C'est l'un des objectifs du télescope spatial James-Webb, aider à préciser comment les premières étoiles sont nées, à quoi elles ressemblaient vraiment ainsi que les premières galaxies les rassemblant. Il y avait déjà depuis quelque temps des indices et ils viennent d'être confirmés par une publication portant sur des observations du JWST concernant l'une des plus lointaines galaxies connues.


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    Dans les nuagesnuages de matière où naissent les étoiles de la Voie lactée, il y a environ 99 % de gaz pour 1 % de poussières. Celles-ci jouent cependant un rôle important pour la formation des jeunes étoiles. En effet, en se contractant par effondrementeffondrement gravitationnel, le mélange de gaz et de poussières va chauffer et la pression thermique résultante peut s'opposer à un effondrement conduisant à la formation d'une nouvelle étoile. Toutefois, en s'échauffant, les poussières se mettent à rayonner dans l'infrarougeinfrarouge. Ce rayonnement n'étant pas bloqué, il s'échappe du nuage en contraction en tendant à le refroidir, ce qui permet au processus de contraction de se poursuivre.

    Juste après le Big BangBig Bang, la matière normale est sous forme d'un autre mélange. Il n'existe pas de poussières contenant des éléments comme le carbonecarbone, l'oxygèneoxygène, le ferfer ou le magnésiummagnésium, il n'existe que des isotopesisotopes de l'hydrogènehydrogène, de l'héliumhélium et quelques traces de lithiumlithium, tous produits par la nucléosynthèsenucléosynthèse du Big Bang. Les autres éléments et donc ceux qui constitueront des poussières carbonées et silicatées seront produits par des générations successives d'étoiles qui finiront par exploser en supernovaesupernovae. C'est la nucléosynthèse stellaire, et c'est ce qui explique pourquoi le regretté Hubert Reeves aimait à dire que nous étions des poussières d'étoiles.

    On peut suspecter déjà de cette façon que les premières étoiles naissant dans les premières centaines de millions d'années de l'histoire du cosmoscosmos observable vont le faire différemment que celles plus récentes, et qu'elles seront elle-mêmes différentes. Il faut déjà un agent de refroidissement autre que la poussière et on a des raisons de penser qu'il s'agissait de l'hydrogène moléculaire (on suspecte aussi un rôle possible de la matière noire). Elles ne contenaient pas d'éléments lourds et elles naissaient dans un UniversUnivers où le rayonnement fossilerayonnement fossile était plus chaud qu'aujourd'hui.


    Le Big Bang, les premières étoiles et la réionisation avec Hubble. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Hubble, ESA

    Des étoiles de quelques centaines à quelques milliers de masses solaires ?

    Les caractéristiques des premières étoiles ne sont pas encore très bien comprises. On les appelle des étoiles de population IIIpopulation III et elles n'ont encore jamais été observées dans l'Univers profond. On sait qu'elles devaient être très massives, peut-être jusqu'à un millier de massesmasses solaires ou plus et auraient donc dû évoluer rapidement en quelques millions d'années, donnant les premiers éléments lourds en explosant en supernovae. Ces éléments vont permettre une seconde génération d'étoiles, celles observées et dites de type II dans les galaxiesgalaxies, en tout premier lieu dans la Voie lactée. Le SoleilSoleil est lui une étoile de type I, car encore plus jeune, comme le serait un enfant d'un an par rapport à des enfants de 2 et 3 ans.

    On ne sait pas vraiment quand les premières étoiles sont apparues, même si l'on peut trouver des indications en étudiant le rayonnement fossile comme l'a fait le satellite Plancksatellite Planck. On ne sait pas non plus très bien si ce sont ces étoiles ou les premiers trous noirs massifs au cœur des jeunes galaxies qui sont responsables de ce que l'on appelle la réionisation de l’Univers. En effet, le gaz intergalactique n'est plus neutre depuis des milliards d'années, ce qui veut dire qu'il a été ionisé partiellement par du rayonnement ultravioletultraviolet rendant ainsi le cosmos transparenttransparent alors qu'il ne l'était plus depuis l'émissionémission du rayonnement fossile, environ 380 000 ans après le Big Bang.

