Un consortium de 70 scientifiques alerte sur le déclin des insectes qui s'accentue ces dernières années. En cause : le réchauffement climatique. Si rien n'est fait, ils pourraient bien disparaître définitivement, et nous avec eux. Car nous dépendons de ces petites bêtes bien plus que l'on ne le pense.


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    Parue dans la revue Ecological Monographsune étude réalisée par un consortium de 70 scientifiques à travers le monde alerte sur le déclin des insectes. Essentiels pour la biodiversité, ils subissent de plein fouet le réchauffement climatique, mais aussi d'autres éléments d'origine humaine : « L'altération de l'habitat, la surexploitation, la pollution (agrochimique), les invasions biologiques » sont aussi cités dans l'étude.

    Quelles conséquences pour la Planète ? Essentielles pour leurs écosystèmes, certaines espèces sont contraintes de changer d'endroit, faute d'un climat adapté dans leur ancien habitat. D'autres s'éteignent, tout simplement. Pourtant, sans les insectesinsectes, plus de pollinisation. Ils aident aussi au recyclagerecyclage des nutrimentsnutriments et à la lutte antiparasitaire. Et bien sûr, ils participent activement à la chaîne alimentairechaîne alimentaire : sans eux, certains animaux se retrouvent privés de nourriture, et déclinent à leur tour, et ainsi de suite...

    (a) La libellule empereur s’est redistribuée vers le nord et des altitudes plus élevées en Europe depuis 2000. (b) En Californie et au Mexique, le papillon damier s'est déplacé vers des altitudes plus élevées. (c) Les bourdons terricoles déclinent à cause des vagues de chaleur de plus en plus nombreuses. (d) La guêpe parasite voit sa capacité à exploiter ses hôtes fortement altérée lors de ces événements de température élevée. © Tim Bekaert ; Andrew Fisher ; Rob Foster ; Tibor Bukovinszky
    (a) La libellule empereur s’est redistribuée vers le nord et des altitudes plus élevées en Europe depuis 2000. (b) En Californie et au Mexique, le papillon damier s'est déplacé vers des altitudes plus élevées. (c) Les bourdons terricoles déclinent à cause des vagues de chaleur de plus en plus nombreuses. (d) La guêpe parasite voit sa capacité à exploiter ses hôtes fortement altérée lors de ces événements de température élevée. © Tim Bekaert ; Andrew Fisher ; Rob Foster ; Tibor Bukovinszky

    Abandonner le dogme de « la croissance infinie dans une Planète aux ressources finies »

    Que faire face à ce déclin alarmant ? Les chercheurs appellent dans un communiqué du CNRS à une « réduction progressive de l'utilisation des combustiblescombustibles fossilesfossiles, la protection des écosystèmes et la restauration de la biodiversité, le passage à une alimentation essentiellement végétale et l'abandon du dogme de la croissance infinie (dans une Planète aux ressources finies) au profit d'une économie écologique et circulaire ». Outre ces solutions à grande échelle, des moyens plus locaux accessibles individuellement, telles que des refuges pour les insectes, dans les jardins, les parcs, et espaces verts, ou encore l'accès à une source d'eau et de nutriments sans pesticides

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    Les populations d'insectes s'effondrent : le constat accablant d'une étude sur 20 ans

    Depuis quelques décennies, les insectes disparaissent. À un rythme inquiétant. Toutes les études se rejoignent à ce sujet. Et une en particulier éclaire aujourd'hui la responsabilité du réchauffement climatique, nous montrant, au passage, comment nous pourrions aider les insectes à s'y adapter.

    Article de Nathalie MayerNathalie Mayer paru le 16/05/2022

    Toutes les études mènent à la même conclusion. Les insectes disparaissent à une vitessevitesse inquiétante. Jusqu'à 2 % de la population seraient ainsi balayés de la surface de la TerreTerre chaque année. Au Royaume-Uni, une équipe de chercheurs du projet Buglife -- une organisation caritative de protection de la nature -- vient de publier de nouveaux résultats concernant plus spécifiquement les insectes volants. Des résultats qui confirment la triste tendance.

