La production de ciment est l’une des industries les plus polluantes au monde. Et malgré les efforts déployés par les industriels du secteur, cela peine à changer. Mais des chercheurs tiennent peut-être le bon bout. Ils ont développé une stratégie qui leur permet de fabriquer des briques vivantes qui se reproduisent et qui, au lieu d’émettre du CO2, le consomment.


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    La maison du futur, certains l'imaginent ultra-connectée. Une maison intelligente qui nous assiste dans toutes les tâches du quotidien. Une maison plus pratique et plus confortable. Une maison plus verte aussi, car plus économe en énergieénergie, surtout. Mais pour aller encore un peu plus loin, d'autres travaillent à développer des solutions d'écoconstructionécoconstruction.

    Et du côté de l'université du Colorado à Boulder (États-Unis), des chercheurs dévoilent aujourd'hui leur stratégie en la matièrematière. Elle vise à utiliser des bactériesbactéries pour développer des matériaux de construction qui vivent et qui se reproduisent, tout en présentant une empreinte carbonecarbone meilleure que celle des matériaux traditionnels. En effet, aujourd'hui, la fabrication du cimentciment et du béton ne génère pas moins 6 % des émissionsémissions annuellesannuelles mondiales de CO2.

    Ce que les chercheurs de l'université du Colorado proposent, c'est d'inoculer des colonies de cyanobactéries du genre Synechonoccus dans une solution de sablesable et d'hydrogelhydrogel. Ces organismes vont alors s'appuyer sur la lumièrelumière du soleilsoleil, des nutrimentsnutriments et du CO2 pour se développer et produire du carbonate de calciumcarbonate de calcium. De quoi déclencher la minéralisation de l'hydrogel qui se lie alors au sable, formant... une brique !

    Des moules dans lesquels se fabriquent les briques vivantes des chercheurs de l’université du Colorado à Boulder (États-Unis) après que la solution contenant les cyanobactéries a été portée à 30 °C. © <em>College of Engineering and applied science</em>, <em>Colorado University Boulde</em>r
    Des moules dans lesquels se fabriquent les briques vivantes des chercheurs de l’université du Colorado à Boulder (États-Unis) après que la solution contenant les cyanobactéries a été portée à 30 °C. © College of Engineering and applied science, Colorado University Boulder

    Vers des maisons qui interagissent avec leur environnement

    Les premiers tests réalisés par les chercheurs montrent que les briques ainsi formées présentent une résistance à la fissuration supérieure à celle du mortier traditionnel. « Vous pouvez marcher dessus et ça ne se casse pas », assure Wil Srubar, chercheur à l'université du Colorado dans un communiqué. Et entre 9 et 14 % des colonies bactériennes utilisées étaient toujours en vie après 30 jours et trois générations passées sous forme de brique. Un exploit lorsque l'on sait que les bactéries que l'on trouve dans les ciments autocicatrisants actuels présenteraient une viabilité inférieure à 1 % seulement, sur la même période.

    De quoi donc imaginer faire se reproduire les matériaux. Partiellement, du moins. En coupant une brique en deux, chaque moitié -- replongée dans le même mélange de sable et d'hydrogel -- est capable de reformer une brique entière. « Les bactéries se développent à un rythme exponentiel. Si nous parvenions à cultiver nos matériaux biologiquement, nous pourrions donc fabriquer à un rythme exponentiel », explique Wil Srubar.

    Si nous parvenions ? Oui, parce qu'il reste encore aux équipes de l'université de Boulder et à leurs partenaires pas mal de travail à accomplir. Notamment pour améliorer la solidité du matériaumatériau biosourcé qui présente pour l'heure la résiliencerésilience d'un ciment à faible résistance. Mais aussi pour surmonter la difficulté suivante : leurs cyanobactériescyanobactéries ont besoin de conditions humides pour survivre. Le procédé n'est donc, pour l'instant, pas applicable dans des régions sèches. Mais les chercheurs envisagent déjà de concevoir des bactéries plus résistantes.

    Nous n’en sommes qu’aux débuts de cette technologie

    « Nous n'en sommes qu'aux débuts de cette technologie. À l'avenir, les matériaux de constructionconstruction vivants pourraient être utilisés pour améliorer l'efficacité et la durabilité du secteur. Ils pourraient également permettre aux matériaux de détecter et d'interagir avec leur environnement », déclare Chelsea Heveran, chercheur à l'université de l'État du Montana. Imaginez : des briques qui « guériraient » elles-mêmes leurs fissures, mais surtout des briques qui aspireraient les toxinestoxines ou encore, des briques qui pourraient briller sur commande. Ce n'est sans doute pas pour demain. Mais peut-être bien pour après-demain !


