Subissant le réchauffement climatique anthropique, la biodiversité souffre. Et des chercheurs nous apprennent aujourd’hui que les perturbations et les pertes qu’elle aura à subir ne seront vraisemblablement pas lissées mais brutales.


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    Que le réchauffement climatique ait un impact sur la biodiversité, ce n'est pas une nouveauté. Mais ce que des chercheurs de l'University College London (Royaume-Uni) nous apprennent aujourd'hui, c'est que cet impact prendra la forme de vagues de perturbations écologiques. Une situation qu'Alex Pigot, l'un des auteurs de l'étude, image à la perfection dans un communiqué : « nous ne sommes pas sur une pente glissante mais au bord d'une série de falaises ».

    « Nous avons constaté que les risques liés au changement climatiquechangement climatique pour la biodiversité n'augmentent pas progressivement. À mesure que le climat se réchauffe dans une certaine zone, la plupart des espèces font face pendant un certain temps. Jusqu'à ce qu'un seuil de température soit franchi. Alors, une grande partie des espèces sont soudainement confrontées à des conditions qu'elles n'avaient jamais connues auparavant », détaille le chercheur.

    Les travaux des chercheurs de l’<em>University College London</em> (Royaume-Uni) et de leurs collègues s’intéressent uniquement aux changements de températures et de régimes de précipitations. Ils n’incluent pas, par exemple, les impacts des vagues de chaleur ou de la fonte de la glace en Arctique. © karmaknigh, Adobe Stock
    Les travaux des chercheurs de l’University College London (Royaume-Uni) et de leurs collègues s’intéressent uniquement aux changements de températures et de régimes de précipitations. Ils n’incluent pas, par exemple, les impacts des vagues de chaleur ou de la fonte de la glace en Arctique. © karmaknigh, Adobe Stock

    L’exposition de plus de 30.000 espèces étudiées

    Pour en arriver à cette conclusion, les chercheurs ont d'abord établi les conditions dans lesquelles chaque espèce peut survivre. En comparant les données climatiques -- températures, précipitations, etc. -- disponibles depuis 1850 avec les aires de répartitionaires de répartition géographique de 30.652 espèces d'oiseaux, de mammifèresmammifères, de reptilesreptiles, d'amphibiensamphibiens, de poissonspoissons et d'autres animaux et plantes. Ces données étaient disponibles pour des régions du monde entier, divisées en cellules de 100 x 100 km.

    En exploitant ensuite des projections issues d'un modèle climatiquemodèle climatique pour chaque année jusqu'en 2100, les chercheurs ont prédit quand les espèces de chaque cellule de la grille commenceront à connaître des températures constamment plus élevées -- et des changements de régimes de précipitations marqués -- que celles que chaque organisme a connues dans toute son aire géographique pendant une période d'au moins cinq ans. « Une fois ces températures atteintes, nous nous attendons à des extinctions massives », explique Christopher Trisos, chercheur à l'université du Cap (Afrique du Sud) dans le communiqué de l'University College London.

    Des cartes montrant les risques de survenue d’<em>« événements d’exposition brutale »</em> dans différentes régions du monde d’ici 2100. En haut, dans un scénario de réchauffement contenu à moins 2 °C et en bas, dans un scénario de réchauffement à +4 °C. © Trisos et al.
    Des cartes montrant les risques de survenue d’« événements d’exposition brutale » dans différentes régions du monde d’ici 2100. En haut, dans un scénario de réchauffement contenu à moins 2 °C et en bas, dans un scénario de réchauffement à +4 °C. © Trisos et al.

    Des événements d’exposition brutale

    Car les chercheurs notent que dans toutes les communautés étudiées, en moyenne 73 % des espèces franchissent simultanément -- comprenez, dans une même décennie -- le seuil de température qui les propulse en dehors de leur zone de confort. Avec un risque passant de faible à élevé en un temps très court. Même si certaines espèces pourraient nous surprendre en s'adaptant plutôt bien à ces nouvelles conditions de vie.

    Dans un scénario d'émissionsémissions élevées et de réchauffement de +4 °C d'ici 2100, les chercheurs pensent qu'au moins 15 % des communautés subiront une situation qu'ils qualifient d'« événement d'exposition brutale » qui ferait franchir un seuil de température à plus d'une espèce sur cinq au cours de la même décennie. Une situation qui pourrait causer des dommages irréversibles au fonctionnement de l'écosystèmeécosystème des océans tropicaux avant 2030. Aux latitudeslatitudes plus élevées et dans les forêts tropicalesforêts tropicales, d'ici 2050. Le tout mettant sérieusement en péril nos sociétés dès les années 2040.

    Les travaux des chercheurs de l’<em>University College London</em> (Royaume-Uni) et de leurs collègues montrent que des écosystèmes entiers pourraient être exposés à un risque soudain, le tout menaçant la subsistance des populations. Des événements récents comme le blanchissement de la Grande Barrière de Corail suggèrent que cela se produit déjà. © BRIAN_KINNEY, Adobe Stock
    Les travaux des chercheurs de l’University College London (Royaume-Uni) et de leurs collègues montrent que des écosystèmes entiers pourraient être exposés à un risque soudain, le tout menaçant la subsistance des populations. Des événements récents comme le blanchissement de la Grande Barrière de Corail suggèrent que cela se produit déjà. © BRIAN_KINNEY, Adobe Stock

    Aplanir la courbe

    Mais si le réchauffement peut être maintenu à +2 °C ou moins, moins de 2 % des communautés seraient touchées. Une manière, selon les chercheurs, « d'aplanir efficacement la courbe », une expression que nous avons appris à connaître en cette période de crise du coronaviruscoronavirus. Comme si contenir les émissions de gaz à effet de serre pouvait offrir aux espèces et aux écosystèmes un peu plus de temps -- jusqu'à 60 ans de plus -- pour s'adapter au changement climatique. Que ce soit en trouvant de nouveaux habitats, en modifiant leur comportement ou grâce aux efforts de conservation menés par les Hommes. Un peu comme le confinement donne du temps aux services hospitaliers.

    Les chercheurs espèrent que leurs résultats serviront de système d'alerte précoce qui aidera à prédire quelles zones seront les plus à risque et à quel moment. De quoi mieux cibler les efforts de conservation et améliorer les futures projections. « Il peut être utile de développer un programme de surveillance de dix ans -- semblable à ce que font les climatologuesclimatologues mais pour la biodiversité -- qui pourrait être mis à jour régulièrement en fonction de ce qui se passe réellement », suggère Cory Merow, chercheur à l'université du Connecticut en conclusion du communiqué de l’University College London.