L’agriculture moléculaire consiste à faire produire des médicaments ou des vaccins par des plantes. Des chercheurs japonais ont réussi à multiplier par trois le rendement de cette méthode, simplement en aspergeant les feuilles d’un anti-oxydant bien connu : la vitamine C.


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    Faire produire des moléculesmolécules d'intérêt pharmaceutique par des plantes, c'est l'idée de « l'agriculture moléculaire ». Cette technique présente de nombreux avantages par rapport à la synthèse chimique ou cellulaire, notamment son faible coût et la possibilité de cultiver les plantes à grande échelle. De plus, les systèmes de production à base de plantes sont considérés comme plus sûrs que les cellules mammifères pour les produits pharmaceutiques car ils ne soutiennent pas la réplicationréplication de virus animaux. De nombreux essais ont été menés, par exemple avec un maïsmaïs transgéniquetransgénique produisant de la lipase gastrique, de l'albumine sérique à partir de pomme de terre, du collagènecollagène dans des plants de tabac ou un vaccin fabriqué dans la tomate.

    L’agriculture moléculaire, une technique au rendement encore insuffisant

    Malgré ses nombreux avantages, l'agriculture moléculaire se heurte encore à un rendement insuffisant. Typiquement, la massemasse de cellules végétales sèches obtenue à partir de plantes est 10 fois inférieure à celle des bactériesbactéries et 3 fois inférieure à celle des levures, selon une étude de 2020 du biologiste allemand Johannes Buyelbd. Une équipe de chercheurs de l'université de Tsukuba au Japon vient peut-être de trouver une solution peu coûteuse pour doper ces « mini-usines » à molécules : asperger les feuilles avec de l'acide ascorbiqueacide ascorbique (vitamine Cvitamine C), un anti-oxydant bien connu.

    À gauche, une feuille de tabac transgénique non traitée. À droite, une feuille sur laquelle a été pulvérisé de l’acide ascorbique. Ce dernier empêche la mort cellulaire des cellules de la plante et la dégradation des protéines produites. © Université de Tsukuba
    À gauche, une feuille de tabac transgénique non traitée. À droite, une feuille sur laquelle a été pulvérisé de l’acide ascorbique. Ce dernier empêche la mort cellulaire des cellules de la plante et la dégradation des protéines produites. © Université de Tsukuba

    L'équipe, dont les travaux viennent d'être publiés dans la revue Plant Physiology, portent sur une espèce de tabac australienne Nicotiana benthamiana, couramment utilisée dans l'agriculture moléculaire pour sa capacité à produire des gènesgènes exogènesexogènes et à être facilement cultivée sous serre. Les chercheurs ont eu recours à l'agro-infiltation, une technique qui consiste à utiliser une bactérie Agrobacterium (d'où son nom) dans la plante qui va insérer un plasmideplasmide dans son génomegénome et ainsi lui faire exprimer un gène afin de produire la molécule voulue.

    Faire exprimer une grande quantité de molécules exogènes par une plante peut (…) entraîner la mort prématurée des cellules

    Le problème, « c'est que faire exprimer une grande quantité de molécules exogènes par une plante peut générer de nombreux problèmes, comme la déshydratationdéshydratation de la feuille ou la mort prématurée des cellules », atteste Kenji Miura, principal auteur de l'étude. Certaines protéinesprotéines provoquent notamment la nécrose de la feuille en raison de la formation excessive de radicaux libresradicaux libres. « L'applicationapplication d'acide ascorbique contrecarre ces effets nocifs et permet des taux de production de protéines considérablement plus élevés », assure Kenji Miura. La vitamine C agit non seulement comme antioxydantantioxydant, prévenant la mort cellulaire, mais elle réduit aussi la dégradation des protéines formées, ce qui induit une augmentation du rendement. Selon les essais menés par les chercheurs, la production de protéines peut ainsi être multipliée par trois, « voire plus ».

    Anticorps, enzymes et hormone de croissance

    La technique a été testée avec succès sur plusieurs types de protéines recombinantes, notamment pour la fabrication d'anticorpsanticorps fonctionnels. Les chercheurs se sont également assurés que l'acide ascorbique n'interférait pas avec les propriétés immunologiques des protéines. « Cette méthode de pulvérisation est tellement simple que nous nous attendons à ce qu'elle puisse être largement adoptée afin d'améliorer la production de protéines précieuses pour la recherche et les applications médicales », estime Kenji Miura. Des hormoneshormones de croissance ou des antigènesantigènes de l'hépatite Bhépatite B, dont on sait qu'ils ont tendance à entraîner la nécrose des feuilles, pourraient par exemple profiter de cette technique.

