Ce serait une première, l'observation en rayons X d'une étoile à neutrons avec un champ magnétique particulièrement intense, un magnétar donc, révélerait l'existence et les mouvements de l'équivalent des taches solaires. C'est ce que les données collectées par l'instrument Nicer à bord de l'ISS laissent penser.
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Les étoiles à neutrons sont des astres exotiquesexotiques dont l'existence a été prédite au cours des années 1930. Elles peuvent se former lorsqu'une étoile dépasse les 8 masses solaires. Il arrive alors un moment où les réactions thermonucléaires produisant la pression de rayonnement s'opposant à l'effondrementeffondrement sous leur propre gravité de ces étoiles cessent. Leur cœur de ferfer va imploser produisant une série de phénomènes complexes dont parle la vidéo du CEA tout en bas de cet article et qui conduit à une explosion, plus précisément ce que l'on appelle une supernovasupernova de type II. Dans bien des cas, il ne reste plus alors qu'un astre compact rassemblant dans un volumevolume de quelques dizaines de kilomètres de diamètre environ une masse solaire (dans les autres, c'est un trou noirtrou noir qui se forme). La contraction force une majorité des électronsélectrons et des protonsprotons du noyau ferreux de l'étoile avant l'explosion à se combiner en suivant une réaction de désintégration bêtabêta inverse, ce qui produit des neutrons, d'où le nom de ces étoiles exotiques.
Les premiers travaux, posant le socle sur lequel les théories des étoiles à neutrons et celle de l'effondrement gravitationnel conduisant à la formation d'un trou noir seront construites à la fin des années 1950 et au début des années 1960, remontent à 1939 et on les doit à Robert Oppenheimer. Il s'agit des articles écrits en collaboration avec ses étudiants de l'époque : « On Massive Neutron Cores », avec Georges Volkoff, et « On Continued Gravitational Contraction », avec Hartland Snyder.
Qu'est-ce qu'une étoile à neutrons ? Quelle différence entre ces étoiles et notre Soleil ? Les explications de Roland Lehoucq, astrophysicien au CEA. Une vidéo co-réalisée avec L'Esprit Sorcier. © CEA Recherche
Des pulsars aux magnétars
Il faudra tout de même attendre 1967, avec l'observation d'un premier pulsarpulsar par Jocelyn Bell puis son interprétation en tant qu'étoile à neutrons en rotation par Thomas Gold et Franco Pacini, pour que la communauté des astrophysiciensastrophysiciens soit convaincue de l'existence de ces astres fascinants aux propriétés étranges. Ils sont constitués d'une matièrematière si dense qu'une cuillerée à café pèserait autant qu'une montagne sur Terre. Le champ de gravitationgravitation y est donc si intense qu'il est nécessaire de faire appel à la théorie de la relativité généralerelativité générale pour les décrire et ils sont même des laboratoires permettant de tester d'autres théories relativistes de la gravitation comme, par exemple, celle de la relativité intriquée.
On a découvert depuis quelques années déjà que certaines étoiles à neutrons possèdent des champs magnétiqueschamps magnétiques extraordinairement intenses. On parle donc de magnétarmagnétar pour désigner ces étoiles magnétiques. Une étoile à neutrons ordinaire est déjà fortement magnétisée car l'intensité de son champ magnétique est en moyenne jusqu'à 10 milliards de fois plus intense que celui d'un aimantaimant de réfrigérateur. Mais un magnétar en possède un en général mille fois plus fort.
Les magnétars sont en rotation comme le SoleilSoleil et, comme toutes les étoiles à neutrons, ils possèdent une température de surface élevée. Il peut donc s'y produire des phénomènes similaires à ceux existant à la surface du Soleil avec son plasma magnétique, c'est-à-dire notamment des boucles coronales.
Des étoiles à neutrons avec des boucles coronales ?
