La version upgradée de la simulation Illustris réalisée sur un superordinateur a produit de nouveaux aperçus sur la façon dont les trous noirs supermassifs influencent l'origine, la structure et l'évolution chimique des galaxies.

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    Une équipe internationale d'astrophysiciensastrophysiciens, notamment des instituts Max-PlanckPlanck d'astronomie (MPIA, Heidelberg) et d'astrophysique (MPA, Garching) mais aussi du MIT, vient de publier plusieurs articles disponibles sur arXiv faisant état des nouveaux résultats qui ont été obtenus à l'aide d'une simulation numériquesimulation numérique améliorée concernant la formation et l'évolution des galaxies.

    Appelée Illustris-The Next Generation (Illustris TNG), elle pousse un cran plus loin la simulation Illustris réalisée il y a quelques années et qui constituait déjà une prouesse technique. Les numériciens sont ainsi passés en quatre ans de calculs portant sur un cube de 350 millions d'années-lumière de côté à des calculs portant sur un cube d'un milliard d'années-lumière. Les algorithmes utilisés ont été implémentés sur le supercalculateursupercalculateur Hazel Hen, un Cray du High-Performance Computing Center (HLRS) de l'université de Stuttgart capable de faire des calculs en parallèle. Ceux-ci ont duré deux mois et ont produit plus de 500 téraoctets de données à analyser.


    En bleu-violet, ces images de la simulation Illustris TNG montrent des régions de faibles intensités de champs magnétiques le long des filaments de la toile cosmique, tandis que l'orange et le blanc indiquent des régions avec des champs magnétiques significativement plus intenses à l'intérieur des galaxies. La région affichée provient de la simulation TNG100 et a une largeur de 10 mégaparsecs. © TheHITSters, Кот Волос

    L'origine des champs magnétiques galactiques

    Comme précédemment, il s'agissait non seulement de simuler l'effondrementeffondrement de la matière noirematière noire depuis la période des âges sombresâges sombres jusqu'à aujourd'hui, sa structuration en galaxies et amas de galaxies rassemblés en filaments, mais aussi et surtout l'évolution couplée de la matière baryonique et sa rétroactionrétroaction sur la matière noire, ce qui est nettement plus rare et difficile à obtenir dans les modèles numériquesmodèles numériques étudiés depuis quelques décennies en cosmologie. Les astrophysiciens ont en effet tenu compte avec finesse de l'effet du rayonnement des astresastres sur la matière baryonique, qu'il soit produit par des étoilesétoiles ou des trous noirs supermassifstrous noirs supermassifs accrétant du gazgaz au point de parfois devenir des quasars. La production par nucléosynthèsenucléosynthèse et la dissémination des éléments par les supernovae aussi bien de type Ia que II ont également été prises en compte, laquelle influe sur l'évolution de la formation stellaire.

    Les chercheurs ont été particulièrement intéressés par les processus de magnétohydrodynamique dans les plasmas turbulents à l'intérieur des galaxies car cela leur a permis de reproduire naturellement, par un effet dynamo similaire à celui connu au cœur de la Terre et du SoleilSoleil, la genèse et les caractéristiques des champs magnétiqueschamps magnétiques observés dans les galaxies et qui restaient un peu mal comprises.


    Un extrait de la simulation Illustris TNG montrant la croissance des galaxies par fusion. © TheHITSters

    Tout aussi intéressants pour eux, et même plus, ont été les résultats obtenus montrant comment le souffle des ventsvents de matière pouvant atteindre 10 % de la vitesse de la lumièrevitesse de la lumière produit par l'accrétionaccrétion des trous noirs supermassifs pouvait stopper la formation des nouvelles étoiles dans les grandes galaxies elliptiquesgalaxies elliptiques en les dépouillant de leur gaz, éjecté dans le milieu intergalactique.

    La croissance et la structuration des galaxies et des amas de galaxies étaient en très bon accord également avec les observations du fameux Sloan Digital Sky Survey. Les interactions entre galaxies qui conduisent parfois à leur fusionfusion et qui contribuent à leur croissance doivent aussi produire des courants de maréemarée d'étoiles autour des galaxies formant un halo diffusdiffus difficilement observable. Illustris TNG a donné des prédictions claires des caractéristiques de ces halos qui devraient aider à leur recherche.


    En vidéo : Illustris, la très réaliste simulation d’un bout d’univers

    Article de Xavier DemeersmanXavier Demeersman, publié le 19/05/2014

    Après cinq années de réflexion et de développement, dont trois mois de calculs intensifs, le projet Illustris partage ses travaux de simulation d'un échantillon de notre universunivers en évolution durant 13,8 milliards d'années. Avec une précision inégalée, on découvre les transformations de la matière quelque 12 millions d'années après le Big BangBig Bang jusqu'à nos jours. Stupéfiant !

