Si la photosynthèse semble avoir été le facteur primordial dans la phase d’oxygénation de l’atmosphère terrestre, elle n’est pas le seul processus à être intervenu. L’action des minéraux, en empêchant la dégradation de la matière organique, aurait semble-t-il joué un rôle tout aussi important.

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Si la vie a pu évoluer comme elle l'a fait sur TerreTerre, c'est certainement grâce à la présence d'un fort taux d'oxygène dans l'atmosphèreatmosphère. L’oxygénation de l’atmosphère représente donc une étape cruciale dans l'histoire de notre Planète. Une étape pourtant encore mal comprise.

Jusqu'à présent, il était établi que les taux d'oxygène auraient augmenté de manière significative suite à l'apparition de la photosynthèsephotosynthèse, il y a environ 2,4 milliards d'années. Alors que les continents étaient encore vierges, la vie était déjà bien présente dans les océans, qui étaient peuplés d'algues et autres organismes marins. Des organismes qui ont développé un mécanisme permettant de tirer parti de l'énergieénergie solaire, tout en consommant le CO2 présent en grande quantité dans l'atmosphère : la photosynthèse. Or, cette réaction chimiqueréaction chimique produit de l'oxygène, qui est alors relâché dans l'atmosphère.

Tout comme aujourd'hui, les algues ont joué un rôle majeur dans la production d'oxygène et la séquestration du carbone. © Camilla Gustafsson, <em>Tvärminne Zoological Station</em>, Finlande
Tout comme aujourd'hui, les algues ont joué un rôle majeur dans la production d'oxygène et la séquestration du carbone. © Camilla Gustafsson, Tvärminne Zoological Station, Finlande

La photosynthèse, oui, mais pas uniquement

De ce point de vue, l'oxygénation de l'atmosphère serait donc le résultat d'un processus purement biologique. Mais s'il apparaît que la photosynthèse a joué un rôle majeur dans la production d'oxygène, certains scientifiques doutent qu'elle soit le seul et unique processus qui ait été à l'œuvre.

La photosynthèse à elle seule ne permet en effet pas d'expliquer les taux d'oxygène observés. De plus, ce modèle néglige une autre étape qui, elle, consomme de l'oxygène et qui est intimement liée à la vie des plantes. Ou plutôt à leur mort.

Car lorsque les organismes meurent, la matièrematière organique qui les compose est dégradée par les bactériesbactéries. Et cette dégradation de la matière organique est un processus qui consomme du dioxygène pour former... du CO2. Le bilan apparaît donc plus complexe, car si les plantes produisent de l'oxygène, leur mort en consomme. En prenant en compte ces deux réactions, il s'avère difficile d'expliquer les taux d'oxygène observés au moment de la phase d'oxygénation de l'atmosphère, sauf si l'on considère que le processus de dégradation de la matière organique, qui repose sur une oxydationoxydation, a été ralenti, ou altéré.

L’action des minéraux pour préserver le carbone organique

Or, il existe des interactions chimiques entre des minérauxminéraux et la matière organique qui permettent de préserver la matière organique, empêchant sa décomposition avant son enfouissement dans les sédiments océaniques. Le carbonecarbone organique est donc stocké au lieu de réagir avec l'oxygène. Les taux de CO2 baissent, et celui d'O2 monte. Il existe plusieurs minéraux capables de préserver le carbone organique. Le ferfer pourrait avoir ainsi joué un rôle important. Il s'agit plus précisément des ionsions fer, qui ont la capacité à se lier aux algues et plantes mortes. Les ions fer peuvent en effet séquestrer le carbone organique de multiples façons, notamment par absorptionabsorption du carbone organique dans une surface minérale.

Cette association entre minéraux et matière organique fait que les débris végétaux sont moins susceptibles d'être attaqués par les microbesmicrobes. Ce processus, bien connu à l'heure actuelle, n'avait cependant jamais été testé dans le cadre de l'oxygénation de l'atmosphère terrestre.

Un lien avec la production de croûte continentale

Tester l'action des particules de fer était donc judicieux. Ce minéral, qui provient essentiellement de l'altération des surfaces continentales, était de plus présent en grande quantité dans les océans durant cette période primitive de l'histoire de la Terre, alors que les continents étaient en train de se former. L’épisode de la Grande Oxygénation, il y a 2,4 milliards d'années, coïncide justement avec la période de formation des continents. L'arrivée de particules minérales en grande quantité dans l'océan aurait donc pu ralentir significativement la décomposition des algues mortes, permettant au taux d'oxygène de monter rapidement.

