Malgré les gigantesques continents de plastique flottant à la surface de la mer, la majorité de ce matériau rejeté dans l’océan n’est jamais retrouvé. Un mystère sur lequel buttent les scientifiques depuis des années, et auquel une nouvelle étude apporte une réponse… très simple.


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    La production de plastiqueplastique double tous les 11 ans. En 2018, 359 millions de tonnes de plastique ont été fabriqués dans le monde dont un tiers disparaît dans la nature, faute d'un système fonctionnel de collecte des déchets. Malgré les images de bouteilles flottant à la mer et de tortues coincées dans des filets de pêche abandonnés, le plastique dérivant dans les océans ne représente pourtant que 1 % de ce qui est y est rejeté et de ce qui a été déversé pendant des décennies, d'après les calculs d'une étude de 2015.

    Déchiqueté, coulé au fond des océans, dérivant dans l’eau ? Où disparaît le plastique ?

    De nombreuses hypothèses ont été avancées pour expliquer ce mystère du plastique disparu. Des campagnes d'explorations ont, par exemple, montré une accumulation de plastique dans les fonds marins. Certains déchets surnagent aussi dans la colonne d'eau (entre la surface et le fond), d'autres sont ingérés par les animaux marins ou dégradés par les micro-organismesmicro-organismes.

    En réalité, la grande majorité des déchets finissent sur les côtes, piégés par la végétation, avance une nouvelle étude (encore non publiée). 90 % des débris plastique marins s'échouent dans la zone littorale, comprise entre 0 et 8 km de l'océan, atteste Denise Hardesty, coauteur de l'étude, sur le site Conversation. Or, les études cherchant à investiguer le « plastique manquant » se sont jusqu'ici surtout focalisées sur les déchets directement visibles sur les plages ou à quelques mètres. Le plastique transporté un peu plus loin demeure donc « invisible ».

    Sources de pollution plastique qui entrent dans l’océan. Jaune : industrie de la pêche. Brun : déchets terrestres. Bleu : surfaces imperméables des bassins versants. Gris : industrie du transport. © ONU
    Sources de pollution plastique qui entrent dans l’océan. Jaune : industrie de la pêche. Brun : déchets terrestres. Bleu : surfaces imperméables des bassins versants. Gris : industrie du transport. © ONU

    Le vent et les courants marins rejettent les déchets vers les côtes

    Les chercheurs ont analysé les débris côtiers tous les 100 km tout autour de l'Australie (soit 188 sites en Australie) et ont modélisé les facteurs affectant leur répartition. Le plastique représente un peu plus de moitié des déchets (56 %), suivi du verre (17 %), de la moussemousse (10 %), du caoutchouccaoutchouc (5 %), du métalmétal et du papier (3 % chacun). Logiquement, la quantité de déchets augmente à proximité des routes et des zones urbaines. On y retrouve notamment les déchets directement déposés par les promeneurs ou ceux découlant des rivières. Mais les courants marins et le vent jouent également un rôle primordial, ces derniers ayant tendance à rejeter naturellement les déchets plastique vers les côtes.

    Les plus petites particules, davantage soumises aux vagues et courants marins, s'accumulent dans les premiers mètres du littoral, tandis que les plus gros déchets comme les sacs plastique, les bouteilles et les emballages sont transportés plus loin jusqu'à ce qu'ils soient piégés par la végétation. On retrouve ainsi cinq fois plus fréquemment des déchets dans la zone la plus éloignée, celle où la végétation commence, que dans les premiers mètres. « Cela s'explique également par le fait que de nombreux déchets plastique restent accrochés dans les branches avant d'atteindre l'océan », tempère Denise Hardesty.

    La majorité des gros déchets sont transportés par le vent jusqu’à l’arrière-côte où ils restent coincés dans la végétation. © CSIRO
    La majorité des gros déchets sont transportés par le vent jusqu’à l’arrière-côte où ils restent coincés dans la végétation. © CSIRO

    Les désastreuses conséquences de la pollution plastique marine

    Les conséquences de la pollution plastique sont nombreuses. Elle affecte les mammifères marins et les poissons qui ingèrent les débris ou qui se coincent dans les filets. Elle endommage les écosystèmesécosystèmes marins et côtiers et favorise le transport d’espèces invasives. En se déposant sur les plages, le plastique entraîne une pollution visuellepollution visuelle qui nuit au tourisme. « Nos résultats soulignent l'importance d'investiguer toute la largeur des zones côtières pour mieux comprendre la quantité et l'emplacement des débris piégés, afin d'avoir une approche ciblée dans la gestion de ces déchets », soutient Denise Hardesty.


    Océans : le mystère du plastique disparu a-t-il été enfin résolu ?