    Mark Vogelsberger (MIT et Harvard-Smithsonian Center for Astrophysics) et toute l'équipe du projet Illustris ont présenté dans la revue Nature leur impressionnante simulation numérique de l'évolution d'un échantillon du cosmoscosmos. Une merveille de calcul dont l'ambition est de rejouer le plus fidèlement possible au sein d'un petit cube de 350 millions d'années-lumière de côté tous les processus qui ont transformé notre univers au fil des 13,8 milliards d'années écoulées (la simulation commence 12 millions d'années seulement après le Big Bang).

    Pour obtenir ce magnifique résultat, il aura fallu aux 8.192 cœurs du supercalculateur travailler non-stop durant trois mois afin de modéliser une parcelle d'univers. Pour relever semblable défi, un simple ordinateurordinateur domestique aurait besoin de 2.000 ans ! L'algorithme Acepo a ainsi réclamé cinq années de développement (plus de 100.000 lignes de code) pour rendre cette simulation la plus réaliste possible. « Jusqu'à présent, aucune simulation n'était capable de reproduire l'univers simultanément à petite et grande échelle », commente le principal initiateur du projet.


    C’est la plus belle simulation d’un bout d’univers à ce jour : Illustris montre l’évolution d’un cube de 350 millions d’années-lumière sur la presque-totalité de son histoire. © Illustris Collaboration, YouTube

    Matière noire et matière ordinaire dans un univers simulé

    Programmeurs et scientifiques d'Illustris ont ainsi tenu à représenter toutes les interactions hydrodynamiques de la matière. Aussi, pour s'approcher au plus près des « saveurs » observées dans les sondages des confins de l'univers du télescope spatial Hubbletélescope spatial Hubble, les chercheurs ont-ils mélangé les ingrédients essentiels : l'énigmatique et abondante matière noire -- dont la recette demeure inconnue -- et plusieurs cuillerées de matière plus ordinaire (paradoxalement plus rare) dont nous sommes, par ailleurs, constitués. Cela inclut donc toutes les transmutationstransmutations physicochimiques à l'œuvre depuis l'aubeaube de l'univers telles que les nuagesnuages moléculaires, usines stellaires qui produisent des éléments de plus en plus lourds (métallicitémétallicité) au fil des générations.

    Les cosmologistes peuvent ainsi étudier la distribution de tous ces fermentsferments au fil du processus. S'illustrent aussi les influentes étoiles massives, les supernovaesupernovae et les trous noirs supermassifs tapis au cœur de leur galaxie hôte. Au total, ce sont quelque 12 milliards d'éléments ou particules en trois dimensions qui interagissent au sein d'un petit échantillon d'univers (large de seulement 350 millions d'années-lumière). Les plus petits d'entre eux ne s'étendent que sur 150 années-lumière. Jamais, dans toutes les simulations réalisées, une telle résolutionrésolution n'a été atteinte.

    Sur ces quatre panneaux, on découvre les détails extraits de la simulation d’une même région (large de 24.400 années-lumière), affichée ici selon des paramètres différents : luminosité des étoiles en haut à gauche, densité des gaz en haut à droite, température en bas à gauche et métallicité de la matière (éléments plus lourds que l’hydrogène et l’hélium) en bas à droite. © <em>Illustris Collaboration</em>

    Sur ces quatre panneaux, on découvre les détails extraits de la simulation d’une même région (large de 24.400 années-lumière), affichée ici selon des paramètres différents : luminosité des étoiles en haut à gauche, densité des gaz en haut à droite, température en bas à gauche et métallicité de la matière (éléments plus lourds que l’hydrogène et l’hélium) en bas à droite. © Illustris Collaboration

    Petit coin d’univers illustré

    Au terme de cette séquence couvrant près de 13,8 milliards d'années, on dénombre plus de 41.000 galaxies de toutes tailles. Le bestiaire tout entier y figure (séquence de Hubble), des galaxies elliptiques, des spirales comme la nôtre, la Voie lactée et des myriadesmyriades de galaxies nainesgalaxies naines. À plus grande échelle, on retrouve les amas et superamas galactiques dans leurs danses cosmologiques. En reculant davantage, on reconnaît les structures en filaments tissant la grande toile cosmique bordée ou bordant de grandes poches de vide. « Illustris est comme une machine à remonter le temps , souligne Shy Genel, qui a participé à cette grande aventure réunissant plusieurs centres de recherche et institutions comme l'institut Heidelberg. On peut aller dans le futur ou le passé. On peut faire une pause et agrandir une galaxie en particulier ou un amas de galaxies pour voir ce qui s'y passe. »

    Au fil de la simulation, il apparaît que la distribution des acteurs dans l'espace-tempsespace-temps corrobore les observations menées dans différentes longueurs d'ondelongueurs d'onde ces dernières années. Bien que toutes les prédictions ne collent pas avec le réel constaté, Illustris représente un superbe outil, perfectible bien sûr, pour appréhender le cosmos. Pour vous égarer dans une parcelle d'univers simulée, vous pouvez vous rendre dans la matrice The Explorer.