La formation des premiers continents a certainement produit de grandes quantités de minéraux dans les océans qui ont pu aider à la préservation du carbone organique et à l'augmentation des taux d'oxygène dans l'atmosphère. © Fognmaa, Pixabay
La formation des premiers continents a certainement produit de grandes quantités de minéraux dans les océans qui ont pu aider à la préservation du carbone organique et à l'augmentation des taux d'oxygène dans l'atmosphère. © Fognmaa, Pixabay

Les résultats ont été présentés dans la revue Nature Geoscience. Cette étude ouvre de nouvelles pistes de réflexion en ce qui concerne les conditions les plus favorables au développement d'une vie complexe et intelligente, notamment sur d'autres planètes.


Des microbes et des minéraux pourraient avoir déclenché l’oxygénation de la Terre

À ses débuts, notre Terre était pauvre en oxygène. Et les chercheurs se demandent toujours ce qui a fait basculer notre atmosphère de cet état pourtant stable à celui tout aussi stable que nous connaissons aujourd'hui. Pour la première fois, une étude relie désormais la coévolution des microbes et des minéraux à l'événement connu des chercheurs sous le nom de Grande oxygénation.

Article de Nathalie MayerNathalie Mayer publié le 20 mars 2022

Quelque part il y a environ 2,3 milliards d'années, notre Terre a basculé, au moment que les chercheurs qualifient d'événement de Grande oxygénation. Jusqu'alors, il n'y avait pratiquement pas d'oxygène dans l’air. Même si certains microbes avaient commencé à en produire par photosynthèse. Et soudain - à l'échelle géologique, s'entend -, les niveaux ont augmenté pour atteindre ceux que nous connaissons aujourd'hui. Notre atmosphère est passée d'un état stable de faible teneur en oxygène à un état stable de teneur en oxygène beaucoup plus élevé. Pourquoi ? Comment ? C'est l'un des grands mystères de la science.

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Il n'y a pas eu de « bouffées d’oxygène » sur Terre avant la Grande oxygénation

« Il n'y a pas eu d'augmentation progressive. Ce saut doit être le fait d'une boucle de rétroaction qui a provoqué un changement radical de stabilité », commente Gregory Fournier, chercheur au Massachusetts Institute of Technology (MIT, États-Unis), dans un communiqué. Avec ses collègues et se reposant sur des analyses mathématiques et évolutives, il propose aujourd'hui une explication. Les chercheurs suggèrent ainsi que la Grande oxygénation est le résultat d'interactions entre des microbes marins et des minéraux contenus dans les sédiments. Ces interactions ont empêché la consommation d'oxygène et déclenché un processus d'autoamplification qui a permis à l'oxygène de s'accumuler dans l'airair.

Pour comprendre, il faut savoir que dans l'océan, les microbes utilisent l'oxygène pour décomposer la matière organique. Par oxydation, donc. Et les chercheurs se sont demandé si quelque chose, juste avant la Grande oxygénation, avait pu rendre une partie de cette matière organique indisponible auxdits microbes. Ce qui aurait provoqué une baisse de la consommation d'oxygène.

Une matière organique partiellement consommée

Les chercheurs ont ainsi construit un modèle mathématique qui prévoit que si les microbes n'avaient la possibilité de consommer que partiellement la matière organique, cette matière organique partiellement oxydée - ou POOM pour partially-oxidized matter - se lierait chimiquement aux minéraux présents dans les sédiments marins. De quoi la protéger alors d'une oxydation supplémentaire. Et permettre à un oxygène qui aurait pu être consommé pour dégrader cette POOM de rester libre et de s'accumuler dans notre atmosphère.

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La quantité d’oxygène sur Terre aurait longtemps stagné à des taux très bas

Il ne restait plus qu'à savoir s'il existait alors dans l'océan des microbes qui n'oxydent que partiellement la matière organique. Les chercheurs en ont identifié dans les profondeurs d'aujourd'hui. Dans un groupe baptisé SAR202. Leur oxydation partielle est le fait d'une enzymeenzyme qu'ils appellent monooxygénase Baeyer-Villiger. Et une analyse phylogénétiquephylogénétique montre que le gènegène de cette enzyme se trouvait déjà dans des microbes vivant avant l'événement de Grande oxygénation.

Les chercheurs montrent même que le nombre d'espèces qui ont acquis ce gène augmente de manière significative pendant les périodes où notre atmosphère connaît des pics d'oxygénation. De quoi soutenir leur théorie. Mais il faudra encore d'autres expériences de laboratoire et des enquêtes sur le terrain pour confirmer le lien entre l'évolution des microbes et des minéraux et l'oxygénation de notre Terre.