Ligo et Virgo n'ont encore détecté qu'une poignée de collisions entre trous noirs et étoiles à neutrons sur environ 90 collisions d'astres compacts, sources d'ondes gravitationnelles. On pense que certains sursauts gamma courts sont le résultat de ces collisions hybrides que l'on vient de simuler sur ordinateur comme jamais, afin de modéliser ces émissions gamma que l'on cherche à observer également pour faire de l'astronomie multimessager.


au sommaire


    Nous sommes entrés depuis 2015 dans l'ère de l'astronomie gravitationnelle. Et peu de temps après aussi, dans une nouvelle ère de l'astronomie multimessager puisque après avoir combiné des observations de phénomènes astrophysiques dans le domaine des ondes éléctromagnétiques avec celles dans le domaine des neutrinosneutrinos avec la fameuse supernova de 1987 dans l’un des nuages de Magellan (et tout simplement avec l'étude des neutrinos solaires), les astrophysiciensastrophysiciens ont combiné la détection des ondes gravitationnellesondes gravitationnelles et des ondes électromagnétiques produites par des kilonovae.

    Ce genre d'événement est à l'origine de certains sursauts gamma mais les astrophysiciens relativiste et nucléaire pensent qu'il peut se produire aussi des sursauts gamma à l'occasion de collisions entre un trou noir et une étoile à neutrons et pas seulement deux étoiles à neutrons comme dans le cas d'une kilonova.

    De telles collisions semblent bel et bien avoir été détectées bien que pour le moment uniquement sous forme d'ondes gravitationnelles, comme Futura l'expliquait dans le précédent article ci-dessous. Il y a ainsi notamment deux sources détectées, GW200105 et GW200115, qui comme ces dénominations l'indiquent sont survenues pour nous sur Terre dans les détecteurs Ligo et VirgoVirgo, respectivement les 5 et 15 janvier 2020.

    Pour en apprendre plus sur ces événements cosmiques et dans l'attente de la détection également d'ondes électromagnétiques, très probablement sous la forme d'émission gamma très énergétiques, les astrophysiciens ont besoin de savantes simulations numériquessimulations numériques capables de produire la forme de signaux à détecter. Le but : non seulement d'identifier vraiment des collisions d'étoiles à neutrons avec des trous noirs de massesmasses stellaires, mais aussi lire dans les signaux détectés des informations nouvelles sur la physiquephysique de l'espace-tempsespace-temps et l'état de la matièreétat de la matière nucléaire dans des étoiles à neutrons.

    C'est pourquoi à l'aide de calculs de supercalculateurssupercalculateurs, des scientifiques de l'Institut Max-PlanckPlanck de physique gravitationnelle de Potsdam et du Japon ont modélisé comme jamais le processus complet de la collision d'un trou noir avec une étoile à neutrons. Il s'agit d'un des aboutissements des recherches en relativité et hydrodynamique numériques déjà entreprises au début des années 1960 avec également des processus de physique des plasmas, de transfert radiatif et de physique nucléaire, prolongeant les travaux de simulation des explosions thermonucléaires de la décennie précédente.

    Aujourd'hui, les derniers résultats des simulations de collisions entre trous noirs et étoile à neutrons, étudiées avec l'ordinateurordinateur du clustercluster « Sakura » du Département d'astrophysique relativiste computationnelle à l'Institut Max-Planck, ont été publiés dans la célèbre revue Physical Review D, mais on peut trouver l'article à ce sujet sur arXiv.


    Le côté gauche de la simulation montre le profil de densité (contours bleus et verts) avec les lignes de champ magnétique (courbes roses) pénétrant dans le trou noir, la matière non liée (couleur blanche) et sa vitesse (flèches vertes). Le côté droit affiche l'intensité du champ magnétique (magenta) et les lignes de champ magnétique (courbes bleu clair). © Max Planck Institute for Gravitational Physics

    Une collision productrice d'or et de rayons gamma

    Le phénomène modélisé est très gourmand en calcul et il a donc fallu attendre la montée en puissance des ordinateurs pour atteindre le niveau de réalismeréalisme présenté aujourd'hui. Il a tout de même fallu deux mois de calculs pour reproduire un événement durant moins de deux secondes.

    Il se décompose en plusieurs étapes que l'on peut déjà succinctement décrire par tout d'abord les ultimes mouvementsmouvements orbitaux précédant la collision des deux astresastres compacts tombant en spirale l'un vers l'autre sous l'effet de la perte d'énergieénergie sous forme d'émissions d'ondes gravitationnelles. Très peu de temps après, intervient la fusionfusion des deux objets, et la troisième étape doit correspondre à une phase transitoire où un sursaut gamma se produit. On pourrait donc savoir si ce type de sursaut gamma rend compte de certains de ceux qui sont observés en comparant les signaux détectées à ceux prédits par la simulation.

    Comme l'explique le communiqué de l'Institut Max-Planck de physique gravitationnelle, les chercheurs ont utilisé dans les simulations conduites des trous noirs en rotation de 5,4 et 8,1 masses solaires, respectivement, et une étoile à neutrons de 1,35 masse solaire, ces paramètres ayant été choisis pour que l'on puisse s'attendre à ce que l'étoile à neutrons soit déchirée par les forces de maréeforces de marée.

    Dans le même communiqué, Masaru Shibata, directeur du Département d'astrophysique relativiste computationnelle, précise que : « Nous avons un aperçu d'un processus qui dure une à deux secondes - cela semble court, mais en fait, il se passe beaucoup de choses pendant ce temps : il y a d'abord les orbitesorbites finales et la perturbation de l'étoile à neutrons par les forces de marée, puis une éjection de matière suivie de la formation d'un disque d'accrétiondisque d'accrétion autour du trou noir naissant, et une nouvelle éjection de matière dans un jet. Ce jet à haute énergie est probablement aussi à l'origine de sursauts gamma courts, dont l'origine est encore mystérieuse. Les résultats de la simulation indiquent également que la matière éjectée devrait synthétiser des éléments lourds tels que l'or et le platineplatine. »

    Si l'on entre dans les détails, les simulations montrent que pendant le processus de fusion, l'étoile à neutrons est déchirée par les forces de marée. Environ 80 % de la matière des étoiles à neutrons est alors avalée par les trous noirs en quelques millisecondes, augmentant leur masse d'environ une masse solaire. Dans les 10 millisecondes qui suivent, la matière de l'étoile à neutrons forme une structure en spirale à un bras, puis un disque d'accrétion de 0,2 à 0,3 masse solaire alors que le reste est éjecté.

