Chaque année, des millions de tonnes de plastique pénètrent le milieu marin. Un problème aujourd’hui internationalement reconnu. Mais les scientifiques en savent encore peu sur l’étendue de cette pollution dans les régions les plus profondes des océans. Selon une estimation prudente, 14 millions de tonnes de microplastiques tapisseraient déjà les fonds marins. 


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    Dans l'océan Arctique, dans les glaces de mer de l'Antarctique et jusque dans la fosse des Mariannes. La pollution plastiqueplastique est partout. En 2014, une étude estimait que 250.000 tonnes de plastique flottaient sur les eaux du Globe. Et avec une production qui ne fait qu'augmenter, les choses ne devraient pas s'améliorer dans les années qui viennent.

    Aujourd'hui, des chercheurs de la Commonwealth Scientific and Industrial Research Organisation (CSIRO) -- soit l'organisme gouvernemental australien pour la recherche scientifique -- estiment que la situation est déjà plus critique que ce que nous pensions. Leurs travaux suggèrent en effet que les fonds marins de notre planète sont littéralement tapissés de 8 à 14 millions de tonnes de microplastiques !

    Selon une estimation passée du CSIRO, ce sont entre quatre et huit millions de tonnes de plastiques qui se retrouvent, chaque année, versés à la mer. Ils finissent, pour la plupart, par s'échouer sur les côtes. Ceux qui restent en mer se dégradent. Par l'effet des intempéries ou de la force des vagues. Ils forment alors des microplastiques de moins de cinq millimètres -- et de plus de un micromètremicromètre -- de diamètre. Des microplastiques qui peuvent être mangés par toutes sortes d'animaux marins, du plancton aux poissonspoissons.

    Les chercheurs de la <em>Commonwealth Scientific and Industrial Research Organisation</em> (CSIRO) ont sondé les fonds marins à la recherche de microplastiques à l’aide d’un sous-marin robotisé. © CSIRO
    Les chercheurs de la Commonwealth Scientific and Industrial Research Organisation (CSIRO) ont sondé les fonds marins à la recherche de microplastiques à l’aide d’un sous-marin robotisé. © CSIRO

    Des microplastiques, même à distance des Hommes

    Cette fois, les chercheurs se sont intéressés aux microplastiques qui tombent dans les fonds marins. À l'aide d'un sous-marinsous-marin robotisé, ils ont recueilli 51 échantillons de sablesable et de sédimentssédiments dans la grande baie australienne, jusqu'à 380 kilomètres au large de l'Australie. Le tout à des profondeurs allant de 1.655 à 3.062 mètres. Ils y ont trouvé jusqu'à 13,6 particules de plastique par gramme. Soit jusqu'à 25 fois plus que ce qu'avaient pu trouver de précédentes études. Bien plus que ce que l'on trouve dans d'autres régions. Et un chiffre tout à fait étonnant pour cette région assez éloignée de tout centre urbain.

    Comment est-il arrivé jusque là ? En coulant, tout naturellement. Ou par l'effet des courants océaniques et des mouvementsmouvements naturels des sédiments le long des plateaux continentaux. Mais aussi en interagissant avec des organismes marins. Des bactériesbactéries, des moules ou d'autres invertébrésinvertébrés peuvent coloniser les morceaux de plastique flottant et les faire ainsi couler.

    Les chercheurs de la <em>Commonwealth Scientific and Industrial Research Organisation</em> (CSIRO) ont analysé des échantillons de fonds marins pour y trouver des microplastiques. © CSIRO
    Les chercheurs de la Commonwealth Scientific and Industrial Research Organisation (CSIRO) ont analysé des échantillons de fonds marins pour y trouver des microplastiques. © CSIRO

    Les chercheurs du CSIRO ont également remarqué que la quantité de microplastiques dans le fond marin est corrélée avec le nombre de fragments de plastique flottants à la surface. Peut-être le résultat de caractéristiques physiquesphysiques particulières du fond marin ou de courants locaux qui entraînent une accumulation en surface et sur les fonds de proximité.

    Quoi qu'il en soit, les chercheurs nous rappellent que nous avons tous notre rôle à jouer dans la limitation de ce phénomène : par la réutilisation ou le recyclagerecyclage ou encore par la recherche de solutions alternatives au plastique.


