B15A, le plus grand iceberg du monde, qui a agressé les manchots et menacé des scientifiques, a été détruit en Antarctique par une tempête qui a soufflé… en Alaska. Le coupable a été trahi par la musique…

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    Il a fallu un an d'enquête à Douglas MacAyeal et son équipe de glaciologues de l'université de Chicago pour découvrir la vérité, aussi inattendue qu'un coup de théâtre. Le coupable avait un alibi en bétonbéton : à l'heure du drame, il n'existait déjà plus lui-même et il ne s'est jamais approché à moins de 13.500 kilomètres de la scène du crime.

    Pourtant, B15A a été surveillé de sa naissance à sa disparition. En mars 2000, son géniteur, B15, se détache de la banquise de RossRoss. Il est gigantesque - 11.000 km2 - et se fragmente, entre 2002 et 2003, en plusieurs icebergs fils, parmi lesquels le plus grand - près de 150 kilomètres de long pour 3.100 km2 - est baptisé B15A.

    L'enfant terrible de la Mer de Ross

    Né sous le signe des médias, B15A devient immédiatement célèbre. B15 avait déjà été accusé d'un désastre dans le phytoplancton et on a vu dans cette débâcle antarctique un signe du réchauffement planétaire. Scientifiques et satellites ne le quittent pas de l'œilœil. En 2004, au début de l'été austral, B15A quitte sa baie natale et commence un cabotage vers l'ouest. En décembre, il vient boucher le détroit MacMurdo, éloignant dramatiquement la côte pour les manchots locaux, justement partis loin dans les terres pour pondre et qui auront un long chemin supplémentaire à effectuer pour aller se nourrir en mer. On s'inquiète aussi dans les bases scientifiques américaines, italiennes et néo-zélandaises en voyant approcher cette montagne plus grande que le Luxembourg, qui pourrait bien leur compliquer le ravitaillement.

    En avril 2005, B15A vient cogner le glacier Drygalski. La collision est immortalisée par les images prises par l'Asar (<em>Advanced Synthetic Aperture Radar</em>), le radar à synthèse d'ouverture installé sur le satellite Envisat. Crédit : ESA.

    En avril 2005, B15A vient cogner le glacier Drygalski. La collision est immortalisée par les images prises par l'Asar (Advanced Synthetic Aperture Radar), le radar à synthèse d'ouverture installé sur le satellite Envisat. Crédit : ESA.

    Fin octobre 2005, c'est la fin du périple. Le géant mesure encore 115 kilomètres de long pour une surface de 2.500 km2. Il a atteint le Cap Adare, au bout de la Terre Victoria. Après, c'est le grand large. Mais le nouvel été austral a raison de lui. B15A fond et se fragmente en de multiples morceaux, sous l'œil d'Envisat, ou plutôt de son radar à synthèse d'ouverturesynthèse d'ouverture. Les glaçons fondent plus vite en été et B15A n'a pas échappé à la règle. L'affaire semble classée...

    Le coupable avait laissé quelques notes

    Mais un détail ne colle pas ! Douglas MacAyeal et son équipe avaient planté dans la banquise de Ross et dans différents icebergs, dont B15A lui-même, des instruments pour capter les ondes à basses fréquences qui parcourent la glace, ce que les scientifiques appellent la musique des icebergs. Or, au moment où B15A s'est brisé, les capteurscapteurs, très sensibles, ont entendu une autre mélodie, plus grave et bien plus ténue : celle générée dans la glace par une très forte houle venue chahuter la banquise.

    Les chercheurs analysent les heures d'arrivées des différentes longueurs d'ondeslongueurs d'ondes qui composent cette musique supplémentaire et parviennent à estimer la distance qu'ont due parcourir les vaguesvagues pour s'étaler ainsi. L'origine se situerait... au nord de l'hémisphère nordhémisphère nord. Les observations effectuées par les bouées disposées en mer vont en apporter la preuve. Six jours auparavant, le Golfe d'Alaska a effectivement subi une forte tempêtetempête, avec des vagues de dix mètres. Deux jours plus tard, Hawaï voyait passer des vagues de deux mètres de hauteur. Ce sont elles, affirment les scientifiques, qui sont venues achever B15A, après un voyage de 13.500 kilomètres !