Des galaxies, des amas, des gaz et des poussières. C’est ce qui compose l’objet découvert par des chercheurs dans le ciel. Un objet gigantesque. Un croissant de quelque 3,3 milliards d’années-lumière de long. De quoi remettre en question quelques hypothèses élémentaires de la cosmologie.


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    Un « Arc géant ». C'est ce que des astronomes de l’université du Lancashire central (Royaume-Uni) pensent avoir découvert. S'il était visible dans notre ciel, il se présenterait sous la forme d'un croissant qui mesurerait environ vingt fois le diamètre de la pleine Lune. Car, même s'il se situe à plus de 9,2 milliards d'années-lumièreannées-lumière de la Terre, il s'étend sur pas moins de 3,3 milliards d'années-lumière. Et il est composé d'une cinquantaine de galaxiesgalaxies alignées, d'amas et de pas mal de gazgaz et de poussière.

    La découverte a été faite de manière fortuite, alors que les chercheurs étudiaient les caractéristiques de la lumière nous arrivant de plusieurs dizaines de milliers de quasars. Ces galaxies sont tellement éloignées de nous qu'elles apparaissent comme un simple point lumineux. L'objectif des astronomesastronomes, ici, était de déterminer à travers quoi la lumière reçue de ces quasarsquasars était passée avant d'arriver jusqu'à la Terre. Et à quel moment elle a traversé des îlots de matièrematière. Une manière de faire apparaître des objets à faible luminositéluminosité, qui passent par ailleurs inaperçus.

    La découverte de cet « Arc géant » est tellement surprenante que les chercheurs restent prudents. Même si des tests statistiques ont déjà été réalisés. Et qu'il semblerait bien que l'observation de cet alignement gigantesque ne puisse pas seulement être le fait d'une coïncidence. Ou d'une simple volonté de voir des motifs là où il n'y en a parfois pas. Les astronomes évoquent une probabilité de moins de 0,0003 % pour que l'« Arc géant » ne soit pas réel.

    L’<em>« Arc géant »</em> — la figure en forme de sourire, ici au centre de l’image — que pourraient avoir découvert des chercheurs de l’université du Lancashire central (Royaume-Uni) est deux fois plus imposant que le Grand mur de Sloan. Il s’étend sur 1/15 de l’univers observable. © Alexia Lopez, Université du Lancashire central
    L’« Arc géant » — la figure en forme de sourire, ici au centre de l’image — que pourraient avoir découvert des chercheurs de l’université du Lancashire central (Royaume-Uni) est deux fois plus imposant que le Grand mur de Sloan. Il s’étend sur 1/15 de l’univers observable. © Alexia Lopez, Université du Lancashire central

    Le principe cosmologique à la poubelle ?

    Pourquoi les chercheurs parlent-ils d'une découverte surprenante ? Rappelons que le principe cosmologique postule que l'universunivers observable apparaît identique en tout lieu et dans toutes les directions. Les astronomes savent bien que des vides existent entre les galaxies, par exemple. Mais à l'échelle de plusieurs centaines de millions d'années-lumière notre Univers semblait jusqu'à il y a peu, bien homogène et isotropeisotrope. Or de grandes structures du genre de cet « Arc géant » -- le Grand murmur de Sloan, l'Anneau GRB géant ou encore le Mur du pôle sud -- sont venues remettre ce principe en question.

    Presque trois fois plus grand que la limite imposée par les cosmologistes

    « Les cosmologistes considèrent qu'il existe une limite de taille à ce qui est théoriquement viable. Cette limite est aujourd'hui estimée à 1,2 milliard d'années-lumière. Or l'"Arc géant" est presque trois fois plus grand », explique Alexia Lopez, chercheur, dans un communiqué de l’université du Lancashire central. « Le modèle standard de la cosmologie peut-il expliquer ces énormes structures dans l'Univers comme de rares coups de chance ou y a-t-il plus que cela ? »

