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Le 21 ème siècle pourrait être marqué par un réchauffement compris entre 1,6 et 6°C. L'incertitude est grande. Ce dossier présente les deux causes les plus importantes si l'on excepte celle concernant la consommation d'énergie fossile elle-même.
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Le 21 ème siècle pourrait être marqué par un réchauffement compris entre 1,6 et 6°C. L'incertitude est grande. Ce dossier présente les deux causes les plus importantes si l'on excepte celle concernant la consommation d'énergie fossile elle-même.
Le problème vient de ce que l'utilisation du charbon et du pétrole a produit en même temps deux effets antagonistes via les émissions de gaz à effet de serre et via celle des aérosols.
Les aérosols sont les particules en suspension dans l'atmosphère, à l'exception des particules nuageuses que l'on met dans une classe à part par commodité. L'atmosphère en contient d'énormes quantités, environ 3,3 Gt dont 90% sont d'origine naturelle. Les dimensions sont très variables, grossièrement de 0.002 µm à environ 100 µm de diamètre
Deux familles de mécanismes leur donnent naissance: la mise en suspension de particules existant à la surface par l'intermédiaire du vent (poussières, embruns) et la transformation gaz - particules, c'est-à-dire, en fait, la condensation après d'éventuelles réactions chimiques dans l'atmosphère (aérosols secondaires).
A l'exception des aérosols stratosphériques issus des éruptions volcaniques, les aérosols ont une durée de vie fort courte, en général de l'ordre d'une quinzaine de jours, au bout de ce délai, ils sont entraînés par les précipitations, on dit qu'ils sont lessivés.
En une quinzaine de jours, ils n'ont pas le temps de s'éloigner beaucoup des régions sources, leur répartition est donc très hétérogène. Ceux qui vont le plus loin sont les aérosols d'origine désertique qui, dans le cas des aérosols sahariens peuvent traverser l'Atlantique ou qu'on retrouve en France les jours de Sirocco. La Figure 2 présente une carte de la concentration des aérosols au dessus des océans, obtenue à partir d'observations de satellites. On notera justement la quasi absence d'aérosols dans l'hémisphère Sud et la forte concentration dans l'Atlantique au large du Sahara.
Les aérosols d'origine anthropique et ceux provenant des feux de végétation sont de petites particules. On les repère parfaitement sur la Figure 3 qui présente un paramètre que l'on peut déduire de la dépendance spectrale de la réflexion par les aérosols et qui traduit leur dimension: les plus petites particules correspondent à des aérosols de pollution et on les trouve au voisinage de l'Asie et des pays industrialisés. Sur l'Afrique et le Mexique, les panaches observables correspondent en fait à des feux de forêt ou de savane.
La majorité des aérosols anthropiques proviennent des combustibles fossiles. Ceux ci contiennent du soufre en plus ou moins grande quantité. Le SO2 qui est émis lors de la combustion est oxydé dans l'atmosphère pour former de l'acide sulfurique qui s'associe avec des molécules d'eau pour former de minuscules gouttelettes de quelques dixièmes de µm de diamètre.
L'influence climatique des aérosols s'exerce de plusieurs façons. On parle d'effet direct, indirect et même d'effet semi direct.
Les aérosols diffusent la lumière. Cette diffusion est généralement faible aux grandes longueurs d'ondes de l'émission terrestre, elle est à son maximum pour les longueurs d'ondes du rayonnement solaire. Ils peuvent aussi absorber le rayonnement. Cette absorption dépend de leur composition chimique et de leur taille.
Leur efficacité à diffuser dépend de la surface qu'ils exposent au rayonnement. Pour une masse d'aérosols identique, la surface totale exposée au rayonnement, celle qui fera de l'ombre, augmente quand la dimension des particules diminue car la masse est alors répartie sur un plus grand nombre de particules. Ce sont donc les petites particules qui ont une interaction maximum avec le rayonnement. Comme ce sont les particules d'origine secondaire qui sont les plus petites, ce sont elles qui ont le maximum d'impact. En fait, bien qu'ils soient beaucoup moins nombreux, les aérosols anthropiques qui sont dans ce cas ont, sur le rayonnement solaire, une influence équivalente à celle des aérosols d'origine naturelle.
Leur influence dépend aussi de leur dimension et de leur forme. Beaucoup d'aérosols d'origine minérale ne sont pas sphériques, cela introduit une série d'inconnues supplémentaires qui sont la forme et les paramètres qui la définissent. Quant à leur dimension, elle est très dépendante du type d'aérosols mais de plus, beaucoup d'entre eux grossissent lorsque l'humidité augmente ce qui complique encore le problème.
A partir des inventaires de production de charbon, pétrole et gaz naturel, on a pu établir la production annuelle de CO2 depuis les débuts de l'ère industrielle. En tenant compte, autant que possible, des variations de concentration en soufre de ces combustibles, on a pu établir les émissions annuelles de SO2 et modéliser la production anthropique d'aérosols, leur transport par les vents dominants et leur répartition géographique et temporelle. On a donc pu estimer la variation depuis 1800 du forçage radiatif de ces aérosols anthropiques et leur impact sur l'évolution de la température de la planète.
