La vitamine D a beaucoup fait parler d’elle au début de la pandémie liée au coronavirus. De nombreuses études ont été menées sans qu’un consensus clair sur son rôle dans l’infection au SARS-CoV-2 ne soit trouvé. Une nouvelle publication est en faveur d’un rôle défavorable de la carence en vitamine D dans l’infection à la Covid-19.


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    La vitamine D intervient à plusieurs niveaux dans notre organisme : tissu osseux, tissu musculaire, système immunitaire. Elle permet d'augmenter les concentrations de calciumcalcium et de phosphorephosphore dans le sang. Il existe deux manières de subvenir à nos besoins en vitamine D. Premièrement, il y a l’exposition solaire, aux UVUV-B en particulier, présents entre avril et septembre en France. Deuxièmement, il y a la consommation d'aliments riches en vitamine D comme les poissons gras, certains champignonschampignons, le jaune d'œuf, le chocolat noir, le beurre... En France, près d’un adulte sur deux serait carencé en vitamine D.

    Carence en vitamine D et formes graves

    Le Dr. Amiel Dror et son équipe se sont intéressés au lien entre niveaux sanguins en 25-hydroxyvitamine D (25(OH)D) avant la contamination par la Covid-19 et sévérité de la maladie. L'étude a inclus des patients d'un hôpital israélien entre le 7 avril 2020 et le 4 février 2021 ayant été testés positifs au SARS-CoV-2 (test PCRtest PCR) et disposant d'un dosagedosage de la vitamine D sanguine antérieur à l'infection (n=253). Parmi les patients ayant fait une forme sévère de la Covid-19, il y avait plus de patients ayant une carence en vitamine D avant l'infection. Plus précisément, les patients ayant une carence en vitamine D avaient 14 fois plus de risques de faire une forme grave que les patients non carencés.

    Plus intéressant encore, la mortalité chez les patients non carencés était de moins de 5 % tandis qu'elle était de 25,6 % chez les patients carencés. Néanmoins, ces résultats sont à nuancer du fait que les personnes âgées sont souvent carencées en vitamine D (la capacité de l'organisme à synthétiser la vitamine D diminue avec l'âge) et du fait que l'âge est l'un des principaux facteurs de risquefacteurs de risque de faire une Covid grave.

    Une carence en vitamine D prédisposerait à une forme grave de la Covid-19. © Georgiy, Adobe Stock
    Une carence en vitamine D prédisposerait à une forme grave de la Covid-19. © Georgiy, Adobe Stock

    Doser la vitamine D

    Au-delà du risque de faire une forme grave de la maladie à Covid-19, la carence en vitamine D expose les individus à des troubles musculaires et à des troubles osseux (ostéomalacie, rachitismerachitisme, fractures). Alors, comment savoir si nous sommes carencés en vitamine D ? Il existe un dosage sanguin de la vitamine D, mais il n'est remboursé par l'Assurance maladie que dans certaines situations bien précises : suspicion de rachitisme, suspicion d'ostéomalacie, chez le transplanté rénal, avant et après une chirurgie bariatriquechirurgie bariatrique, chez les personnes âgées sujettes aux chutes répétées. Si d'autres études venaient à confirmer un lien entre vitamine D et formes graves de la Covid-19, il se pourrait bien que le dosage de la vitamine D se généralise.


    Covid-19 et vitamine D : que faut-il en penser ?

    Article de Julien Hernandez publié le 22/01/2021

    Lors de cette pandémiepandémie, on a entendu, et l'on entend encore, beaucoup de choses au sujet de la vitamine D dans le cadre de la Covid-19. Que faut-il en penser ? 

