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    Nous sommes désormais convaincus de ne connaître qu'une partie infime de l'univers. Ainsi, les galaxies, notamment la Voie lactée, apparaissent baigner dans un halo de matière noirematière noire.

    Déjà, en 1933, Fritz Zwicky remarquait que les galaxies à l'intérieur d'amas (comme les amas de VirgoVirgo, ComaComa, etc.) étaient agitées de grandes vitesses, beaucoup trop élevées pour que la masse visible de l'amas puisse les retenir par la gravitégravité. L'astrophysicienastrophysicien en concluait à l'existence de masse invisible, donc de matière noire.

    Centaurus A, une galaxie lenticulaire. © <em>ESO/WFI (Optical) MPIfR/ESO/APEX/A.Weiss et al. (Submillimetre) ; NASA/CXC/CfA/R.Kraft et al. (X-ray)</em>, CC by 4.0

    Centaurus A, une galaxie lenticulaire. © ESO/WFI (Optical) MPIfR/ESO/APEX/A.Weiss et al. (Submillimetre) ; NASA/CXC/CfA/R.Kraft et al. (X-ray), CC by 4.0

    La masse manquante était néanmoins considérée comme faite de matière ordinaire, d'atomesatomes que nous connaissons bien, soit sous forme de gazgaz d'hydrogènehydrogène, soit sous forme d'objets condensés, comme des étoilesétoiles en fin de vie, ou des naines brunesnaines brunes, etc.

    Des galaxies dans un halo de matière noire

    Dans les années 1970, la mesure exacte de la rotation des étoiles et du gaz dans les galaxies spiralesgalaxies spirales a mis en évidence l'existence de masse manquante au sein des galaxies, qui apparaissent ainsi baigner dans un halo de matière noire.

    En 1984, Blumenthal et ses collaborateurs sont allés plus loin : pour former les galaxies à partir des fluctuations primordiales infimes, la matière ordinaire ne suffit pas. Il est nécessaire de supposer l'existence de matière exotiqueexotique, faite de particules sans collision, qui n'interagissent directement ni avec la matière ordinaire, ni avec les photonsphotons, mais seulement par l'intermédiaire de la gravité. Ce sont les bases du modèle standardmodèle standard de matière noire froide ou CDM (cold dark matter).

    Courbe de rotation dans une galaxie spirale typique, ici la Voie lactée. La vitesse de la matière V (en km/s) est tracée en fonction de la distance au centre R (en kpc, le parsec valant environ trois années-lumière). Les points de mesure sont les symboles étoilés. La masse du bulbe (B) et celle du disque (D) peuvent expliquer la courbe de rotation, en trait fin continu. Mais il faut le halo de matière noire (H) pour reproduire le trait épais continu, qui est compatible avec les observations. La position du Soleil à 8 kpc est indiquée. © Françoise Combes

    Courbe de rotation dans une galaxie spirale typique, ici la Voie lactée. La vitesse de la matière V (en km/s) est tracée en fonction de la distance au centre R (en kpc, le parsec valant environ trois années-lumière). Les points de mesure sont les symboles étoilés. La masse du bulbe (B) et celle du disque (D) peuvent expliquer la courbe de rotation, en trait fin continu. Mais il faut le halo de matière noire (H) pour reproduire le trait épais continu, qui est compatible avec les observations. La position du Soleil à 8 kpc est indiquée. © Françoise Combes

    Aujourd'hui, après plusieurs satellites (Cobe, WMap, PlanckPlanck) qui ont étudié en détail les fluctuations et anisotropiesanisotropies du fond cosmologique micro-onde, nous savons que le modèle du Big Bang, où l'univers en expansion était très chaud et dense, il y a 13,8 milliards d'années, est confirmé avec une très grande précision. L'ensemble de ces observations, avec les cartographies des lentilles gravitationnelleslentilles gravitationnelles (où les rayons lumineux de galaxies de fond sont déviés par la matière noire d'avant-plan), ainsi que l'étude des supernovaesupernovae de type Ia, qui se révèlent des calibreurs de distance hors pair (appelées « chandelles standardchandelles standard »), convergent sur un modèle d'univers, dit de « concordance ».


