Percer les mécanismes de la pensée. C’est le rêve de tout neuroscientifique. Et, aussi surprenant que cela puisse paraître au néophyte, la carte du cerveau d’une mouche, que des chercheurs viennent de publier, pourrait bien rapprocher un peu ce rêve de la réalité.


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    D'accord, ce n'est qu'une mouche. Une larve de mouche, en plus. Mais tout de même. Pour les neurosciences, c'est une réalisation historique. Parce que les scientifiques voient le cerveau des mouches comme un modèle de cerveaucerveau comparable au nôtre. Et des chercheurs de l'Université Johns Hopkins (États-Unis) et l'Université de Cambridge (Royaume-Uni) viennent de publier une carte détaillée de chacune des connexions neuronales d'une larve de drosophile -- Drosophila melanogaster, comme l'appellent les scientifiques. De quoi espérer enfin comprendre les mécanismes de la pensée. Ou au moins, inspirer de nouvelles architectures d'apprentissage automatique.

    Rappelons que jusqu'alors, seules des cartes de cerveau partielles avaient pu être réalisées. Ou alors des cartes de cerveaux rudimentaires. Ne comptant pas plus de quelques centaines de neuronesneurones. Aujourd'hui, les chercheurs présentent bel et bien la carte la plus complète d’un cerveau d'insecte jamais réalisée : plus de 3 000 neurones et pas moins de 548 000 connexions.

    Du cerveau de la mouche au cerveau humain

    Même avec les technologies modernes, l'opération a demandé plus d'une décennie. Le temps de découper le cerveau de la mouche en milliers d'échantillons de tissus individuels, de les imager par microscopie électronique -- environ une journée par neurone -- puis de reconstruire l'ensemble, neurone par neurone. Imaginez ce que cela pourrait prendre de cartographier le cerveau d'une souris, estimé à un million de fois plus complexe que celui d'une mouche...

    En attendant, les chercheurs observent que les circuits les plus actifs dans le cerveau de la larve de mouche sont ceux en lien avec le centre de l’apprentissage. Avec des caractéristiques rappelant de manière frappante les architectures d'apprentissage automatique les plus puissantes. « Ce que nous avons appris sur le fonctionnement du cerveau des mouches oriente notre compréhension de notre cerveau », explique Joshua Vogelstein, ingénieur en biomédecine, dans un communiqué de l’université Johns Hopkins. « C'est ce que nous voulons comprendre : comment écrire un programme qui mène à un réseau cérébral humain. »


    Ce que cache le cerveau d’une mouche

    Pour les non-initiés, cela ne ressemble pas à autre chose qu'à un arc-en-ciel de fils entremêlés. Mais pour les neurologues, il s'agit là d'un précieux cliché numériquenumérique haute résolutionrésolution du cerveau d'une mouche des fruits. Un cerveau étonnamment complexe.

    Article de Nathalie MayerNathalie Mayer paru le 25/07/2018

    Selon des chercheurs de l’Institut médical Howard Hughes, le cerveau des drosophiles est un peu plus complexe qu’on pouvait le penser. © Studiotouch, Fotolia
    Selon des chercheurs de l’Institut médical Howard Hughes, le cerveau des drosophiles est un peu plus complexe qu’on pouvait le penser. © Studiotouch, Fotolia

    Deux microscopes électroniques à grande vitessevitesse. 7.062 tranches de cerveau. 21 millions d'images. Des scientifiques de l'Institut médical Howard Hughes (États-Unis) nous offrent aujourd'hui l'image la plus détaillée qui soit d'un cerveau de drosophile femelle adulte. Tellement détaillée qu'elle permet de cartographier les circuits du cerveau de la mouche.

    « Ces petits insectes sont capables d'apprendre, de se souvenir. Ils savent distinguer les endroits sûrs des endroits dangereux. Ils ont des séquences élaborées de parade nuptiale et de toilettage », raconte Davi Bock, neuroscientifique. Pourtant, le cerveau d'une mouche ne mesure pas plus que la taille d'une graine de pavot et ne contient que 100.000 neurones.


    Pour cartographier les circuits du cerveau, les scientifiques ont besoin d’images haute résolution. Ici, ils sont parvenus à voir jusqu’au nanomètre, ce qui se cache dans le cerveau d’une mouche. © HHMI Howard Hughes Medical Institute, Youtube

    Plus complexe que prévu

    L'équipe de l'Institut médical Howard Hughes s'est particulièrement intéressée à une région impliquée dans la mémoire et l'apprentissage et à des neurones qualifiés de neurones olfactifs de projection. Selon leurs données, ces neurones sont plus étroitement liés que ce qui était imaginé. Avec des neurones appelés cellules de Kenyon et d'autres neurones encore, ils forment ainsi une structure bien ordonnée.

    « Nous pensons que notre travail pourra nous aider à comprendre comment la mouche associe les odeurs à une récompense ou à une punition, par exemple », explique Davi Bock. Et déjà plus de 20 groupes de recherche se sont saisis des images que son équipe a gracieusement mises à disposition de tous afin de sonder l'esprit de la mouche.


    En bref : une conférence sur l'étonnant cerveau de la mouche

    Comment dort la mouche ? Pourquoi est-elle sujette à l'addictionaddiction à la nicotinenicotine ou l'alcoolalcool ? Quelle est sa stratégie pour calculer ses navigations aériennes ? Ce soir, à l'ESPCI de Paris, Jean-René Martin, neurobiologiste, donne une conférence plutôt originale...

    Article de la rédaction de Futura paru le 12/01/2015

    Membre de l'Équipe Imagerie Cérébrale Fonctionnelle et Comportement, à l'institut de Neurobiologie Alfred Fessard (CNRS), Jean-René Martin s'intéresse à la drosophile en tant que modèle de neurobiologie, avec une approche pluridisciplinaire, de la génétiquegénétique au comportement.

    Ce soir, la conférence donnée à l'École supérieure de physiquephysique et de chimiechimie de Paris (ESPCI ParisTech), présentera des résultats plutôt étonnants de ces travaux, comme en témoigne cette présentation.

    Comment l'activité du cerveau se traduit-elle en comportements bien précis ? Quels sont les neurones responsables de ces comportements ? La mouche drosophile est un excellent organisme modèleorganisme modèle pour répondre à de telles questions. Au cours de cette conférence expérimentale, Jean-René Martin utilisera un système vidéo qui permet d'analyser comment la drosophile se déplace dans l'espace et le temps. Il montrera que la mouche évite le centre d'une arènearène (centrophobie), et organise son parcours de manière très sophistiquée (avec par exemple une temporalité de type fractal). Les structures cérébrales sous-jacentes seront présentées, ainsi que leurs homologies avec les structures cérébrales des mammifères, comme les cellules de lieu.

    D'autres types de comportement seront discutés, comme le sommeilsommeil et les addictions à l’éthanol, la nicotine ou la cocaïne, qui peuvent également être étudiés chez la drosophile à l'aide d'enregistrements vidéo. Bref, vous découvrirez comment une mouche choisit son chemin, organise son temps, ou encore, comment elle dort, ou pourquoi elle se droguedrogue...

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    Lundi 12 janvier 2015 à 18 h 30

    Entrée libre et gratuite

    Amphithéâtre Langevin de l'ESPCI ParisTech

    10, rue Vauquelin, 75005 Paris