En 2018 et 2019, des astronomes découvraient deux planètes en formation autour de l’étoile PDS70. À l’époque, on supposait que ces deux planètes étaient entourées d’un disque de poussière, lieu de naissance présumé des satellites naturels ! Aujourd’hui, Alma confirme la présence d’un disque qui entoure l'exoplanète PDS 70c, à l’intérieur duquel il pourrait se former jusqu’à trois lunes. Les explications de Myriam Benisty, chercheuse à l'université de Grenoble (France) et à l'université du Chili, qui a dirigé cette étude.


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    L'observatoire Alma a confirmé l'existence d'un disque circumplanétaire entourant l'exoplanète PDS 70c, l'une des deux planètes géantes, semblables à JupiterJupiter, qui est en orbite autour d'une étoile située à près de 400 années-lumière. Ces deux planètes, PDS 70b et PDS 70c, qui forment un système rappelant la paire Jupiter-Saturne, avaient été découvertes pour la première fois à l'aide du Very Large TelescopeVery Large Telescope (VLT) de l'ESOESO, en 2018 et 2019 respectivement. À l'époque, les astronomesastronomes avaient déjà trouvé des indices d'un disque permettant la formation de luneslunes autour de PDS 70c, mais ils ne pouvaient pas distinguer clairement le disque de son environnement proche et confirmer sa détection.

    Une masse suffisante pour former jusqu'à trois satellites comme la Lune

    Les observations d'Alma ont également permis de découvrir que ce disque a, à peu près, le même diamètre que la distance entre notre SoleilSoleil et la Terre et une « massemasse suffisante pour former jusqu'à trois satellites comme la Lune », explique Myriam Benisty, chercheuse à l'université de Grenoble (France) et à l'université du Chili, qui a dirigé les nouveaux travaux publiés aujourd'hui dans The Astrophysical Journal Letters.

    Une opportunité unique d'observer et d'étudier les processus de formation des planètes et des satellites

    Comme le souligne le communiqué de presse de l'ESO, ces résultats ne sont pas seulement essentiels pour découvrir comment les lunes se forment. « Ces nouvelles observations sont également extrêmement importantes pour tester les théories sur la formation des planètes qui ne pouvaient pas être vérifiées jusqu'à présent », explique Jaehan Bae, chercheur au Earth and Planets Laboratory de la Carnegie Institution for Science, aux États-Unis, et auteur de l'étude. Il faut savoir qu'aujourd'hui on ne « comprend pas les détails des processus de formation des planètes et des lunes, ni où elles se forment », explique Stefano Facchini, chercheur à l'ESO, également impliqué dans cette recherche.

    Ce que l'on sait de la formation des planètes, c'est qu'elles se forment dans des disques de poussière autour de jeunes étoiles, creusant des cavités en accrétant de la matièrematière de ce disque circumstellaire pour croître. Au cours de ce processus, une planète peut acquérir son propre disque circumplanétaire, qui contribue à la croissance de la planète en régulant la quantité de matière qui tombe sur elle. Dans le même temps, le gazgaz et la poussière du disque circumplanétaire peuvent s'assembler en corps de plus en plus grands par le biais de collisions multiples, ce qui conduit finalement à la naissance de lunes.

    Une cartographie très détaillée à l'aide du futur télescope géant de l'ESO 

    Les dernières observations d'Alma ont maintenant permis aux astronomes d'obtenir des informations supplémentaires sur le système. En plus de confirmer la détection du disque circumplanétaire autour de PDS 70c et d'étudier sa taille et sa masse, ils ont découvert que PDS 70b ne présente pas de preuve évidente de la présence d'un tel disque, ce qui indique qu'il a été privé par PDS 70c des poussières de son environnement de naissance.

    Ce système planétaire sera compris de manière encore plus approfondie grâce à l'Extremely Large Telescope (ELT) de l'ESO, actuellement en constructionconstruction sur le Cerro Armazones, dans le désertdésert chilien d'Atacama. « L'ELT sera essentiel pour cette recherche car, grâce à sa résolutionrésolution beaucoup plus élevée, nous serons en mesure de cartographier le système dans ses moindres détails », explique le coauteur Richard Teague, chercheur au Center for Astrophysics | Harvard Smithsonian, aux États-Unis. En particulier, en utilisant la caméra et le spectrographespectrographe Metis de l'ELT, l'équipe sera en mesure d'examiner les mouvementsmouvements du gaz entourant PDS 70c pour obtenir une image 3D complète du système.

