Les magnétars sont des étoiles à neutrons, comme les pulsars, possédant les champs magnétiques les plus élevés de l'Univers connu. On pense qu'ils sont associés à des explosions de supernovae et d'hypernovae records. Une nouvelle explication pour l'origine énigmatique de leurs champs magnétiques vient d'être trouvée et va dans ce sens.


au sommaire


    Influencé par les travaux de Fred Zwicky, Walter Baade et surtout du génial physicienphysicien russe Lev Landau, le physicien Robert Oppenheimer - le futur père de la bombe atomique - avait posé en 1939 le socle sur lequel les théories des étoiles à neutrons et celle de l'effondrementeffondrement gravitationnel conduisant à la formation d'un trou noir seront construites à la fin des années 1950 et au début des années 1960. Il s'agissait des articles écrits en collaboration avec ses étudiants de l'époque : « On Massive Neutron Cores », avec Georges Volkoff, et « On Continued Gravitational Contraction », avec Hartland Snyder.

    Rappelons que les étoiles à neutrons, elles-mêmes, sont le résidu de l'effondrement gravitationnel d'une partie de la matière d'une étoile massive explosant en supernova de type SNSN II. Il faut pour cela que sa masse dépasse les 8 à 10 masses solaires. Dans les grandes lignes, l'effondrement de la partie de l'étoile qui n'est pas soufflée par l'explosion, principalement son cœur de fer, conduit les protonsprotons et les électronsélectrons à se combiner pour se transformer en neutrons et cela produit du même coup un flux de neutrinosneutrinos très énergétiques. On obtient alors des astresastres qui peuvent contenir toute la masse du SoleilSoleil dans une sphère de quelques dizaines de kilomètres de diamètre seulement.

    Les magnétars, des étoiles à neutrons particulières

    On est loin de tout comprendre du processus de leur naissance et on continue à s'interroger sur l'état de la matièreétat de la matière nucléaire dans leurs profondeurs, de sorte que ces astres conservent encore beaucoup de leur mystère. On sait tout de même que les pulsarspulsars sont des étoiles à neutrons en rotation et l'on sait grâce à l'essor de l'astronomie gravitationnelle, à l'occasion de l'annonce spectaculaire de la détection par LigoLigo et VirgoVirgo de la source d'ondes gravitationnellesondes gravitationnelles GW170817, que les sursauts gamma courts se produisent à l'occasion de collisions entre deux étoiles à neutrons associées en un système binairesystème binaire.


    Qu'est-ce qu'une étoile à neutrons ? Quelle différence entre ces étoiles et notre Soleil ? Roland Lehoucq, astrophysicien au CEA, nous explique que les étoiles à neutrons rayonnent très peu en lumière visible, contrairement à notre Soleil. Aussi, les étoiles à neutrons ont des tailles beaucoup plus petites que celle du Soleil : une étoile à neutrons a un diamètre compris entre 10 et 15 km, contre 1,4 million de km pour le Soleil. Ce sont également des objets compacts qui contiennent une quantité importante de matière dans un volume très petit. Étudier ces étoiles permet de tester à une échelle différente les théories de physique nucléaire. © CEA Recherche

    Toutefois, en 1992, le bestiaire des étoiles à neutrons s'est étendu lorsque les astrophysiciensastrophysiciens Robert Duncan et Christopher Thompson ont postulé l'existence de ce que l'on appelle des magnétarsmagnétars pour expliquer certaines sources sporadiques, particulièrement intenses de rayons Xrayons X et de rayons gammarayons gamma, découvertes depuis la fin des années 1970. Aujourd'hui, une trentaine de magnétars sont connus dans la Voie lactée et il semble bien que ce sont des étoiles à neutrons possédant un champ magnétiquechamp magnétique particulièrement élevé. Si élevé même, que ceux qu'on mesure avec ces astres insolites sont les plus élevés de l'UniversUnivers observable connu et qu'ils sont parfois jusqu'à 1.000 fois plus intenses que ceux des étoiles à neutrons classiques qui sont déjà formidables. On estime ainsi que les magnétars ont un champ magnétique dipolaire, de forme analogue à celui révélé par de la limaille de fer autour d'un aimantaimant, de l'ordre de 1015 Gauss (G), alors que sur Terre son intensité varie entre 0,25 et 0,65 Gauss et celle du champ magnétique d'un aimant sur un réfrigérateur est d'environ 50 Gauss. On mesure en moyenne des intensités de 1.500 Gauss pour les taches solairestaches solaires.

    L'analogue de la géodynamo dans les magnétars ?

    Comment rendre compte de l'intensité monstrueuse des champs magnétiques des magnétars ? Plusieurs explications sont possibles et l'une d'elles était présentée par Futura dans le précédent article ci-dessous. Mais aujourd'hui, un article publié dans la revue Science Advances, par une équipe franco-allemande conduite par Raphaël Raynaud du Département d’Astrophysique du CEA-IRFU/Laboratoire AIM et que l'on peut lire sur arXiv, fait savoir que ces astrophysiciens ont réalisé les premières simulations numériquessimulations numériques, qui décrivent comment la genèse des champs magnétiques des magnétars pouvait se produire au cours des premières secondes suivant leur formation.