    Le disque est instable et il finit par tomber en direction de l'horizon des événementshorizon des événements du nouveau trou noir en rotation qui est devenu plus massif, des processus de magnétohydrodynamique relativiste en espace-temps courbe conduisant alors à un flux localisé de rayonnement gamma.

    Shibata et les scientifiques de son département travaillent déjà sur des simulations numériques similaires mais encore plus complexes pour modéliser de manière cohérente la collision de deux étoiles à neutrons et la kilonovae résultante.


    Premières collisions détectées entre étoiles à neutrons et trous noirs !

    Article de Laurent SaccoLaurent Sacco publié le 03/07/2021

    Deux paquetspaquets d'ondes gravitationnelles particulièrement intéressants ont été détectés en janvier 2020 sur Terre. Les membres des collaborations Ligo, Virgo et Kagra pensent qu'il s'agissait des premières signatures convaincantes de collisions entre étoiles à neutrons et trous noirs.

    On attendait cette annonce depuis un certain temps déjà. Les membres des collaborations Ligo aux États-Unis, Virgo en Europe et maintenant Kagra au Japon viennent d'annoncer qu'ils pensaient sérieusement avoir détecté les ondes gravitationnelles de collisions entre trous noirs et étoiles à neutrons dans des systèmes binairessystèmes binaires. Les trous noirs en question ne sont pas des trous noirs supermassifstrous noirs supermassifs et leur origine n'est pas encore certaine, pas plus que celle de ces systèmes binaires.

    Comme Futura l'avait expliqué dans les précédents articles ci-dessous, il y avait déjà eu des détections potentielles de ces collisions, notamment dans le cas de la source S190814bv. Mais ces détections restaient douteuses, ce qui ne semble plus être le cas aujourd'hui avec GW200105 et GW200115, comme l'expliquent les chercheurs dans un article paru dans Astrophysical Journal Letters.

    « Jusqu'à maintenant, des télescopestélescopes et des détecteurs d'ondes gravitationnelles avaient observé des paires de trous noirs et des paires d'étoiles à neutrons. Il manquait le système binaire mixte trou noir + étoile à neutrons, dont les astronomesastronomes nous demandaient toujours si nous l'avions découvert », renchérit dans un des communiqués accompagnant cette publication Astrid Lamberts, chercheuse CNRS aux Laboratoires Artemis et Lagrange de l'Observatoire de la Côte d'Azur (CNRS-UCA-OCA).


    Une vue d'artiste d'un trou noir et d'une étoile à neutrons dans un système binaire. Les ondes gravitationnelles émises déforment l'espace-temps et modifient la propagation de la lumière. Le produit final de la collision entre ces astres qui perdent de l'énergie sous forme d'ondes gravitationnelles, ce qui cause leur rapprochement, est un trou noir. © Carl Knox, OzGrav-Swinburne University.

    L'onde gravitationnelle de la source GW200105 a été détectée sur Terre comme son nom l'indique le 5 janvier 2020 et les analyses de la forme de son signal à partir d'une bibliothèque de signaux générés par de savantes simulations relevant du domaine de la relativité numérique et qui servent de comparaison ont conduit à lui attribuer comme origine la collision entre un trou noir et une étoile à neutrons respectivement 8,9 fois et 1,9 fois plus massifs que le SoleilSoleil et dont la fusion a eu lieu il y a 900 millions d'années. 

    GW200115 a été détectée le 15 janvier 2020 et là encore, en répétant le type d'analyses précédent, les astrophysiciens relativistes ont conclu que l'onde était le produit de la fusion d'un trou noir de 5,7 masses solaires avec une étoile à neutrons 1,5 fois plus massive le Soleil et ce il y a environ un milliard d'années.

    L'ouverture d'un nouveau chapitre de l'astronomie multimessager

    Par contre, aucun signal dans le domaine électromagnétique accompagnant ces deux événements n'a été détecté. Or c'est justement ce qui fait tout l'intérêt des collisions entre étoiles à neutrons et trous noirs, par rapport aux collisions entre deux trous noirs et dans une moindre mesure entre deux étoiles à neutrons, la possibilité de faire de l'astronomie multimessager comme ce fut le cas avec la découverte de la kilonova accompagnant la détection de la source GW170817. On peut en effet avoir beaucoup plus de renseignements sur la physique des trous noirs et des étoiles à neutrons dans le cadre d'une astronomie combinant des « lumièreslumières » aussi différentes que celles des ondes gravitationnelles et électromagnétiques.


    Qu'est-ce qu'une étoile à neutrons ? Quelle différence entre ces étoiles et notre Soleil ? Roland Lehoucq, astrophysicien au CEA, nous explique que les étoiles à neutrons rayonnent très peu en lumière visible, contrairement à notre Soleil. Aussi, les étoiles à neutrons ont des tailles beaucoup plus petites que celle du Soleil : une étoile à neutrons a un diamètre compris entre 10 et 15 km, contre 1,4 million de km pour le Soleil. Ce sont également des objets compacts qui contiennent une quantité importante de matière dans un volume très petit. Étudier ces étoiles permet de tester à une échelle différente les théories de physique nucléaire. © CEA Recherche

    En fait, des systèmes d'étoiles à neutrons avec des trous noirs probablement d'origine stellaire sont intéressants sous plusieurs aspects, notamment dans le cas où l'étoile à neutrons est un pulsarpulsar car selon certains chercheurs, cela ouvrirait la porteporte à l'étude d'effets relevant de la mythique gravité quantique à l'œuvre au niveau de l’écume de l’espace-temps. On apprendrait aussi à l'occasion de ces collisions d'astres compacts de nouvelles choses sur l'équationéquation d'état de la matière nucléaire et le quagma. Avec cette équation on peut préciser la relation entre le rayon et la masse d'une étoile à neutrons et mieux déterminer si certaines d'entre elles ne seraient pas des étoiles étranges.

