La lentille d’eau peut doubler de taille en 24 heures. Une croissance record qui se fait au prix d’une simplification extrême de son génome.


au sommaire


    La Wolffie, plus connue sous le nom de lentille d'eau, est une minuscule plante aquatique. D'une taille inférieure au millimètre, c'est la plus petite plante à fleur du monde. C'est aussi celle qui croît le plus rapidement : elle peut doubler de taille en 24 heures. Des chercheurs du Salk Institute (Californie) viennent de percer les secrets de cette incroyable faculté grâce au séquençageséquençage de son génomegénome.

    La lentille d’eau ne connaît pas le jour et la nuit

    Pour comprendre les adaptations du génome de Wolffie qui permettent cette croissance record, les chercheurs ont cultivé des lentilles d'eau sous des cycles lumièrelumière/obscurité, puis les ont analysées pour déterminer quels gènesgènes étaient actifs à différents moments de la journée. En effet, la croissance de la plupart des plantes est régulée par le cycle lumière/obscurité (les plantes ayant tendance à grandir principalement le matin.) « Nous avons constaté que seuls 13 % des gènes de Wolffie s'expriment selon un cycle circadien, contre 40 % en moyenne pour les autres plantes. C'est pourquoi elle grandit si rapidement, nous explique dans un courriel Todd Michael, professeur de recherche au Laboratoire de biologie moléculairebiologie moléculaire et cellulaire végétale de Salk. Lorsque nous faisons pousser la lentille d'eau en lumière continue, elle grandit sans arrêt. La plupart des autres plantes cultivées sous lumière continue limitent encore leur croissance par rapport à leur horloge circadienne interne. »

    La Wolffie semble avoir évolué pour se concentrer uniquement sur une croissance rapide et incontrôlée

    Et ce n'est pas la seule simplification qu'a adoptée la lentille d'eau : la plupart des gènes associés à d'autres éléments importants du comportement des plantes, tels que les mécanismes de défense et la croissance racinaire, ne sont pas présents. « La Wolffie s'est débarrassée de tous les gènes dont elle n'a pas besoin. Elle semble avoir évolué pour se concentrer uniquement sur une croissance rapide et incontrôlée », atteste Todd Michael. Au final, la lentille d'eau possède un génome d'à peine 357 Mb (357 millions de paires de bases) pour 15.000 protéinesprotéines codantes. Par comparaison, le blé possède 15.500 millions de paires de bases.

    Dépourvue de racines et réduite à une simple feuille de la taille d’une tête d’épingle, la lentille d’eau se reproduit sur un mode similaire à celui de la levure, par bourgeonnement à partir de la cellule mère. Elle pousse sous forme de colonies où peuvent cohabiter jusqu’à quatre générations. © Sowjanya Sree/Philomena Chu
    Dépourvue de racines et réduite à une simple feuille de la taille d’une tête d’épingle, la lentille d’eau se reproduit sur un mode similaire à celui de la levure, par bourgeonnement à partir de la cellule mère. Elle pousse sous forme de colonies où peuvent cohabiter jusqu’à quatre générations. © Sowjanya Sree/Philomena Chu

    Vers des plantes artificielles à croissance ultra-rapide

    Cette étude, publiée dans la revue Genome Research, présente plusieurs intérêts. Premièrement, la  Wolffie pourrait devenir un nouveau modèle de laboratoire pour étudier la façon dont les gènes contribuent aux différentes activités biologiques. Aujourd'hui, la plante de référence chez les biologistes est l'arabette (Arabidopsis thalianaArabidopsis thaliana), qui se reproduit nettement moins vite.

    Deuxièmement, la Wolffie pourrait être utilisée comme nouvelle source de protéines ou comme biocarburant. « La lentille d'eau est déjà une culture développée par plusieurs entreprises et traditionnellement consommée en Asie du Sud-Est. Nos recherches indiquent comment on pourrait optimiser sa teneur en protéines et sa biomasse », avance Todd Michael.

    Enfin, on peut imaginer s'inspirer de la remarquable adaptation génétiquegénétique de la Wolffie pour concevoir des plantes à croissance rapide. « Ce pourrait être intéressant notamment pour des plantes cultivées en environnement artificiel sous lumière continue », atteste le chercheur. Reste à savoir quels gènes on peut supprimer sans danger pour la plante. L'objet de futures recherches du laboratoire de Todd Michael est de développer des plantes entièrement nouvelles sur la base d'un modèle génétique.