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    Entre 1 et 2 % des insectes disparaissent chaque année

    Pour se faire une idée de la population d'insectes volants au Royaume-Uni, ils ont mis à disposition du public, une applicationapplication appelée BugsBugs Matter. Comprenez « de l'importance des petites bêtes ». Les utilisateurs avaient pour tâche de nettoyer soigneusement leur plaque d'immatriculation avant un départ en voyage. Puis, au retour, de prendre en photo de ladite plaque et de compter combien d'insectes s'y étaient échoués. L'opération a été menée sur une quinzaine d'années, entre 2004 et 2021.

    Résultat : entre le début et la fin de l'enquête, le nombre d'insectes écrasés sur les plaques d'immatriculation a diminué de... 58,5 % ! Un chiffre jugé « dramatique et alarmant » qui laisse penser que le nombre total d'insectes volants au Royaume-Uni a diminué d'environ 34 % par décennie depuis le début du XXIe siècle. Comme principaux suspects, les scientifiques pointent du doigt l'utilisation d’insecticides, la perte d'habitat et de nourriture et bien sûr, le changement climatique.

    Le réchauffement climatique nuit à la diversité des insectes

    Rappelons que les trois quarts de nos cultures vivrières et plus de 80 % des plantes sauvages dépendent de la pollinisation par les insectes. Un service estimé à quelque 550 milliards d'euros par an dans le monde. Alors que faire pour enrayer le déclin ? Des chercheurs de la Julius-Maximilians-University (Allemagne) se sont posé la question.

    À partir de données recueillies sur plus de 3.200 espèces d'insectes pollinisateurs évoluant dans près de 180 sites dans des forêts, des prairies ou encore des habitats arablesarables et urbains répartis sur toute la Bavière (Allemagne), ils notent d'abord que les changements d'affectation des terres sont les premiers responsables de la disparition massive des insectes pollinisateurs. Les climats chauds, eux, ont plutôt un impact négatif sur la biodiversité de ces petites bêtes. Ce qui laisse craindre une perte globale dans le futur.

    Les forêts et leurs lisières fournissent des conditions qui amortissent la chaleur et la sécheresse extrêmes

    Toutefois, les chercheurs observent que, même si les réponses face à la chaleur et à la sécheresse des uns et des autres diffèrent, un schéma général se dessine. La forêt semble jouer un rôle bénéfique. Elle maintient des communautés de pollinisateurs plus diversifiées malgré les températures élevées.

    « Probablement parce que les forêts et leurs lisièreslisières fournissent des conditions en grande partie naturelles qui amortissent la chaleurchaleur et la sécheressesécheresse extrêmes par rapport aux habitats plus influencés par l'Homme », avance Cristina Ganuza, doctorante au laboratoire d'écologieécologie animale de la Julius-Maximilians-University, dans un communiqué. Les terres boisées, donc, comme un refuge pour les insectes sur une planète qui se réchauffe. Et sur laquelle la diversité pourrait s'avérer de plus en plus essentielle à maintenir les performances des pollinisateurs. Une raison de plus aussi de militer pour le verdissement des zones urbaines...

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    Disparition des insectes : les principales causes et responsables

    Une étude de l'University College de Londres affirme que 49 % de la population des insectes a disparu dans les zones qui sont dégradées par l'agricultureagriculture intensive et touchées par le réchauffement climatique.

    Article de Karine DurandKarine Durand paru le 25/04/2022

    Dans les zones dégradées par l'agriculture intensive, les populations de pollinisateurs sont 70 % moins importantes que dans les terres naturelles. © Sodel Vladyslav, Adobe Stock
    Dans les zones dégradées par l'agriculture intensive, les populations de pollinisateurs sont 70 % moins importantes que dans les terres naturelles. © Sodel Vladyslav, Adobe Stock

    L'étude publiée, dans la revue Nature, est la première à identifier le lien entre la hausse des températures, l'utilisation intensive des terres, et la disparition massive des insectes à travers la Planète entière. Les chercheurs ont étudié 20.000 espèces différentes d'insectes sur 6.000 localités réparties dans toutes les régions du globe.