    Ce qui est sûr, c'est que l'on espère que le télescopetélescope James-Webb nous en apprenne plus sur ces premières étoiles dont le rayonnement provenant de région lointaine a été décalé dans l'infrarouge par la dilatationdilatation de l'espace depuis son émission et son voyage dans notre direction.

    Or justement, la découverte d’indices de la possible présence de ces étoiles dans une des plus lointaines galaxies avait déjà été annoncée il y a quelque temps et elle fait aujourd'hui l'objet d'une publication officielle dans Astronomy & Astrophysics, dont on peut trouver une version en accès libre sur arXiv.

    Une galaxie lointaine à 32 milliards d'années-lumière aujourd'hui

    Elle concerne GN-z11 qui fut il y a quelques années encore la plus lointaine et la plus ancienne galaxie connue dans l'Univers observable, située dans la constellation de la Grande Ourseconstellation de la Grande Ourse et dont le décalage spectral z est de 11 environ. En tenant compte de l’expansion de l’espace dans le cadre du modèle cosmologique relativiste standard, on peut calculer que l’on observe GN-z11 telle qu’elle était il y a environ 13,4 milliards d’années et qu’aujourd’hui elle se trouve à environ 32 milliards d’années-lumière de la Voie lactée.

    La galaxie GN-z11 avait été identifiée par une équipe chargée de l'analyse des données issues du télescope spatial Hubbletélescope spatial Hubble et du télescope spatial Spitzer dans le cadre du Great Observatories Origins Deep Survey-Nord (GOODS-Nord d'où le GN), mais c'est aujourd'hui une équipe d'astrophysiciensastrophysiciens menée par Roberto Maiolino du Laboratoire Cavendish et du Kavli Institute of Cosmology de l'université de Cambridge au Royaume-Uni qui pense être sur la piste des étoiles de population III, en utilisant le NIRSpecNIRSpec (spectrographespectrographe proche infrarouge) de Webb pour trouver un amas gazeux d'hélium dans le halo entourant GN-z11.

    Ce graphique en deux parties montre la présence d'un amas gazeux d'hélium dans le halo entourant la galaxie GN-z11. Dans la partie supérieure, à l'extrême droite, une petite case identifie GN-z11 dans un champ de galaxies. La case du milieu montre une image agrandie de la galaxie. L'encadré, à l'extrême gauche, affiche une carte de l'hélium gazeux dans le halo du GN-z11, y compris un amas qui n'apparaît pas dans les couleurs infrarouges indiquées dans le panneau du milieu. Dans la moitié inférieure du graphique, un spectre montre « l’empreinte digitale » distincte de l’hélium dans le halo. Le spectre complet ne montre aucune trace d'autres éléments et suggère donc que l'amas d'hélium doit être assez intact, constitué d'hydrogène et d'hélium gazeux laissés par le big bang, sans grande contamination par des éléments plus lourds produits par les étoiles. © Nasa, ESA, ASC, Ralf Crawford (STScI)
    Ce graphique en deux parties montre la présence d'un amas gazeux d'hélium dans le halo entourant la galaxie GN-z11. Dans la partie supérieure, à l'extrême droite, une petite case identifie GN-z11 dans un champ de galaxies. La case du milieu montre une image agrandie de la galaxie. L'encadré, à l'extrême gauche, affiche une carte de l'hélium gazeux dans le halo du GN-z11, y compris un amas qui n'apparaît pas dans les couleurs infrarouges indiquées dans le panneau du milieu. Dans la moitié inférieure du graphique, un spectre montre « l’empreinte digitale » distincte de l’hélium dans le halo. Le spectre complet ne montre aucune trace d'autres éléments et suggère donc que l'amas d'hélium doit être assez intact, constitué d'hydrogène et d'hélium gazeux laissés par le big bang, sans grande contamination par des éléments plus lourds produits par les étoiles. © Nasa, ESA, ASC, Ralf Crawford (STScI)

    Dans le communiqué de la NasaNasa à ce sujet, Roberto Maiolino explique que « le fait que nous ne voyons rien d'autre que l'hélium suggère que cet amas doit être relativement intact. C'est quelque chose auquel s'attendaient la théorie et les simulations à proximité de galaxies particulièrement massives de ces époques : il devrait y avoir des poches de gaz vierge survivant dans le halo, et celles-ci pourraient s'effondrer et former des amas d'étoiles de population III ».