    Les maisons et bâtiments du futur seront vivants avec les biotechnologies

    Une maison qui grandit, qui respire, voire qui se reproduit. Une maison vivante... L'idée peut sembler incroyable. Pourtant, des chercheurs britanniques en sont convaincus : face à la crise climatique que nous vivons, nous devons repenser totalement la manière dont nous concevons notre habitat.

    Article de Nathalie MayerNathalie Mayer paru le 27/07/2019

    Les chercheurs du premier centre au monde consacré aux applications des biotechnologies dans le bâtiment (HBBE) en sont convaincus : les maisons de demain seront vivantes ! © Assia Stefanova, HBBE
    Les chercheurs du premier centre au monde consacré aux applications des biotechnologies dans le bâtiment (HBBE) en sont convaincus : les maisons de demain seront vivantes ! © Assia Stefanova, HBBE

    On connaissait déjà les maisons basse consommation, les fameuses maisons BBCmaisons BBC, ou les maisons à énergie positive. Et même les maisons connectées. Mais, à en croire des chercheurs des universités de Newcastle et de Northumbria (Royaume-Uni), il faudra bientôt compter avec des maisons... vivantes ! Le 1er août 2019 débutera en effet l'aventure du premier centre de recherche au monde consacré aux applicationsapplications des biotechnologiesbiotechnologies dans le bâtiment (HBBE).

    « Les bâtiments actuels ne sont pas durables. Leur empreinte carbone est trop importante, explique Gary Black, co-directeur du HBBE. Notre objectif est de créer des maisons vivantes, sensibles à leur environnement et à leurs habitants. » Et pour cela, le HBBE cherche encore des collaborateurs. Mais les idées, elles, sont déjà là.

    Ainsi, les chercheurs voient dans le mycélium, le réseau de racines des champignonschampignons, le matériau vivant du futur. D'ailleurs, à New-York (États-Unis), une tour de 13 mètres de haut a déjà été construite à partir de briques faites d'un mélange de mycélium et de déchets agricoles. Et la NasaNasa travaille à la conception d'une structure dans laquelle le champignon reste au moins en partie vivant.

    Les chercheurs du premier centre de recherche au monde consacré aux applications des biotechnologies dans le bâtiment imaginent nos villes de demain peuplées de bâtiments vivants, qui meurent doucement pour ensuite devenir le socle d’une nouvelle génération de maisons encore plus adaptée à son environnement et à ses habitants. © Assia Stefanova, HBBE
    Les chercheurs du premier centre de recherche au monde consacré aux applications des biotechnologies dans le bâtiment imaginent nos villes de demain peuplées de bâtiments vivants, qui meurent doucement pour ensuite devenir le socle d’une nouvelle génération de maisons encore plus adaptée à son environnement et à ses habitants. © Assia Stefanova, HBBE

    Des maisons qui guérissent, qui respirent et bien plus encore

    Autre piste : celle du béton qui s’auto-répare grâce à des spores bactériennes. Lorsqu'une fissure apparaît dans le mur, de l'eau s'y infiltre et réveille les bactéries, provoquant ainsi la croissance de nouveaux cristaux de calcitecalcite et la réparation du béton.

    Un matériau - à base de latexlatex et de spores de bactéries, lui aussi - mis au point au Massachusetts Institute of Technology (États-Unis) pourrait permettre aux bâtiments de transpirer en réponse à une augmentation de l'humidité intérieure. De la vapeur se forme dans une salle de bain ? Des pores s'ouvrent dans les murs afin de permettre à l'airair de circuler.

    Renforcer le système immunitaire des habitants

    Pourquoi ne pas également imaginer des tables bio-réceptives ? Des tables qui favorisent la croissance de bactéries connues pour leur résistance aux insectesinsectes pathogènespathogènes. De quoi aider à renforcer le système immunitaire des habitants de la maison.

    Le <em>Hub for Biotechnology in the Built Environment</em> (HBBE) réunira des architectes, des ingénieurs et des biologistes, en collaboration avec le monde de l'industrie.
    Le Hub for Biotechnology in the Built Environment (HBBE) réunira des architectes, des ingénieurs et des biologistes, en collaboration avec le monde de l'industrie.

    Et pour finir, les maisons vivantes de demain pourraient bien avaler les déchetsdéchets produits par leurs habitants. Ainsi, certaines briques renforcées de bactéries pourraient absorber les eaux usées pour les transformer en énergie électrique.