    Jusqu'à présent toutefois, nous n'avons pas observé de couple d'étoiles à neutrons avec un trou noir avec les quelques 2.000 pulsars connus dans la Voie lactéeVoie lactée. Et si l'on n'a pas vu de signaux électromagnétiques dans le cas de GW200115 et GW200105 c'est peut-être en raison de l'écart entre les masses des astres compacts, écart qui se répercute entre les rayons. Malgré les forces de marée colossales pouvant a priori détruire les étoiles à neutrons avant qu'elles ne soient absorbées par les trous noirs, ceux-ci devaient probablement être assez grands pour gober les étoiles à neutrons tel PacPac-Man.

    D'autres détections de ce genre surviendront et elles devraient nous aider à préciser les scénarios possibles de la formation de ces binaires exotiquesexotiques parmi ceux présentés dans la vidéo ci-dessous.


    Comment un système binaire trou noir - étoile à neutrons se forme-t-il avant de fusionner? © EGO & the Virgo Collaboration
    Un tableau des masses d'étoiles à neutrons et de trous noirs mesurées grâce aux ondes gravitationnelles (en bleu et orange) et aux observations électromagnétiques (en jaune et violet). GW 200105 et GW 200115 sont mis en évidence comme résultant de la fusion d'étoiles à neutrons avec des trous noirs. © LIGO-Virgo / Frank Elavsky, Aaron Geller / Northwestern
    Un tableau des masses d'étoiles à neutrons et de trous noirs mesurées grâce aux ondes gravitationnelles (en bleu et orange) et aux observations électromagnétiques (en jaune et violet). GW 200105 et GW 200115 sont mis en évidence comme résultant de la fusion d'étoiles à neutrons avec des trous noirs. © LIGO-Virgo / Frank Elavsky, Aaron Geller / Northwestern

     


    Ondes gravitationnelles : la première collision entre étoile à neutrons et trou noir observée ?

    Article de Laurent Sacco publié le 19/08/2019

    Après des améliorations, les détecteurs d'ondes gravitationnelles, Ligo et Virgo, sont repartis à la chasse aux collisions d'astres compacts via les émissions d'ondes gravitationnelles depuis 1er avril 2019. L'un des Graal de cette chasse a probablement été enfin détecté : une collision entre une étoile à neutrons et un trou noir stellairetrou noir stellaire. On cherche activement des contreparties électromagnétiques à cette collision.

    Depuis ce 15 août 2019, la communauté des astrophysiciens relativistes théoriciens, scientifiques qui s'occupent de la physique des étoiles à neutrons et des trous noirs, est certainement en ébullition. Il en est de même pour leurs collègues, expérimentateurs et observateurs, qui travaillent dans le domaine de l'astronomie multi-messager qui a reçu une impulsion décisive avec la naissance de l'astronomie gravitationnelle.

    Ce jour-là, les membres des collaborations Ligo (acronyme de Laser Interferometer Gravitational-Wave ObservatoryLaser Interferometer Gravitational-Wave Observatory) et Virgo ont fait savoir en effet publiquement qu'ils pensaient avoir détecté, pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, les ondes gravitationnelles produites par la collision d'une étoile à neutrons avec un trou noir. Le signal semble beaucoup plus convaincant cette fois-ci : en avril dernier, peu de temps après le retour de chasse des détecteurs Ligo et Virgo, une possible détection similaire avait été annoncée avant d'être finalement invalidée.

    Futura avait alors fait un point sur la quête des sources d'ondes gravitationnelles avec ces machines en compagnie de l'astrophysicien OlivierOlivier Minazzoli dans le précédent article ci-dessous.

    Au 31 juillet 2019, parmi les sources d'ondes gravitationnelles détectées conjointement par Ligo et Virgo, on compte cependant déjà 18 fusions de trous noirs et 4 fusions d'étoiles à neutrons.

    La nouvelle source détectée est désignée par S190814bv, elle est particulièrement bien localisée sur la voûte céleste, même si la surface dans laquelle elle se trouve occupe environ 11 fois celle de la pleine Lunepleine Lune. Comme son nom l'indique, elle a en fait été repérée le 14 août mais c'est à partir du 15 qu'un communiqué sur Twitter annonçait que l'on était probablement en présence d'une collision entre une étoile à neutrons et un trou noir qui serait survenue à environ 800-900 millions d'années-lumièreannées-lumière de la Voie lactée.

    La localisation de S190814bv sur la voûte céleste. © Ligo-Virgo/Cardiff Uni./C. North
    La localisation de S190814bv sur la voûte céleste. © Ligo-Virgo/Cardiff Uni./C. North

    Une source d'ondes gravitationnelles et électromagnétiques ?

    Si tel est bien le cas, on peut s'attendre à trouver des contreparties dans le domaine des ondes électromagnétiques, dans le visible ou avec des rayons Xrayons X par exemple ; et depuis lors, des instruments, comme ceux équipant le satellite SwiftSwift de la NasaNasa, sont utilisés pour tenter de découvrir ces contreparties dans la petite zone de la voûte céleste où se trouve S190814bv. Si l'on en trouve, elles seront précieuses en informations comme ce fut le cas il y a justement deux ans avec la détection le 17 août 2017 de la première collision entre deux étoiles à neutrons via l'émission d'ondes gravitationnelles par la source GW170817.

    Si tout indique que S190814bv n'est pas une fausse alerte résultant d'un bruit ou d'une perturbation quelconque mal comprise (ce ne peut être un séismeséisme ou un biais instrumental car on voit le même signal en même temps pour des instruments différents séparés par des milliers de kilomètres), son interprétation doit encore être prise avec précaution.

