Dans ses premières centaines de millions d’années, l'Univers était plongé dans un épais brouillard. Puis des phares se sont allumés au cœur de cet âge sombre. Et grâce aux capacités sans précédent du télescope spatial James-Webb – aidé un peu par un effet de lentille gravitationnelle –, les astronomes sont enfin parvenus à identifier leur origine.


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    Notre Univers n'a pas toujours brillé de mille feux. Après l'« explosion initiale », un épais brouillard de gaz - de l'hydrogène neutre, essentiellement - s'est formé. Ce n'est que quelques centaines de millions d'années plus tard que les toutes premières étoiles se sont allumées. « Quelque chose s'est alors activé et a commencé à émettre des photons de très haute énergie dans le vide intergalactique, explique Joel Leja, professeur d'astronomie et d'astrophysiqueastrophysique à l'université Penn State (États-Unis), dans un communiqué. Ces sources fonctionnaient comme des phares cosmiques qui brûlaient le brouillardbrouillard d'hydrogène neutre. Elles étaient tellement énergiques et persistantes que l'Univers entier s'est réionisé ». Marquant la fin de cette période que les astronomesastronomes appellent l'âge sombre de l'Univers.

    Le scénario était écrit. Toutefois les chercheurs ignoraient jusqu'ici toujours qu'elles pouvaient être ces sources qui ont joué ce rôle de « phare cosmique ». Mais des données renvoyées par le télescope spatial James-Webb (JWST) apportent aujourd'hui une réponse. En utilisant un gigantesque amas de galaxiesamas de galaxies - l'amas Abell 2744 que l'on surnomme aussi l'amas de Pandore - comme une sorte de loupe - ce que les chercheurs qualifient d'effet de lentille gravitationnelle -, les astronomes ont en effet obtenu les premiers spectresspectres complets de certaines de ces toutes premières lumièreslumières de l'Univers.

    En utilisant l’amas de Pandore — ici en illustration — comme une loupe et le télescope spatial James-Webb, une équipe internationale de chercheurs montre que les petites galaxies de l’Univers primitif ont joué le rôle de phare cosmique dans le brouillard originel. © Nasa, ESA, CSA, I. Labbe (Swinburne University of Technology), R. Bezanson (University of Pittsburgh), A. Pagan (STScI)
    En utilisant l’amas de Pandore — ici en illustration — comme une loupe et le télescope spatial James-Webb, une équipe internationale de chercheurs montre que les petites galaxies de l’Univers primitif ont joué le rôle de phare cosmique dans le brouillard originel. © Nasa, ESA, CSA, I. Labbe (Swinburne University of Technology), R. Bezanson (University of Pittsburgh), A. Pagan (STScI)

    Le rôle primordial des galaxies naines dans la réionisation de l'Univers

    Pour comprendre, il est intéressant de préciser que certains voyaient dans les grandes galaxies les meilleurs des candidats « phares cosmiques ». Car même si au début de notre Univers, elles ne devaient pas être nombreuses, ces astronomes estimaient qu'elles produisaient chacune tout de même suffisamment de lumière pour réioniser l'Univers tout entier. D'autres estimaient au contraire que le nombre des plus petites galaxies de notre Univers primitif aurait pu être en mesure de déclencher la sortie de l'âge sombre. C'est l'option que l'équipe internationale dont il est question ici a choisi d'explorer.

    Dans la revue Nature, les chercheurs expliquent ainsi d'abord qu'ils ont observé que, dans l'Univers primitif, les galaxies naines étaient environ 100 fois plus nombreuses que les galaxies massives.

    Et ce que l'analyse des spectres de huit des premières galaxies de faible massemasse de l'Univers révèle, c'est que celles-ci sont de solidessolides candidates pour le « quelque chose » évoqué par Joel Leja. Parce qu'elles s'avèrent produire environ quatre fois plus de lumière ionisante que ce que les astronomes considéraient jusqu'alors comme « normal ». C'est important parce que les astronomes pensaient que pour réioniser l'Univers, ils auraient besoin de voir 20 % des photons s'échapper de telles petites galaxies. Or, ces nouvelles données suggèrent que 5 % seulement suffisent. Cela correspond à peu près à la fraction de photons ionisants qui s'échappe des galaxies modernes.

    Un résultat à confirmer avec de nouvelles observations

    « Nous sommes face à de véritables centrales cosmiques qui émettent collectivement plus qu'assez d'énergie pour réioniser l'Univers à ce moment-là », indique Hakim Atek, chercheur à l'Institut d'astrophysique de Paris et auteur principal de l'étude, dans un communiqué de l’Agence spatiale européenne (ESAESA). Toutefois, les chercheurs soulignent que leur recherche ne porteporte que sur huit galaxies. Qui plus est toutes proches d'une seule ligne de visée.

    Pour confirmer ces résultats, les astronomes devront étendre leur étude à une plus grande échelle. Et s'assurer, d'abord, que la région à laquelle ils se sont intéressés là est bien représentative de la répartition moyenne des galaxies. Puis que les galaxies nainesgalaxies naines sont toutes aussi énergétiques que celles-ci. De nouvelles observations sont d'ores et déjà prévues grâce au télescope spatial James-Webbtélescope spatial James-Webb et à un autre amas de galaxies géant, l'amas Abell S1063.