Il y a quelques semaines, les astronomes ont pensé avoir enfin mis la main sur un trou noir supermassif errant. Trahi qu’il était dans sa fuite par une immense traînée d’étoiles. Mais des chercheurs suggèrent aujourd’hui une explication bien moins exotique…


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    Il y a quelques mois, le télescope spatial Hubble tombait sur une bizarrerie de plus. Une traînée d'étoiles presque aussi longue que notre Voie lactée. Certains ont alors cru avoir enfin débusqué là, les traces d'un trou noir supermassif errant. Un trou noir éjecté du centre de sa galaxie et initiant, dans sa fuite au travers d'un immense nuagenuage de gaz, un épisode de formation d'étoiles. Une hypothèse séduisante. Mais qui s'appuie sur pas mal de circonstances complexes et exceptionnelles.

    Des chercheurs de l'Instituto de Astrofísica de Canarias (IAC, Espagne) avancent aujourd'hui une autre explication. Moins exotiqueexotique, mais plus solidesolide. La traînée d'étoiles observée par Hubble pourrait correspondre tout simplement à une galaxie sans renflement vue par la tranche. Un genre de galaxie assez commun que les astronomesastronomes qualifient de galaxie plate ou mince.

    Une galaxie qui reste intéressante à étudier

    « Les mouvementsmouvements, la taille et la quantité d'étoiles correspondent à ce qui a été observé dans les galaxies de ce type de l'universunivers local », explique Jorge Sanchez Almeida, chercheur à l'IAC, dans un communiqué. Ces caractéristiques correspondent même de manière « très similaire » aux données dont les astronomes disposent pour IC5249, une galaxie plate proche de notre Voie lactée. « C'est un soulagement d'avoir trouvé la solution à ce mystère. Le nouveau scénario proposé est beaucoup plus simple. Dans un sens c'est aussi dommage, car on s'attend à l'existence de trous noirs fuyants, et cela aurait pu être le premier à être observé. »

    Ici, en vue d’artiste, un trou noir supermassif errant donnant naissance à des étoiles dans sa fuite à travers un nuage de gaz. Mais la traînée d’étoiles observée récemment par le télescope spatiale Hubble correspondrait finalement plus à une simple galaxie plate. © Nasa, ESA, Leah Hustak (STScI)
    Ici, en vue d’artiste, un trou noir supermassif errant donnant naissance à des étoiles dans sa fuite à travers un nuage de gaz. Mais la traînée d’étoiles observée récemment par le télescope spatiale Hubble correspondrait finalement plus à une simple galaxie plate. © Nasa, ESA, Leah Hustak (STScI)

    Mais l'objet reste intéressant car il s'agit d'une grande galaxie située à une distance de notre Terre à laquelle les chercheurs observent majoritairement de petites galaxies. De nouvelles observations programmées devraient permettre d'en apprendre un peu plus.


    Hubble révèle une traînée d'étoiles laissée par un trou noir errant

    C'est une nouvelle découverte par sérendipitésérendipité qui vient d'être faite par des astrophysiciensastrophysiciens, en l'occurrence celle d'une traînée d'étoiles derrière un trou noir supermassiftrou noir supermassif éjecté d'une galaxie. C'est le mouvement de cet astreastre compact à travers le milieu intergalactique qui a provoqué cette formation d'étoiles et ce pourrait être la pointe émergée d'un iceberg débusquée par les observations de Hubble.

    Article de Laurent SaccoLaurent Sacco paru le 11/04/2023

    Il n'y a jamais eu autant d'astronomes actifs et autant d'instruments sur Terre ou dans l'espace permettant de faire des découvertes astronomiques mais, remarquablement, de plus en plus de ces découvertes se font non pas en réalisant de nouvelles observations mais aussi en analysant celles déjà faites et qui sont archivées.

    Il y a peu, Pieter van Dokkum de l'Université de Yale à New Haven, Connecticut aux États-Unis, bien connu pour ses travaux sur l’énigme des galaxies ultra-diffuses, avait entrepris avec des collègues de fouiller dans les stratesstrates mémorielles de Hubble à la recherche des amas globulairesamas globulaires entourant une galaxie nainegalaxie naine. Ils ont alors découvert un phénomène étonnant qui a conduit à une publication dans The Astrophysical Journal Letters et que l'on peut consulter en accès libre sur arXiv.