    L'analyse du signal est menée à partir d'une bibliothèque de résultats de simulations numériques pour des masses et des spinsspins différents pour des astres compacts, trous noirs ou étoiles à neutrons formant initialement un système binaire ; elle cadre pour le moment avec un astre contenant plus de 5 masses solaires et un autre en contenant moins de trois.

    Il existe des modélisationsmodélisations de la structure interne des étoiles à neutrons en fonction de ce que l'on sait du comportement de la matière nucléaire à hautes pressionspressions, d'un point de vue théorique aussi bien qu'expérimental. Mais il existe des incertitudes sur ces modélisations qui ne permettent pas de donner une borne solidesolide quant à la masse maximale d'une étoile à neutrons, même si l'on sait qu'elle est très probablement inférieure à 3 masses solaires. Cette borne est d'autant plus raisonnable que l'on ne connait pas d'étoiles à neutrons qui l'atteignent.

    Le plus petit trou noir stellaire découvert ?

    En ce qui concerne les trous noirs, il n'existe pas de borne théorique inférieure précise pour un trou noir d'origine stellaire mais, là aussi, les observations en suggèrent une car les trous noirs connus de ce type ont très généralement des masses supérieures à 5 masses solaires. Sachant cela, il est naturel de prendre comme hypothèse la plus probable qu'il s'agit d'une collision entre un trou noir et une étoile à neutrons avec S190814bv. Cependant, rien ne prouve non plus que l'on ne soit pas en présence de l'un des plus petits trous noirs stellaires découverts jusqu'à présent.

    La situation sera nettement plus claire si l'on trouve effectivement des contreparties dans le spectrespectre électromagnétique. Mais de nouveau, rien n'est assuré. En effet, des calculs montrent que si l'écart de masse entre un trou noir stellaire et une étoile à neutrons est trop important, elle va en quelque sorte être avalée directement sans pouvoir produire un important signal dans le domaine des ondes électromagnétiques, disons par exemple sous la forme d'une sorte de sursaut gamma. Ne pas détecter ces ondes ne prouvera donc pas automatiquement que l'on était bien en présence d'un trou noir stellaire exotique de faible masse.

    Encore un peu de patience...

    Les ingénieurs Hugh Radkins (au premier plan) et Betsy Weaver (à l'arrière-plan) sont photographiés, ici, dans le détecteur de l'observatoire Ligo Hanford, débutant les mises à niveau nécessaires à la troisième campagne d'observation d'Advanced Ligo. © Ligo, Caltech, MIT, Jeff Kissel
    Les ingénieurs Hugh Radkins (au premier plan) et Betsy Weaver (à l'arrière-plan) sont photographiés, ici, dans le détecteur de l'observatoire Ligo Hanford, débutant les mises à niveau nécessaires à la troisième campagne d'observation d'Advanced Ligo. © Ligo, Caltech, MIT, Jeff Kissel

    Ondes gravitationnelles : une collision entre un trou noir et une étoile à neutrons observée par LIGO et Virgo ?

    Article de Laurent Sacco publié le 06/05/2019

    Après des améliorations, les détecteurs d'ondes gravitationnelles, LIGO et Virgo, sont repartis à la chasse aux collisions d'astres compacts via les émissions d'ondes gravitationnelles : cinq candidats ont déjà été observés dont une possible collision entre un trou noir et une étoile à neutrons, ce qui serait une grande première. L'astrophysicien Olivier Minazzoli fait un premier point avec nous sur ces détections et sur ce qui s'annonce pour cette année d'observation qui a débuté ce 1er avril 2019.

    Le regretté Pierre Binétruy aimait à dire que le XXIe siècle allait être gravitationnel, c'est-à-dire que la physique et l'étude du cosmoscosmos observable seraient dominées par l'essor de l'astrophysique relativiste et de la gravitation quantiquegravitation quantique, alors que le XXe siècle avait été dominé par les développements de l'électromagnétismeélectromagnétisme et de la physique quantiquephysique quantique, des interactions entre la matière et la lumière au niveau atomique, et même nucléaire, jusqu'à notre échelle et au-delà.

    On espérait le voir déjà avec la mise en service du LHCLHC, également du fait des théories développées juste à la fin du siècle dernier ; ces dernières laissaient sérieusement penser que l'on pourrait créer des minitrous noirs au LHC et mettre plus généralement en évidence les effets de l'existence de dimensions spatiales supplémentaires gouvernées par une généralisation de la théorie de la relativité généralerelativité générale, que ce soit avec la théorie de cordes ou simplement la supergravité.

    Ces espoirs sont pour le moment (définitivement ?) déçus mais les récents succès de la collaboration de l'Event Horizon Telescope -- qui a formé pour la première fois ce qui semble bien être l'image d'un trou noir entouré d'un disque d'accrétion --, et surtout la détection directe sur Terre des ondes gravitationnelles par les collaborations LIGO et Virgo sont en train de donner du poids aux prédictions de Pierre Binétruy.

    La détection de ces ondes est potentiellement très riche en informations de toutes sortes sur la physique des trous noirs, classique ou quantique, et sur l'astrophysique et la cosmologiecosmologie plus généralement. Le comité Nobel ne s'y est pas trompé en 2017 et on peut raisonnablement penser que d'autres prix Nobel de physique seront attribués en relation avec cette physique dans un avenir proche, en particulier pour deux Français : Thibault Damour et Alain Brillet.