    Cette image, prise par Alma (ESO) montre une vue à grand champ (à gauche) et rapprochée (à droite) du disque lunaire entourant PDS 70c, une jeune planète de type Jupiter située à près de 400 années-lumière. La vue rapprochée montre PDS 70c et son disque circumplanétaire au centre de l'image, tandis que le disque circumstellaire, plus grand, semblable à un anneau, occupe la majeure partie du côté droit de l'image. L'étoile PDS 70 est au centre de l'image à grand champ sur la gauche. © Alma (ESO/NAOJ/NRAO), Benisty et al.
    Cette image, prise par Alma (ESO) montre une vue à grand champ (à gauche) et rapprochée (à droite) du disque lunaire entourant PDS 70c, une jeune planète de type Jupiter située à près de 400 années-lumière. La vue rapprochée montre PDS 70c et son disque circumplanétaire au centre de l'image, tandis que le disque circumstellaire, plus grand, semblable à un anneau, occupe la majeure partie du côté droit de l'image. L'étoile PDS 70 est au centre de l'image à grand champ sur la gauche. © Alma (ESO/NAOJ/NRAO), Benisty et al.

    Futura a interviewé Myriam Benisty, chercheuse à l'Université de Grenoble (France) et à l'Université du Chili, qui a dirigé les nouveaux travaux publiés aujourd'hui dans The Astrophysical Journal Letters.

    Futura : Ce n’est pas la première fois qu'Alma observe PDS 70C. Qu’apportent de plus ces nouvelles observations ? 

    Myriam Benisty : Nos premières observations publiées en 2019 apportaient des indices de la présence d'un disque circumplanétaire autour de PDS 70c, mais nous ne pouvions pas en être certains, car le disque en question n'était pas détaché, séparé de l'environnement circumstellaire qui l'entoure. Nous avons obtenu par la suite des observations à plus haute résolution, permettant d'imager des détails plus fins, et ainsi avons pu détecter le disque autour de la planète, séparé du disque autour de l'étoile. Ainsi, nous avons pu observer directement la formation d'un système planétaire avec ses satellites, ce qui nous permet de tester les théories de formation planétaire. Par exemple, nous avons pu estimer plus précisément la masse de poussière disponible pour former des satellites, ainsi que la taille du disque circumplanétaire

    Futura : Techniquement, par rapport aux observations précédentes, ces dernières observations sont-elles plus fines en matière de résolution ou autre ?

    Myriam Benisty : Oui, en effet, ces observations sont bien plus fines en résolution. Nos observations avec Alma ont été obtenues à une résolution si fine que nous avons pu clairement identifier que le disque est associé à la planète et nous sommes capables de déterminer sa taille pour la première fois. Notre travail révèle clairement la détection d'un disque dans lequel des satellites pourraient être en train de se former !

    Futura : Que peut-on dire de cette « future » lune et peut-on faire une analogie avec le Système solaire ?

    Myriam Benisty : À ce stade, nous pouvons dire que le disque autour de PDS 70c a la capacité pour former des lunes. L'analogieanalogie que l'on peut faire avec le Système solaireSystème solaire est plus générale dans le système de PDS70. La paire de planètes PDS 70b et PDS 70c rappelle Jupiter-SaturneSaturne, deux planètes géantes avec un réservoir de matière à l'intérieur de leurs orbites (où pourraient se former des planètes de type terrestre) et à l'extérieur de leurs orbites (où d'autres géantes pourraient se former). PDS 70b est située à 20 unités astronomiquesunités astronomiques (comme UranusUranus) alors que PDS 70c orbite à environ 33 unités astronomiques (comme NeptuneNeptune). Jupiter et Saturne ont toutes les deux beaucoup de satellites... qui se sont formés dans un disque circumplanétaire comme celui que l'on a observé autour de PDS 70c. 