    Ils ont comparé le nombre et la diversité des insectes sur chaque zone par rapport au niveau de dégradation des terres lié à l'agriculture et à la progression du réchauffement climatique sur le lieu. Dans les zones où les terres sont transformées par l'agriculture intensive et où la hausse des températures est la plus forte, le nombre d'insectes est 49 % plus bas que dans les zones restées naturelles et avec un réchauffement limité.

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    Dans ces zones davantage préservées, avec une agriculture présente mais plus limitée et une hausse moins importante des températures, la diminution du nombre d'insectes reste malgré tout importante : leur population a également diminué de 29 %. Dans les habitats qui sont restés naturels à 75 %, la population d'insectes a diminué de 7 %. Les zones dont les terres sont dégradées à 75 %, et dont il ne reste que 25 % d'habitats naturels, ont vu leur population d'insectes diminuer de 63 %.

    L'agriculture intensive fait disparaître une partie de l'ombre nécessaire aux insectes pour supporter le soleil et la chaleur. © Mose Schneider, Adobe Stock
    L'agriculture intensive fait disparaître une partie de l'ombre nécessaire aux insectes pour supporter le soleil et la chaleur. © Mose Schneider, Adobe Stock

    Les insectes disparaissent à un rythme alarmant dans les régions tropicales

    Les régions tropicales, connues pour leur biodiversité particulièrement riche, sont celles qui sont le plus touchées par la disparition des insectes. L'agriculture intensive et le réchauffement climatique font office de double peine pour les insectes : la plupart d'entre eux, surtout dans les zones tropicales, ont besoin de l'ombre apportée par les arbresarbres et plantes sauvages pour survivre à la chaleur et au soleilsoleil brûlant de la journée. Or, dans un contexte plus chaud lié au réchauffement climatique, l'agriculture intensive a fait disparaître une grande partie de cette ombre.

    Une partie des insectes avait déjà commencé à disparaître avant l'étude et probablement même avant la découverte de nombreuses espèces

    Dans les zones dégradées par l'agriculture intensive, les populations de pollinisateurs sont 70 % moins importantes que dans les terres naturelles. Les auteurs de l'étude précisent que la perte estimée dans leur étude n'est que le sommet de l'iceberg et pourrait être en fait bien plus importante.

    Une partie des insectes avait déjà commencé à disparaître avant l'étude et probablement même avant la découverte de nombreuses espèces, le monde des insectes restant encore largement méconnu. De plus, les chercheurs se sont limités aux paramètres du réchauffement et de l'utilisation des terres, sans prendre en compte les effets de la pollution.  

    Les pollinisateurs sont les insectes les plus touchés par l'agriculture intensive et le réchauffement, alors qu'ils sont indispensables à notre survie. © Michael Tewes, Adobe Stock
    Les pollinisateurs sont les insectes les plus touchés par l'agriculture intensive et le réchauffement, alors qu'ils sont indispensables à notre survie. © Michael Tewes, Adobe Stock

    Quelles sont les solutions proposées ? Il n'est pas question de remettre en cause le besoin vital de champs agricoles, mais il est nécessaire de préserver les habitats naturels autour des zones agricoles (haieshaies, zones boisées...), stopper l'expansion de l'agriculture intensive, et réduire les émissionsémissions de gaz à effet de serregaz à effet de serre pour limiter le réchauffement climatique.

    Les chercheurs de Londres rappellent l'importance primordiale des insectes dans l'écosystème : il s'agit d'espèces clés indispensables à la chaîne alimentaire, mais également pour la survie de l'espèce humaine. Continuer à perdre les populations d'insectes, et en particulier celles des pollinisateurs, pourrait menacer notre sécurité alimentaire dans les prochaines années.