Le James-Webb a tourné son regard infrarouge vers une géante gazeuse en orbite autour d'un système double de naines brunes très proche du Système solaire. Il y a révélé des nuages de sable poussés par des vents à plus de 800 °C dans une atmosphère contenant de l'eau et du méthane !


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    Le James-Webb continue son voyage dans les pas du télescope HubbleHubble dans le but de faire mieux que lui dans plusieurs domaines de l'astronomie, de la cosmologie aux exoplanètes. On attend de lui qu'il dépasse notamment les découvertes de Hubble concernant la composition des atmosphèresatmosphères des exoplanètes. Le chemin est encore long pour l'identification de biosignatures plutôt convaincantes dans l'atmosphère d'une potentielle exoTerre, probablement des décennies comme l'avait expliqué à Futura à plusieurs reprises l'astrophysicien Franck Selsis, membre du CNRS et du Laboratoire d'astrophysique de Bordeaux (LAB).

    Cela passera par l'étude aussi des atmosphères d'exoplanètes qui sont des géantes gazeusesgéantes gazeuses car il s'agit notamment de déterminer si des processus de la physiquephysique et de la chimiechimie des exoplanètes ne peuvent pas mimer des processus chimiques qui, sur Terre, sont souvent associés au vivant. Ainsi, la découverte d'une atmosphère très riche en oxygèneoxygène peut simplement vouloir dire qu'un rayonnement ultravioletultraviolet important a « photo-ionisé » beaucoup de moléculesmolécules d'eau, et pas que cet oxygène est le produit d'organismes photosynthétiques, fussent-ils du type de ceux imaginés par Carl Sagan et Edwin Salpeter dans l’atmosphère d’une géante gazeuse comme JupiterJupiter, voire même de naines brunesnaines brunes.


    En 1995, la détection d’une exoplanète, une planète en orbite autour d’un autre Soleil, ouvre le rêve d’autres mondes à l’Univers tout entier. Combien sommes-nous de planètes habitables, voire habitées dans notre Galaxie : des milliards ou une seule ? De nouvelles techniques d’observation depuis l’espace améliorent la sensibilité. Avec le télescope spatial Kepler, le nombre d’exoplanètes explose. En 2018, on en dénombrait près de 4 000. Partez à la découverte des exoplanètes à travers notre websérie en 9 épisodes. Une vidéo à retrouver chaque semaine sur notre chaîne Youtube. Une playlist proposée par le CEA et l’Université Paris-Saclay dans le cadre du projet de recherche européen H2020 Exoplanets-A. © CEA Recherche

    Un corps de masse planétaire autour de deux naines brunes jeunes

    Le James-Webb peut nous aider en observant des systèmes planétaires proches du Système solaireSystème solaire comme celui de Trappist-1. On a aussi aujourd'hui un exemple prometteur de ce qui nous attend dans un futur proche avec plusieurs communiqués faisant état d'observations assez spectaculaires faites par le James-Webb, et qui concernent le corps planétaire appelé VHS 1256 b.

    Il avait été découvert en 2015 autour d'un système binairesystème binaire, VHS 1256-1257, constitué de deux naines brunes à une distance encore incertaine dans la Voie lactéeVoie lactée mais de seulement 40 à 60 années-lumièreannées-lumière environ du SoleilSoleil, en direction du Corbeau dans l'hémisphère Sudhémisphère Sud, une de la constellationconstellation déjà connue de PtoléméePtolémée, le célèbre astronomeastronome grec du IIe siècle.

    La massemasse de VHS 1256 b est estimée à environ 11 fois la masse de Jupiter et elle boucle en environ 10 000 ans son orbiteorbite autour de VHS 1256-1257. Sa température moyenne est toutefois estimée à environ 830 °C bien qu'elle soit située à plus de 100 fois la distance Terre-Soleil des naines brunes.

    Cela s'explique par le fait que ce système est encore jeune, né il y a environ 150 millions d'années de sorte que la chaleurchaleur libérée par la contraction gravitationnelle de VHS 1256 b lors de sa formation n'a pas encore eu le temps de se dissiper au point de la refroidir significativement.

    En fait, il n'est pas encore clair que VHS 1256 b soit une exoplanète, comme l'expliquent les chercheurs ayant utilisé le James-Webb pour analyser son atmosphère dans un article publié dans The Astrophysical Journal Letters mais en accès libre sur arXiv.