    La matière noire est l'une des grandes énigmes de l'astrophysique. Si les particules qui la constituent existent bien, elles devraient nous permettre de comprendre l'origine des galaxies. Mais leur nature reste un mystère. Stefano Panebianco, ingénieur de recherche au CEA, nous explique cette question très ouverte. © Futura

    L'univers est composé à 25 % de matière noire

    La courbure de l'univers est nulle, l'espace est « plat », selon notre intuition : la lumièrelumière se propage en ligne droite, et la somme des angles d'un triangle fait bien 180 degrés, comme il est enseigné à l'école. En revanche, le contenu de l'univers est plus déroutant :

    • 5 % de matière ordinaire ;
    • 25 % de matière noire exotique ;
    • 70 % d'énergie noireénergie noire.

    Le secteur noir, complètement inconnu, correspond donc à 95 % du total, en outre nous n'avons pas identifié toute la matière ordinaire, dont seulement un dixième est visible. Nous ne savons pas si l'énergie noire est vraiment un cinquième élément (quintessence) ou seulement une constante de la loi de gravitationgravitationconstante cosmologiqueconstante cosmologique »), compatible avec toutes les observations jusqu'à aujourd'hui.

    Diagramme affichant la répartition de matière contenue dans l’univers. La plus grande partie nous est inconnue. © Françoise Combes

    Diagramme affichant la répartition de matière contenue dans l’univers. La plus grande partie nous est inconnue. © Françoise Combes

    Composition de la matière noire

    De quoi est faite la matière noire ? Jusqu'à récemment, le meilleur candidat pour la constituer était le neutralinoneutralino, la particule massive la plus stable de la famille des particules supersymétriques, n'interagissant que très faiblement avec la matière ordinaire. Les espoirs de confirmer la théorie de supersymétriesupersymétrie, qui double le nombre de particules élémentairesparticules élémentaires, paraissent cependant s'étioler au fur et à mesure des expériences menées par le CernCern (au LHC, Large Hadron ColliderLarge Hadron Collider).

    D'autre part, si le modèle CDM reproduit bien les observations de l'univers primordial et permet de former les structures, il rencontre des problèmes sérieux dans l'évolution et la dynamique des galaxies aujourd'hui. Les simulations de l'univers par ordinateurordinateur se basant sur le modèle CDM forment des pics de densité de matière noire vers le centre des galaxies qui ne sont pas observés, et font apparaître des milliers de galaxies satellites autour d'une principale, comme la Voie lactée, où l'on n'observe qu'une douzaine de compagnons.

    Les efforts pour résoudre ces problèmes avec la physiquephysique de la matière (formation d'étoiles et de supernovae, énergie des trous noirstrous noirs et noyaux actifs au centre des galaxies, pour éloigner la matière noire) se révèlent inopérants. Si bien que d'autres modèles sont étudiés aujourd'hui, comme celui de la matière noire tiède, qui pourrait être formée de neutrinos stérilesneutrinos stériles, de masse 1.000 fois inférieure à celle des neutralinos.

    Simulation du futur réseau de télescopes SKA (<em>Square Kilometre Array</em>). © www.skatelescope.org

    Simulation du futur réseau de télescopes SKA (Square Kilometre Array). © www.skatelescope.org

    D'autres pistes sont aussi étudiées, telles que celle de la gravité modifiée, qui n'était pas considérée sérieusement jusque-là. Le problème de la masse manquante pourrait très bien n'être dû qu'à l'adoption des lois de NewtonNewton et d'EinsteinEinstein pour un domaine de gravité faible, où elles n'ont pas encore été vérifiées. Ce domaine est celui des galaxies, et seule l'astrophysiqueastrophysique pouvait nous mettre sur la voie. Il n'est pour autant pas facile de trouver la bonne loi, faisant intervenir des champs scalaires et vectoriels supplémentaires, et surtout d'expliquer pourquoi ils sont nécessaires dans l'univers.

    Les perspectives de recherche s'ouvrent pour la prochaine décennie grâce aux nombreuses expériences qui se préparent dans le monde : le satellite européen EuclidEuclid, ainsi que les télescopestélescopes au sol optique (LSST, Large Synoptic Survey TelescopeLarge Synoptic Survey Telescope) et radio (le SKA, Square Kilometre Array), en sont les principaux outils.