    En attendant, la chasse aux ondes gravitationnelles a repris il y a un mois, comme l'expliquait le précédent article de Futura ci-dessous, et cinq candidats sérieux concernant des fusions d'astres compacts ont déjà été détectés. Ils sont en cours d'analyse pour des confirmations et pour en extraire des informations concernant, notamment, les masses et les distances de ces astres, très probablement à l'origine des trous noirs binaires pour les trois premiers. Des étoiles à neutrons semblent impliquées pour les deux derniers candidats et on envisage même, ce qui serait une grande première, une collision entre un trou noir et une étoile à neutrons. Le site de Virgo donne d'ailleurs les précisions suivantes à ce sujet :

    « La probable fusion d'un système binaire d'étoiles à neutrons ("BNS" pour "Binary Neutron Star") a été observée jeudi 25 avril, vers 8 h 18 temps universel (10 h 18 heure de Paris) : cet événement a été baptisé "S190425z -- voir ce lien pour plus d'informations. La recherche de contreparties électromagnétiques du candidat S190425z se poursuit. C'est un défi bien plus difficile que dans le cas de GW170817 car la nouvelle source est quatre fois plus lointaine et sa localisation dans le ciel fournie par LIGO et Virgo est bien plus incertaine. En effet, le signal du candidat S190425z a été enregistré alors que seulement deux détecteurs sur trois fonctionnaient : Ligo-Livingston et Virgo.

    L'autre signal potentiel impliquant une étoile à neutrons a été détecté le lendemain 26 avril, vers 15 h 22 temps universel (17 h 22 heure de Paris) : les informations sur ce candidat, S190426c, sont disponibles ici. Si les trois détecteurs LIGO-Virgo prenaient des données à ce moment-là, le signal détecté est plus faible et il est donc possible qu'il ne vienne pas du cosmos. Néanmoins, S190426c est un candidat très intéressant car sa forme suggère qu'il a été émis par un système double mixte, la fusion d'une étoile à neutrons avec un trou noir ("BH") plus massif - un événement "NS-BH". Si cette classification se confirme, ce serait une autre découverte sans précédent ».

    Futura s'est à nouveau tourné vers Olivier Minazzoli, membre de la collaboration Virgo, qui travaille au centre scientifique de Monaco et qui est actuellement détaché au laboratoire Artemis de Nice (Observatoire de la Côte d'Azur-OCA), pour qu'il nous explique cette troisième campagne d'observation menée avec des versions améliorées des détecteurs aux USA pour LIGO, et dans la région de Pise, en Italie, pour Virgo.

    Chercheur en astrophysique relativiste, Olivier Minazzoli a notamment travaillé pour la Nasa au JPL (<em>Jet Propulsion Laboratory</em>), à Pasadena, en Californie, aux États-Unis. © Olivier Minazzoli
    Chercheur en astrophysique relativiste, Olivier Minazzoli a notamment travaillé pour la Nasa au JPL (Jet Propulsion Laboratory), à Pasadena, en Californie, aux États-Unis. © Olivier Minazzoli

    Mais, avant de lui donner la parole, il est bon de rappeler quelques éléments concernant la théorie de la relativité, les trous noirs et les ondes gravitationnelles.

    Formalisme à paramètres post-newtoniens et modes quasi-normaux

    La théorie d'EinsteinEinstein qui permet de réconcilier la théorie de la relativité restreinterelativité restreinte et l'invariance de la vitesse de la lumièrevitesse de la lumière pour tous les observateurs (une conséquence d'une symétrie, la fameuse invariance de Lorentz) et sa valeur, comme limite de la propagation de tous les signaux physiques permettant de transmettre une information (on ne peut pas téléphoner plus vite que la lumière avec l'effet EPR) repose sur plusieurs postulatspostulats.

    Le premier est l'existence d'un espace-temps qui peut être courbe et qui se réduit à l'espace-temps plat de la relativité restreinte quand le champ de gravitation est nul, ou peu s'en faut. La gravitation est un effet de cette courbure et elle fait intervenir ce que l'on appelle une métrique, précisément un tenseurtenseur. Ce tenseur et la courbure associée varient dans l'espace et dans le temps en suivant une loi qui est celle des équations d'Einstein.

    Au cours des années, les physiciensphysiciens se sont rendu compte qu'une théorie relativiste de la gravitation pouvait conserver certains des postulats précédents, mais utiliser d'autres équations que celles d'Einstein pour la relativité générale. En outre, la métrique pouvait ne pas être le seul champ intimement lié à la gravitation. On pouvait faire intervenir des champs supplémentaires, mathématiquement cousins de celui du bosonboson de Brout-Englert-Higgs, des champs scalaires.

    Des chercheurs comme Clifford M. Will ont donc mis sur pied un cadre général pour ces variantes de la théorie d'Einstein que l'on appelle celui des théories métriques de la gravitation. Will et des collègues, comme Ken Nordtvedt et Wei-Tou Ni, ont de plus développé, dans ce cadre, ce que l'on appelle le formalisme à paramètres post-newtoniens (Parameterized post-Newtonian formalism ou PPN en anglais).

    Ce formalisme permet de décrire dans les grandes lignes toutes les modifications aux prédictions de la théorie de la gravitation de NewtonNewton quand le champ de gravitégravité n'est pas trop fort. Les différentes théories métriques font des prédictions parfois différentes et d'ampleur dissemblable pour les paramètres décrivant les effets de ces prédictions déduits des solutions des équations considérées. On peut ainsi faire des tests sur les mouvements des planètes dans le Système solaireSystème solaire ou des étoiles autour d'un trou noir supermassif, la déviation des rayonnements lumineux (par exemple, par effet de lentille gravitationnellelentille gravitationnelle) ou la perte d'énergie sous forme d'ondes gravitationnelles émises par des pulsars binaires.