    Le fait que des structures aussi colossales puissent apparaître dans des coins qui semblent particuliers de l'Univers suggère en effet que la matière n'y est finalement pas répartie uniformément. Ainsi si l'existence de cet « Arc géant » devait se confirmer, ce serait « un très gros problème », commentent ici ou là quelques spécialistes. « Mais il reste très audacieux de dire que le principe cosmologique sera remplacé par autre chose. »


    Record : un filament de quasars de quatre milliards d'années-lumière

    Une équipe internationale d'astronomes a débusqué dans un catalogue récent ce qui semble être le plus grand groupe de quasars connu. S'étendant sur quatre milliards d'années-lumière, cette grande structure est quelque peu problématique pour le modèle cosmologique standardmodèle cosmologique standard, qui repose sur l'hypothèse de l'homogénéité du cosmos observable à grande échelle.

    Article de Laurent SaccoLaurent Sacco paru le 22/01/2013

    Le quasar 3C 273, le plus lumineux jamais observé, apparaît sur ces photographies prises dans le visible par le télescope spatial Hubble. Avec une magnitude apparente (ou relative) de 12,9, 3C 273 est situé à 2,44 milliards d'années-lumière. On voit le jet de matière qu'il émet en bas à droite. © R. C. Thomson, IoA, Cambridge, Royaume-Uni ; C. D. Mackay, IoA, Cambridge, Royaume-Uni ; A. E. Wright, ATNF, Parkes, Australie
    Le quasar 3C 273, le plus lumineux jamais observé, apparaît sur ces photographies prises dans le visible par le télescope spatial Hubble. Avec une magnitude apparente (ou relative) de 12,9, 3C 273 est situé à 2,44 milliards d'années-lumière. On voit le jet de matière qu'il émet en bas à droite. © R. C. Thomson, IoA, Cambridge, Royaume-Uni ; C. D. Mackay, IoA, Cambridge, Royaume-Uni ; A. E. Wright, ATNF, Parkes, Australie

    Les équationséquations de la relativité générale d'EinsteinEinstein forment un système non linéaire de dix équations aux dérivées partielles hyperboliques. Inutile de dire qu'elles sont notoirement difficiles à résoudre. À tel point que c'est en général impossible, sauf si l'on suppose que l'on peut faire certaines hypothèses simplificatrices, souvent en utilisant des symétries présentes dans le système physique étudié.

    Un bon exemple est celui de la théorie des trous noirstrous noirs, où il suffit de demander que la solution des équations d'Einstein décrive une étoileétoile statique, à symétrie sphérique avec un horizon des événementshorizon des événements, pour tomber rapidement sur la solution de Schwarzschild.

     

    Le site Du Big BangBig Bang au vivant est un projet multiplateforme francophone sur la cosmologiecosmologie contemporaine. Hubert ReevesHubert Reeves, Jean-Pierre LuminetJean-Pierre Luminet et d'autres chercheurs y répondent à des questions à l'aide de vidéos. © Groupe ECP, www.dubigbangauvivant.com, YouTubeYouTube

     

    Principe cosmologique et géométrie de l'espace-temps

    Un autre bon exemple est celui de la cosmologie. En partant de l'hypothèse que la distribution de matière et d'énergieénergie est homogène et isotrope dans l'espace, on tombe sur la fameuse famille de solutions de Friedmann-Lemaître-Robertson-Walker. Elle est conforme à ce que l'on appelle le principe cosmologique qui postule que l'univers observable apparaît identique en tout lieu et dans toutes les directions.

    On peut avoir une idée intuitive de ce que représente le problème de chercher à déterminer la géométrie de l'espace-temps en cosmologie en le comparant à celui de chercher la forme de la surface de la Terre en supposant que celle-ci soit lisse et courbée de façon identique pour tous les observateurs à sa surface. On obtient alors une sphère (en réalité un ellipsoïde du fait de sa rotation, mais la courbure n'est pas constante).