    Article de AFP-Relaxnews publié le 11/04/2019

    Des millions de tonnes de plastique sont rejetées en mer chaque année mais seule une petite partie est visible. Où disparaît le reste ? Des chercheurs s'approchent désormais de la résolutionrésolution du mystère du « plastique perdu ».

    Ces dernières années, les images de bouteilles et de sacs agglutinés par les courants au milieu des océans ou de plages couvertes de détritus ont suscité des campagnes contre la culture du tout-jetable. Mais cette pollution visible n'est que la partie émergée de l'iceberg. Alors une équipe internationale de scientifiques s'est mise en chasse, déployant des efforts sans précédent pour traquer les débris.

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    Un continent de plastique bien plus grand que prévu

    Quelque quatre à 12 millions de tonnes de plastiques finissent chaque année dans les océans, mais les scientifiques estiment que seulement 250.000 tonnes sont présentes à la surface. Et 99 % de tout ce qui a été déversé en mer pendant des décennies est introuvable. Dégradés par l'érosion, le soleilsoleil et l'action de bactériesbactéries, la densité des plastiques change, ils se retrouvent à la merci des courants et une fois qu'ils sont entraînés vers les profondeurs, ils deviennent beaucoup plus difficiles à suivre. « Il est assez difficile de savoir où ils sont tous, parce qu'il y a beaucoup de processus à l'œuvre, explique à l'AFP Alethea Mountford, de l'université de Newcastle. Même le plastique à la surface peut couler, puis remonter ».

    Les zones de déchets plastiques dans les océans. © Sabrina Blanchard, AFP
    Les zones de déchets plastiques dans les océans. © Sabrina Blanchard, AFP

    Localiser les microplastiques

    Dans ce qui pourrait être une véritable avancée, la chercheuse a utilisé un modèle informatique des courants océaniques sur les plastiques de trois densités différentes, pour localiser les lieux où se regroupent les fragments après avoir coulé. Le modèle montre des accumulations de plastiques à des profondeurs variées en Méditerranée, dans l'Océan indien et dans les eaux de l'Asie du Sud-Est. Les scientifiques pensent qu'une grande partie du plastique finit sur les fonds marins. Une récente étude avait d'ailleurs permis de trouver des microplastiques dans les entrailles de mini-crustacéscrustacés vivant à près de 11 kilomètres de profondeur dans la fosse des Mariannes, la plus profonde connue.

    Les calculs d'Alethea Mountford sont préliminaires, mais ses résultats pourraient aider à identifier les lieux où faire des recherches plus poussées et ainsi à mieux connaître l'impact de cette pollution sur les écosystèmes, note la chercheuse, qui s'est inspirée des travaux de l'océanographe Éric van Sebille, de l'université néerlandaise d'Utrecht. « Nous connaissons l'existence des ''décharges flottantes'' alors il est logique de se focaliser sur elles. Et les plastiques de surface ont probablement le plus d'impact parce que les organismes vivent surtout vers la surface, commente ce dernier. Mais si vous voulez saisir l'ampleur du problème, alors il faut aller plus profond », poursuit-il.

    Une part importante des déchets plastiques reviendraient sur les rivages. © Perdiansyah, AFP, Archives
    Une part importante des déchets plastiques reviendraient sur les rivages. © Perdiansyah, AFP, Archives

    Du plastique partout : du plus profond des océans jusqu’aux glaciers des Alpes !

    Ses recherches actuelles portent sur le fait que la pollution plastique est désormais si grande que le suivi des fragments pourrait fournir des informations importantes sur la façon dont fonctionnent les courants marins. Son intuition -- à confirmer avec des simulations de modèles plus sophistiqués -- est que la grande majorité des déchets plastiques déversés dans les mers retournent finalement sur les rivages. Cela pourrait expliquer l'écart entre le volumevolume entrant dans les océans et ce qui peut être effectivement observé aujourd'hui.

    « Le plastique charrié par une rivière vers la mer reste près de la côte pendant un moment et peut s'échouer à nouveau à terreterre. Et une partie importante pourrait faire ça », estime-t-il. Alors se concentrer sur le nettoyage des zones côtières pourrait éviter à cette pollution de s'étendre vers le large, note le chercheur.

    Une série d'études sur les déchets plastiques a été présentée mardi 9 avril à la réunion de l'Union européenne des géosciences à Vienne. L'une d'entre elles met en lumièrelumière une contaminationcontamination du glacierglacier Forni, dans les Alpes italiennes. Des experts italiens ont ainsi trouvé entre 28 et 74 morceaux par kilo de sédimentssédiments analysés. Ce qui suggère que le glacier contient entre 131 et 162 millions de morceaux de plastique. « Nous avons désormais trouvé des microplastiquesmicroplastiques depuis les fosses océaniquesfosses océaniques jusqu'aux glaciers », se désole Roberto Sergio Azzoni, de l'université de MilanMilan.