    La vitamine D... Si l'on écoute certaines allégations, elles auraient des vertus insoupçonnées sur un nombre colossal d'affections pathologiquespathologiques. Chaque hiverhiver, une petite partie de la population française (plus ou moins importante selon le type de sous-population étudié) est carencée, selon les données épidémiologiques de Santé publique France. Au sein de l'organisme, elle joue divers rôles d'importance majeure, le plus connu de tous étant peut-être celui de l'absorptionabsorption du calcium et du phosphore au niveau intestinal largement popularisé et vulgarisé grossièrement par le slogan marketing « La vitamine D aide le calcium à se fixer sur les os ». C'est d'ailleurs les seules affections dans laquelle elle est recommandée en dehors de la carence manifeste : l'ostéoporoseostéoporose et le rachitisme.

    La littérature scientifique abonde de données concernant la vitamine D et des affections pathologiques en tout genre. Nous allons nous concentrer dans cet article sur les preuves dont nous disposons sur l'utilisation de cette dernière dans le cadre de la Covid-19 à la suite d'une tribune publiée par un collectif de médecins dans La Revue du Praticien.

    Découvrez comment le coronavirus pourrait interagir avec notre microbiote intestinal dans notre podcast d'actualité Fil de Science. © Futura

    Des arguments mécanistes et rétrospectifs...

    La tribune de ce collectif de médecins fonde une grande partie de son propos sur des arguments mécanistes, c'est-à-dire sur les rôles biochimiques que la vitamine D occupe au sein de notre organisme, et sur d'autres émanants d'études d'observation rétrospectives. Nous avions déjà longuement parlé du problème des arguments mécanistes dans cet article sur l'histoire des essais cliniques et sur leur nécessité. Ces problèmes restent inchangés.

    Concernant les données d'observation, il semblerait que les personnes atteintes de la Covid-19 soient plus carencées que la population générale. Mais les auteurs de la tribune rappellent quelques lignes plus tard que les personnes, pour lesquelles nous avons le plus de données actuellement dans le cadre de la Covid-19, sont les personnes hospitalisées. Ces dernières font donc des formes assez graves pour nécessiter un séjour à l'hôpital ou, dans le pire des cas, en réanimation. On sait aussi que l'âge et le surpoidssurpoids constituent des facteurs de risque concernant la sévérité de l'infection à Covid-19, mais pas que ce sont des sous-populations également plus carencées en vitamine D. Avec les données en notre possession, il est impossible de dire, à l'heure actuelle, si la carence en vitamine D est bien impliquée dans la sévérité de la maladie. De même, plusieurs études citées par le collectif concluent à l'absence de lien causal identifié entre vitamine D et sévérité de la Covid-19. Dans la plus grosse étude d'observation qu'ils citent, l'association entre taux de vitamine D circulant et sévérité de la maladie n'est pas significative après ajustement des facteurs de confusion. 

    Dans la plus grosse étude d'observation citée, l'association entre vitamine D et sévérité de la maladie n'est pas significative après ajustement des facteurs de confusion. © dottedyeti, Adobe Stock
    Dans la plus grosse étude d'observation citée, l'association entre vitamine D et sévérité de la maladie n'est pas significative après ajustement des facteurs de confusion. © dottedyeti, Adobe Stock

    ...et pas d'arguments cliniques !

    Aucun argument clinique solidesolide, émanant d'études randomiséesétudes randomisées de grande envergure, n'est utilisé pour soutenir la démarche. Une étude d'intervention citée porteporte sur un nombre dérisoire de patients. Les participants reçoivent un traitement qualifié de meilleure thérapiethérapie disponible (qui n'est autre que la bi-thérapie hydroxychloroquine / azythromicine, dont l'efficacité a été infirmée) avec ou sans vitamine D. Ce protocoleprotocole ne permet pas aux auteurs de conclure en faveur du traitement et suggère que d'autres essais de plus grande envergure soient réalisés. D'autres études d'interventions pilotes ont été réalisées mais aucune conclusion en faveur d'une balance bénéfice / risque positive du traitement ne peut être affirmée sérieusement à ce jour. 

