Des étudiants associés à un programme de recherches en astrophysique à Milan ont repéré dans les archives d’un télescope spatial sensible au rayonnement X une curieuse source dont la luminosité a bondi puis baissé rapidement… De quoi s’agit-il ?

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    Depuis quelques années, l'Institut national d'astrophysique de MilanMilan invite des étudiants des lycées voisins à collaborer aux enquêtes des chercheurs. Des contributions bienvenues qui réservent parfois de belles surprises. C'est ce qui est arrivé cette année à un groupe de six jeunes apprentis astronomesastronomes à qui il a été confié la tâche de passer au crible pas moins de 200 sources de rayonnement X. Leur mission, qu'ils ont acceptée avec plaisir après « une introduction en astronomie et les sources exotiquesexotiques » : identifier celles qui n'auraient pas encore été étudiées. Le défi s'est révélé gagnant car ils en ont épinglé une poignée, dont une qui « s'est avérée particulièrement intéressante », raconte Andrea de Luca, l'une des coordinatrices du projet et chercheure à l'Inaf.

    L'échantillon de sources de rayons X qu'ils ont examiné provient du catalogue Extras (Exploring the X-ray Transient and variable Sky), récemment achevé. Il est constitué de près de 500.000 objets présentant une luminositéluminosité variable dans le rayonnement X et observés au cours des 15 premières années de la mission XMM-Newton.

    Ce qu'ils ont remarqué provient de la direction de NGC 6540, un groupe d'étoiles situé à quelque 17.000 années-lumière, au sein de la constellation du Sagittaire. Parmi les dizaines de milliers d'étoiles concentrées dans cet amas globulaire, il en est une qui affiche un comportement encore jamais vu par les astronomes.

    La source de rayonnement X repérée en direction de l’amas globulaire NGC 6540. Le phénomène s’est produit en 2005. © ESA, XMM-Newton, A. De Carlo (Inaf)

    La source de rayonnement X repérée en direction de l’amas globulaire NGC 6540. Le phénomène s’est produit en 2005. © ESA, XMM-Newton, A. De Carlo (Inaf)

    Un phénomène encore inconnu ?

    En 2005, la luminosité de cet objet a été multipliée par 50 avant de décroître rapidement en l'espace de cinq minutes. Qu'est-ce que c'est ? Cela aurait pu être une puissante éruption comme notre SoleilSoleil peut en produire dans un accès de mauvaise humeur (au fil de ses cycles d'activité), mais les chercheurs -qui suite à la découverte de ce phénomène ont ouvert une enquête - ont exclu cette possibilité car celles-ci durent au minimum quelques heures. Elles ne sont jamais aussi courtes.

    Alors, peut-être s'agit-il d'une éruption émise par un couple d'étoiles, se sont interrogés les chercheurs. Un système binairesystème binaire dont l'un des deux membres serait un corps très dense comme par exemple une étoile à neutronsétoile à neutrons (reste du cœur d'une étoile massive) ? Mais là aussi, ça ne colle pas car si c'était le cas, la source devrait briller davantage.

    Autre possibilité envisagée dans l'étude qui vient de paraître dans la revue Astronomy & Astrophysics, une éruption produite par une « binaire chromosphériquement active ». Il s'agit d'un système double d'étoiles animées d'intenses éruptions dans le rayonnement X au sein de leurs chromosphèreschromosphères. Mais cette explication n'a pas convaincu Sandro Mereghetti et ses collègues de l'Inaf, car les courbes de luminosité sont, là aussi, différentes de celles connues pour ce type d'objets. « Cet évènement remet en cause notre compréhension des explosions de rayons Xrayons X : trop courte pour être une éruption stellaire ordinaire, mais trop faible pour être liée à un objet compact », résume l'auteur principal de l'article scientifique.