    Ces étoiles devraient être très massives, très lumineuses et très chaudes mais surtout leur spectrespectre, différent de celui des étoiles connues, devrait montrer la présence des raies de l'hélium ionisé et l'absence des raies spectralesraies spectrales d'éléments chimiqueséléments chimiques plus lourds que l'hélium.

    Le plus lointain trou noir supermassif connu à ce jour

    Roberto Maiolino ne s'est pas arrêté là, avec une autre équipe il a publié un article dans Nature - avec toujours une version libre sur arXiv - concernant GN-z11 dans lequel lui et ses collègues annoncent avoir découvert l'existence d'un trou noir supermassiftrou noir supermassif contenant deux millions de masses solaires. Pour mémoire, celui de la Voie lactée contient aujourd’hui un peu plus de 4 millions de masses solaires.

    Cette image de l’instrument NIRCam (<em>Near-Infrared Camera</em>) de Webb montre une partie du champ de galaxies GOODS-North. En bas à droite, un extrait met en évidence la galaxie GN-z11, observée seulement 430 millions d'années après le big bang. L'image révèle une composante étendue, traçant la galaxie hôte GN-z11, et une source centrale dont les couleurs sont cohérentes avec celles d'un disque d'accrétion entourant un trou noir. © Nasa, ESA, CSA, STScI, Brant Robertson (UC Santa Cruz), Ben Johnson (CfA), Sandro Tacchella (Cambridge), Marcia Rieke (Université de l'Arizona), Daniel Eisenstein (CfA)
    Cette image de l’instrument NIRCam (Near-Infrared Camera) de Webb montre une partie du champ de galaxies GOODS-North. En bas à droite, un extrait met en évidence la galaxie GN-z11, observée seulement 430 millions d'années après le big bang. L'image révèle une composante étendue, traçant la galaxie hôte GN-z11, et une source centrale dont les couleurs sont cohérentes avec celles d'un disque d'accrétion entourant un trou noir. © Nasa, ESA, CSA, STScI, Brant Robertson (UC Santa Cruz), Ben Johnson (CfA), Sandro Tacchella (Cambridge), Marcia Rieke (Université de l'Arizona), Daniel Eisenstein (CfA)

    Toujours dans le communiqué de la Nasa annonçant ce qui est présenté comme la découverte du trou noir supermassif actif le plus éloigné repéré à ce jour, Roberto Maiolino déclare à ce sujet : « Nous avons découvert un gaz extrêmement dense, courant à proximité des trous noirs supermassifstrous noirs supermassifs, qui accumule du gaz. Ce sont les premières signatures claires indiquant que GN-z11 héberge un trou noir qui engloutit de la matière. »

    Sa collègue Hannah Übler, qui a participé à la première confirmation de l'existence de ce trou noir qui était suspectée depuis quelque temps, ajoute : « La NIRCam (Near-Infrared CameraNear-Infrared Camera) de Webb a révélé un composant étendu, traçant la galaxie hôte, et une source centrale compacte dont les couleurscouleurs sont cohérentes avec celles d'un disque d'accrétiondisque d'accrétion entourant un trou noir. »

    Le communiqué de la Nasa précise, quant à lui, qu'« en utilisant Webb, l'équipe a également trouvé des indications d'éléments chimiques ionisés généralement observés à proximité de trous noirs supermassifs en accrétion. De plus, ils ont découvert un ventvent très puissant expulsé par la galaxie. De tels vents à grande vitessevitesse sont généralement provoqués par des processus associés à une accrétion vigoureuse de trous noirs supermassifs ».