Depuis plusieurs décennies, maintenant, les images prises par satellite nous apportent une vision globale de notre planète et de ses évolutions. Aujourd’hui, elles révèlent qu’une superficie équivalente à celle des Alpes-Maritimes de zones humides a disparu dans le monde ces 20 dernières années.
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Une zone humide, ça n'a l'airair de rien, comme ça. Mais du point de vue de la préservation de la nature, cela peut faire beaucoup. Car dans le monde, les zones humides consistent en un réservoir de biodiversité. Elles aident à atténuer les catastrophes naturelles. Elles constituent un puits de carbone. Elles ont aussi une valeur économique non négligeable. Et des chercheurs de l’université de Cambridge (Royaume-Uni) confirment aujourd'hui ce que laissait récemment entendre la Convention sur les Zones Humides : ces écosystèmes sont plus que jamais en danger.
Les chercheurs ont analysé plus d'un million d'images satellites. D'un point de vue très factuel, ils annoncent que 4.000 km2 de zones humides à maréemarée -- des marais ou des mangrovesmangroves, par exemple -- ont disparu au cours des 20 dernières années. C'est l'équivalent en surface du département des Alpes-Maritimes. Mais grâce à l'intelligence artificielle et à l'apprentissage automatique, ils ont pu mieux caractériser ces pertes de zones humides.
Vers de nouvelles zones humides
Les chercheurs concluent ainsi que près d'un tiers -- 27 % exactement -- des pertes -- ou des gains parce que des opérations de préservation permettent aussi de restaurer des zones humides -- sont très directement liées à des activités humaines : la conversion des terresterres pour l'agricultureagriculture, par exemple. C'est notamment le cas en Asie qui compte pour trois quarts des pertes totales de zones humides à marée dans le monde. Le reste des pertes est attribuable aux impacts humains sur les bassins versantsbassins versants, au développement économique des zones côtières, à l'affaissementaffaissement des côtes, au réchauffement climatique, mais aussi à des processus côtiers naturels.
Ces travaux montrent également que les trois quarts des pertes -- près de 14.000 km2 au total -- ont été compensés par la création de nouvelles zones humides. Notamment dans des régions où elles n'existaient pas auparavant. Avec une expansion importante dans les deltasdeltas du Gange et de l'AmazoneAmazone, par exemple. Des migrations qui devront à l'avenir être prises en compte pour une gestion plus efficace des zones côtières de faible altitude dans lesquelles vivent tout de même plus d'un milliard de personnes dans le monde.
Les zones humides disparaissent alors qu'elles sont indispensables à notre survie
Alliées indispensables dans la lutte contre le réchauffement climatiqueréchauffement climatique, les zones humides sont fortement menacées et dégradées partout dans le monde. Les Nations unies estiment que 35 % des zones humides ont disparu depuis 1970 alors qu'elles présentent de nombreux bénéfices méconnus, comme l'atténuation des catastrophes, la séquestration du carbone et la santé humaine.
Article de Karine DurandKarine Durand paru le 07/01/2022
La Convention sur les Zones Humides (ou Convention de RamsarConvention de Ramsar) vient de mettre à jour son dernier rapport sur l'état des zones humides dans le monde et sur l'importance de leur sauvegardesauvegarde. Alors que tous les regards se concentrent sur la dégradation de la forêt amazonienne ou encore sur la disparition des glaciers, les zones humides sont les écosystèmes les plus menacés de la Planète : les marais, tourbièrestourbières, prairies humides, lagunes, mangroves et autres points d'eau disparaissent actuellement à un rythme 3 fois plus rapide que les forêts. 36 % des espècesespèces dépendant des zones humides sont menacées au plan mondial. Pourtant méconnu, le rôle des zones humides est capital dans le fonctionnement de la Terre : réservoir de biodiversité, mais aussi atténuation des catastrophes, santé humaine, et puits de carbone.
Les menaces : agriculture, élevage, pollution et changement climatique
Les zones humides ont une superficie mondiale de 1,2 milliard d'hectares en cumulé ; cela donne un territoire plus vaste que celui du Canada. Mais en seulement 50 ans, elles ont déjà perdu un tiers de leur surface totale.
