Dans une profonde baie du continent Antarctique, en mer de Ross, 1,55 million de kilomètres carrés sont protégés. Créée le 28 octobre 2016, cette zone est la plus grande réserve marine du monde.


au sommaire


    La mer de Ross, près de l'Antarctique, est considérée comme le dernier écosystème marin intact de la planète. En partie recouverte par une immense couverture de glace alimentée par les glaciers, elle abrite une biodiversité exceptionnellement élevée. Plusieurs études ont découvert des écosystèmes étonnamment variés sous ce couvercle de glace, notamment en 2007 à la faveur de sa fragmentation et en 2015, grâce au forage de 800 m de l'expédition Wissard (Whillans Ice Stream Subglacial Access Research Drilling).

    Pourtant, l'eau y descend à -2 °C et, sous la glace épaisse, c'est l'obscurité la plus complète. Plus au large, dans l'eau libre, d'autres écosystèmes vivent, à toutes les profondeurs. Ces eaux riches sont connues des baleines à fanonsbaleines à fanons, qui viennent s'y délecter de krill. Les humains ont aussi repéré l'endroit (découvert il y a 175 ans par le Britannique James Clark RossRoss) et les flottes russes viennent y pêcher la légine. Mais l'éloignement, le froid et la glace freinent l'exploitation de cette région, à laquelle, de plus, on n'accède qu'en franchissant les « quarantièmes rugissants » (entre 40° et 50° de latitude sud) et les « cinquantièmes hurlants » (50° à 60° sud), aux tempêtestempêtes dantesques. Ainsi protégée de la surexploitation et de la pollution, la mer de Ross est considérée comme un écosystème à peu près intouché par les activités humaines.

    La mer de Ross est partiellement recouverte d’une plateforme de glace (d’eau douce) provenant des glaciers continentaux s’écoulant doucement vers l’océan. Plus loin de la côte, ce couvercle se brise en icebergs. Dans ces eaux froides, les sels minéraux sont nombreux et, en été, le phytoplancton foisonne, ce dont profite toute la chaîne alimentaire. © Dale Lorna Jacobsen, Shutterstock
    La mer de Ross est partiellement recouverte d’une plateforme de glace (d’eau douce) provenant des glaciers continentaux s’écoulant doucement vers l’océan. Plus loin de la côte, ce couvercle se brise en icebergs. Dans ces eaux froides, les sels minéraux sont nombreux et, en été, le phytoplancton foisonne, ce dont profite toute la chaîne alimentaire. © Dale Lorna Jacobsen, Shutterstock

    En Antarctique, une aire marine protégée de l’océan austral

    En 2011, un projet de sanctuarisation a été proposé par les États-Unis et la Nouvelle-Zélande au sein de la Commission pour la conservation de la faunefaune et de la flore marines de l'Antarctique (CCAMLR), qui regroupe 24 pays plus l'Union européenne. Mais il a été refusé par la Chine et par la Russie. La première a changé d'avis en 2015 et la seconde en 2016. Ce dernier veto ayant disparu, un accord est intervenu le 28 octobre 2016 pour la création d'une aire marine protégée de 1,55 million de kilomètres carrés, soit plus de deux fois la France, avec une restriction drastique des activités humaines, ainsi qu'une interdiction totale de la pêchepêche sur 1,12 million de kilomètres carrés (72 %).

    Cette aire marine protégée de l'océan austral est alors devenue la plus grande du monde, remplaçant sur la plus haute marche du podium, Papahānaumokuākea, dont la superficie a été multipliée par quatre en août 2016 (voir ci-dessous). On peut espérer que le concours continue...

    Papahānaumokuākea, une autre réserve marine inestimable

    Par Xavier DemeersmanXavier Demeersman

    Durant l'été 2016, le monument national marin de Papahānaumokuākea, à Hawaï, a vu sa superficie multipliée par quatre. Il fut alors, de ce fait, considéré comme la plus grande réserve marine protégée dans le monde, avant d'être rapidement dépassé en octobre 2016 par le sanctuaire marin de la mer de Ross (voir ci-dessus).

    Ainsi, fin août 2016, dans la foulée du centième anniversaire du National Park Service, organisme qui gère l'ensemble des parcs nationaux, réserves et sites classés aux États-Unis, le président Barack Obama qui s'était rendu sur sa terreterre natale, Hawaï, a annoncé l'extension de l'aire marine protégée (AMP) de Papahānaumokuākea. Ce nom commémore l'union de deux ancêtres hawaïens, Papahānaumoku et Wākea, qui ont donné naissance à l'archipelarchipel - et ses habitants - qui, à l'origine, s'étendait autour des îlots inhabités à quelque 1.930 kilomètres au nord-ouest de Big Island.

    Les nouvelles limites de <em>Papahānaumokuākea Marine National Monument.</em> © PNMN
    Les nouvelles limites de Papahānaumokuākea Marine National Monument. © PNMN

    Plus de 7.000 espèces dans ce sanctuaire marin

    Créée le 15 juin 2006 par son prédécesseur George W. Bush (après avoir visionné le film Voyage to Kure de J.-M. Cousteau), la superficie de ce site inscrit au Patrimoine mondial de l'Unesco en 2010 vient d'être quadruplée. À présent, elle couvre 1,51 million de km2 -- c'est deux fois la taille de la France ou autant que la Mongolie. Au moment de sa création, elle était non seulement la plus grande réserve naturelle marine au monde, mais aussi la plus grande réserve naturelle tout court. Elle pourrait contenir à elle seule tous les parcs nationaux américains.

    Le monument national marin de Papahānaumokuākea (en anglais Papahānaumokuākea Marine National Monument) est un sanctuaire de plus de 7.000 espèces, dont certaines sont rares et en danger, qui couvre le secteur du point chaud de la chaîne Hawaï-Empereur, au centre de l'océan Pacifique nord. On y trouve des baleines bleuesbaleines bleues, des albatros à courte-queue, des tortues marinestortues marines et les derniers phoques-moines.


    Quelques-unes des 7.000 espèces que l’on rencontre dans cet immense sanctuaire marin. La vidéo est en anglais mais vous pouvez afficher les sous-titres et les traduire en français. © NOAA, Sanctuaries

    Cet environnement de faible profondeur abrite les récifs coralliens parmi les plus septentrionaux de la Planète. Ils sont en bonne santé malgré les menaces qui pèsent sur eux : réchauffement climatiqueréchauffement climatique, élévation des océans, acidification des océans... C'est là aussi qu'habite l'un des plus vieux animaux au monde : le corailcorail noir (Antipatharia). Son âge est estimé à 4.500 ans.

    « C'est essentiellement grâce à l'isolement que les écosystèmes marins et les processus écologiques sont restés pratiquement intacts, ce qui explique la biomassebiomasse accumulée exceptionnelle de grands prédateurs du sommet de la chaîne trophique, écrit l'Unesco, indiquant que, malgré certaines modifications des milieux insulaires par des activités anthropiques [...], on note aussi des exemples de restauration réussie. La zone abrite de nombreuses espècesespèces terrestres et marines, en danger ou menacées, dont certaines dépendent uniquement du Papahānaumokuākea pour leur survie. »