    Le travail le plus célèbre du physicien indien, C.V. Vishveshwara (1938-2017), est la découverte des modes quasi-normaux des trous noirs. En 1970, il a montré qu'un trou noir de Schwarzschild perturbé par une impulsion de rayonnement gravitationnel reprendra son état d'origine en émettant des ondes gravitationnelles d'une forme caractéristique déterminée par ce qui est appelé des modes quasi-normaux. Les fréquences (complexes) de ces modes quasi-normaux pour des trous noirs de Schwarzschild sont indépendantes de la forme de cette perturbation et sont entièrement caractérisées par la masse du trou noir. Plus tard, ce résultat a été généralisé au cas des trous noirs de Kerr en rotation. Les modes quasi-normaux sont alors des fonctions de la masse et du moment angulaire propre, le spin, du trou noir. L'observation des modes quasi-normaux est considérée comme un moyen d'établir l'existence des trous noirs. © <em>International Centre for Theoretical Sciences</em>, Bengaluru
    Le travail le plus célèbre du physicien indien, C.V. Vishveshwara (1938-2017), est la découverte des modes quasi-normaux des trous noirs. En 1970, il a montré qu'un trou noir de Schwarzschild perturbé par une impulsion de rayonnement gravitationnel reprendra son état d'origine en émettant des ondes gravitationnelles d'une forme caractéristique déterminée par ce qui est appelé des modes quasi-normaux. Les fréquences (complexes) de ces modes quasi-normaux pour des trous noirs de Schwarzschild sont indépendantes de la forme de cette perturbation et sont entièrement caractérisées par la masse du trou noir. Plus tard, ce résultat a été généralisé au cas des trous noirs de Kerr en rotation. Les modes quasi-normaux sont alors des fonctions de la masse et du moment angulaire propre, le spin, du trou noir. L'observation des modes quasi-normaux est considérée comme un moyen d'établir l'existence des trous noirs. © International Centre for Theoretical Sciences, Bengaluru

    Quand le champ de gravité devient nettement plus fort, en particulier au moment de la collision et de la fusion de deux trous noirs pour en former un nouveau, on doit s'y prendre autrement pour tester des théories alternatives à celles d'Einstein. Il faut avoir recours à des simulations numériques avec de puissants ordinateurs, même si l'on peut obtenir quelques résultats analytiques comme l'ont montré des chercheurs tels que Thibault DamourThibault Damour et Alessandra Buonanno. On sonde alors le régime pleinement non-linéaire de la relativité générale et des autres théories métriques.

    Dans le cadre de ce régime, le nouveau trou noir formé n'a pas un horizon des événements régulier, la surface qui le définit est bosselée -- rappelons que c'est la présence d'un tel horizon et rien d'autre qui définit un trou noir, pas même la présence d'une singularité qui est, de plus, douteuse à cause des effets quantiques -- ; l'horizon vibre comme le ferait une cloche sous l'effet d'un coup. Il existe alors ce que l'on appelle, d'ailleurs dans les deux cas, des modes quasi-normaux pour ces vibrationsvibrations qui vont s'amortir sous l'effet de l'émission d'ondes gravitationnelles dans les premiers cas, et avec des émissions sonores pour une cloche. L'effet d'amortissement va faire prendre au trou noir, après une fusion, la forme exacte décrite par la fameuse métrique de Kerr pour un trou noir neutre en rotation.

    Comme ces modes quasi-normaux ont des fréquencesfréquences déterminées par la théorie des trous noirs, faire leur découverte dans le spectre des ondes gravitationnelles serait une preuve très convaincante de l'existence d'un horizon des événements et donc, de l'existence des trous noirs.

     Une première alerte publique de détection d'une onde gravitationnelle, envoyée le 8 avril 2019, décrit ce que l’on pense être une fusion de trous noirs binaires qui s’est produite à environ 4 milliards d’années lumière de distance (1473 ± 358 Mpc). Les observatoires Hanford et Livingston de LIGO, et le détecteur Virgo, en Italie, étaient tous en mode d’observation à l’époque, et ont contribué à la détection. La combinaison des données obtenues par chaque site a donné la carte ci-dessus. La région du ciel, supposée contenir la source de l’onde gravitationnelle détectée, couvre une superficie de 387 degrés carrés, soit près de 2.000 pleines lunes, coupant à peu près les constellations de Cassiopée, du Lézard, d'Andromède et de Céphée. © LIGO, Caltech / MIT
    Une première alerte publique de détection d'une onde gravitationnelle, envoyée le 8 avril 2019, décrit ce que l’on pense être une fusion de trous noirs binaires qui s’est produite à environ 4 milliards d’années lumière de distance (1473 ± 358 Mpc). Les observatoires Hanford et Livingston de LIGO, et le détecteur Virgo, en Italie, étaient tous en mode d’observation à l’époque, et ont contribué à la détection. La combinaison des données obtenues par chaque site a donné la carte ci-dessus. La région du ciel, supposée contenir la source de l’onde gravitationnelle détectée, couvre une superficie de 387 degrés carrés, soit près de 2.000 pleines lunes, coupant à peu près les constellations de Cassiopée, du Lézard, d'Andromède et de Céphée. © LIGO, Caltech / MIT

    Forts de ces rappels, abordons maintenant les questions que nous avons posées à Olivier Minazzoli, et surtout ses réponses.

    Futura-sciences : La collaboration LIGO-Virgo a conduit à la découverte de 10 fusions avec des trous noirs binaires et une collision d'étoiles à neutrons au cours des deux dernières campagnes d'observations. Les détecteurs ont été améliorés et sont désormais plus sensibles : la preuve en est que moins d'un mois après le début de la troisième campagne d'observations, trois nouvelles fusions de trous noirs probables ont été annoncées. Sachant cela, il est sans doute possible de commencer à estimer le nombre et la nature des événements que l'on devrait voir au cours de cette nouvelle chasse aux ondes gravitationnelles. À quoi peut-on donc s'attendre ?

    Olivier Minazzoli : Pour cette troisième campagne d'observation, baptisée O3, et qui va durer une année, il est attendu à peu près entre 10 et 40 fusions de trous noirs binaires et de 1 à 10 collisions d'étoiles à neutrons. En théorie, il doit exister aussi des systèmes binaires contenant un trou noir et une étoile à neutrons qui devraient donc finir par entrer en collision, toujours du fait des pertes d'énergie sous forme d'ondes gravitationnelles.

    Mais il est encore trop tôt pour donner une estimation fiable du taux de collisions attendu dans ce dernier cas. Celui-ci dépend encore trop des modèles considérés, étant donné que ces modèles n'ont pas encore été contraints par l'observation puisque nous n'avons pas encore de détection confirmée pour ces systèmes. Beaucoup de modèles semblent néanmoins donner des taux compris entre ceux des binaires de trous noirs et des binaires d'étoiles à neutrons.