Du fait de toutes les incertitudes évoquées plus haut (composition, dimensions, répartition), le forçage radiatif des aérosols est beaucoup moins bien estimé que celui des gaz à effet de serre. On considère qu'en 1990, il était négatif et compris entre - 0,25 et - 0,75 W/m2 (pour rappel, le forçage des GES est voisin de 3 W/m2). L'influence sur l'évolution de la température de la planète est évidemment difficile à estimer avec précision mais les simulations montrent clairement que le fait de tenir compte de l'effet des aérosols produits en même temps que le CO2 permet de mieux expliquer le rythme du réchauffement observé.
L'influence des aérosols sur le rayonnement solaire dépend aussi de la nature de la surface au dessus de laquelle ils se trouvent: ils constituent un voile assez fin et réfléchissant. Si ce voile se situe au dessus d'une surface sombre, il augmente nettement la réflectivité de la scène. Par contre, au dessus d'une surface déjà fortement réfléchissante, son influence est faible voire négative si les aérosols sont un peu absorbants.
C'est-à-dire que, dans ce cas, le voile d'aérosols diminue la réflectivité de la scène au lieu de l'augmenter. Pour s'en convaincre, il suffit de penser à ce qui se passerait si on recouvrait une surface noire ou au contraire une surface très blanche avec quelque chose de gris clair. Les aérosols n'ont donc pas beaucoup d'influence directe dans les régions nuageuses ou au dessus de la neige ou encore des régions désertiques qui sont fortement réfléchissantes. Ils peuvent cependant y absorber plus ou moins fortement le rayonnement solaire. Cette absorption donne lieu à ce que l'on appelle l'effet semi direct. L'absorption des aérosols est maximum quand ils contiennent de la suie ce qui est le cas lors des combustions incomplètes.
Puisque de l'énergie supplémentaire y est absorbée, la couche dans laquelle les aérosols sont présents se réchauffe ce qui entraîne la disparition d'éventuels nuages ou leur moindre extension. Dans la mesure où les nuages agissent très fortement sur le rayonnement, il y a là une action potentiellement très puissante des aérosols. On ne sait pas vraiment estimer cet effet.
Les gouttes et les cristaux des nuages se forment toujours par condensation autour de particules de petites dimensions, liquides ou solides. On appelle ces particules des noyaux de condensation. Ce sont, de fait, des aérosols, leur efficacité, en tant que noyau de condensation, dépend de leur composition chimique et de leur taille.
Considérons donc une quantité d'eau qui se condense. Plus les noyaux de condensation sont nombreux, plus nombreuses sont les gouttes et plus elles sont petites. Or la capacité des particules à diffuser ne dépend pas de leur volume mais de la surface qu'elles exposent au rayonnement.
Pour un même volume total, la surface totale de petites sphères est supérieure à celle de grandes sphères ( Comparez la surface d'une sphère de rayon 1m, de volume V = 4πR3/3 et de surface 4πR2 a la surface totale de deux sphères de volume V/2, c'est-à-dire de rayon R/(2)1/3.). Pour une même quantité d'eau condensée, les nuages composés de petites particules diffusent donc plus que ceux qui sont composés de grosses particules. En augmentant, le nombre de noyaux disponibles on augmente ainsi la réflectivité des nuages, ainsi une variation du nombre d'aérosols peut conduire à une variation de l'albédo des nuages et la production d'aérosols anthropiques devrait avoir conduit à une augmentation de l'albédo de la planète par l'intermédiaire de celui des nuages.
On a pu observer des cas dans lesquels le mécanisme jouait de façon très nette, c'est-à-dire que la dimension des particules diminuait bien lorsque le nombre d'aérosols augmentait. Il semble bien, de façon plus générale, que les nuages des régions riches en aérosols soient composés de particules plus petites que ceux des régions pauvres. C'est le cas (voir Figure 6) des nuages des régions continentales par rapport aux nuages des régions maritimes et c'est aussi les cas des nuages de l'Hémisphère Nord nettement plus polluée par rapport à ceux de l'Hémisphère Sud. Le problème, c'est qu'il ne suffit pas de vérifier que le mécanisme fonctionne, il faut encore le quantifier. Le forçage radiatif dû à l'effet indirect des aérosols est donc très difficile à estimer. Il est naturellement négatif; en 2001 dans le dernier rapport du GIEC sur l'état de la science du climat, on le situait quelque part entre 0 et -2 Wm-2
Les gouttes des nuages n'ont pas toutes la même dimension, les plus petites sont celles qui viennent de se former, en général près de la base du nuage, ensuite, elles grossissent par divers processus, en particulier par collisions. Il existe donc au sein d'un même nuage des gouttes assez petites et d'autres nettement plus grosses, trop pour que les mouvements de l'air les maintiennent en suspension, elles tombent donc et grossissent encore pour former des gouttes de pluie.
Les nuages qui ont l'influence radiative la plus importante doivent avoir une grande persistance, les précipitations n'y sont donc pas fortes. Il ne s'agit donc pas de pluie mais de bruine. Les nuages en question sont essentiellement des stratocumulus. Leur durée de vie dépend de l'intensité de ces faibles précipitations qui ont tendance à les assécher. Plus les gouttes sont petites, plus faibles sont ces précipitations et plus la durée de vie de ces nuages augmente. Comme ils ont un albédo élevé, cela a tendance à augmenter l'albédo des régions en question. L'effet indirect des aérosols, en diminuant la dimension des gouttes conduit donc doublement à augmenter l'albédo: d'une part en augmentant leur réflectivité et d'autre part en augmentant leur durée de vie. Ce deuxième effet indirect est encore plus difficile à chiffrer que le premier.