Dernièrement, des événements de fonte majeure en Antarctique occidental ont fait craindre pour la stabilité de la banquise. Des chercheurs montrent aujourd’hui que le phénomène de rivières atmosphériques est associé à un pourcentage élevé de ces fontes. De tels évènements restent rares mais le réchauffement climatique devrait les amplifier.


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    Des rivières, on en connait de nombreuses sur Terre. Mais il en existe aussi dans les airsairs. Les chercheurs parlent alors de rivières atmosphériques. Elles apparaissent lorsque des dépressions sont bloquées dans leur rotation sur elles-mêmes. L'humidité qu'elles transportent est alors contrainte à emprunter comme un étroit chenal virtuel. Et, au lieu de se répartir sur une vaste région, cette eau se déverse ensuite de façon intense et continue sur une zone spécifique.

    Dans les régions tempérées, les chercheurs savent que ces rivières atmosphériques sont à l'origine de crues extrêmes. En Antarctique de l'ouest, des chercheurs de l'université́ Grenoble Alpes, du CNRS et de Sorbonne Université, du Royaume-Uni et du Portugal montrent aujourd'hui que le phénomène est l'origine de situations anormalement chaudes sur certaines zones localisées du continent. Les températures peuvent alors dépasser la normale de 10 °C !

    Lorsque la zone touchée correspond à une plateforme glaciaire, cet apport de chaleurchaleur et l'important rayonnement des nuages dans les grandes longueurs d'ondelongueurs d'onde provoquent la fontefonte de la neige et de la glace. Ainsi la fonte de la grande plateforme de Ross est systématiquement déclenchée par l'arrivée d'une telle rivière atmosphérique. Et le phénomène semble jouer un rôle crucial dans le déclenchement des événements de fonte massive qui peuvent se produire sur les plateformes le long de la péninsule.

    Les contours violet et bleu montrent les limites au 25 mai d’une rivière atmosphérique ayant contribué à l’événement de fonte du 25 au 30 mai 2016. Les flèches noires représentent le transport de vapeur d’eau au cœur de la rivière. Les grandes flèches montrent le sens de rotation des masses d’air autour du centre dépressionnaire (D) et de l’anticyclone (A). © CNRS
    Les contours violet et bleu montrent les limites au 25 mai d’une rivière atmosphérique ayant contribué à l’événement de fonte du 25 au 30 mai 2016. Les flèches noires représentent le transport de vapeur d’eau au cœur de la rivière. Les grandes flèches montrent le sens de rotation des masses d’air autour du centre dépressionnaire (D) et de l’anticyclone (A). © CNRS

    Des rivières de plus en plus chaudes et nombreuses

    Toutefois seules les rivières atmosphériques les plus chaudes semblent aujourd'hui capables de déclencher la fonte des grandes plateformes. Les plus chaudes ? Des rivières dont la température dépasse celles des autres de seulement 2 °C. De quoi inquiéter les chercheurs.

    Comme un bouchon qui saute.

    Car dans le contexte de changement climatique, le réchauffement au -- dessus de la grande plateforme de glaceplateforme de glace de RossRoss devrait dépasser les 2 °C. Dans ce cas, la majorité des rivières atmosphériques pourraient provoquer une fonte massive sur les plateformes, mettant en péril leur stabilité. Les plateformes de l’Antarctique, en effet, retiennent les glaces, un peu comme le bouchon d'une bouteille de mousseux. Lorsqu'elles se désintègrent, les glaciers ne sont plus retenus et s'échappent vers l'océan, là encore à l'image du vin mousseux qui déborde d'une bouteille lorsque le bouchon saute.

    La fréquence des rivières atmosphériques ayant aussi légèrement augmenté dans la région d'étude depuis 1980, il est aujourd'hui fondamental d'étudier plus précisément l'origine des situations de blocage -- présence d'anticyclonesanticyclones qui empêchent la libre circulation des dépressions -- qui les provoquent et d'analyser leur évolution dans un climatclimat plus chaud.


    Antarctique : la fonte accélérée des glaces est liée au réchauffement climatique

    Pour réduire la fonte des glaces en Antarctique, il faut limiter les émissionsémissions de gaz à effet de serregaz à effet de serre. Car les chercheurs en ont désormais la preuve : le réchauffement climatiqueréchauffement climatique anthropique est bien à l'origine de la disparition de l'inlandsis occidental.