    L'équipe de recherche dirigée par Brittany Miles de l'Université de l'Arizona a utilisé deux instruments connus sous le nom de spectrographes à bord du télescope spatial James-Webb, le spectrographe proche infrarouge (NIRSpec) et un autre, l'instrument pour l'infrarouge moyen (Miri), pour analyser une vaste bande spectrale de lumière, de l'infrarouge proche à moyen, émise par la planète VHS 1256 b. Le spectre a révélé les signatures de nuages ​​de silicates, d'eau, de méthane et de monoxyde de carbone. © Nasa, Esa, CSA, J. Olmsted (STScI), B. Miles (Université d'Arizona), S. Hinkley (Université d'Exeter), B. Biller (Université d'Édimbourg), A. Skemer (Université de Californie, Santa Cruz)
    L'équipe de recherche dirigée par Brittany Miles de l'Université de l'Arizona a utilisé deux instruments connus sous le nom de spectrographes à bord du télescope spatial James-Webb, le spectrographe proche infrarouge (NIRSpec) et un autre, l'instrument pour l'infrarouge moyen (Miri), pour analyser une vaste bande spectrale de lumière, de l'infrarouge proche à moyen, émise par la planète VHS 1256 b. Le spectre a révélé les signatures de nuages ​​de silicates, d'eau, de méthane et de monoxyde de carbone. © Nasa, Esa, CSA, J. Olmsted (STScI), B. Miles (Université d'Arizona), S. Hinkley (Université d'Exeter), B. Biller (Université d'Édimbourg), A. Skemer (Université de Californie, Santa Cruz)

    Une naine brune ou une exoplanète laboratoire ?

    Sa masse est proche de la limite à partir de laquelle on commence à parler d'une naine brune plutôt que d'une géante gazeuse car elle devient capable d'engendrer spontanément des réactions transitoires de fusionfusion thermonucléaire du deutérium. Compte tenu des incertitudes de mesure, les chercheurs préfèrent d'ailleurs dans l'article parler de corps de masse planétaire car on pourrait en fait fort bien être en présence finalement d'un système triple de naines brunes.

    Ce qui semble certain, selon un communiqué du Laboratoire J.-L. Lagrange, de l'Observatoire de la Côte d'Azur et dont certains chercheurs sont impliqués dans le travail publié, c'est que VHS 1256 b « constitue un laboratoire idéal pour disséquer les propriétés physiques et chimiques d'une exoplanète mais aussi potentiellement pour retracer son mécanisme de formation à travers sa composition » et « les nouvelles observations du JWSTJWST, en synergiesynergie avec celles du VLTVLT, fournissent l'empreinte spectrale la plus détaillée d'une exoplanète jamais obtenue. Cette empreinte révèle la présence de molécules clés également identifiées sur Jupiter... Des astronomes ont observé également pour la première fois une signature directe de nuagesnuages de poussière de silicatesilicate dans l'atmosphère d'une exoplanète. Ces nuages de poussière ne se forment pas sur nos planètes joviennesplanètes joviennes, qui sont plus froides, et contribueront à résoudre un débat de longue date sur les mécanismes physiques proposés dans l'atmosphère des jeunes exoplanètes ».

    Le communiqué de la NasaNasa explique lui que, en raison de sa chaleur de formation et de sa rotation sur elle-même en environ 22 heures, VHS 1256 b doit posséder une atmosphère turbulente, convective et très mélangée. Avec ses spectrographesspectrographes, le James-Webb y a détecté le plus grand nombre de molécules en une seule fois pour un corps planétaire en dehors du Système solaire, en l'occurrence et en plus de nuages de silicates des molécules d'eau, de méthane, de monoxyde et de dioxyde de carbonedioxyde de carbone.

    « Nous avons identifié des silicates, mais une meilleure compréhension de la taille et de la forme des grains correspondant à des types spécifiques de nuages va demander beaucoup de travail supplémentaire, explique Brittany Miles, l'astrophysicienne de l'University of Arizona qui a mené l'équipe responsable de ces découvertes. Ce n'est pas le dernier mot sur cette planète - c'est le début d'un effort de modélisationmodélisation à grande échelle pour s'adapter aux données complexes de Webb ».