Les astronomes ont découvert le trou noir le plus éloigné jamais détecté en rayons X à l'aide des télescopes spatiaux Chandra et James-Webb. L’émission de rayons X est une signature révélatrice d’un trou noir supermassif en pleine croissance. Cette découverte pourrait expliquer comment se sont formés certains des premiers trous noirs supermassifs de l’Univers.


au sommaire


    Les astrophysiciensastrophysiciens compétents sont tous d'accord pour dire qu'au cœur de l'immense majorité des grandes galaxies se trouvent des astres compacts contenant au moins un million et parfois plusieurs milliards de masses solaires qui se comportent comme le prédit la théorie des trous noirs. Il reste encore quelques doutes que l'on peut garder à l'esprit par prudence, mais l'existence des trous noirs supermassifstrous noirs supermassifs semble bel et bien devenue un acquis définitif de l'astrophysique, même si des surprises sont possibles avec les ondes gravitationnelles ou de futures images de l'Event Horizon Telescope.

    Toutefois, on ne sait toujours pas vraiment comment se sont formés les trous noirs supermassifs, même si l'on pense désormais que leur croissance s'est faite essentiellement pas accrétion de matièrematière provenant de filaments froids.

    On a envisagé plusieurs hypothèses qui au gré des découvertes des dernières décennies se sont trouvées successivement sur le devant de la scène, comme celle de l'existence d’étoiles primordiales de très grandes masses ou encore de trous noirs géants produits pendant le Big Bang.

    Une de ces hypothèses vient de gagner un peu plus de poids suite à des observations conjointes dans l'infrarougeinfrarouge du télescope spatial James-Webbtélescope spatial James-Webb et dans le domaine des rayons Xrayons X par un autre télescope spatial en orbiteorbite depuis 1999, le désormais mythique ChandraChandra.

    La découverte vient de faire l'objet d'une publication dans Nature Astronomy, mais elle se décline en fait en trois articles que l'on peut consulter en accès libre sur arXiv.

    Ces images montrent l'amas de galaxies Abell 2744 derrière lequel se trouve UHZ1, dans les rayons X de Chandra et les données infrarouges de Webb, ainsi que des gros plans de la galaxie hôte du trou noir UHZ1. © Rayon X : NASA/CXC/SAO/Ákos Bogdán ; Infrarouge : NASA/ESA/CSA/STScI ; Traitement d'images : NASA/CXC/SAO/L. Frattare & K. Arcand
    Ces images montrent l'amas de galaxies Abell 2744 derrière lequel se trouve UHZ1, dans les rayons X de Chandra et les données infrarouges de Webb, ainsi que des gros plans de la galaxie hôte du trou noir UHZ1. © Rayon X : NASA/CXC/SAO/Ákos Bogdán ; Infrarouge : NASA/ESA/CSA/STScI ; Traitement d'images : NASA/CXC/SAO/L. Frattare & K. Arcand

    Abell 2744, une loupe gravitationnelle pour découvrir les lointaines galaxies

    Tout a commencé par la détection par Chandra d'une source de rayons X dans une galaxie nommée UHZ1 en direction de l'amas de galaxiesamas de galaxies Abell 2744, situé à 3,5 milliards d'années-lumièreannées-lumière de la Voie  lactéeVoie  lactée. Abell 2744 est également célèbre sous le nom d'amas de Pandore. Il semble avoir résulté de la fusionfusion de quatre amas galactiques plus petits mais surtout, il semble riche en matière noirematière noire, ce qui donne donc lieu à un effet de lentille gravitationnellelentille gravitationnelle que les astronomesastronomes utilisent depuis un certain temps pour former par effet de loupe des images de galaxies lointaines dans le visible et dans l'infrarouge proche.

    Abell 2744 avait déjà été utilisé de cette façon avec le télescope Hubble et plus récemment avec le James-Webb. Cette fois-ci, il a permis de découvrir qu'UHZ1 était vue telle qu'elle était seulement 470 millions d'années après le Big BangBig Bang. Les données de Chandra montrent que la source X associée à la galaxie a toutes les caractéristiques d'un trou noir supermassif en pleine croissance, de sorte que les astronomes ont découvert le trou noir le plus éloigné jamais observé en rayons X.