    De quoi s'agit-il ? Eh bien, telle est la question... La cause exacte de ces variabilités dans les rayons X n'est pas encore connue. L'équipe soupçonne qu'il existe bien d'autres sources comme celle-là dans le cosmoscosmos. Il ne reste donc plus qu'à les trouver parmi le demi-million de cibles du satellite - et ailleurs -, avec la difficulté que ces sursautssursauts ne durent que quelques minutes... En tout cas, en attendant d'en débusquer d'autres - avec peut-être de nouveau l'aide d'étudiants -, l'équipe entend approfondir son enquête sur ce mystérieux objet X.


    Un mystérieux émetteur cosmique de rayons X révèle sa nature magnétique

    Article du CNRS publié le 8 juin 2006

    Tau Scorpii fait partie des étoiles massives à vie courte, si chaudes qu'une seule d'entre elles rayonne plusieurs millions de fois l'énergieénergie lumineuse du Soleil. Ejectant de grandes quantités de matièrematière sous forme de ventvent stellaire, tau Scorpii est une source très intense de rayons X, dont l'origine mystérieuse vient d'être élucidée à l'aide du nouveau spectropolarimètre ESPaDOnSESPaDOnS équipant le télescopetélescope Canada-France-Hawaii. Une équipe internationale (1) conduite par un chercheur du CNRS a pu observer pour la première fois le réseau complexe des lignes de champ magnétiquechamp magnétique de cette étoile. Ce dernier serait à l'origine de bouffées de plasma très chaud, source du rayonnement X de tau Scorpii.

    Notre Soleil, malgré ses taches, ses éruptions et son vent, est une étoile plutôt calme. En comparaison, les étoiles beaucoup plus massives vivent intensément et meurent très jeunes. Elles sont si brillantes qu'elles parviennent à expulser les couches superficielles de leur atmosphèreatmosphère, sous la seule pressionpression de la lumière qu'elles émettent, à une vitessevitesse approchant un pour cent de la vitesse de la lumièrevitesse de la lumière. C'est ce qu'on appelle un vent stellaire. La matière ainsi expulsée peut non seulement interagir avec d'autres étoiles proches, mais aussi alimenter le milieu interstellaire en matière et en énergie, ou encore provoquer l'effondrementeffondrement de nuagesnuages avoisinants et induire ainsi de nouvelles poussées de formation stellaire. Quoique moins nombreuses que leurs homologues de taille inférieure comme le Soleil, les étoiles massives sont donc des acteurs de premier plan dans la vie d'une galaxiegalaxie.

    L'étoile tau Scorpii est l'une de nos plus proches voisines très massives Sa grande luminosité la rend facilement visible à l'oeil nu malgré sa distance de plus de 400 années lumière de la Terre. D'une massemasse égale à 15 fois celle du Soleil, elle est aussi 5 à 6 fois plus grande et plus chaude que notre propre étoile.

    Les étoiles très chaudes émettent des rayons X qui, d'après les scientifiques, sont produits lors de chocs supersoniques intervenant au sein du vent stellaire tels de gigantesques carambolages de particules cosmiques. Sans raison apparente, l'intensité des rayons X produits par tau Scorpii est encore bien supérieure à celle émise par la plupart des autres étoiles de même type. Cette découverte a permis à l'équipe internationale conduite par Jean François Donati du laboratoire d'Astrophysique (Observatoire Midi-Pyrénées - CNRS), de révéler que la surface de tau Scorpii est couverte d'un réseau complexe de lignes de champ magnétique qui permet de mieux comprendre son activité.