Rappelons que les boucles coronales, de même que les taches solairestaches solaires, sont fortement liées au champ magnétique solaire et constituent des régions actives du Soleil où les phénomènes éruptifséruptifs se déroulent le plus fréquemment avec des lignes de champs magnétiques intenses et dynamiques pouvant stocker beaucoup d'énergieénergie avant de la libérer.
Toutefois, la surface d'une étoile à neutrons est censée être largement solidesolide et constituée de noyaux de fer alors que son intérieur est de plus en plus dominé par des neutrons tassés les uns sur les autres au fur et à mesure que l'on s'enfonce dans l'étoile, jusqu'à ce que les pressions et les températures conduisent à l'apparition d'un état de la matièreétat de la matière nucléaire encore mal compris et probablement avec la formation d’un quagma.
Toujours est-il que l'on peut tenter de mieux comprendre la structure et l'évolution des étoiles à neutrons de bien des manières, notamment en étudiant leurs émissions en rayons X, et c'est bien ce que font les astrophysiciens avec l'instrument Neutron star Interior Composition Explorer (Nicer)) de la NasaNasa à bord de l'ISSISS.
Nicer leur a permis d'examiner de plus près un magnétar déjà repéré et du nom de SGR 1830-0645 (SGR 1830 en abrégé). Il s'était notamment signalé par une forte éruption en rayons Xrayons X le 10 octobre 2020, repérée depuis l'espace par l'observatoire Neil Gehrels SwiftSwift de la Nasa.
Une présentation de la découverte faite avec le magnétar SGR 1830. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Nasa's Goddard Space Flight Center
De la tectonique des plaques sur une étoile à neutrons ?
SGR 1830 est situé quelque part dans la Voie lactéeVoie lactée en direction de la constellationconstellation de l'Écu de Sobieski (Scutum), une petite constellation qui se trouve juste à l'est de la Queue du Serpent. Comme l'expliquent la vidéo ci-dessus et une publication dans The Astrophysical Journal Letters, le regard de Swift, aussi bien que celui de Nicer, met en évidence une série d'impulsions périodiques dans le domaine des rayons X impliquant que l'étoile à neutrons détectée tourne sur elle-même toutes les 10,4 secondes environ.
Toutefois, toujours à y regarder de plus près, les impulsions se sont révélées triples et finalement doubles. La meilleure manière d'interpréter ces observations est de faire intervenir initialement trois régions particulièrement chaudes et donc brillantes car à des températures dépassant le million de degrés. En fait, la théorie au sujet de ces régions, c'est qu'il s'agit des équivalents des taches solaires et des pieds des boucles coronales du Soleil. Deux d'entre elles se seraient déplacées pour finir par fusionner, faisant passer de trois à deux ces régions particulièrement brillantes. Lors de ces déplacements la croûtecroûte de l'étoile aurait fondu localement et des mouvementsmouvements similaires à ceux de la tectonique des plaquestectonique des plaques sur Terre seraient aussi survenus en interaction avec la dynamique des boucles coronales magnétiques.
Ce qui est certain, c'est que pour la première fois on voit l'évolution de sortes de « taches solaires » à la surface d'une étoile à neutrons.
L’explosion des étoiles très massives en supernovae gravitationnelles enrichit le milieu interstellaire avec les éléments chimiques synthétisés par fusion nucléaire, tout en donnant naissance à une étoile à neutrons ou à un trou noir par effondrement du cœur de l’étoile. La transition entre l’effondrement du cœur et l’expulsion de l’enveloppe stellaire est un défi pour la compréhension théorique des supernovae. Une expérience hydraulique conçue et réalisée au CEA a permis de reproduire par analogie un des phénomènes d’instabilité hydrodynamique qui facilite l’explosion. Cette approche expérimentale est complémentaire des simulations numériques. Découvrez cette expérience en animation ainsi que des explications détaillées sur l'explosion des supernovae et la formation des étoiles à neutrons. Ce film d’animation a été produit et co-financé par le CEA et l’ERC, et réalisé par le Studio Animéa. Conception scientifique et technique : T. Foglizzo, J. Guilet, G. Durand (CEA). © CEA Recherche