    « C'est par pur hasard que nous sommes tombés dessus, explique Van Dokkum dans un communiqué de la NasaNasaJe venais de parcourir une image de Hubble, puis j'ai remarqué que nous avions une petite structure linéaire. J'ai immédiatement pensé oh, un rayon cosmiquerayon cosmique frappant le détecteur de la caméra CCDCCD et provoquant un artefact d'imagerie linéaire. Lorsque nous avons éliminé les rayons cosmiques, nous avons réalisé qu'elle était toujours là. Cela ne ressemblait à rien de ce que nous avions vu auparavant. »

    Cette photo d'archive du télescope spatial Hubble montre une structure linéaire curieuse qui est si inhabituelle qu'elle a d'abord été rejetée comme un artefact d'imagerie des caméras de Hubble. © Nasa, ESA, Pieter van Dokkum (Yale) ; Traitement d'image : Joseph DePasquale (STScI)
    Cette photo d'archive du télescope spatial Hubble montre une structure linéaire curieuse qui est si inhabituelle qu'elle a d'abord été rejetée comme un artefact d'imagerie des caméras de Hubble. © Nasa, ESA, Pieter van Dokkum (Yale) ; Traitement d'image : Joseph DePasquale (STScI)

    Une triple collision de galaxies ?

    Pour en savoir plus, Pieter van Dokkum et son équipe ont décidé de regarder de quoi il en retournait de plus près en faisant cette fois-ci des mesures spectroscopiques avec les instruments de l'Observatoire W. M. KeckKeck à Hawaï. Les chercheurs ont dû se rendre à l'évidence, ils venaient de découvrir une traînée de jeunes étoiles derrière un trou noir supermassif éjecté d'une galaxie proche si rapidement qu'il pourrait parcourir la distance de la Terre à la LuneLune en quatorze minutes seulement.

    Les mesures effectuées permettent maintenant de dire que le trou noir contient environ 20 millions de massesmasses solaires (celui de la Voie lactée un peu plus de 4 millions) et la traînée d'étoiles derrière lui s'étend sur environ 200 000 années-lumièreannées-lumière, soit presque deux fois le diamètre de notre Galaxie.

    Les astrophysiciens suggèrent le scénario suivant pour expliquer le phénomène. Il y a peut-être moins de 50 millions d'années, une collision galactique s'est produite conduisant deux trous noirs supermassifstrous noirs supermassifs à sédimenter au cœur de la galaxie nouvellement formée par fusionfusion des deux précédentes (rappelons que toutes les grandes galaxies semblent avoir un trou noir supermassif en leur cœur et que l'on observe des collisions triples, bien que rares, de ces galaxies).

    Avant que les trous noirs fusionnent en perdant de l'énergieénergie sous forme d'ondes gravitationnellesondes gravitationnelles, une troisième fusion a eu lieu conduisant le premier trou noir binairebinaire à entrer en interaction gravitationnelle violente avec le troisième trou noir supermassif nouveau venu. Les forces gravitationnellesforces gravitationnelles auraient alors éjecté à une fraction notable de la vitesse de la lumièrevitesse de la lumière le dernier trou noir et peut-être aussi le trou noir binaire car une seconde structure linéaire derrière la galaxie associée à la première se laisse deviner et elle s'étendrait dans la direction opposée à la première.

    Ce serait cohérent avec la conservation de la quantité de mouvementsquantité de mouvements et surtout le fait qu'il ne semble pas y avoir de trace dans les domaines des rayons Xrayons X de trous noirs supermassifs au centre de la galaxie associée. Des observations dans le futur avec ChandraChandra, mais aussi avec le James-Webb, devraient nous en dire plus.

    Du gaz intergalactique comprimé par des ondes de choc

    La traînée d'étoiles jeunes observée serait due au fait qu'en fonçant dans le milieu intergalactique à la façon d'un bateau laissant un sillage, le trou noir supermassif aurait produit des ondes de choc, des équivalents des vaguesvagues d'étraves. En comprimant le gaz intergalactique, elles auraient amorcé l'effondrementeffondrement gravitationnel géniteur des nouvelles étoiles.

    En fait, on connaissait déjà depuis quelque temps des trous noirs supermassifs nomades et comme Futura l'expliquait dans un précédent article, peut-être que 10 % de tous les trous noirs géants sont errants entre les galaxies.

    Reste que le phénomène de création d'étoiles selon une traînée linaire est bel et bien nouveau...


    Une présentation de la découverte faite avec Hubble. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © NASA Goddard