    Le mystère des déchets plastique manquants dans l'océan

    Article du CNRS publié le 23 mai 2016

    D'abord découverts par les navigateursnavigateurs, les amas de débris plastiques flottant au centre d'immenses tourbillonstourbillons océaniques appelés « gyresgyres » sont aujourd'hui passés à la loupe par les scientifiques. Pour mieux connaître la fragmentation des microplastiques, des chercheurs ont combiné des analyses physico-chimiques à une modélisationmodélisation statistique. Ils ont ainsi montré que les plus gros flotteraient à plat à la surface de l'eau, avec une face exposée préférentiellement à la lumière du soleil. Ils ont aussi observé moins de débris de petite taille (environ 1 mg) que prévu par le modèle mathématique. Plusieurs hypothèses sont avancées pour expliquer ce déficit.

    Depuis les années 1990, les expéditions scientifiques se succèdent pour étudier la composition et le comportement des microplastiques dans les cinq gyres océaniques. Ainsi, en mai 2014, la mission scientifique expédition 7e continent a permis aux chercheurs de prélever des échantillons du gyre de l’Atlantique nord, dans l'objectif de mieux comprendre le phénomène de fragmentation des déchets plastique. Les résultats des analyses physico-chimiques ont été confrontés à une modélisation mathématique.

    Les études par microscopie et microtomographie montrent que les microplastiques prélevés (entre 0,3 et 5 mm de long) ont des comportements bien distincts selon leur taille. Les particules les plus grosses (2 à 5 mm), généralement parallélépipédiques, flottent à la surface de l'eau. La face préférentiellement orientée au soleil est décolorée et vieillit sous l'effet du rayonnement solairerayonnement solaire, tandis que l'autre face est colonisée par des micro-organismes. Les particules les plus petites (0,3 à 1 mm) sont cubiques et ont des faces identiques. Leur tendance à rouler dans les vagues ralentirait le développement d'un biofilm et favoriserait leur érosion par leurs coins.

    Les cinq gyres océaniques au centre desquels les déchets sont comme emprisonnés par des courants marins circulaires. © <a title="Expédition 7e continent" target="_blank" href="http://www.septiemecontinent.com/">Expédition 7<sup>e</sup> continent</a>
    Les cinq gyres océaniques au centre desquels les déchets sont comme emprisonnés par des courants marins circulaires. © Expédition 7e continent

    Où sont passées les plus petites particules de plastique ?

    L'approche statistique, appliquée aux mêmes échantillons, a eu la particularité d'être basée sur la distribution des microplastiques en fonction de leur massemasse, rompant avec les méthodes plus classiques, basées sur leur répartition par taille. Or, le modèle mathématique prévoit, pour les particules les plus légères (moins d'1 mg), une masse totale 20 fois supérieure à celle observée dans les échantillons.

    Ce déficit de particules les plus légères pourrait laisser penser que les plus petites, celles en forme de cube, se fragmentent plus vite pour donner naissance à des particules de taille inférieure à 0,3 mm (voire à des nanoparticulesnanoparticules), qui aujourd'hui ne sont pas détectées. D'autres hypothèses peuvent être avancées : l'ingestioningestion de ces particules par des organismes marins, par des poissonspoissons, un défaut de flottaison...

    Une particule de plastique (environ 3 mm de long) observée au microscope électronique à balayage. Les craquelures observées à la surface (face exposée au soleil) sont dues au vieillissement photochimique. Elles favorisent la fragmentation du débris en particules plus petites, le long de ces fissures. © IMRCP, CNRS
    Une particule de plastique (environ 3 mm de long) observée au microscope électronique à balayage. Les craquelures observées à la surface (face exposée au soleil) sont dues au vieillissement photochimique. Elles favorisent la fragmentation du débris en particules plus petites, le long de ces fissures. © IMRCP, CNRS

    Cette découverte devrait encourager les scientifiques à développer des techniques de dosagedosage de particules micrométriques et nanométriques dans les échantillons naturels. Des travaux récents ont d'ailleurs démontré en laboratoire la formation de nanoparticules de plastiques dans des conditions qui simulent le vieillissement naturel. La question de l'impact des nanoparticules sur les écosystèmes est également posée. Déjà, des premières études ont montré que les particules de plastique micrométriques ingérées par les organismes du zooplancton obstruent leurs voies digestives.

    Ces résultats publiés dans la revue Environmental Science and Technology ont été obtenus par des chercheurs du CNRS et de l'université Toulouse III - Paul Sabatier1 à partir d'échantillons récoltés lors de l'expédition 7e continent.