    Futura : Quelle est la prochaine étape de vos recherches ? Voir une lune émerger de ce disque de poussière ?

    Myriam Benisty : Avec les instruments que l'on a actuellement, il est impossible d'observer une lune dans ce disque de poussière. Nos prochains objectifs sont de caractériser les propriétés physiquesphysiques et chimiques du disque, c'est-à-dire de déterminer les caractéristiques de ces poussières et la composition chimique de la matière proche des deux planètes, et d'étudier les mécanismes d'accrétionaccrétion de matière sur la planète. 


    Deux bébés exoplanètes en train de naître sous les yeux des astronomes

    Article de Nathalie MayerNathalie Mayer publié le 19/05/2020

    Il y a quelques mois, des astronomes avaient publié ce qu'ils interprétaient comme les toutes premières images de la naissance de deux exoplanètes géantes. L'événement se jouait à quelque 370 années-lumière de la Terre. Autour d'une étoile baptisée PDS 70. Aujourd'hui, de nouvelles preuves viennent confirmer la bonne nouvelle.

    PDS 70, c'est une étoile jeune. Un peu moins de 6 millions d'années. De type naine orangenaine orange. Et si elle intéresse particulièrement les astronomes, c'est parce que le Very large telescope (VLT) de l'Observatoire austral européen lui a découvert des exoplanètes en formation. La première image directe date de 2018. D'autres ont été prises en 2019. Elles semblent montrer deux protoplanètes de type Jupiter.

    « Lorsque ces deux exoplanètes ont été imagées pour la première fois, il y avait une certaine confusion, explique JasonJason Wang, auteur principal d'une nouvelle étude dans le communiqué. Les planètes se forment dans un disque de poussière et de gaz entourant une jeune étoile. Ce matériaumatériau circumstellaire s'accumule sur la protoplanète, créant une sorte d'écran de fumée qui rend difficile la différenciation sur une image du disque gazeux poussiéreux de la planète en développement ».

    Aujourd'hui donc, des chercheurs de l'Observatoire W. M. Keck (Hawaï) apportent de nouvelles preuves de l'existence de ces deux protoplanètes. Grâce à des images capturées à l'aide d'un nouvel instrument qui étudie le ciel dans le proche infrarougeinfrarouge (NIRC2) combiné avec le système amélioré d'optique adaptative de l'Observatoire.

    Sur cette image, les protoplanètes PDS 70 b et PDS 70c, identifiées par des flèches, dans un disque circumstellaire supprimé par les chercheurs. © Jason Wang, Caltech
    Sur cette image, les protoplanètes PDS 70 b et PDS 70c, identifiées par des flèches, dans un disque circumstellaire supprimé par les chercheurs. © Jason Wang, Caltech
    Une vue d’artiste du système PDS 70, cette fois, sur laquelle on voit les deux protoplanètes qui ont vidé le disque circumstellaire de matière à l’endroit où elles se sont formées. Notez que les planètes et l’étoile ne sont pas à l’échelle. © Adam Makarenko, Observatoire W. M. Keck
    Une vue d’artiste du système PDS 70, cette fois, sur laquelle on voit les deux protoplanètes qui ont vidé le disque circumstellaire de matière à l’endroit où elles se sont formées. Notez que les planètes et l’étoile ne sont pas à l’échelle. © Adam Makarenko, Observatoire W. M. Keck

    Des images plus détaillées que jamais

    Ce système équipé d'un capteurcapteur de front d'onde pyramidal a considérablement amélioré la capacité des astronomes à étudier les exoplanètes. Plus encore les planètes en formation. En éliminant les perturbations atmosphériques qui déforment les images astronomiques, il fournit des images plus nettes et plus détaillées que jamais.