    Des microplastiques retrouvés jusque dans la fosse des Mariannes

    Aucun écosystèmeécosystème marin n'est épargné par la pollution au plastique : des chercheurs ont découvert pour la première fois des microplastiques dans les entrailles de mini crustacéscrustacés vivant dans les abysses, à près de 11 kilomètres de profondeur. Les microparticules de plastique sont partout !

    Article de Futura avec l'AFP-Relaxnews paru le 03/03/2019

    Des déchets de plastique retrouvés jusqu’au plus profond de l’océan. © Tunatura, fotolia
    Des déchets de plastique retrouvés jusqu’au plus profond de l’océan. © Tunatura, fotolia

    Les auteurs d'une étude qui vient de paraître dans la revue Royal Society Open Science ont disséqué 90 spécimens d'amphipodes Lysianassidés, sortes de minuscules crevettes, récoltés au fond de six des plus profondes fosses océaniques réparties autour de la Ceinture du Pacifique. NylonNylon, polyéthylènepolyéthylène, PVCPVC, soie synthétique... 65 individus (plus de 72 %) contenaient au moins une microparticule. Et la contaminationcontamination concerne tous les sites, avec un minimum de 50 % des spécimens collectés à près de 7.000 mètres de profondeur dans la fosse des Nouvelles-Hébrides ayant ingéré du plastique, à 100 % chez ceux capturés à près de 11.000 mètres dans la fosse des Mariannes, la plus profonde connue.

    « Une partie de moi s'attendait à trouver quelque chose mais pas au point d'avoir 100 % des individus du lieu le plus profond du monde ayant des fibres dans leurs entrailles. C'est énorme »

    « Une partie de moi s'attendait à trouver quelque chose mais pas au point d'avoir 100 % des individus du lieu le plus profond du monde ayant des fibres dans leurs entrailles. C'est énorme », explique à l'AFP Alan Jamieson, chercheur en écologieécologie marine à l'université britannique de Newcastle. Le scientifique, spécialiste de l'exploration sous-marine qui a découvert plusieurs espècesespèces des abysses, n'étudie généralement pas les questions de pollution au plastique. Mais son équipe et lui avaient à disposition des amphipodes de plusieurs espèces de la famille des Lysianassidés (Hirondellea, eurythenes gryllus) récoltés entre 2008 et 2017 par des pièges posés au fond des océans par des véhicules sous-marins. Une collection incomparable qu'ils ont voulu exploiter pour contribuer aux connaissances sur le « sujet brûlant » de la pollution aux microplastiques, souligne-t-il.

    Des microplastiques dans les profondeurs de l'océan. © Jonathan Walter, AFP
    Des microplastiques dans les profondeurs de l'océan. © Jonathan Walter, AFP

    Des microplastiques partout, jusqu’au fond des océans

    Plus de 300 millions de tonnes de plastique sont produites chaque année, dont une partie se retrouve dans l'océan. Si selon des estimations scientifiques, quelque 5.000 milliards de morceaux de plastique pesant plus de 250.000 tonnes flottent à la surface, la matièrematière finit par se dégrader en microparticules qui coulent au fond des mers. De précédentes études avaient mis en évidence la présence de microplastiques dans des sédiments marins à près de 7.000 mètres près de la fosse des Kouriles, et dans des organismes vivants à 2.200 mètres de profondeur dans l'Atlantique nord. Mais la plupart des études se focalisent sur la surface.

    « Le point essentiel est qu'on trouve [les microplastiques] systématiquement dans des animaux tout autour du Pacifique à des profondeurs extraordinaires. C'est partout.»

    Avec ces nouvelles données, « le point essentiel est qu'on trouve [les microplastiques] systématiquement dans des animaux tout autour du Pacifique à des profondeurs extraordinaires. C'est partout. Il est temps d'accepter que les microparticules de plastique sont partout », déplore Alan Jamieson. Certaines des fosses où vivaient les individus étudiés sont en effet éloignées de plusieurs milliers de kilomètres les unes des autres. Et la pollution des profondeurs n'est pas nouvelle, les premiers échantillons remontant à 2008.