    Les analyses des données collectées avec le James-Webb et Chandra montrent que l'on est en présence d'une situation inhabituelle car alors qu'il existe généralement un facteur 1 000 entre la masse d'un trou noir supermassif et la masse de la matière sous forme d'étoilesétoiles dans sa galaxie hôte, il semble ici que le trou noir géant de UHZ1, avec ses 10 à 100 millions de masses solaires, contient autant de matière que toutes les étoiles de la galaxie où il vivait dans le passé reculé que nous montrent aujourd'hui des photonsphotons ayant voyagé pendant plus de 13 milliards d'années.


    Des commentaires sur la découverte avec UHZ1. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Chandra X-ray Observatory

    Un effondrement direct de nuages de matière en trous noirs géants

    Le trou noir se trouvait donc à un stade précoce de croissance jamais observé auparavant où sa masse est similaire à celle de sa galaxie hôte. Surtout, les observations accréditent maintenant la thèse que les trous noirs supermassifs se formeraient directement par effondrement gravitationnel d’un très grand nuage de matière.

    Cet ensemble d'illustrations explique comment un grand trou noir peut se former à partir de l'effondrement direct d'un énorme nuage de gaz quelques centaines de millions d'années après le big bang. Le panneau n° 1 montre un énorme nuage de gaz et une galaxie se rapprochant. Si la formation d’étoiles dans le nuage de gaz est bloquée par le rayonnement de la galaxie entrante – l’empêchant de former une nouvelle galaxie – le gaz peut alors être amené à s’effondrer et à former un disque et un trou noir. Les panneaux n° 2 et n° 3 montrent le début de cet effondrement de gaz au centre du nuage. Un petit trou noir se forme au centre du disque (panneau n° 4) et le trou noir et le disque continuent alors de croître (panneau n° 5). Cette « graine » massive de trou noir et son disque fusionnent ensuite avec la galaxie illustrée dans le panneau n° 1. Pendant un certain temps, le trou noir est inhabituellement massif par rapport à la masse des étoiles de la galaxie, ce qui en fait un trou noir surdimensionné (panneau n° 6). Les étoiles et le gaz de la galaxie sont attirés par le trou noir, ce qui fait grossir encore plus le trou noir et le disque. © Nasa, STScI, Leah Hustak
    Cet ensemble d'illustrations explique comment un grand trou noir peut se former à partir de l'effondrement direct d'un énorme nuage de gaz quelques centaines de millions d'années après le big bang. Le panneau n° 1 montre un énorme nuage de gaz et une galaxie se rapprochant. Si la formation d’étoiles dans le nuage de gaz est bloquée par le rayonnement de la galaxie entrante – l’empêchant de former une nouvelle galaxie – le gaz peut alors être amené à s’effondrer et à former un disque et un trou noir. Les panneaux n° 2 et n° 3 montrent le début de cet effondrement de gaz au centre du nuage. Un petit trou noir se forme au centre du disque (panneau n° 4) et le trou noir et le disque continuent alors de croître (panneau n° 5). Cette « graine » massive de trou noir et son disque fusionnent ensuite avec la galaxie illustrée dans le panneau n° 1. Pendant un certain temps, le trou noir est inhabituellement massif par rapport à la masse des étoiles de la galaxie, ce qui en fait un trou noir surdimensionné (panneau n° 6). Les étoiles et le gaz de la galaxie sont attirés par le trou noir, ce qui fait grossir encore plus le trou noir et le disque. © Nasa, STScI, Leah Hustak

    En effet, la grande masse du trou noir à un jeune âge ainsi que la quantité de rayons X qu'il produit et la luminositéluminosité de la galaxie détectée par Webb concordent tous avec les prédictions théoriques faites en 2017 par le co-auteur d'un des articles publiés, Priyamvada Natarajan de l'université de Yale, explique un communiqué de la NasaNasa. « Nous pensons qu'il s'agit de la première détection d'un Outsize Black Hole (ce que l'on peut traduire par trou noir surdimensionné) et de la meilleure preuve jusqu'à présent obtenue que certains trous noirs se forment à partir d'énormes nuagesnuages de gazgaz. Pour la première fois, nous assistons à une brève étape au cours de laquelle un trou noir supermassif pèse à peu près autant que les étoiles de sa galaxie, avant de prendre du retard », y déclare Natarajan.

    Les données de Webb utilisées dans les articles font partie d'un programme de recherche appelé Ultradeep NirspecNirspec and nirCamnirCam ObserVations before the Epoch of Reionization (UNCOVER).