    Un petit effort du côté de nos entreprises pharmaceutiques !

    On peut donc espérer que l'agriculture moléculaire va se développer plus rapidement dans les prochaines années. Après un gros engouement au début des années 2000, cette technique est peu à peu retombée dans l'oubli, notamment en raison du manque d'investissement dans l'élaboration de nouvelles plateformes de production. « Malgré les avantages évidents de l'agriculture moléculaire, l'industrie biopharmaceutique privilégie toujours ses technologies de plateforme cellulaire normalisées avec lesquelles ils ont l'habitude de travailler », regrette Johannes Buyelbd. Changer de paradigme réclame parfois un gros effort financier mais cela peut au final s'avérer une juteuse affaire, comme l'ont démontré les vaccins à ARN.


    Un pas supplémentaire vers les plantes productrices de médicaments

    Article de CORDIS publié le 23/01/2007

    La perspective de plantes productrices de médicaments s'est rapprochée d'un pas supplémentaire grâce à de nouvelles recherches au cours desquelles des scientifiques sont parvenus à créer des plantes dont les semences contiennent de hauts niveaux de protéines complexes ressemblant étroitement à des anticorps.

    Dirigée par l'institut interuniversitaire flamand de biotechnologiebiotechnologie (VIB), en Belgique, et financée dans le cadre du projet Pharma-Planta, doté de fonds européens, cette étude a été publiée en ligne dans les Proceedings of the National Academy of Sciences.

    Un grand nombre de substances médicales, qui peuvent servir aussi bien à des fins thérapeutiques que diagnostiques, sont fabriquées aujourd'hui à l'aide de bactéries, de levures ou de cellules animales qui ont été modifiées génétiquement pour générer des protéines humaines telles que des anticorps. Ces techniques de fabrication sont efficaces, mais leur coût est élevé en raison de la nécessité de laboratoires bien équipés et des frais de main-d'oeuvre inhérents à l'entretien des cultures de cellules animales.

    Depuis de nombreuses années, les scientifiques essaient de concevoir génétiquement des plantes à même de fabriquer ces protéines. La culture de plantes peut être pratiquée sur une grande échelle et n'exige pas un équipement de haute technologie, ce qui permettrait de réduire sensiblement les coûts de production. Les scientifiques ne sont toutefois longtemps parvenus qu'à remplacer 1 % seulement des protéines d'une plante par la protéine souhaitée.

    Il y a quelques années, un groupe de chercheurs du VIB a modifié une plante de telle sorte que l'anticorps souhaité soit produit dans les semences de cette plante. Ce procédé a été couronné de succès, les plantes produisant des semences dans lesquelles la protéine recherchée constituait plus d'un tiers du volumevolume protéinique total. Outre l'augmentation du rendement, les semences offrent divers avantages par rapport à d'autres parties d'une plante. À la différence des feuilles par exemple, les semences peuvent être conservées pendant une longue période sans déperdition de l'efficacité de la protéine. Un stock peut donc être entretenu jusqu'à ce que la protéine soit effectivement requise.

    Une équipe de chercheurs du VIB a aujourd'hui approfondi ces travaux en créant des plantes d'Arabidopsis dont les semences renferment un taux élevé d'un anticorps plus complexe qui ressemble étroitement à son équivalent humain, lequel protège les cellules de l'infection par l'hépatite A. Les expériences ont en outre révélé que l'anticorps d'origine végétale était aussi efficace que les anticorps humains ordinaires.

    D'après Bart Van Droogenbroeck, le principal auteur, la capacité des plantes à sécréter de hauts niveaux d'anticorps plus complexes présente un réel intérêt. « Dès lors que nous savons maintenant qu'elles peuvent être viables, nous allons poursuivre l'investissement dans ces recherches », a-t-il confié à CORDIS Nouvelles. En particulier, les chercheurs s'intéressent à la création de plantes susceptibles de produire des protéines trop complexes pour être produites par des microbesmicrobes ou des champignonschampignons.

    Au sein du consortium Pharma-Planta, certains chercheurs travaillent sur des plantes qui pourraient produire des anticorps contre le VIHVIH ou la ragerage. Les partenaires du projet ont pour objectif de récolter une matièrematière suffisante pour entamer un essai cliniqueessai clinique. Étant donné que les plantes sont modifiées génétiquement, ils coopèrent par ailleurs étroitement avec les autorités réglementaires afin d'assurer que les préoccupations relatives à la sécurité biologique sont prises en considération.