    Un premier test scientifique à échelle réelle

    « Celles que nous présentons du système PDS 70 constituent le premier test scientifique à échelle réelle pour ces nouvelles installations », indique Charlotte Bond, responsable de ces instruments. « C'est très excitant de constater à quel point nous parvenons à corriger les images. »

    Et les chercheurs ont développé une nouvelle méthode qui leur permet de supprimer la luminositéluminosité du disque circumstellaire à l'emplacement supposé des exoplanètes. « Nous savons que le disque protoplanétairedisque protoplanétaire devrait être symétrique autour de l'étoile alors qu'une planète devrait être un seul point dans l'image, précise Jason Wang. Donc, même si une planète semble reposer sur le dessus du disque -- ce qui est le cas pour PDS 70c --, sur la base de notre connaissance de l'apparence du disque sur l'ensemble de l'image, nous pouvons déduire la luminosité du disque à l'emplacement de la protoplanète et supprimer le signal du disque. Tout ce qui reste est l'émissionémission de la planète ».


    Deux exoplanètes en train de grossir et des bébés-lunes observés pour la première fois

    Grandiose : une deuxième planète a été découverte par observation directe autour de la très jeune étoile PDS 70. Ces deux gros bébés sont plus massifs que Jupiter et continuent de pousser en dévorant tout sur leur passage. Une autre équipe de chercheurs a, de son côté, mis en évidence un disque circumplanétaire autour de PDS 70b. C'est la première fois que les astronomes assistent à la naissance d'exolunes.

    Article de Xavier DemeersmanXavier Demeersman paru le 09/06/2019

    Ce n'est pas exactement notre Système solaire dans sa petite enfance que l'on peut admirer sur ces images mais cela devait y ressembler. Âgée d'un peu moins de six millions d'années, PDS 70 (environ 0,76 masse solaire) est une étoile toute jeune de type naine orange qui, à l'instar de notre Soleil quand il avait le même âge (c'était donc il y a environ 4,5 milliards d'années), est actuellement entourée d'un vaste disque de gaz et de poussière distinct sur les images du VLT (l'éclat de PDS 70 a été masqué). Beaucoup de choses s'y passent à l'intérieur et c'est pour cette raison que des astronomes la scrutent régulièrement, autant fascinés que curieux de comprendre l'évolution d'un système planétaire et d'assister à la naissance de ses planètes.

    Et des naissances, il y en a désormais deux de connues dans ce système situé à quelque 370 années-lumière de la Terre. Ce sont deux planètes géantes surprises au beau milieu des fossés ou « vides » qu'elles ont creusés dans le disque protoplanétaire.

    La grande luminosité de l’étoile PDS 70 a été éliminée de cette image de Muse sur le VLT après traitement des données. Les astronomes ont ainsi pu distinguer les deux jeunes planètes géantes qui sont en train de découper le disque protoplanétaire. © ESO, S. Haffert (<em>Leiden Observatory</em>)
    La grande luminosité de l’étoile PDS 70 a été éliminée de cette image de Muse sur le VLT après traitement des données. Les astronomes ont ainsi pu distinguer les deux jeunes planètes géantes qui sont en train de découper le disque protoplanétaire. © ESO, S. Haffert (Leiden Observatory)

    Deux planètes géantes gazeuses émergeant du disque protoplanétaire

    La première, PDS 70b, a été débusquée il y a plus d'un an par l'instrument chasseur d'exoplanètes du VLT Sphere (voir article plus bas). D'une masse comprise entre 4 et 17 fois celle de Jupiter, la jeune planète géante continue encore de croître à quelque 3,2 milliards de kilomètres de son soleil - soit à une distance équivalente à celle d'Uranus dans notre système - en ramassant et piégeant tout ce qui traîne sur son passage.

    La seconde, désignée PDS 70c, a récemment été démasquée via l'instrument Muse (Multi Unit Spectroscopic Explorer) du VLT. Elle loge à plus de cinq milliards de kilomètres de son étoile - ce qui correspond à peu près à l'orbite de Neptune - et avale aussi le gaz et la poussière qui se promènent alentour. D'une masse estimée entre une et dix fois celle de Jupiter, c'est aussi un beau gros bébé en pleine croissance. Dans leur étude publiée dans Nature Astronomy, les chercheurs rapportent que les orbites des deux planètes sont presque en résonancerésonance (2:1) : ainsi, pendant que la plus éloignée fait un tour autour de son étoile, la plus proche, elle, a le temps d'en faire deux. C'est la première fois que des chercheurs apportent des preuves directes que les interstices ou « vides » dénués de poussière entre les anneaux sont occupés par des planètes en formation.