    Futura-sciences : Les annonces de la détection de nouvelles fusions de trous noirs et d'étoiles à neutrons semblent beaucoup plus rapides que les précédentes, est-ce bien le cas, et à quel point peut-on faire confiances à ces annonces ?

    Olivier Minazzoli : Les annonces sont beaucoup plus rapides car nous envoyons des alertes publiques dès que nos algorithmes de détection rapide voient un signal qui semble suffisamment significatif. Durant la campagne d'observation O2, seuls des observatoires partenaires ayant signé un MOU (Memorundum Of Understanding) avec la collaboration recevaient ce type d'alertes rapides. Mais le choix a été fait pour O3 de rendre ces alertes publiques, afin que toute la communauté astrophysique puisse participer à la recherche des contreparties électromagnétiques aux ondes gravitationnelles (ou sous forme de neutrinos), s'ils en avaient le désir.

    Les informations données par ces algorithmes rapides sont préliminaires, et l'utilisation d'analyses plus sophistiquées et plus longues permet de mieux caractériser les sources. Néanmoins, ces algorithmes rapides sont déjà très fiables et permettent d'avertir en quelques minutes la communauté astrophysique de la détection d'un événement potentiel. En particulier, ils délivrent une probabilité de localisation de la source dans l'espace et une estimation des probabilités que cette dernière soit une binaire de trous noirs, une binaire d'étoiles à neutrons ou un couple étoile à neutron-trou noir, ainsi que la probabilité qu'il y ait une différence de masse importante entre les objets de la binaire. Cela donne notamment la possibilité aux observatoires de faire un choix éclairé sur leur participation à la recherche de potentielles contreparties électromagnétiques ou pas. En effet, en fonction du type de la source, et/ou de la distance, des contreparties électromagnétiques observables sont attendues, ou pas.

    Pour être plus précis, la procédure suivie est celle-ci : si certains critères sont respectés, les algorithmes rapides génèrent et envoient automatiquement une annonce publique en quelques minutes, par l'intermédiaire d'un réseau géré par la Nasa appelé GCN (Gamma-ray burst Coordinates Network). Alors, des membres de garde de la collaboration doivent, à toute heure du jour ou de la nuit, se réunir en ligne pour vérifier l'évènement, et envoyer une deuxième annonce pour confirmer l'annonce automatique ou, à l'inverse, pour envoyer une rétraction si un problème était constaté. Ensuite, des mises à jour peuvent être envoyées en fonction des résultats d'analyses plus longues à réaliser.

    Pour qu'une annonce soit envoyée automatiquement, il faut, par exemple, qu'au moins deux détecteurs parmi les trois (LIGO à Hanford, côte Ouest ; LIGO à Livingston, côte Est ; et Virgo à Pise) soient opérationnels et aient détecté le signal, ce qui n'est pas toujours le cas pour diverses raisons. Par exemple, en cas d'intempéries sur l'un des sites, les perturbations peuvent devenir trop importantes pour être en mesure de détecter le signal.

    On peut suivre les annonces des détections des candidats sur un site public -- Tant que la collaboration ne confirme pas une détection, ce qui peut prendre du temps, on parle de candidat.

    <em>Inspiral, merger, ringdown</em> : ce sont les noms anglais des trois étapes qui ont conduit deux trous noirs à se rapprocher en décrivant une spirale suite à des pertes d'énergies sous forme d'ondes gravitationnelles, puis à entrer en collision pour finalement donner un seul trou noir. L'horizon des évènements de l'objet compact final a vibré, telle une cloche frappée, en émettant des ondes gravitationnelles. L'évènement a duré moins d'une seconde. Les courbes montrent les signaux détectés par les deux interféromètres LIGO, à Handford, et à Livingston, aux États-Unis, le 14 septembre 2015 et elles sont en correspondance avec la chronologie des événements. © LIGO, NSF, Aurore Simonnet
    Inspiral, merger, ringdown : ce sont les noms anglais des trois étapes qui ont conduit deux trous noirs à se rapprocher en décrivant une spirale suite à des pertes d'énergies sous forme d'ondes gravitationnelles, puis à entrer en collision pour finalement donner un seul trou noir. L'horizon des évènements de l'objet compact final a vibré, telle une cloche frappée, en émettant des ondes gravitationnelles. L'évènement a duré moins d'une seconde. Les courbes montrent les signaux détectés par les deux interféromètres LIGO, à Handford, et à Livingston, aux États-Unis, le 14 septembre 2015 et elles sont en correspondance avec la chronologie des événements. © LIGO, NSF, Aurore Simonnet

    Futura-sciences : Comment LIGO et Virgo vont-ils pouvoir aider à tester la théorie des trous noirs et par la même occasion, la théorie de la relativité générale d'Einstein ?

    Olivier Minazzoli :  En ce qui concerne les trous noirs, la détection des modes quasi-normaux d'un trou noir de Kerrtrou noir de Kerr en rotation est toujours à l'horizon.

    Sinon, de manière générale, la théorie d'Einstein nous permet de prédire la forme des ondes gravitationnelles. Les théories alternatives vont, quant à elles, souvent prédire un signal différent de la théorie de la relativité générale. Il y a cinq stratégies employées par la collaboration pour la tester à partir du premier catalogue des sources des campagnes d'observation O1 et O2.

    La première stratégie consiste à retrancher au signal de la détection la meilleure estimation du signal réalisée par des algorithmes basés sur la relativité générale, et de vérifier que ce qu'il reste est bien conforme à ce que l'on attend du bruit dans les détecteurs.

    La deuxième stratégie consiste à comparer les estimations des masses de la binaire à partir de différentes parties du signal. En effet, la physique de la fusion des binaires passe par plusieurs régimes (Inspiral, merger, ringdown en anglais sur l'illustration ci-dessus), décrite par des mathématiques complètement différentes. Ainsi, la cohérence de l'estimation des masses à partir du signal correspondant à différents régimes permet de vérifier que la relativité générale est cohérente dans les différents régimes en question. En effet, si la relativité générale devait être fausse, on peut montrer que l'estimation des masses obtenues à partir des différentes parties des signaux ne devrait pas coller en général.


