Le radiotélescope Alma, en conjonction avec d'autres instruments, a révélé deux noyaux actifs de galaxies au cœur d'une fusion de galaxies. Derrière ces noyaux, se trouve le trou noir supermassif binaire avec la plus petite distance connue entre ces deux astres compacts, ce qui suggère que la chasse aux ondes gravitationnelles avec eLisa dans un futur proche sera plus fructueuse qu'on ne l'espérait.


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    On a pensé un moment que les galaxies croissaient essentiellement en fusionnant les unes avec les autres, les grandes galaxies nées les plus tôt avalant les galaxies naines. Les observations faites avec le télescope Hubble montraient d’ailleurs bien des exemples de galaxies en collision et ce d'autant plus que l'on observait loin dans l'espace, et donc en reculant dans le temps.

    On pensait également que c'était lors des collisions que s’allumaient les quasars, c'est-à-dire les noyaux actifs de galaxiesnoyaux actifs de galaxies rendus particulièrement lumineux par un apport massif de gaz au cœur de ces galaxies, gaz qui était accrété par un trou noir supermassif de Kerr en rotation.

    Toutefois, au cours de la décennie précédente, le paradigme a changé avec les nouvelles observations et leur interprétation dans le cadre de savantes simulations numériquessimulations numériques. Si l'on continue de penser que les trous noirs supermassifstrous noirs supermassifs et les galaxies croissent de pair, étant donné que l'on voit une loi de proportionnalité respectée pour la grande majorité des galaxies entre la masse sous forme d'étoilesétoiles qu'elles contiennent et celle de leurs trous noirs supermassifs, on considère maintenant que les collisions ne sont pas aussi fréquentes qu'on ne le croyait et qu'elles jouent en fait un rôle secondaire, voire mineur dans la croissance des galaxies.

    Tout indique en effet que c’est l’accrétion de courants de matière baryonique laissée par le Big Bang, via des filaments de matière noire froide qui les canalisent, que des nouvelles étoiles se forment massivement et que les trous noirs centraux grandissent.

    En tout état de cause, on va chercher à en savoir plus sur la croissance galaxies/trous noirs supermassifs par fusionfusion en détectant à l'horizon des années 2030 les ondes gravitationnellesondes gravitationnelles émises par la fusion des trous noirs supermassifs en fin de fusion des galaxies et ce en utilisant le détecteur d’ondes gravitationnelles eLisa. Les détecteurs actuels, comme LigoLigo et VirgoVirgo, n'observent pas dans la bande de longueurs d'ondelongueurs d'onde adéquate pour mettre en évidence les pertes d'énergieénergie sous forme d'ondes gravitationnelles des trous noirs supermassifs. Pertes qui font décroître les tailles de leurs orbitesorbites dans le système binairesystème binaire formé par la fusion de deux galaxies.

    Des estimations sur la quantité de trous noirs binaires que l'on peut espérer observer dans un volumevolume donné de l'espace-tempsespace-temps ont été données. Plus une sphère entourant la Voie lactéeVoie lactée peut être sondée par une sensibilité croissante des détecteurs, plus on s'attend à trouver des trous noirs supermassifs binaires. Mais cette conclusion est tempérée par le fait que plus ces objets sont loin, moins ils sont lumineux pour un détecteur pour eLisa.

    Les scientifiques utilisant l'<em>Atacama Large Millimeter/submillimeter Array</em> (Alma) pour regarder profondément au cœur de la paire de galaxies fusionnées connue sous le nom d'UGC 4211 ont découvert deux trous noirs croissant côte à côte, à seulement 750 années-lumière l'un de l'autre. La vision d'artiste montre la fusion finale des galaxies en une seule et ses deux trous noirs centraux. Les trous noirs supermassifs binaires sont les plus proches jamais observés dans plusieurs longueurs d'onde. © Alma (ESO/NAOJ/NRAO) ; M. Weiss (NRAO/AUI/NSF)
    Les scientifiques utilisant l'Atacama Large Millimeter/submillimeter Array (Alma) pour regarder profondément au cœur de la paire de galaxies fusionnées connue sous le nom d'UGC 4211 ont découvert deux trous noirs croissant côte à côte, à seulement 750 années-lumière l'un de l'autre. La vision d'artiste montre la fusion finale des galaxies en une seule et ses deux trous noirs centraux. Les trous noirs supermassifs binaires sont les plus proches jamais observés dans plusieurs longueurs d'onde. © Alma (ESO/NAOJ/NRAO) ; M. Weiss (NRAO/AUI/NSF)

    UGC 4211, un laboratoire pour comprendre les trous noirs supermassifs binaires ?

    Il semble toutefois, grâce à de récentes observations à haute résolutionrésolution dans le domaine des ondes millimétriques avec l'Atacama Large Millimeter/submillimeter Array (Alma), que le nombre de trous noirs supermassifs binaires proches soit plus élevé qu'on ne le pensait, ce qui est de bon augure si tel est bien le cas.

    C'est ce qu'indique un article publié récemment dans The Astrophysical Journal Letters par Michael Koss et ses collègues qui ont également mobilisé d'autres instruments observant à d'autres longueurs d'onde, comme Muse équipant le VLTVLT de l'ESOESO ou encore les télescopes du W. M. Keck Observatory, pour étudier plus en détail UGC 4211, une paire de galaxies en fusion à 500 millions d'années-lumièreannées-lumière seulement de la Voie lactée dans la constellation du Cancerconstellation du Cancer.

    On constate alors non seulement la présence de deux trois noirs supermassifs éloignés de seulement 750 années-lumière environ, ce qui est déjà le record de la plus petite séparationséparation pour les trous noirs supermassifs connus dans un système binaire mais surtout, et c'est également nouveau, qu'ils accrètent de la matièrematière au point de constituer non pas un, mais deux noyaux actifs de galaxies au cœur d'une galaxie en fusion, ce qui n'avait jamais été vu auparavant.

    « Les simulations ont suggéré que la plupart de la population de binaires de trous noirs dans les galaxies voisines seraient inactives parce qu'elles sont plus courantes, et non deux trous noirs en croissance comme nous l'avons trouvé. Alma est unique en ce sens qu'il peut voir à travers de grandes colonnes de gaz et de poussière et atteindre une résolution spatiale très élevée pour voir les choses très proches les unes des autres. Notre étude a identifié l'une des paires de trous noirs les plus proches dans une fusion de galaxies, et comme nous savons que les fusions de galaxies sont beaucoup plus courantes dans l'UniversUnivers lointain, ces binaires de trous noirs peuvent également être beaucoup plus courantes qu'on ne le pensait auparavant », explique d'ailleurs Michael Koss dans un communiqué du National Radio Astronomy Observatory (NRAO), aux États-Unis.

    Son collègue Ezequiel Treister, astronomeastronome à l'Universidad Católica de Chile et co-auteur de la recherche, y ajoute que : « Il pourrait y avoir de nombreuses paires de trous noirs supermassifs en croissance au centre des galaxies que nous n'avons pas été en mesure d'identifier jusqu'à présent. Si tel est le cas, dans un proche avenir, nous observerons de fréquents événements d'ondes gravitationnelles causés par les fusions de ces objets à travers l'Univers. »


    Cette vidéo montre une illustration et des images d'Alma de deux trous noirs dînant ensemble et dévorant avidement poussière, gaz et autres matériaux perturbés par la collision. © Alma (ESO/NAOJ/NRAO), M. Koss et al (Eureka Scientific), S. Dagnello (NRAO/AUI/NSF)