    Lignes de champ magnétique autour de l'étoile <em>tau Scorpii</em>. En bleu, les lignes de champ ouvertes qui permettent au flot de particules du vent stellaire de s'échapper vers l'espace. En blanc, les boucles de champ fermées qui les maintiennent captifs de l'étoile. © CNRS

    Lignes de champ magnétique autour de l'étoile tau Scorpii. En bleu, les lignes de champ ouvertes qui permettent au flot de particules du vent stellaire de s'échapper vers l'espace. En blanc, les boucles de champ fermées qui les maintiennent captifs de l'étoile. © CNRS

    Les chercheurs ont découvert et modélisé le champ magnétique de tau Scorpii en analysant les minuscules signaux polarisés que les champs induisent dans la lumière des étoiles magnétiques. Il semblerait que le champ magnétique de tau Scorpii soit un "fossilefossile" datant de la formation de l'étoile. Sa propriété la plus intéressante est sans doute la manière dont il interagit avec le vent de l'étoile, forçant les particules du vent à suivre les lignes de champ comme des perles sur des fils. Dans ce contexte, les flots associés aux lignes de champ ouvertes s'échappent librement vers l'espace, tandis que les flots associés aux boucles de champ fermées restent captifs. Au sein de chacune de ces arches magnétiques, les flots en provenance des deux pieds de l'arche se rencontrent au sommet et produisent une collision frontale si colossale qu'elle parvient, grâce à l'énergie libérée lors du choc, à changer la matière expulsée par le vent en boules de plasma chauffées à plusieurs millions de degrés et confinées au sommet des boucles magnétiques.

    Ce modèle fournit une explication plausible et naturelle de l'émissionémission de rayons X inhabituellement intense que tau Scorpii parvient à engendrer. Toutefois, le mécanisme par lequel le champ magnétique a réussi à freiner la vitesse de rotationvitesse de rotation de l'étoile (à moins d'un dixième de celles d'autres étoiles similaires non magnétiques) reste incertain : si les étoiles comme le Soleil peuvent en effet être freinées par leur vent magnétisé (à la manière d'un patineur qui ralentit sa rotation en écartant les bras), tau Scorpii ne perd pas sa masse assez vite pour que sa rotation ait pu être affectée au cours de sa très brève existence de seulement quelques millions d'années.

    Les mesures ont été réalisées grâce au spectropolarimètre stellaire ESPaDOnS (2). Ce nouvel instrument, le plus performant au monde pour mener ce type d'étude, a été spécifiquement conçu et construit à l'Observatoire Midi-Pyrénées pour l'étude des champs magnétiques des étoiles.

    Notes :
    1) Cette équipe comprend JF Donati (Observatoire Midi-Pyrénées/LATT, CNRS/UPS, France), ID Howarth (University College London, UK), MM Jardine (University of StAndrews, UK), P Petit (Observatoire Midi- Pyrenees/LATT, CNRS/UPS, France), C Catala (Observatoire Paris-Meudon/LESIA, CNRS/UP7, France), JD Lanstreet (University of Western Ontario, Canada), JC Bouret (Observatoire de Marseille/LAMLAM, CNRS/UdP, France), E Alecian (Observatoire Paris-Meudon/LESIA, CNRS/UP7, France), JR Barnes (University of StAndrews, UK), T Forveille (Canada-France-Hawaii Telescope Corporation, USA), F Paletou (Observatoire Midi-Pyrenees/LATT, CNRS/UPS, France) et N Manset (Canada-France-Hawaii Telescope Corporation, USA).

    2) ESPaDOnS a été financé par la France (CNRS/INSU, Ministère de la Recherche, LATT, Observatoire Midi-Pyrénées, Laboratoire d'Etudes Spatiales et d'Instrumentation en Astrophysique, Observatoire de Paris-Meudon), le Canada (NSERC), le CFHTCFHT et l'ESAESA (ESTECESTEC/RSSD).

    Références :
    Web Espadons : Consulter le site web
    Web résultats Espadons, site INSU : Consulter le site web et site web
    CFH : Consulter le site web
    RAS : Consulter le site web 

    Contacts :

    Chercheur
    Jean-Francois Donati
    T 05 61 33 29 17
    [email protected]

    INSU-PU
    Philippe Chauvin
    T 01 44 96 43 36
    [email protected]

    Presse
    Isabelle Bauthian
    T 01 44 96 46 06
    [email protected]