Vingt fois plus efficace sur l'effet de serre que le gaz carbonique, le méthane atmosphérique restait stable depuis 1999. Mais une baisse naturelle et transitoire n'aurait fait que masquer une hausse des émissions produites par l'activité humaine, notamment l'industrie asiatique. C'est que conclut la plus vaste étude jamais menée sur le sujet.

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    Contrairement à celle du dioxyde de carbonedioxyde de carbone (CO2, le gazgaz carbonique), la teneur atmosphérique en méthane a ralenti sa progression dans les années 1990 et s'est stabilisée depuis 1999. Cette observation avait de quoi soulager les esprits, concernant un gaz vingt fois plus efficace que le dioxide de carbone sur l'effet de serreeffet de serre et tenu pour responsable d'un tiers du réchauffement depuis le début de l'ère industriel.

    Mais il faut déchanter : cette stabilité ne résulte que d'une coïncidence. Les émissionsémissions humaines ont effectivement diminué au cours des années 1990, après la fermeture de nombreuses mines de charboncharbon et la réduction du nombre de décharges, et peut-être suite à l'effondrementeffondrement de l'Union soviétique. Mais elles ont recommencé à augmenter à partir de 1999, en particulier avec le développement de l'industrie chinoise et d'autres pays asiatiques. Cette hausse est passée inaperçue car, dans le même temps, est survenue une baisse des émissions naturelles, causée notamment par les sécheressessécheresses successives et l'assèchement de marais..

    Les marais seraient les principaux pourvoyeurs naturels de méthane. Leur raréfaction (qui entraîne de graves dégâts écologiques) aurait masqué l'augmentation des émissions humaines en provenance d'Asie. Crédit : http://www.ornithomedia.com

    Les marais seraient les principaux pourvoyeurs naturels de méthane. Leur raréfaction (qui entraîne de graves dégâts écologiques) aurait masqué l'augmentation des émissions humaines en provenance d'Asie. Crédit : http://www.ornithomedia.com

    Vingt ans de mesures

    Cette conclusion est plus qu'une hypothèse. Elle résulte de près de vingt ans d'enregistrements effectués entre 1984 et 2003 dans 68 stations de mesure du monde, pour la plus grande étude réalisée sur ce sujet et publiée le 28 septembre dans le magazine Nature. En analysant les isotopesisotopes du méthane, qui diffèrent selon que cette moléculemolécule provient des feux de forêts, des marais ou de l'activité humaine, l'équipe a pu reconstituer les lieux des émissions et leurs évolutions dans le temps. « Ces mesures nous permettent de bonnes estimations à l'échelle d'un continent » explique Philippe Bousquet, du Laboratoire des sciences du climatclimat et de l'environnement (CEA, CNRS et Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines), qui a dirigé l'équipe internationale ayant réalisé cette étude.

    Sur la période observée, la planète a perdu 5 % de ses terres humides. Les hommes en ont fait disparaître et des sécheresses ont eu raison du reste. Or, dans les marais, les bactériesbactéries, qui prolifèrent, produisent du méthane. Quant aux sécheresses, elles augmentent aussi le nombre de feux de forêt, qui libèrent du méthane. Mais l'un ne compense pas l'autre. « La grande surprise, souligne Philippe Bousquet, est que la contribution dominante aux émissions naturelles de méthane vient des marais et non des feux de forêt ».

    L'autre conclusion est plutôt inquiétante : la production de méthane par l'activité humaine augmente bel et bien et la compensation par la réduction des zones humideszones humides trouvera peut-être ses limites.