    Article de Nathalie MayerNathalie Mayer paru le 17/08/2019

    Des chercheurs ont montré que des changements des régimes de vents dus au réchauffement climatique sont directement responsables de la fonte de l’inlandsis antarctique. © 12019, Pixabay License
    Des chercheurs ont montré que des changements des régimes de vents dus au réchauffement climatique sont directement responsables de la fonte de l’inlandsis antarctique. © 12019, Pixabay License

    L'inlandsis, c'est ce que nous connaissons plus volontiers sous le nom de calotte polaire. Un glacier gigantesque qui recouvre les terres et qui peut s'étendre jusque sur les mers alentour. La superficie de l'inlandsis de l'Antarctique est impressionnante. Quelque 14 millions de kilomètres carrés de glace sur une épaisseur moyenne de deux kilomètres.

    Mais depuis quelques années, cette calotte polairecalotte polaire fond (voir article plus bas). À une vitessevitesse qui s'accélère. Plus tôt cette année, une étude a révélé que la perte totale de glace en Antarctique a été multipliée par six entre 1979 et 2017. Un phénomène que les chercheurs peinaient à expliquer par les variations naturelles des régimes de ventsvents. Aujourd'hui, une équipe américano-britannique affirme que s'ajoute à ces variations naturelles, un changement sur le long terme probablement lié aux activités humaines et au réchauffement climatique.

    Fin juillet, des chercheurs de l’université de Californie à Irvine et du <em>Jet Propulsion Laboratory</em> de la Nasa publiaient une carte présentant les débits des glaciers en Antarctique. Une carte basée sur les données de six satellites différents, enregistrées depuis 1994. Une carte dix fois plus précise que toutes les précédentes qui laisse espérer une meilleure compréhension de processus de fonte des glaces en cours sur le continent. © UCI, Jeremie Mouginot 
    Fin juillet, des chercheurs de l’université de Californie à Irvine et du Jet Propulsion Laboratory de la Nasa publiaient une carte présentant les débits des glaciers en Antarctique. Une carte basée sur les données de six satellites différents, enregistrées depuis 1994. Une carte dix fois plus précise que toutes les précédentes qui laisse espérer une meilleure compréhension de processus de fonte des glaces en cours sur le continent. © UCI, Jeremie Mouginot 

    Rappelons que les différences de températures en divers endroits de la Terre sont le moteur principal des vents qui soufflent dans l'atmosphèreatmosphère. Or le réchauffement climatique a tendance à faire monter les températures plus rapidement sur les tropiquestropiques que du côté de l'Antarctique. Résultat : les régimes de vents dans la région changent.

    Le niveau de la mer pourrait monter dangereusement

    Données satellites, carottes de glacecarottes de glace et modélisations confirment que les vents d’ouest -- qui poussent les eaux de surface froides vers le large et permettent aux eaux plus chaudes venues des profondeurs de l'océan de s'infiltrer sous la glace antarctique -- ont gagné en force et en fréquence au cours de ces cent dernières années. De quoi finalement accélérer la fonte de l'inlandsis malgré des températures de l'air toujours basses.

    Ce phénomène était traditionnellement lié à un autre phénomène connu : El Niño. Mais les résultats des chercheurs montrent qu'aujourd'hui, ces vents d'ouest sont présents, qu'il y ait ou non un El NiñoEl Niño. Une première preuve directe d'un effet global -- hormis les événements ponctuels tels que l'effondrementeffondrement de la plateforme glaciaire Larsen B -- du réchauffement climatique sur la fonte de la calotte antarctique. Une situation préoccupante, car la fonte de la calotte antarctique pourrait contribuer à hauteur de 5 à 20 centimètres à l'élévation du niveau global de la mer d'ici 2100.

    Réduire les émissions de gaz à effet de serre pourrait limiter le phénomène

    « Si les émissions de gaz à effet de serre restent élevées dans le futur, les vents continueront de changer et la fonte des glaces pourrait encore s'accélérer. Cependant, si les émissions de gaz à effet de serre sont réduites, les vents se stabiliseront. Cela montre que la réduction des émissions de gaz à effet de serre pourrait réduire la contribution future de la région à la montée du niveau de la mer », conclut Paul Holland, chercheur au British Antarctic Survey.


    Antarctique : la banquise fond à toute allure depuis 2014

    La banquisebanquise de l'Antarctique, après s'être étendue pendant des décennies, se rétrécit à toute vitesse depuis 2014. Elle a perdu en quelques années l'équivalent de quatre fois la surface de la France.

