C'est une des momies naturelles les plus célèbres de l'histoire. Ötzi, qui a été découvert à 3 210 mètres d'altitude en 1991, continue à faire parler de lui. Plus de 30 ans après cet évènement historique, l'homme vieux de 5 300 ans est toujours au cœur de recherches poussées. Conservé au Musée archéologique du Sud Tyrol à Bolzano, en Italie, son corps a été analysé sous toutes les coutures ces dernières décennies. Dorénavant, les scientifiques veulent en savoir plus sur les conditions de conservation de sa dépouille en haute altitude. Une nouvelle hypothèse vient confronter le discours actuel.


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    Quelle ne fut pas la surprise de ces deux randonneurs marchant à la frontière entre l'Italie et l'Autriche en découvrant de façon fortuite une dépouille prisonnière des glaces ? Ce 19 septembre 1991 marque le début de plus de trente années de recherches à propos de ce mystérieux homme de l'âge du cuivrecuivre. Ce dernier sera au cœur du plus vieux Cold case du monde, puisque les analyses sont claires : il a été assassiné. Ötzi, nom qui lui sera donné par un journaliste, est analysé sous toutes les coutures depuis. Il reste un fabuleux sujet de recherche pour les archéologues bien sûr, et de nombreuses études lui sont dédiées menées par des équipes internationales.

    Mieux comprendre l'environnement d'Ötzi

    L'idée la plus répandue concernant le cadavre d'Ötzi retrouvé dans un ravin, est celle d'un recouvrement rapide par la neige et la glace à la suite de son décès. Cela induit qu'il serait mort à cet endroit précis. Or, pour l'équipe du chercheur Lars Pilø à l'origine d'une étude récente publiée dans Sage Journals, les choses semblent radicalement différentes. Bien que l'on ait retrouvé le corps, ses vêtements et ses objets dispersés en un endroit précis suggérant qu'il s'agissait de la zone de la mort, les scientifiques de cette étude pensent qu'il ne s'agit pas du lieu de décès.

    Voir aussi

    Le mystère d'Ötzi, l'Homme des glaces

    Il faut dire que la découverte en haute altitude a toujours fait figure d'exception dans le monde archéologique, et encore plus dans les années 1990. Cette décennie s'est avérée très propice au développement de l'archéologie en haute altitude grâce à une évolution des équipements de haute montagne, et aux techniques de fouilles dans ces contextes particuliers ; et la montagne est un terrain qui bouge beaucoup, surtout en 5 300 ans.

    Vue du corps de Ötzi au musée archéologique du Sud Tyrol. © <em>South Tyrol Museum of Archaeology</em>, Ochsenreiter
    Vue du corps de Ötzi au musée archéologique du Sud Tyrol. © South Tyrol Museum of Archaeology, Ochsenreiter

    Des conditions de vie et de mort très débattues

    Dès sa découverte, les scientifiques ont beaucoup débattu entre eux par le biais d'études et d'hypothèses pour tenter de brosser le portrait-robotrobot de l'homme des glaces, tant de son vivant que dans tous les aspects qui concernent sa mort et sa conservation naturelle. On sait dorénavant que Ötzi n'a pas été la victime d'un accidentaccident de montagne mais bien d'un meurtre. Que ce dernier, après avoir été touché par une flèche qui a traversé sa claviculeclavicule et son artèreartère sous-clavière, s'est tout simplement vidé de son sang. De plus, il est porteur d'un traumatisme crânientraumatisme crânien. À la suite de l'étude des pollens et graines trouvées dans la momie, le musée archéologique du Sud Tyrol appuie l'hypothèse d'une mort survenue à la fin du printemps ou au début de l'été.

    Le glacier de Similaun où a été découvert Ötzi. © Dario Frasson, <em>South Tyrol Museum of Archaeology</em>
    Le glacier de Similaun où a été découvert Ötzi. © Dario Frasson, South Tyrol Museum of Archaeology

    Un corps et des objets qui auraient glissé

    L'hypothèse de l'équipe de Lars Pilø suggère, au regard de l'analyse du terrain et des épisodes froids de la région, une mort survenue dans une autre zone située encore plus haut, et un cadavre disposé sur une couche de neige. Cette dernière aurait fini par fondre, et elle aurait transporté le corps et ses objets dans le fameux ravin, lieu de découverte en 1991. Un ravin qui a permis au corps de ne pas être écrasé par les mouvementsmouvements des glaciers les siècles suivants. Pour les chercheurs de cette équipe, les 1 500 premières années après la mort, le corps et les objets auraient été exposés à l'airair libre de façon sporadique lors d'épisodes de fontefonte. Ce qui va à l'encontre de l'idée d'une conservation du corps facilitée par la protection d'une « prison de glace » qui n'a fondu qu'en 1991.

