 24 heures, était parfaitement adaptée à la tâche d'établir des télécommunications mondiales. Il est honoré aujourd'hui par des dizaines de satellites qui occupent ce que nous appelons aujourd'hui l'anneau géostationnaire, ou, parfois, "l'orbite de Clarke". Mais Sir Arthur était plus qu'un scientifique ou un ingénieur ; il pouvait envisager un avenir probable et plausible pour l'humanité au-delà de la Terre, un avenir avec une présence humaine importante sur la LuneLune, Mars, d'autres planètes et, finalement, au-delà du Système solaire... Clarke a écrit des récits d'aventures au-delà de la Terre qui étaient si plausibles, si bien ancrés dans la réalité technique, que la frontière entre fiction et non-fiction semblait parfois se dissoudre, ne laissant au lecteur qu'une vision merveilleuse de ce qui pouvait arriver ».
On peut sans doute se rendre compte de l'influence de Clarke en citant le cas de Gentry Lee. Né le 29 mars 1942 à New York, celui-ci fut directeur de l'analyse scientifique et planificateur de mission pour le fameux programme Viking, sur Mars ; il fut également ingénieur en chef pour les missions d'exploration du Système solaire au Jet Propulsion LaboratoryJet Propulsion Laboratory, notamment pour la mission GalileoGalileo. Lee a fini par contacter Clarke et le courant est tellement bien passé entre les deux hommes qu'ils ont coécrit la suite de Rendez-vous avec Rama.
Dans le roman d'Arthur Clarke Rendez-vous avec Rama, une mission d'exploration est lancée pour étudier un mystérieux cylindre extraterrestre traversant le Système solaire. Un court-métrage a été réalisé. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur la roue dentée à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Vancouver Film School
Les ET technologiquement avancés, des intelligences post-biologiques ?
Revenons justement à ce qui lie Rama et 'Oumuamua. Tout comme Rama, 'Oumuamua est un objet de forme cylindrique fonçant dans le Système solaire sur une orbite hyperbolique à la vitessevitesse de 100.000 km/h.
Cependant, la comparaison s'arrête là, car Rama est présenté comme contenant une sorte d'équivalent des fameux cylindres de Gerard O'Neill -- ce physicienphysicien à Princeton (États-Unis) avait lancé, avec ses étudiants, des projets d'étude de gigantesques colonies spatiales en rotation pouvant induire une gravitégravité artificielle et, surtout, reconstituant un écosystèmeécosystème terrestre. Rama est l'équivalent de ces colonies, avec pour dimensions un diamètre de 20 km et une longueur de 54 km. Il s'agit en fait d'une sorte d'arche interstellaire traduisant le fait qu'il n'est pas possible de voyager plus vite que la lumièrelumière ni, malheureusement, d'ouvrir un trou de ver pour s'affranchir de cette barrière.
Or, 'Oumuamua ne serait long que de 400 mètres et large de 40. C'est bien trop petit pour une arche interstellaire, mais, comme sa forme ne correspond à aucun des astéroïdes du Système solaire, on ne peut s'empêcher de penser qu'il pourrait tout de même s'agir d'un artefact ET, mais dépourvu de formes de vie biologique. En effet, comme Clarke et d'autres l'avaient pensé avant lui, une intelligence extraterrestre très avancée, confrontée aux conditions du voyage interstellaire, pourrait bien s'être affranchie de la fragilité et de la fugacité de la vie biologique en devenant une super-intelligence artificielle, comme certains penseurs transhumanistes l'envisagent pour l'Homme.
Ces super-IA pourraient donc être les seules civilisations maîtrisant le voyage interstellaire et les premières avec qui nous pourrions entrer en contact, sous la forme de vaisseaux ou de sondes de tailles moyennes voyageant à une bonne fraction de la vitesse de la lumièrevitesse de la lumière entre les étoilesétoiles et plus lentement dans les systèmes planétaires. Une forme allongée serait alors un atout pour minimiser la surface d'impact avec la matièrematière. En effet, à seulement presque 10 % de la vitesse de la lumière, une collision entre un vaisseau et un petit caillou de 1 g dans le Système solaire, ou le milieu interstellaire, produirait (en raison de l'énergie cinétiqueénergie cinétique relative) une explosion équivalente à celle de 150 tonnes de TNT.
Les développements de l'intelligence artificielle et la découverte qu'il doit exister un très grand nombre de planètes potentiellement habitables dans la Voie lactéeVoie lactée ne peuvent donc que donner plus de poids aux idées de ce genre, que Clarke a développées dans plusieurs de ses romans, notamment dans 2001 : L'Odyssée de l'espace et sa suite 2010 : Odyssée deux, mais aussi Les Fontaines du paradis.
De fait, en 2015 un symposium international traitant précisément de ces idées s'est tenu dans l'un des locaux de la prestigieuse Royal Society, l'équivalent britannique de l'Académie des sciences en France. Certains des participants étaient des scientifiques de grande réputation, comme l'astronomeastronome Martin Rees, le physicien Paul Davies ou le codécouvreur de la première exoplanèteexoplanète autour d'une étoile de la séquence principaleétoile de la séquence principale, l'astronome Didier Queloz.