    Bien évidemment, on sait que la surface de notre planète est en réalité bosselée et l'équation de la surface qui reproduirait en détail sa vraie géométrie est en fait très compliquée. Toutefois, si l'on se place à une échelle de distance suffisamment importante, par exemple celle du millier de kilomètres, cela n'a plus d'importance et on obtient une bonne description, simple, de la figure de la Terre.

     

    Un fabuleux voyage à travers l'univers observable, de la Terre jusqu'à la sphère de dernière diffusiondiffusion dont nous parviennent aujourd'hui les plus vieux photons de l'univers. Toutes les distances sont à l'échelle et les objets sont représentés avec le plus d'exactitude possible. Voir l'article sur le Tibet pour plus de détails. © DigitalDigital Universe, American Museum of Natural History, YouTube ; musique : Suke Cerulo

     

    Un large quasar group violant une borne de la cosmologie

    Dans le cas de l'univers observable, la situation est similaire. Nous savons que des vides immenses s'étendent entre les galaxies et que les amas de galaxies se rassemblent en filaments. Toutefois, les observations faites concernant la distribution de ces grandes structures, notamment en cartographiant la répartition des quasars, indiquent qu'on peut les considérer comme suffisamment homogènes et isotropes à des échelles supérieures à plusieurs centaines de millions d'années-lumière.

    Or, un groupe d'astronomes mené par des membres de l'University of Central Lancashire (UCLan, Royaume-Uni) vient de publier dans Monthly Notices of the Royal Astronomical Society un article disponible sur arxivarxiv qui jette un pavé dans la mare de la cosmologie standard, puisqu'il entre en conflit avec le principe cosmologique.

    En effet, les chercheurs ont découvert dans le catalogue de quasars DR7QSO, réalisé à partir de campagnes d'observations du Sloan Digital Sky Survey, un groupe de 73 quasars formant une sorte de filament de 1.200 mégaparsecs (Mpc) de long environ, ce qui représente pas loin de 4 milliards d'années-lumière (pour mémoire, la distance entre Andromède et la Voie lactéeVoie lactée est d'environ 0,75 Mpc et la taille des amas de galaxies d'environ 2 à 3 Mpc). On connaissait déjà des large quasar groups (LQGLQG), pour reprendre l'expression anglaise, mais le modèle standardmodèle standard semblait limiter leur taille à 370 Mpc.

    Sur cette carte d'une portion de la voûte céleste, on a représenté une distribution de quasars situés à des distances comparables. Les couleurs indiquent des densités d'autant plus élevées qu'elles sont sombres. Les cercles noirs représentent le <em>large quasar group </em>(LQG) s'étendant sur près de 4 milliards d'années-lumière découvert par les astronomes. Un LQG plus petit est présent, indiqué par les cercles rouges. © <em>University of Central Lancashire</em>
    Sur cette carte d'une portion de la voûte céleste, on a représenté une distribution de quasars situés à des distances comparables. Les couleurs indiquent des densités d'autant plus élevées qu'elles sont sombres. Les cercles noirs représentent le large quasar group (LQG) s'étendant sur près de 4 milliards d'années-lumière découvert par les astronomes. Un LQG plus petit est présent, indiqué par les cercles rouges. © University of Central Lancashire

    Le modèle standard des cosmologistes à revoir ?

    Si plusieurs structures de ce genre existent dans l'univers observable, cela pourrait contraindre les cosmologistes à revoir le modèle standard en utilisant des solutions des équations d'Einstein représentant des univers inhomogènes.

    Il ne faudrait pas en déduire pour autant que le modèle du Big Bang se trouve en difficulté. De telles solutions ont en effet été envisagées pour expliquer l'origine de l'expansion accélérée de l'universexpansion accélérée de l'univers observable sans faire intervenir l'énergie noire. En outre, le rayonnement fossilerayonnement fossile observé par WMap, lui, montre bien que le cosmos observable satisfaisait le principe cosmologique avec une précision époustouflante au début de son histoire.