L'accrétion de matière par un trou noir supermassif génère un champ magnétique. On cherchait à le mesurer autour du trou noir central de la Voie lactée à l'aide d'un pulsar depuis 20 ans. Voilà qui est fait, grâce à des chercheurs ayant récemment étudié PSR J1745-2900. De quoi mieux comprendre les quasars.

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    Cette image d'artiste montre, en bas à droite du trou noir supermassif au centre de la Voie lactée, le pulsar PSR J1745-2900. Il doit être situé à environ une demi-année-lumière du trou noir central, loin du disque d'accrétion en forme de tore contenant de la poussière et du plasma. Dans ce disque, des phénomènes magnétohydrodynamiques engendrent un puissant champ magnétique dont les lignes de champs sont représentées en bleu. © Bill Saxton, NRAO-AUI-NSF

    Cette image d'artiste montre, en bas à droite du trou noir supermassif au centre de la Voie lactée, le pulsar PSR J1745-2900. Il doit être situé à environ une demi-année-lumière du trou noir central, loin du disque d'accrétion en forme de tore contenant de la poussière et du plasma. Dans ce disque, des phénomènes magnétohydrodynamiques engendrent un puissant champ magnétique dont les lignes de champs sont représentées en bleu. © Bill Saxton, NRAO-AUI-NSF

    Tout comme les autres grandes galaxies, notre Voie lactée possède un trou noir supermassif central. On le désigne souvent du nom de la radiosource qui le caractérise et que l'on a découverte en premier, à savoir Sagittarius A*Sagittarius A* (Sgr A*). Cette émission radio est associée soit à de la matière en cours d'accrétion autour du trou noirtrou noir central, soit à un jet de particules relativistes émis par ce trou noir équivalent à environ 4 millions de massesmasses solaires.

    Les astrophysiciens relativistes s'intéressent beaucoup à Sagittarius A* car c'est le trou noir supermassiftrou noir supermassif le plus proche de nous. Il s'agit non seulement d'un laboratoire pour tester les effets de la relativité généralerelativité générale lorsque le champ de gravitationgravitation est important, mais aussi d'un outil de compréhension des mécanismes à l'origine du formidable rayonnement des quasars. On pense que ce rayonnement provient de l'accrétion de grandes quantités de matière par un trou noir supermassif de Kerr en rotation. De vastes et puissants champs magnétiqueschamps magnétiques doivent être associés à l'accrétion de cette matière qui produit un véritable plasma.

    Pour tenter de sonder le champ de gravitation autour de l'horizon des événementshorizon des événements de Sgr A*, les astrophysiciensastrophysiciens cherchaient à détecter la présence d'un pulsarpulsar proche de celui-ci depuis environ 20 ans. L'émission périodique d'ondes radio par pulsar constitue une remarquable horloge sensible aux propriétés du champ de gravitation aux abords d'un trou noir. En bonus, cette émission radio est fortement polarisée, ce qui veut dire que l'on peut aussi s'en servir pour sonder le champ magnétique associé au gazgaz ionisé présent dans le disque d'accrétiondisque d'accrétion d'un trou noir.

    Un pulsar comme sonde des champs magnétiques et de gravitation

    Il y a environ 40 ans, le radiotélescoperadiotélescope d'Effelsberg est entré en service avec pour objectif, dès le début, d'observer les émissions radio du centre de la galaxie. Avec un diamètre de 100 m, il a longtemps été le plus grand télescopetélescope orientable du monde, jusqu'à l'ouverture du radiotélescope de Green Bank en Virginie-Occidentale aux États-Unis. On l'a utilisé pour tester la théorie des cordes, mais aussi pour faire équipe avec RadioAstron. Tout récemment, il a observé de plus près un pulsar nommé PSR J1745-2900 : il s'agissait précisément de l'astreastre tant recherché par les astronomesastronomes au voisinage du trou noir central de la Voie lactée.

    Le radiotélescope d'Effelsberg, en Allemagne, vu de nuit. Avec son diamètre de 100 m, il est l’un des grands télescopes orientables du monde. © Paul Jansen

    Le radiotélescope d'Effelsberg, en Allemagne, vu de nuit. Avec son diamètre de 100 m, il est l’un des grands télescopes orientables du monde. © Paul Jansen

    Tout a commencé par la détection, au voisinage de Sagittarius A*, d'un flashflash puissant de rayons Xrayons X par le satellite SwiftSwift. Les observations suivantes du satellite Nustar ont rapidement montré que ce flash était associé à des émissions périodiques moins intenses, d'une période de 3,76 secondes dans le même domaine du spectrespectre électromagnétique. Le radiotélescope d'Effelsberg a alors permis de démontrer sans l'ombre d'un doute que l'on était en présence d'un pulsar, et même d'un magnétar.

    Cette découverte a déclenché un programme complet d'études avec d'autres radiotélescopes, dont celui de Nançay en France. L'importance de ces observations a justifié la publication d'un article dans Nature, en accès libre sur arxiv. En effet, les astrophysiciens expliquent qu'ils ont enfin pu confirmer l'existence d'un champ magnétique autour du trou noir central de la Voie lactée et mesurer son intensité.

    Le champ magnétique de Sagittarius A* révélé par l'effet Faraday

    Pour cela, ils ont fait appel à une technique bien connue en astrophysiqueastrophysique, reposant sur l'effet Faraday. Comme exposé précédemment, PSR J1745-2900 constitue une excellente source d'émissions radio polarisées. On peut déterminer les caractéristiques de cette polarisation en mesurant différentes parties du spectre des ondes émises. Or, lorsque ces ondes traversent une région contenant du plasma et où règne un champ électromagnétiquechamp électromagnétique, leur polarisation change en fonction de l'intensité de ce champ magnétique.

    Par chance, les émissions de PSR J1745-2900 traversent un nuagenuage de gaz ionisé situé à environ 150 années-lumièreannées-lumière du trou noir central de la Voie lactée. L'effet Faradayeffet Faraday permet donc à des observateurs situés dans le Système solaireSystème solaire de mesurer le champ magnétique régnant dans cette région, bien qu'elle soit relativement éloignée du trou noir central. Son intensité loin du trou noir est prédite par les théories concernant ce qui se passe dans le disque d'accrétion bien plus proche de l'horizon du trou noir. Les mesures ont montré que théorie et observations concordaient.

    On dispose donc maintenant d'un nouvel outil, via la mesure de champs magnétiques, pour tester les modèles décrivant la façon dont la matière s'accrète autour d'un trou noir supermassif, y génère du plasma et finalement des émissions dans le domaine des ondes radio et même des rayons X. Les chercheurs devraient obtenir d'autres contraintes dans l'avenir, car les mouvementsmouvements de PSR J1745-2900 autour de Sagittarius A* permettraient de mesurer d'autres valeurs de l'intensité du champ magnétique autour de notre trou noir supermassif.