On connait plus de 5 000 exoplanètes dans la Voie lactée. Leur diversité a surpris les astrophysiciens spécialistes de la cosmogonie planétaire et ils sont aujourd'hui très perplexes devant une géante gazeuse autour d'une naine rouge, TOI-5205 b. Elle n'aurait pas pu se former et pourtant, elle est bien réelle.


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    On a de la peine à croire que cela fait presque déjà 30 ans que la noosphère a découvert sa première exoplanète autour d'une étoile sur la séquence principale, ce qui a valu à ses découvreurs, les Suisses Michel Mayor et Didier Queloz, le prix Nobel de Physique. On avait bien découvert une exoplanète avant eux mais autour d'une étoile morte, un pulsar. Mais, ce qui a surpris les astrophysiciensastrophysiciens, c'est que l'exoplanète révélée en 1995 était une Jupiter chaudeJupiter chaude, c'est-à-dire une géante gazeuse portée à haute température en raison de sa proximité à son Soleil.

    Cela remettait en cause les modèles de formation planétaire développés initialement pour rendre compte des planètes du Système solaireSystème solaire et que l'on pouvait penser en partie au moins universels, même si aucun planétologue n'avait certainement la naïveté de croire vraiment qu'il devait en être ainsi, surtout après la découverte de la diversité imprévue des planètes et luneslunes du Système solaire, diversité dont Jean-Pierre Bibring a souligné l’importance dans son interview pour Futura.

    La cosmogonie du Système solaire faisait naitre les géantes gazeuses que sont Jupiter et SaturneSaturne loin du Soleil dans le disque protoplanétairedisque protoplanétaire, au-delà de la ligne des glaces qui indique le début d'une région où des particules glacées peuvent exister, que ces glaces soient d'eau (H2O) ou encore plus loin, de monoxyde de carbonemonoxyde de carbone (CO).

    Des exoplanètes qui migrent

    Dans le scénario moderne, qui vaut également pour UranusUranus et NeptuneNeptune, au-delà de cette ligne des glaces (que l'on peut considérer comme double), de grandes quantités de poussières silicatées, entourées de gangue de glace, se sont accrétées pour former un corps rocheux et glacé contenant environ 10 fois la massemasse de la Terre. En arrivant à ce point au cours des premiers millions d'années de l'existence du Système solaire, alors qu'il existe encore beaucoup de gazgaz dans le disque protoplanétaire, celui-ci s'effondre gravitationnellement brusquement autour de ces embryonsembryons planétaires de type super-Terresuper-Terre, les enveloppant en particulier pour Jupiter et Saturne d'une énorme enveloppe de gaz.

    Pour rendre compte des nombreuses Jupiters chaudes que l'on allait ensuite découvrir après Mayor et Queloz, il a donc fallu modifier le scénario standard en faisant jouer un rôle important à la migration planétaire. En effet, ces exoplanètes étaient donc aussi surprenantes que si l'on avait découvert Jupiter plus proche du Soleil que MercureMercure alors que la théorie de sa formation exige qu'elle naisse au-delà de l'orbiteorbite de Mars.

    Les planétologues sont aujourd'hui tout aussi perplexes avec la découverte de TOI-5205 b que l'astronomeastronome Shubham Kanodia de Carnegie Institution de Washington vient d'annoncer avec ses collègues via un article dans The Astronomical Journal que l'on peut aussi consulter en accès libre sur arXiv.

    Comme son nom l'indique, l'exoplanète a été découverte initialement avec le Transiting Exoplanet Survey Satellite (TESS), même s'il a fallu une confirmation par des observations au sol.

    Une naine rouge seulement quatre fois plus grande que Jupiter

    Le TessTess Object of Interest 5205 b est à nouveau une géante gazeuse et il est en orbite autour d'une naine rouge sur la séquence principale de type M. Ce genre de naine est la composante dominante des étoiles dans la Voie lactéeVoie lactée, elles sont moins chaudes que le Soleil, d'environ 50 %, et elles peuvent vivre plus longtemps, des dizaines voire des centaines de milliards d'années au moins.

    « L'étoile hôte, TOI-5205, est à peu près quatre fois plus grande que Jupiter, mais elle a réussi à former une planète de la taille de Jupiter, ce qui est assez surprenant ! » explique Kanodia dans un communiqué de la Carnegie Institution.

    En effet, il faut savoir que, bien que les naines rougesnaines rouges hébergent plus de planètes en moyenne que d'autres types d'étoiles plus massives, la théorie de formation de ces étoiles et de leur cortège planétaire en font des candidates peu plausibles pour arborer des géantes gazeuses.

    Vue d'artiste d'une grande planète géante gazeuse en orbite autour d'une petite étoile naine rouge appelée TOI-5205. © Image de Katherine Cain, avec l'aimable autorisation de la <em>Carnegie Institution for Science</em>.
    Vue d'artiste d'une grande planète géante gazeuse en orbite autour d'une petite étoile naine rouge appelée TOI-5205. © Image de Katherine Cain, avec l'aimable autorisation de la Carnegie Institution for Science.

    Kanodia précise à ce sujet que « l'existence de TOI-5205b élargit notre conception des disques dans lesquels ces planètes sont nées. Au début, s'il n'y a pas assez de matériaumatériau rocheux dans le disque pour former le noyau initial, alors on ne peut pas former une planète géante gazeuseplanète géante gazeuse. Et à la fin, si le disque se dissipe avant que le noyau massif ne soit formé, alors on ne peut pas former une planète géante gazeuse. Et pourtant, TOI-5205 b s'est formé malgré ces contraintes. Sur la base de notre compréhension actuelle nominale de la formation des planètes, TOI-5205b ne devrait pas exister ; c'est une planète "interdite».

    Une fois de plus, on ne peut s'empêcher de penser à cette célèbre phrase de l'Hamlet de Shakespeare : « Il y a plus de choses au Ciel et sur la Terre, Horatio, que n'en rêve votre philosophie » .