Pour la première fois, des astronomes, utilisant Alma, ont repéré une planète en formation, encore enfouie dans son disque protoplanétaire. Cette découverte majeure vient d'une équipe française qui a pour l'occasion testé avec succès une nouvelle méthode de détection planétaire. Les explications de François Ménard, directeur de recherche au CNRS, également astronome à l’Institut de Planétologie et d'Astrophysique de Grenoble.

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    Malgré la découverte de milliers d'exoplanètes, les mécanismes de formation des planètes (telluriques et géantes gazeuses) sont encore mal connus. On sait qu'elles se forment à l'intérieur de grands anneaux de poussières et de gaz, appelés disques protoplanétaires, mais les processus physiques qui transforment des grains micrométriques en planètes sont incomplètement compris.

    Deux équipes de chercheurs viennent d'annoncer la découverte de trois protoplanètes, autour de la jeune étoile HD 163296, qui sont encore au sein d'un disque, ce qui n'avait jamais été vu auparavant. Cette étoile se situe à environ 330 années-lumière de la Terre, dans la constellationconstellation du Sagittaire. Deux fois plus massive que le SoleilSoleil, elle est âgée de seulement quatre millions d'années, soit un millième de l'âge du Soleil.

     Localisation de la protoplanète découverte par l'équipe française. Sur cette image figure une partie de l’ensemble des données d’Alma. La déformation du disque de matière, bien visible, indique clairement la présence de l’une des planètes dont l’emplacement est marqué d’un point. © ESO, Alma (ESO/NAOJ/NRAO), Pinte <em>et al.</em>

    Localisation de la protoplanète découverte par l'équipe française. Sur cette image figure une partie de l’ensemble des données d’Alma. La déformation du disque de matière, bien visible, indique clairement la présence de l’une des planètes dont l’emplacement est marqué d’un point. © ESO, Alma (ESO/NAOJ/NRAO), Pinte et al.

    Une planète à un stade très précoce de sa formation

    Une de ces trois protoplanètes, située loin de l'étoile, à 39 milliards de kilomètres (260 UAUA), a été découverte par l'équipe de Christophe Pinte, de l'université Monash en Australie et de l'Institut de Planétologie et d'AstrophysiqueAstrophysique de Grenoble (France), dont fait partie François Ménard, directeur de recherche au CNRS. Cette équipe a trouvé la protoplanète en « identifiant une perturbation bien localisée dans le disque », nous explique François Ménard.

    « Cette découverte est importante à plus d'un titre. » D'abord parce que c'est la première fois que « nous découvrons une protoplanète » et que la méthode de détection planétaire est « inédite et révolutionnaire ». Elle est très différente des techniques actuellement utilisées pour découvrir des exoplanètesexoplanètes au sein de systèmes planétaires entièrement formés. Ni la mesure de la vitessevitesse radiale ni la méthode du transittransit, les deux méthodes les plus couramment utilisées, ne se prêtent à la détection de protoplanètes. En ce sens, « elle ouvre une nouvelle piste pour comprendre les processus de formation des systèmes planétaires ».

    L'équipe pilotée par Christophe Pinte a utilisé l'observatoire Alma pour détecter « une perturbation au sein du disque de gaz et de poussières qui encercle la jeune étoile ». Les astronomesastronomes ont observé une petite zone de discontinuité, très bien localisée, dans le flot de gaz, « un peu similaire aux tourbillonstourbillons qui se forment autour des rochers dans un cours d'eau ».

    En analysant ce mouvementmouvement avec soin, les astronomes ont pu estimer « l'influence d'un corps planétaire de massemasse semblable à deux fois celle de JupiterJupiter ». Cette perturbation constitue donc « la preuve directe de la présence de la planète nouvellement née, dont la masse perturbe le champ de vitesse du gaz en rotation autour de l'étoile ».

    Dans un avenir proche, les astronomes vont pointer « d'autres instruments vers cette étoile pour essayer d'obtenir une image de la planète ». Cependant, l'observation dans l'infrarougeinfrarouge s'annonce déjà très difficile à réaliser car la planète est enfouie profondément dans le disque et cachée par les gaz et la poussière.

    Quant aux deux autres planètes, elles ont été découvertes par une équipe américaine qui a utilisé une méthode différente de celle de l'équipe de Christophe Pinte. Les Américains se sont focalisés sur les sillons creusés dans le disque pour en déduire une minuscule perturbation de vitesse et suggérer ainsi deux planètes, une dans chaque sillon.

    Mais, parce que ces chercheurs ont dû faire une moyenne sur tout le disque, il n'a pas été possible d'indiquer précisément où se trouvent les planètes. De plus, la déduction peut être sujette à controverse et devra être confirmée. En effet, outre la formation d'une planète, différents phénomènes sont susceptibles de produire des déviations de vitesse azimutales, visibles dans les sillons.