    Image infrarouge du système de PSD 70. Autour de la jeune étoile masquée au centre, PDS 70b et son disque circumplanétaire. © ESO, V. Christiaens et al.
    Image infrarouge du système de PSD 70. Autour de la jeune étoile masquée au centre, PDS 70b et son disque circumplanétaire. © ESO, V. Christiaens et al.

    La première preuve d’un disque circumplanétaire

    Autre découverte qui marque un cap : un disque circumplanétaire autour de PDS 70b. C'est la première fois, et après des années de recherche « intensives » que des astronomes réussissent à en mettre un en évidence. Cela, grâce à des images infrarouges dans différentes longueurs d'ondelongueurs d'onde prises avec le VLT et traitées avec « une méthode innovante ». Pour l'équipe, des lunes sont certainement en gestationgestation dans cette nuée de poussière et de gaz qui encercle la géante. On assiste littéralement à la naissance de ses futurs satellites naturels, comme le prévoient les modèles théoriques.

    « Notre travail ajoute une autre pièce au puzzle de la formation de planètes géantes dont la première pièce a été placée par GaliléeGalilée il y a quatre siècles avec la découverte des quatre grandes lunes de Jupiter », a commenté Valentin Christiaens, l'auteur principal de l'étude menée par la Monash School of Physics and Astronomy qui vient de paraître dans la revue The Astrophysical Journal Letters.

    Tout ceci évoque notre Système solaire dominé par les deux géantes Jupiter (elle fut la première à se former) et Saturne et où des planètes plus petites et rocheuses ont pris place plus près du Soleil. Y a-t-il d'autres embryonsembryons de planètes qui accrètent de la matière autour de la jeune PDS 70 ? Si oui, ils n'ont pas encore été trouvés mais ce serait bien sûr formidable. Les astronomes continuent de fouiller le disque de poussière à la recherche d'autres protoplanètes et objets en formation. Les nouvelles techniques d'observation qui ont permis ces découvertes ainsi que la prochaine génération de télescopes géantstélescopes géants aideront à les dénicher. Dans le système de PDS 70 et ailleurs. Et il devrait même être possible d'évaluer la température de ces nouveaux mondes surgis du chaos.

    Voir aussi

    Disques protoplanétaires : une étonnante diversité dans le cosmos


    Un bébé planète photographié pour la première fois !

    Article de Xavier Demeersman publié le 2 juillet 2018

    C'est inédit : des astronomes sont parvenus à tirer le portrait d'un bébé planétaire. L'image, impressionnante, est celle d'un astreastre émergeant des nuées de poussières qui entourent la très jeune étoile. Un système solaire est en train de naître sous nos yeuxyeux. Merci à l'instrument Sphere, installé sur le VLT, au Chili.

    Tout près de chez nous (à l'échelle de la Voie lactéeVoie lactée), à seulement 370 années-lumière de la Terre, au sein de la constellationconstellation du Centaure, une planète géante est en train de naître autour du jeune soleil PDS 70. Son existence était soupçonnée depuis plusieurs années (les astronomes ne la quittaient pas des yeux). Enfin, la patience a payé : l'astre a été débusqué dans le disque de poussières qui l'a enfanté. Grâce à l'instrument Sphere (Spectro-Polarimetric High-contrast Exoplanet REsearch), greffé sur le VLT (un ensemble de télescopes géants au Chili), des astronomes ont obtenu le tout premier portrait d'un bébé planétaire ! Oui, une protoplanète confirmée a été photographiée directement. Une belle prouesse qui, pour les chercheurs, ouvre grand une fenêtrefenêtre sur les premiers pas des planètes. Stupéfiant !

    « À ce jour, seule une poignée d'observations a conduit à la détection de protoplanètes au sein de disques de poussières, rappelle Miriam Keppler (qui a presque le même nom que le célèbre astronome et que le télescope spatialtélescope spatial chasseur d’exoplanètes...), qui figure parmi les principaux artisans de cette image inédite et qui est l'auteur principale des articles décrivant le bébé planétaire (à paraître dans la revue Astronomy & Astrophysics). Jusqu'à présent, la plupart de ces planètes candidates pouvaient n'être que des artefacts du disque », ajoute-t-elle. Eh bien, pas cette fois.