    Des chances de trouver d'autres corps

    Pour l'équipe à l'origine de l'article publié récemment, Ötzi, qui est présenté depuis plus de 30 ans comme une exception, pourrait ouvrir la voie à la découverte de futurs corps ayant bénéficié de conditions similaires dans cette région. Il faut dire que d'autres artéfacts archéologiques très anciens ont été retrouvés dans la vallée et en altitude, comme des chaussures faites de matièrematière végétale. Sans oublier que, sur certains glaciers de la région de Trente, on retrouve les corps momifiés naturellement des soldats morts sur le front alpin durant la Guerre blanche au cours de la Première Guerre mondiale. Sans oublier l'affaire Schnidi, cet individu du Néolithique dont on a retrouvé les objets mais pas le corps, et qui fait l'objet d'une recherche archéologique poussée en Suisse depuis plusieurs années.

    Est-ce que les arguments de l'équipe de Lars Pilø feront consensus chez les spécialistes de l'homme de glace ? Un débat qui aura lieu par échange de publications, et possiblement lors du prochain World Congress on Mummy Studies, le congrès des spécialistes des momies, dont le dernier s'est déroulé à Bolzano en hommage à l'anniversaire de découverte d'Ötzi. Une occasion de déterminer si le consensus quant à la destinée du corps de l'homme de glace évolue en comparaison avec les discours actuels ou si cette nouvelle hypothèse s'avère réfutée. Toujours est-il que la fonte des glaces de plus en plus marquée sera à l'origine de nouvelles découvertes de traces du passé.

    Juliette Cazes vous emmène au World Congress on mummy studies à Bolzano qui s'est tenu en septembre 2022. L'occasion de rencontrer Otzi, la momie des glaces ? © Le Bizarreum 


     Momie d'Otzi, l'homme des glaces. © Crédit image inconnu.
     Momie d'Otzi, l'homme des glaces. © Crédit image inconnu.

    Ötzi, l'homme des glaces, est mort assassiné

    Le mystère qui entourait la mort d'Ötzi, un homme ayant vécu voici 5100 à 5350 ans et dont la dépouille avait été découverte à 3200 mètres d'altitude dans le massif des Dolomites italiennes, vient d'être élucidé. Il serait décédé suite à une hémorragie provoquée par une blessure par flèche à l'épaule gauche, qui aurait sectionné une artère.

    Article de Jean Étienne, publié le 14 juin 2007

    Ce sont des progrès réalisés en tomographietomographie informatisée qui ont permis à une équipe de scientifiques de Suisse et d'Italie de percer le mystère. Une pointe de flèche en silex taillé avait déjà été retrouvée dans son dosdos, démontrant qu'il avait été attaqué par derrière, peut-être alors qu'il tentait de s'enfuir. Mais l'examen ultérieur a permis de découvrir que l'artère sous-clavière avait été sectionnée sur 13 cm et que le sang s'était répandu dans les tissus environnants, formant un important hématome. Ses mains comportaient aussi de multiples coupures et étaient recouvertes de sang, et il n'est pas exclu qu'il ait tenté de retirer lui-même le projectile.

    Radiographie montrant la pointe de silex dans le flanc d'Ötzi. © Crédit Université de Zurich
    Radiographie montrant la pointe de silex dans le flanc d'Ötzi. © Crédit Université de Zurich

    "Nous pouvons conclure que la flèche a porté un coup mortel à Ötzi et que celui-ci n'a pas pu marcher longtemps après cette blessure", précise le Dr Frank Ruhli de l'Université de Zurich.

    Projectile retiré du corps d'Ötzi. Crédit Université de Zurich
    Projectile retiré du corps d'Ötzi. Crédit Université de Zurich

    Ötzi avait été découvert en 1991 par des alpinistes allemands, dans un excellent état de conservation favorisé par le climat. Il portait divers vêtements répartis en trois couches : un pagne, une veste en peau de cerf, et une cape en fibres végétales. Il transportait aussi un petit sac comprenant un nécessaire à feufeu formé de quelques pierres de silex et d'un peu d'amadou. A ses côtés figuraient un arc, des flèches, une hache, et un couteau placé dans un fourreau fait de tissu de fibres d'orties, ainsi que des morceaux de champignons séchés enfilés sur une lanière en cuir, peut-être une médication.

    Son corps avait fait l'objet de nombreux examens pour tenter de mieux appréhender le mode de vie et d'alimentation de cette époque, et l'étude de l'ADNADN de l'intérieur de son estomacestomac a permis de déterminer que son dernier repas avait été constitué de céréales, de viande de cerf et de bouquetin. Sa peau était marquée de 15 groupes de tatouages composés de traits obtenus au moyen de noir de fumée, dont étrangement 9 se situent le long de points d'acupunctureacupuncture chinoise. Cependant ce fait est souvent considéré comme une simple coïncidence.

    Enfin, Ötzi était âgé de 49 ans, et mesurait 1,59 mètre pour un poids de 40 kgkg.