    Les trois régimes de la collision de deux trous noirs sont montrés dans cette vidéo. La partie supérieure de l’animation montre les horizons des deux trous noirs et les mouvements de ces astres compacts. La partie centrale montre la forme de l'onde gravitationnelle observée par le détecteur de LIGO, à Livingston, et la partie inférieure indique la fréquence des ondes gravitationnelles, augmentant progressivement d'environ 35Hz à plus de 700Hz. Les paramètres de ce système sont cohérents avec ceux déduits des ondes gravitationnelles mesurées par LIGO le 26 décembre 2015. © SXS Collaboration

    La troisième stratégie consiste à paramétriser une potentielle déformation de la forme des ondes gravitationnelles, qui découlerait d'une modification de la dynamique de la coalescencecoalescence des binaires par rapport à la relativité générale. La quatrième stratégie pour tester la relativité générale consiste à faire quelque chose de similaire, mais pour des modifications qui seraient dues à une dépendance en fréquence de la vitesse de propagation de l'onde gravitationnelle. C'est-à-dire, qu'il y ait dans le vide un effet de dispersion analogue à ce qui se produit  dans un prisme pour les ondes lumineuses, ce que la relativité générale ne prédit pas.

    Cela permet notamment de mettre des contraintes sur la masse des ondes gravitationnelles -- alors qu'en physique, toute onde peut éventuellement posséder une masse, la relativité générale prédit que les ondes gravitationnelles n'en ont pas. Plus généralement, on peut ainsi tester des théories qui violent l'invariance de Lorentz et donc indirectement, au moins de manière effective si ce n'est fondamentalement, la théorie de la relativité restreinte.

    Enfin, la dernière stratégie consiste à tenter de mesurer la polarisation des ondes gravitationnelles. En effet, comme les ondes électromagnétiques, les ondes gravitationnelles possèdent différents modes de polarisation. La théorie de la relativité générale prédit qu'il ne peut exister que deux modes possibles. Or, la plus grande partie des théories alternatives prédit l'existence d'autres modes de polarisation. Néanmoins, seul un réseau de plus de cinq détecteurs d'ondes gravitationnelles serait capable d'apporter des contraintes réellement fortes sur ces modes de polarisation alternatifs. Nous affinons donc nos armes, pour le moment où les détecteurs japonnais (KAGRA) et indien (LIGO India) entreront en fonction, au cours des cinq prochaines années.


    Ondes gravitationnelles : Virgo et LIGO sont repartis à la chasse

    Article de Laurent Sacco publié le 09/04/2019

    Après des upgrades, les détecteurs d'ondes gravitationnelles LIGO et Virgo sont repartis à la chasse aux collisions d'astres compacts via les émissions d'ondes gravitationnelles. La chasse devrait durer une année avec, on l'espère, de bonnes surprises.

    Tout comme pour le LHC, les détecteurs d'ondes gravitationnelles LIGO et Virgo sont périodiquement à l'arrêt pour bénéficier d'améliorations qui leur permettent de repartir à la chasse vers de nouvelles découvertes avec une sensibilité améliorée. Rappelons que LIGO, ce sont deux détecteurs aux USA et Virgo, un détecteur en Europe. Cela permet non seulement d'éliminer l'influence d'un séisme dans ces détecteurs, puisqu'ils sont distants de plusieurs milliers de kilomètres et que les ondes sismiquesondes sismiques sont très loin de voyager à la vitesse de la lumière comme le font les ondes gravitationnelles, mais aussi de localiser relativement précisément la source d'une onde frappant la Terre par triangulationtriangulation sur la voûte céleste. Il est alors possible de faire pleinement de l'astronomie multi-messagers en cherchant également à voir en même temps des émissions gamma et X intenses, ou encore dans le visible, et bien évidemment aussi un pic dans le flux de neutrinos détectés, par exemple, par IceCube.


    Une vidéo de présentation de Virgo et de la chasse aux ondes gravitationnelles. © CNRS

    Ce 1er avril 2019 (il ne s'agissait pas d'un poissonpoisson), LIGO et Virgo sont partis pour une troisième campagne d'observations (O3) qui fait suite au « Run d'Observation 2 ». O2 avait commencé le mardi 1er août 2017 après plusieurs années consacrées aux améliorations de Virgo depuis son arrêt en 2011 alors que la prise de données O2 avait démarré le 30 novembre 2016 avec LIGO pour se terminer le 25 août 2017. Il était prévu qu'O3 débute à l'automneautomne 2018 mais il en a été autrement.

    Une fusion de trou noir par semaine ?

    Rappelons que c'est en 2015 que Ligo, seul, a fait la première détection directe sur Terre des ondes gravitationnelles. Elle provenait d'une paire de trous noirs en collision situés à 1,3 milliard d'années-lumière. D'autres collisions similaires ont ensuite été découvertes et surtout GW170817, une collision entre deux étoiles à neutrons qui a validé certaines de nos idées sur l'origine de sursauts gamma. Pour cette découverte, trois des principaux acteurs de LIGO : Barry C. Barish et Kip S. Thorne du Caltech, ainsi que Rainer Weiss du MIT, ont reçu le prix Nobel de physique 2017.

    Avec O3, les détecteurs améliorés devraient être sensibles à ce qui se passe à une distance moyenne de 550 millions d'années-lumière, soit plus de 190 millions d'années-lumière de plus qu'avant. Comme le volumevolume d'une sphère dépend de son rayon au cube, le nombre et la fréquence des sources d'ondes gravitationnelles détectables vont augmenter significativement.

    Les chercheurs estiment qu'ils pourraient bien détecter jusqu'à une fois par semaine des fusions de trous noirs binaires et peut-être quelques fusions d'étoiles à neutrons de plus pendant la duréedurée d'O3 (une année). Ils souhaiteraient aussi observer au moins une collision entre une étoile à neutrons et un trou noir.