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Vue de l'espace, que ce soit à quelques milliers ou des centaines de millions de kilomètres, notre Planète apparaît bleue. « A pale blue dot » (un point bleu pâle en français) selon l'expression de Carl SaganCarl Sagan. Mais nous ne devons pas nous fier pas aux apparences. L'eau ne représente en effet que 0,023 % de sa massemasse totale. En réalité, « (...) la TerreTerre est une brune qui se teint en bleu » résume avec justesse Pierre BarthélémyPierre Barthélémy dans Le Monde.
Il est vrai que concentrée en un endroit, toute l'eau terrestre tiendrait dans une sphère de 1.385 km de diamètre (soit un volumevolume global d'environ 1.338 milliards de km3). Si on ne considère que l'eau douceeau douce, il reste environ 35 millions de km3 (2,5 % du total)... mais en retirant les glaciersglaciers, le pergélisolpergélisol ou encore l'humidité, l'eau dont nous dépendons -- ainsi que l'ensemble de la vie sur Terre --, ne représente plus que 94.000 km3 (c'est-à-dire 0,001 % du volume d'eau total).
Bref, ce n'est plus qu'une petite bille bleue de quelque 56 km de diamètre... À titre de comparaison, Europe ou Ganymède, deux satellites naturels de JupiterJupiter, possèdent chacun plus d'eau que la Terre... Cette moléculemolécule que l'on retrouve (presque) partout dans le Système solaire et la GalaxieGalaxie est malheureusement appelée à devenir de plus en plus précieuse dans notre monde.
13 des 37 plus grandes réserves aquifères terrestres sont en voie d’épuisement
Une équipe internationale qui a travaillé sur des données des satellites jumeaux Grace (Gravity Recovery and Climate Experiment) a constaté que « environ un tiers des grands bassinsbassins d'eau souterraine [ils représentent environ 30 % du volume total d'eau douce, NDLRNDLR] sont en voie d'épuisement rapide par la consommation humaine ». Les chercheurs précisent qu'il est encore difficile d'évaluer les quantités restantes. « Les mesures physiquesphysiques et chimiques disponibles sont tout simplement insuffisantes » a déclaré Jay Famiglietti, professeur à l'université de Californie, soulignant que« étant donné la rapidité avec laquelle nous consommons les réserves mondiales d'eau souterraine, nous avons besoin d'un effort global coordonné pour déterminer combien il en reste ».
En étudiant la distribution des masses d'eau par leurs effets sur la gravitégravité terrestre -- mesurée par les deux satellites --, l'équipe a relevé que 13 des 37 plus grands systèmes aquifèresaquifères terrestres sont en train de s'épuiser, ne se rechargeant pas suffisamment. Parmi eux, huit ont été signalés comme étant en stressstress majeur (overstressed, en anglais). L'eau puisée pour notre consommation y est en effet très peu compensée par des approvisionnements naturels comme les pluies et les rivières. Cinq autres ont été jugés très proches de cette situation critique.
Les scientifiques s'alarment que plusieurs d'entre eux sont dans des régions très sèches. Le changement climatique en cours et l'augmentation de la population mondiale n'arrangent rien à tout cela. Alexandra Richey, qui a dirigé les deux études publiées dans la revue Water Resources Research, le 17 juin, s'inquiète : « Que se passe-t-il quand un aquifère très stressé est situé dans une région avec des tensions socio-économiques ou politiques qui ne peuvent pas compenser assez vite les baisses de l'approvisionnement en eau ? Nous essayons de hisser les drapeaux rouges maintenant pour préciser où une gestion active aujourd'hui pourrait protéger des vies et des moyens de subsistance dans le futur ».

En exploitant les données des deux satellites Grace sur la période 2003-2013, des chercheurs ont établi une carte des tendances des volumes d’eau souterraine disponible pour les 37 plus grands systèmes aquifères dans le monde. 21 sont considérés en voie d’épuisement, car ayant dépassé les limites de durabilité. 13 sont classés « en détresse », car « surutilisés » et situés dans des régions souffrant de pénurie d’eau. © UC Irvine, Nasa, JPL-Caltech
Les bassins d’eau souterraine les plus touchés
C'est le bassin d'eau souterraine d'Arabie qui est le plus menacé selon leurs recherches sur la période 2003-2013. Une source aquifère dont dépendent pas moins de 60 millions de personnes rappelle la Nasa dans son communiqué. En second, vient celui de l'Indus, situé dans le nord-ouest de l'Inde et au Pakistan. Le troisième plus vulnérable est le bassin de Murzuk-Djado, en Afrique du Nord.
Les Américains, très inquiets de la sécheressesécheresse sévère qui sévit depuis plusieurs mois en Californie (plusieurs années de suite), ont relevé que les réserves d'eau souterraine de cette région sont, sans surprise, surexploitées (irrigationirrigation massive, consommation humaine...). Une situation critique compensée cependant par quelques apports qui font défaut aux trois premiers cités.
« Comme nous le voyons en Californie en ce moment, nous comptons davantage sur les eaux souterraines durant la sécheresse, souligne Jay Famiglietti, spécialiste des questions de l'eau au JPLJPL qui a cosigné ces recherches. Lorsque nous examinons la durabilitédurabilité des ressources en eau d'une région, nous devons absolument tenir compte de cette dépendance. »
Un niveau d’incertitude intolérable
Dans le second article publié, les auteurs signalent que le volume d'eau douce restant dans ces réservoirs est incertain. Les projections sur leur épuisement sont en effet très difficiles. Les scientifiques ont constaté que les écarts sont trop importants entre les mesures et évaluations effectuées à partir des satellites et les autres données disponibles (qui, dans certains cas, datent de plusieurs décennies). Dans le système aquifère du Sahara, par exemple, son tarissement est annoncé au pire dans 10 ans et au mieux dans 21.000 ans. « Dans une société où l'eau se raréfie, nous ne pouvons pas tolérer plus longtemps ce niveau d'incertitude, surtout depuis que les eaux souterraines sont en train de disparaître si rapidement » conclut Alexandra Richey.
La pollution de l’eau en surface et le tarissement des cours d'eau sont des facteurs aggravants à cette situation. Les chercheurs rappellent que ces ressources aquifères sont très difficiles d'accès, donc très coûteuses à explorer.