Toutes ces considérations ne prouvent évidemment pas que l'hypothèse la plus probable au sujet de la nature de 'Oumuamua serait celle d'une sonde ET. D'ailleurs, il ne s'agit même pas d'argumenter dans ce sens, mais seulement de donner des clés pour comprendre pourquoi cette hypothèse a été l'objet de tests sérieux menés par des membres du projet Breakthrough Listen. Les premiers résultats de ces tests sont, comme on pouvait s'y attendre, négatifs, mais ils montrent bien que quelque chose a changé dans notre façon d'envisager notre place dans l'universunivers.
Arthur C. Clarke est décédé : les mondes de 2001 sont orphelins
Article de Laurent SaccoLaurent Sacco publié le 19/03/2008
Il a fait rêver des centaines de millions de personnes et inspiré la génération des ingénieurs explorant aujourd'hui les sablessables de Mars et les lunes de SaturneSaturne. L'inventeur du concept de satellite de télécommunication géostationnaire et le prolifique auteur de science-fiction Sir Arthur Charles ClarkeArthur Charles Clarke est décédé au Sri Lanka, à 1 h 30 du matin (heure locale), ce 19 mars 2008.
Arthur était né le 16 décembre 1917 à Minehead, Somerset, en Angleterre. Doué aussi bien pour les sciences que pour les lettres il avait commencé à écrire dès l'adolescenceadolescence. Ayant participé à la mise au point du radar pendant la seconde guerre mondiale, il reprit ses études scientifiques juste après la guerre pour devenir diplômé de physique et de mathématique du prestigieux King's College de Londres.
Peu de temps après, il se tournera vers la vulgarisation scientifique et sera un membre actif du BIS, la British Interplanetary Society, ce qui lui permettra de rester bien informé des progrès et des perspectives en astronautique et en astronomie. C'est ainsi qu'il proposera le concept de satellite de communication géostationnaire. En son honneur, l'orbite de ceux entourant aujourd'hui la Terre sera baptisée l'orbite de Clarke.
Une présentation d'Arthur Clarke. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur la roue dentée à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © SirArthurClarke
Sa célébrité viendra de sa collaboration avec Stanley Kubrick sur le film mythique : 2001, l'Odyssée de l'espace. Le film et le livre seront d'ailleurs le fruit d'une interaction constante entre les deux hommes, de sorte que les deux se suivent de beaucoup plus près que d'autres adaptations au cinéma de romans déjà écrits. Il y aura d'ailleurs une suite, 2010 Odyssée 2, et l'on parle beaucoup d'une adaptation du second roman principal de Clarke : Rendez-vous avec Rama.
Arthur C. Clarke est aussi connu pour avoir formulé les trois lois suivantes :
- « Quand un savant distingué mais vieillissant estime que quelque chose est possible, il a presque certainement raison, mais lorsqu'il déclare que quelque chose est impossible, il a très probablement tort. »
- « La seule façon de découvrir les limites du possible, c'est de s'aventurer un peu au-delà, dans l'impossible. »
- « Toute technologie suffisamment avancée est indiscernable de la magie. »
Passionné par la plongée sous-marine, il s'installa pour de fréquentes périodes au Sri Lanka pendant les années 50 avant d'en devenir un résident permanent. En 1988, il fut atteint du syndromesyndrome post-polio, ayant initialement contracté la poliomyélitepoliomyélite en 1959, et fut contraint d'utiliser un fauteuil roulant par la suite. Le 10 septembre 2007, tout en commentant le survolsurvol de JapetJapet par la sonde Cassini, une possibilité qu'il avait anticipée dans son roman 2001, l'Odyssée de l'espace, il affirma ne plus pouvoir quitter sa chaise roulante et ne plus envisager de voyager en dehors de sa patrie d'adoption.
Après sa mort, la maison d'Arthur Clarke a été conservée en l'état, comme une sorte de musée à sa mémoire. © loaloauk
À l'occasion de son 90e anniversaire, Arthur Clarke avait enregistré un message d'adieu à destination de ses amis. La vidéo de celui-ci est selon sa volonté disponible gratuitement sur YouTube. C'est son secrétaire particulier, Rohan de Silva, qui a indiqué aujourd'hui que Sir Clarke avait succombé à une « attaque cardio-respiratoire ».
Ce qu’il faut
retenir
- Né le 16 décembre 1917 et décédé le 19 mars 2008, le britannique Arthur Clarke a inspiré plusieurs générations de scientifiques et d'ingénieurs avec ses ouvrages de hard science-fiction. Brillamment diplômé en physique et en mathématiques, c'était un visionnaire. Il a d'ailleurs été consulté pour le développement des applications de satellites pendant les années 1950 à 1960.
- L'un de ses romans, Rendez-vous avec Rama, commence avec la découverte d'un objet qui n'est pas sans rappeler l'astéroïde ‘Oumuamua, qui défraie aujourd'hui la chronique. Ce dernier est-il un artefact extraterrestre, comme c'est le cas dans le livre ? Il semblerait que non, mais c'est en tout cas un beau cadeau d'anniversaire pour le centenaire de Sir Arthur Clarke.