    Les zones de déchets plastiques dans les océans. © Sabrina Blanchard, AFP
    Les zones de déchets plastiques dans les océans. © Sabrina Blanchard, AFP

    L'impact de l'ingestioningestion des microparticules par ces organismes qui sont le début de la chaine alimentaire des abysses n'est pas connu. Mais il y a sans doute un risque d'obstruction. « C'est comme si vous avaliez une corde de polypropylènepolypropylène de 2 mètres et que vous espériez que ça n'ait pas d'impact sur votre santé », commente le chercheur, qui note aussi le risque de contamination chimique par certains composés. Et une fois entrés dans la chaîne alimentairechaîne alimentaire, « il y a une forte probabilité » d'un « cycle perpétuel » de transfert de ces microplastiques d'un animal à son prédateur.

    L'ONU et les ONG ont déclaré la guerre aux plastiques pour tenter de tarir la pollution à la source en luttant contre la culture du tout-jetable. Mais l'espoir de nettoyer les mers des volumesvolumes de déchetsdéchets gigantesques est plus que faible. Et la perspective est encore plus sombre pour le fond des océans où les particules décomposées finiront par atterrir. « On entasse nos poubelles dans l'endroit qu'on connait le moins au monde », déplore Alan Jamieson.

    Voir aussi

    L’océan Pacifique est en train de se refroidir en profondeur


    Des microplastiques retrouvés jusque dans les sources souterraines d’eau potable

    Article de Nathalie Meyer publié le 31 janvier 2019

    Les chercheurs avaient déjà trouvé des microplastiques dans les eaux de surfaces, les rivières et les océans. Aujourd'hui, ils annoncent que cette pollution atteint aussi les eaux souterraines. Des études plus poussées seront nécessaires afin de déterminer l'impact de cette pollution sur la santé humaine.

    Les microsplastiques : c'est ainsi que les scientifiques qualifient les morceaux de plastique qui mesurent moins de 5 millimètres. On en trouve dans les cours d'eau et dans les océans. Ils constituent aujourd'hui une préoccupation environnementale et sanitaire mondiale. D'autant que des chercheurs de l'université de l’Illinois (États-Unis) révèlent la découverte de microplastiques dans un vaste réservoir naturel d’eau souterraine qui fournit 25 % de l'eau potable dans le monde.

    Ces particules proviennent vraisemblablement des eaux uséeseaux usées et des eaux de ruissellement qui, des routes, des décharges et des zones agricoles, s'infiltrent dans les sols jusqu'aux aquifèresaquifères. Mais la question de leur origine précise reste entière. Les chercheurs de l'université de l'Illinois ne s'expliquent pas, en effet, le fait que les concentrations mesurées ici soient comparables à celles précédemment établies pour des eaux de surface.

    Certains microplastiques que l’on retrouve dans la nature sont des additifs de détergents, de produits cosmétiques ou de dentifrices. D’autres sont issus de la dégradation des déchets plastiques sous l’action des micro-organismes ou des ultra-violets. © Tunatura, Fotolia
    Certains microplastiques que l’on retrouve dans la nature sont des additifs de détergents, de produits cosmétiques ou de dentifrices. D’autres sont issus de la dégradation des déchets plastiques sous l’action des micro-organismes ou des ultra-violets. © Tunatura, Fotolia

    Quel impact sur la santé humaine ?

    Au total, 16 échantillons sur les 17 prélevés dans deux systèmes aquifères de l'Illinois contenaient des particules microplastiques. La concentration la plus élevée a été mesurée dans la région de Saint-Louis : 15,2 particules par litre. Une concentration difficile à juger à ce jour, car il manque aux chercheurs des études d'évaluation des risques qui leur permettraient d'établir un cadre de référence.

    Une chose est cependant établie : le problème de la pollution des eaux aux microplastiques n'est pas près d'être résolu. « Même si nous arrêtons de jeter du plastique aujourd'hui, ces particules seront encore présentes dans notre environnement pour longtemps. Sur les 6,3 milliards de tonnes de déchets plastiques produits depuis les années 1940, près de 80 % seraient susceptibles de contaminer les eaux. Le fait que les matériaux plastiques soient considérés comme jetables alors même qu'ils sont conçus pour durer éternellement m'échappe », conclut John Scott, chercheur à l'université de l'Illinois.