    Image annotée de la protoplanète PDS 70b. Le bébé planète se détache nettement des observations. Il apparaît sous la forme d’un point de lumière. Le centre de l'image est assombri par le coronographe utilisé pour bloquer l'intense lumière en provenance de l'étoile centrale. © A. Müller <em>et al.,</em> ESO
    Image annotée de la protoplanète PDS 70b. Le bébé planète se détache nettement des observations. Il apparaît sous la forme d’un point de lumière. Le centre de l'image est assombri par le coronographe utilisé pour bloquer l'intense lumière en provenance de l'étoile centrale. © A. Müller et al., ESO

    Une protoplanète beaucoup plus massive et chaude que nos planètes

    Le nom de cette protoplanète est PDS 70b. Celle-ci gravite autour d'une étoile de type naine orange, classée T Tauri, qui est âgée d'à peine plus de 5 millions d'années. C'est donc encore très jeune. Tout est en train de se mettre en place là-bas. Pour voir PDS 70b, les astronomes ont utilisé Sphere, qui leur a permis de masquer l'éclat de l'étoile avec le coronographecoronographe et, ainsi, de mettre en évidence le nouveau-né à l'intérieur de ce maelström de poussières beaucoup moins lumineux. Ensuite, en disséquant la lumière de l'astre, ils ont beaucoup appris à son sujet.

    Le nouveau-né est encore dans son couffin de gaz et son atmosphèreatmosphère semble arborer des nuagesnuages, nous apprennent les astronomes. Bien que plus petite que son étoile, PDS 70b montre manifestement certaines caractéristiques d'une géante. Il s'agirait d'une planète géante gazeuseplanète géante gazeuse plus massive et plus chaude que celles de notre Système solaire. En effet, les chercheurs ont pu conclure qu'elle est plus grande et plus massive encore que notre Jupiter (entre 1,4 et 3,7 fois sa taille) et que sa température actuelle avoisine les 1.000 °C ! C'est beaucoup pour une planète située à 3 milliards de kilomètres de son étoile (la même distance séparant Uranus de notre Soleil). En fait, ce serait plutôt normal, soutiennent les chercheurs, qui indiquent que cette valeur est en accord avec les modèles de formation planétaire.

    Apercevoir une protoplanète dans nos télescopes, c'est le graal pour les spécialistes des questions liées à la naissance des planètes. Cela permet de tester les modèles théoriques. Cette découverte couronne l'immense travail des astrophysiciensastrophysiciens et ingénieurs qui ont participé à ces recherches et aussi de ceux qui ont conçu Sphere, redoutable chasseur d'exoplanètes. Un nouveau pas a été franchi.


    La première image d'un bébé planète étonne les astronomes

    Article de Xavier Demeersman publié le 26 mars 2016

    Fin 2014, Alma dévoilait un disque protoplanétaire autour de HL Tauri, une étoile toute jeune qui n'a qu'un million d'années. Avec le VLA, une équipe est allée plus loin encore et a découvert un grumeau de poussière qui pourrait être un véritable embryon planétaire. Surprenant pour une étoile aussi jeune.

    Au même titre que les astronomes cherchent à connaître dans les détails toutes les étapes qui conduisent à la formation d'une étoile - qu'elles soient du même type que le Soleil ou plus (ou moins) massive -, beaucoup s'intéressent à l'émergenceémergence de leurs sous-produits, les planètes. Comment se prépare une Jupiter ou une Terre ? Comment obtient-on un système planétaire qui ressemble au nôtre ? etc. Pour tenter d'y répondre, les chercheurs vont dans leurs laboratoires (et non leur cuisine) pour essayer de retrouver la recette en préparant des simulations. Certains ingrédients leur sont soufflés, entre autres, par l'étude cosmochimique du milieu interstellaire (nuages moléculaires) et aussi des comètescomètes, lesquelles conservent des traces des conditions qui régnaient aux origines du Système solaire. Bien entendu, les observer en train de naître est très précieux pour comparer les modèles avec la réalité. Mais les différences d'échelles font que jusqu'à présent, il a toujours été plus facile d'étudier des protoétoilesprotoétoiles que des protoplanètes.