    Article de Futura avec l'AFP-Relaxnews paru le 02/07/2019

    La banquise de l’Antarctique fond. © reisegraf, Fotolia
    La banquise de l’Antarctique fond. © reisegraf, Fotolia

    La banquise de l'Antarctique, après s'être mystérieusement étendue pendant des décennies, se rétrécit à toute vitesse depuis 2014, année charnière pour le continent. Elle a perdu en quelques années une superficie équivalente à quatre fois la France. « En trois ans seulement, l'Antarctique a perdu autant de banquises que l'ArctiqueArctique » en 40 ans, dit à l'AFP Claire ParkinsonParkinson, climatologueclimatologue de la NasaNasa, qui a publié lundi dans les Comptes-rendus de l'Académie américaine des sciences (PNAS) une étude analysant les variations de la banquise antarctique de 1979 à 2018.

    En trois ans l'Antarctique a perdu autant de banquises que l'Arctique en 40 ans !

    Les scientifiques savaient déjà que l'Antarctique fondait de plus en plus vite, tout comme l'Arctique, à cause du déversement accéléré des glaciers, ces rivières de glaces poussées lentement vers les rives. Mais pendant des décennies, ils observaient un phénomène à la fois rassurant et intrigant : la superficie de la banquise, c'est-à-dire la glace qui flotte sur l'océan, grandissait.

    Claire Parkinson, au centre spatial Goddard de la Nasa, près de Washington, a reconstitué l'histoire la plus précise de cette banquise antarctique, en reprenant et analysant les données de cinq satellites successifs de la Nasa et du Pentagone, qui ne regardent pas les volumesvolumes mais seulement l'étendue, grâce à une mesure des rayonnements (micro-ondes) émis par la glace. Bien sûr, la banquise fondait l'été (janvier-mars) et se reformait l'hiverhiver (juillet-septembre). Mais la couverture avait tendance à grandir au fil du temps, dans toutes les saisonssaisons.

    Il s'est passé quelque chose après 2014. Chaque année voit désormais moins de banquises se former -- beaucoup moins. En 2014, la banquise antarctique était à son maximum jamais enregistré depuis 1979. En 2017, elle était au minimum. La perte dépasse deux millions de kilomètres carrés. La tendance continue apparemment en 2019, dit la climatologue.

    Des manchots d'Adélie le 2 mars 2018 sur un iceberg des îles Danger, en Antarctique. © Rachael Herman, Stony Brook University, AFP
    Des manchots d'Adélie le 2 mars 2018 sur un iceberg des îles Danger, en Antarctique. © Rachael Herman, Stony Brook University, AFP

    Des hypothèses et pas de consensus

    Les scientifiques ne savent pas pourquoi la banquise s'est étendue pendant si longtemps, ni pourquoi elle fond aujourd'hui. Des hypothèses rivales existent, selon les chapelles scientifiques, qui prennent en compte le trou de la couche d'ozonecouche d'ozone, les vents, les courants ou la température des eaux profondes, mais aucune n'explique avec certitude le basculement de 2014.

    « Aucune des hypothèses n'est bonne, selon moi », confie à l'AFP Douglas Martinson, océanographe à l'université ColumbiaColumbia, qui a participé au comité de lecture ayant validé l'article. Il prévient que comparer Arctique et Antarctique revient à « comparer des pommes et des camions militaires ».

    L'Arctique est un océan entouré de terres, tandis que l'Antarctique est un continent entouré d'océans, où les icebergs sont moins contraints. Contrairement à l'Arctique, l'Antarctique ne se réchauffe pas, et reste l'endroit le plus froid de la planète. C'est la plus grande réserve d'eau douceeau douce de la Terre. Ses montagnes de glace contiennent un volume capable de faire monter le niveau des océans de 57 mètres, estimait une étude en 2013.

    Chris Rapley, climatologue à l'University College de Londres, souligne que les gains initiaux de la banquise, avant 2014, ne contredisaient en rien le fait que la planète se réchauffait. « Cela démontre seulement que dans un système complexe et interconnecté, des choses contre-intuitives peuvent se produire, en tout cas pendant un moment, écrit le chercheur. Nous avons tendance à chercher des explications simplistes de cause et d'effet, mais en réalité, la situation est bien plus compliquée et nuancée », conclut-il.


    L'Antarctique s'étend, l'Arctique fond... mais pourquoi ?

    Article de Delphine Bossy paru le 13 novembre 2012

    L'Antarctique joue un rôle clé dans la circulation du climat. Pourtant, ce continent est l'une des plus grandes inconnues du système climatique. Cette massemasse de glace fond-elle ? La question fait débat depuis des décennies et une étude récente pourrait bien changer la donne. Basée sur 20 ans de données satellite, elle fournit la preuve qu'en réponse au changement climatique la mer de glace s'étend !