L'exploitation anarchique des terres (en particulier l'agriculture et l'élevage)) est le premier facteur de dégradation des zones humides, alors que la Convention sur les Zones Humides insiste sur le fait que « l'avenir d'une production alimentaire durable dépend de zones humides en bon état et de leur utilisation rationnelle ». L'agriculture est responsable de la disparition de plus de la moitié des zones humides depuis 1970. Viennent ensuite la surexploitation des animaux d'élevage, des plantes, la pollution, les espèces envahissantesespèces envahissantes, mais aussi l'exploitation forestière, ainsi que la chasse et la pêchepêche d'espèces indispensables au fonctionnement de ces zones. Et les prévisions de la Convention sont plutôt sombres concernant le futur : toutes ces menaces sur les terres et la biodiversité « devraient se poursuivre ou s'aggraver dans de nombreux scénarios futurs, en réponse aux facteurs indirects comme la croissance rapide de la population humaine, la production et la consommation non durables et le développement technologique connexeconnexe. »
“L'agriculture est responsable de la disparition de plus de la moitié des zones humides depuis 1970”
Les zones humides sont aussi particulièrement touchées par les conséquences du changement climatique : élévation du niveau de la mer, blanchiment des coraux et bouleversement de l'hydrologiehydrologie. Parmi l'ensemble des zones humides du globe, les zones humides arctiquesarctiques et de montagne sont davantage exposées aux risques climatiques. Dans les zones au climatclimat plutôt sec, amenées à souffrir encore davantage de la sécheressesécheresse avec le réchauffement climatique, le stress hydriquestress hydrique devient de plus en plus important, asséchant de nombreuses zones humides indispensables à la biodiversité et à la population humaine.
Autre zone géographique où la détérioration des zones humides est sans appel, la région méditerranéenne. Depuis 1992, la biodiversité marine de la Méditerranée a diminué de 52 % et sa biodiversité d'eau douceeau douce de 28 %. Le débitdébit des cours d'eau du bassin méditerranéen a diminué de 25 à 70 % entre 1960 et 2000, avec des répercussions sur les zones humides saisonnières. L'agriculture intensive consomme les deux tiers des ressources d'eau douce de la Méditerranée. Avec plus de 42 % de la population méditerranéenne installée sur le littoral, les établissements, l'industrie et le tourisme dégradent les zones humides côtières et la demande en eau augmente.
Les bénéfices méconnus des zones humides
L'intérêt de sauvegarder et de restaurer les zones humides de la Planète, est multiple et souvent totalement méconnu des agriculteurs, éleveurs et plus globalement des populations locales. La Convention estime que 4 milliards de personnes (sur une population mondiale de près de 8 milliards) sont directement dépendantes des zones humides pour leur survie. La valeur économique des zones humides pour les services qu'elles rendent à l'humanité est estimée 47.400 milliards de dollars pan an !
“L'un des objectifs des Nations unies est d'ailleurs de restaurer 50 % des tourbières détruites d'ici 2030”
Les zones humides côtières, comme les mangroves, séquestrent le dioxyde de carbonedioxyde de carbone 55 fois plus vite que les forêts tropicalesforêts tropicales. Les tourbières, qui recouvrent seulement 3 % de la surface mondiale, séquestrent 30 % du carbone présent sous terre. Les tourbières et les écosystèmes côtiers de carbone bleu (marais salés, mangroves, herbiers marins, etc.) en bon état sont des puits de carbone très efficaces mais s'ils sont dégradés, ils deviennent par contre d'importantes sources de gaz à effet de serregaz à effet de serre.
L'un des objectifs des Nations unies est d'ailleurs de restaurer 50 % des tourbières détruites d'ici 2030. Les mangroves, les récifs coralliensrécifs coralliens et les alguesalgues marines jouent également le rôle de barrières qui atténuent la submersionsubmersion des côtes en cas de tempêtetempête et tsunamitsunami. Sur terre, les tourbières, mares, rivières et points d'eau en général absorbent les excès d'eau en cas d'inondationinondation et les retiennent en cas de sécheresse. Ces écosystèmes font partie de ce qu'on appelle les Solutions Fondées sur la Nature.
La bonne santé de la population dépend aussi des zones humides bien gérées : « Le contrôle des maladies zoonotiques émergentes dépend de la préservation d'écosystèmes intacts et bien gérés et de la biodiversité locale. Adopter une approche écosystémique des zones humides peut avoir des avantages sanitaires pour tous. La dégradation des écosystèmes et le commerce insensé des espèces sauvages accroissent les risques de pandémiespandémies dévastatrices et les trois quarts des nouvelles maladies sont d'origine zoonotique ». De plus, « les maladies liées à l'eau, comme les diarrhéesdiarrhées infantiles, transportées dans les eaux insalubres, sont aussi favorisées par une mauvaise gestion des zones humides et tuent des millions de personnes chaque année ».
Afin de mieux médiatiser l'importance des zones humides et d'inciter à leur protection et restauration partout dans le monde, l’Assemblée générale des Nations unies du 30 août 2021 a décidé de consacrer une Journée mondiale à ces écosystèmes. Le 2 février de chaque année sera dorénavant la « Journée mondiale des zones humides ».
Les sites Ramsar en France. © Ramsar France