    Toutefois, la situation est en train de changer grâce aux progrès techniques et aux nouvelles générations d'instruments. Souvenons-nous, pour l'une de ses premières observations avec la totalité de ses antennes déployées, Alma (Atacama Large Millimetre/sub-millimetre Array) nous avait émerveillés en novembre 2014 en nous dévoilant le disque de poussière - subdivisé en anneaux - qui entoure la très jeune étoile HL Tauri. Jamais un disque protoplanétaire n'avait été vu avec autant de détails auparavant. Cela ne se passe pas très loin du Système solaire, c'est à environ 450 années-lumière en direction du Taureau, dans le terreau encore très sombre d'une pépinière d'étoiles.

    Avec le VLA (Very Large Array) basé au Nouveau-Mexique, une équipe est allée encore plus loin dans l'intimité de l'étoile en nous révélant les régions les plus proches. Et là, surprise...

    À gauche : le disque protoplanétaire de HL Tauri observé avec Alma (fin 2014). À droite : région centrale observée cette fois avec le VLA. Dans l’anneau grumeleux, on distingue un agrégat de matière (<em>clump</em>) qui semble se détacher. Sa masse est estimée entre 3 et 8 fois celle de la Terre. Une superterre est peut-être en train de se former. © Carrasco-Gonzalez <em>et al.</em>, Bill Saxton, NRAO, AUI, NSF
    À gauche : le disque protoplanétaire de HL Tauri observé avec Alma (fin 2014). À droite : région centrale observée cette fois avec le VLA. Dans l’anneau grumeleux, on distingue un agrégat de matière (clump) qui semble se détacher. Sa masse est estimée entre 3 et 8 fois celle de la Terre. Une superterre est peut-être en train de se former. © Carrasco-Gonzalez et al., Bill Saxton, NRAO, AUI, NSF

    Un développement ultrarapide

    Dans les premiers cercles autour de HL Tauri, on distingue au sein de l'anneau grumeleux de poussière, une motte assez dense qui se détache du reste. Sa masse est estimée entre 3 et 8 fois celle de la Terre, ce qui en fait un très bon candidat pour un embryon planétaire, peut-être une superterresuperterre, mais il faudra, pour en être sûr, attendre encore quelques millions d'années.

    Les chercheurs sont intrigués. Selon les modèles, la fabrication des planètes est un processus très lent au sein d'un disque de gaz et de poussières supposé uniforme. Doucement, les particules s'agrègent pour former des blocs de plus en plus gros jusqu'aux planétésimaux de tailles variables et, par la suite, des planètes. Il y a une véritable course contre la montre, car parallèlement, le rayonnement de plus en plus intense de la jeune étoile balaie les matériaux les plus volatiles dans son entourage, menaçant ainsi de tenir en échec les embryons de planètes. Plus le temps passe, plus il est difficile de mettre en œuvre un ou des compagnons planétaires. Aussi, si au bout de 10 millions d'années, rien n'a émergé, cela ne se fera jamais...

    Dans le cas de HL Tauri, c'est plutôt le contraire : le chantier semble avoir déjà bien avancé alors que l'étoile n'est âgée que de seulement un million d'années ! « Il y a dix ans, nous avons trouvé les premières indications de ces processus de formation planétaire ultrarapide dans nos simulations », raconte Hubert Klahr, théoricien à l'Institut Max PlanckMax Planck d'astrophysiqueastrophysique qui a participé à cette étude (disponible sur arXiv).

    L'enquête se poursuit. Les chercheurs travaillent d'ores et déjà à modéliser en détail ce qui peut se passer tout autour de l'étoile et bien sûr à collecter de nouvelles données sur ce grumeau de matière afin de mieux en cerner sa nature. « Des images très détaillées comme celles-ci élèvent la recherche sur la formation planétaire à un nouveau niveau, note Thomas Henning qui a dirigé l'équipe. Visiblement, les structures dans le disque comme ce grumeau que nous avons découvert sont nécessaires si nous voulons expliquer la formation de systèmes comme le nôtre. »