    Par conséquent, on ne sait pas si la vitamine D, quel que soit le stade de la maladie, peut être utile. Une récente étude d'observation mendélienne suggère que la vitamine D ne prévient pas les formes graves de Covid-19. Un article publié dans le Journal of American Medicine Association critique aussi l'engouement autour de la vitamine D. La revue Prescrire considère que l'incertitude règne sur le sujet. Une revue de 2017 réalisée par l'Organisation mondiale de la SantéOrganisation mondiale de la Santé (OMS) sur la vitamine D et les infections respiratoires rappelait combien le niveau de preuves était faible et les études hétérogènes, rendant les conclusions difficiles. Un récent article paru dans Nutrition Reviews évoque une utilité plausible chez les personnes réellement carencées (moins de 10 nanogrammes par millilitres) et celles à fort risque de passer par la case réanimation si elles contractent la Covid-19 (qui représentent généralement les mêmes sous-groupes). Toutes ces données mises ensemble constituent un faisceau de preuves peu convaincant pour soutenir les revendications de la tribune qui souhaitent supplémenter en préventionprévention l'ensemble de la population ou au moins les populations à risques. 

    Toutes les données mises ensemble constituent un faisceau de preuves peu convaincant pour soutenir les revendications de la tribune. © hedgehog94, Adobe Stock
    Toutes les données mises ensemble constituent un faisceau de preuves peu convaincant pour soutenir les revendications de la tribune. © hedgehog94, Adobe Stock

    Des questions de priorités et de logistique 

    Deux points essentiels sont à rappeler. Premièrement, nous avons une campagne vaccinale « sur les bras ». Attelons-nous à la réussir sans mettre plus de contraintes sur les laboratoires pharmaceutiques, les systèmes d'acheminementacheminement de médicaments et les pharmacies d'officine. Deuxièmement, imaginons que la vitamine D soit efficace et bénéfique dans la prévention et le traitement de la Covid-19 -- ce qui ne semble pas être le cas lorsque l'on regarde l'ensemble des données sur la question : qu'en est-il de sa taille d'effet ? Autrement dit, une supplémentation permettrait-elle vraiment d'avoir un impact significatif sur les décès ou la saturation des hôpitaux ? Faut-il vraiment allouer des ressources et mobiliser des moyens pour un produit dont les effets sont, a priori, aussi incertains ? Des questions logistiques se posent également pour de telles mesures. En premier lieu, le dépistagedépistage. La France a eu suffisamment de mal à atteindre les objectifs qu'elle s'était fixés en matièrematière de dépistage de la Covid-19. Comment ferions-nous pour dépister toutes les carences en vitamine D en si peu de temps ?

    Si l'on ne dépiste pas, comment adapter la posologie en fonction de la supposée carence ? Car la vitamine D peut, à des doses très élevées dans le sang, engendrer des effets secondaires, et un taux au-dessus des valeurs seuils recommandées à long terme a aussi été associé à une mortalité plus élevée (cela forme une courbe en U ou J inversé). De plus, d'autres variables viennent s'ajouter à l'équationéquation. Comme nous l'explique Véréna Bourbia, docteure en géographie logistique, « il faut prendre en compte les moyens de production (les laboratoires) et leur possibilité (affectations des machines, matières premières, etc.), les recommandations et les caractéristiques du produit (quelle posologie, combien de prises, sous quel format, etc.), le volumevolume de stockage et les impératifs de conservation pour que l'on puisse stocker la vitamine D en quantité suffisante sans impacter d'autres médicaments. » 

    Enfin, il y a d'autres moyens pour corriger une éventuelle carence en vitamine D que la supplémentation, comme manger des poissonspoissons gras (particulièrement du foiefoie de morue) ou bien, dès le mois d'avril, s'exposer quotidiennement et sporadiquement au soleilsoleil. Atteindre l'objectif d'une population non carencée sur le long terme est louable. Disperser nos efforts dans la lutte contre la Covid-19 l'est moins. Il semble bien que tous nos efforts doivent se concentrer sur la vaccinationvaccination ou sur des thérapeutiques réellement porteuses d'espoir.