    Percer les mystères de l'Antarctique, large de 14 millions de km² et recouvert à 98 % de glace, n'est pas une mince affaire. Il est presque impossible de déterminer la dynamique de ce continent. Pourtant, dans le contexte de changement climatique actuel, déterminer si l'Antarctique perd ou gagne de la masse est essentiel pour prédire l'évolution du climat. Mais jusqu'à présent, la dérive des glaces était purement spéculative, à partir de modèles numériquesmodèles numériques

    Les résultats d'analyse de deux décennies de données satellite fournissent pour la première fois la preuve que la mer de glace de l'Antarctique s'est récemment étendue. Publiés dans le journal Nature Geoscience, ils sont basés sur l'analyse des cartes créées par le Jet Propulsion Laboratory (JPLJPL) de la Nasa. Réalisées à partir de 5 millions de données qutidiennes du mouvementmouvement de la glace durant la période 1992-2011 fournies par 4 satellites météométéo, elles montrent pour la première fois un réel changement sur le long terme de la dérive de la glace de mer.

    La dérive des glaces est un phénomène de mouvement de la glace sous l'effet de la rotation de la Terre, de la circulation atmosphériquecirculation atmosphérique et océanique. D'après les scientifiques anglais du British Antarctic Survey (BAS) et américains du JPL, les cartes révèlent que la tendance d'augmentation de la glace de mer est corrélée à un changement dans les vents. Le premier auteur de la publication, Paul R. Holland, explique : « La banquise est constamment en mouvement ; autour de l'Antarctique, la glace est emportée loin du continent par d'intenses vents du nord. Depuis 1992, cette dérive des glaces a changé. Dans certains endroits, l'exportation de glace loin de l'Antarctique a doublé »

    Première carte de la vitesse et direction de l'expansion de la glace dans l'Antarctique. Cette carte est réalisée à partir des données radar du satellite japonais Alos Palsar, du satellite européen Radarsat-2. La vitesse (<em>velocity magnitude</em>) est exprimée en m/an (<em>m/year</em>) et varie entre 1,5 (rose pâle) et 1.000 m/an (violet). © <em>Jet Propulsion Laboratory</em>, Nasa
    Première carte de la vitesse et direction de l'expansion de la glace dans l'Antarctique. Cette carte est réalisée à partir des données radar du satellite japonais Alos Palsar, du satellite européen Radarsat-2. La vitesse (velocity magnitude) est exprimée en m/an (m/year) et varie entre 1,5 (rose pâle) et 1.000 m/an (violet). © Jet Propulsion Laboratory, Nasa

    Les vents étendent la glace de mer, mais la calotte fond

    Mais ces résultats mettent également en évidence la complexité du changement climatique. Si la surface totale de la banquise augmente lentement, il existe une très forte disparité régionale. Dans certaines régions, l'intensité des vents chauds provenant des tropiques a augmenté. « Dans la mer de Bellingshausen, la mer de glace disparaît aussi rapidement que dans l'Arctique. » explique Paul R. Holland. Les changements dans l'advectionadvection de la glace sont dominants dans l'ouest de l'Antarctique. 

    L'Arctique fond 5 fois plus rapidement que ce que l'Antarctique s'agrandit, le bilan de massebilan de masse global est ainsi négatif : il y a plus de perte de glace que de gain. Une telle différence entre les deux pôles s'explique par le fait que l'Antarctique est entouré par un océan tandis que l'Arctique est proche des continents. La mer de glace ne peut donc s'étendre de la même manière. « La couverture de la banquise de l'Antarctique interagit avec le système climatique global de façon très différente, et les résultats soulignent la sensibilité de la glace de l'Antarctique aux changements de la force des vents sur le continent. »

    Paul R. Holland explique que la réponse des deux pôles au changement climatique affectera la circulation océanique globale et il est aujourd'hui impossible d'en évaluer les effets. De plus, si la glace de mer augmente, la calotte glaciaire (le glacier et la neige accumulée) fond. Cette perte de masse induit une diminution de la salinitésalinité de l'océan et change donc sa densité. Les tendances de la dérive de la glace modifient de larges données dans les paramètres modulant les gyres océaniques. Les flux de chaleur et de salinité sont également modifiés et influent sur la circulation océanique antarctique de fond et les eaux intermédiaires.