    Représentation 3D des lignes de champ magnétique dans la zone convective à l’intérieur de l’étoile à neutrons. Les mouvements convectifs sont représentés par les surfaces bleues (correspondant à des mouvements vers l’intérieur) et rouge (vers l’extérieur). À gauche, le nouveau type de dynamo qui apparaît pour des rotations rapides (périodes de quelques millisecondes) et dont le champ magnétique dipolaire atteint 10<sup>15</sup> G. À droite, pour des rotations plus lentes, le champ magnétique a une intensité jusqu’à dix fois plus faible. © Raphaël Raynaud, Jérôme Guilet, Christian Gouiffès
    Représentation 3D des lignes de champ magnétique dans la zone convective à l’intérieur de l’étoile à neutrons. Les mouvements convectifs sont représentés par les surfaces bleues (correspondant à des mouvements vers l’intérieur) et rouge (vers l’extérieur). À gauche, le nouveau type de dynamo qui apparaît pour des rotations rapides (périodes de quelques millisecondes) et dont le champ magnétique dipolaire atteint 1015 G. À droite, pour des rotations plus lentes, le champ magnétique a une intensité jusqu’à dix fois plus faible. © Raphaël Raynaud, Jérôme Guilet, Christian Gouiffès

    Ce résultat a été obtenu en transposant et adaptant les modèles numériquesmodèles numériques de la géodynamo de la Terre au cas des étoiles à neutrons et en implémentant les algorithmes sur le supercalculateursupercalculateur Occigen du Centre informatique national de l'enseignement supérieur (Cines). On sait que dans le cas de notre Planète bleue, le champ magnétique vient en effet d'une dynamodynamo autoexcitatrice prenant naissance dans l'alliagealliage de fer-nickelnickel liquideliquide en convectionconvection turbulente dans le référentielréférentiel en rotation de la Terre et au niveau de son noyau. Le phénomène se reproduit d'ailleurs en laboratoire comme l'a bien montré l'expérience VKS. Une dynamo analogue mais avec le plasma de l'intérieur du Soleil génère son champ magnétique global.

    Les simulations montrent qu'au tout début de sa naissance, l'intérieur d'une étoile à neutrons est convectif, lui aussi, et qu'un champ magnétique est généré d'une façon similaire à celui de la Terre avec une intensité d'autant plus importante que l'étoile génitrice de l'étoile à neutrons était en rotation rapide. Il existe dans ces simulations des instabilités qui vont conduire en quelques secondes à une amplification exponentielle du champ magnétique déjà possédé par l'étoile avant son effondrement, jusqu'à des valeurs atteignant 1016 Gauss. Les magnétars naîtraient donc des étoiles massives en rotation rapide.

    Des magnétars millisecondes derrière des sursauts gamma longs ?

    Tout ceci est très intéressant, comme l'expliquent Raphaël Raynaud, Jérôme Guilet et Christian Gouiffès dans un communiqué du CEA. Ce résultat ouvre des perspectives pour comprendre parmi les libérations d'énergiesénergies les plus puissantes connues dans le cosmoscosmos observable pour des astres, à savoir des explosions d'hypernovaehypernovae en association comme on le pense avec des sursautssursauts gamma longs et, en particulier, les supernovaesupernovae superlumineuses qui émettent cent fois plus de lumièrelumière qu'une supernova usuelle mais sans être des sursauts gamma.

    Derrière ces événements, expliquent les trois chercheurs, se cacherait la formation de « magnétars millisecondes », donc des magnétars nouvellement formés, avec dynamo convective, et dont les périodes de rotationpériodes de rotation seraient de l'ordre de la milliseconde. La puissance de l'explosion proviendrait du fait qu'avec les champs magnétiques de ces pulsars extrêmes, il se produirait une extraction efficace et rapide de l'énergie de rotation de ces magnétars millisecondes. Mais on n'arrivait pas, jusqu'à présent, à générer les valeurs de champ magnétique nécessaires, au moins 1015 Gauss précisément, ce qui est maintenant chose faite !


    Magnétar : l'énigme de la formation des plus puissants champs magnétiques de l'univers est résolue

    Article de Laurent SaccoLaurent Sacco publié le 10/10/2019

    Vieille de 70 ans, une énigme en astrophysiqueastrophysique semble désormais résolue avec des simulations montrant comment des étoiles massives peuvent acquérir un champ magnétique anormalement élevé. Ces étoiles sont destinées à s'effondrer gravitationnellement, donnant alors souvent des magnétars, ces étoiles à neutrons dotées des plus puissants champs magnétiques connus dans le cosmos.

    La découverte de l'effet caractéristique d'un champ magnétique sur le spectrespectre des atomesatomes dans lequel ils sont plongés a valu au Néerlandais Pieter Zeeman le prix Nobel de physiquephysique de 1902 avec son compatriote, Hendrik Lorentz, le découvreur des fameuses transformations relativistes portant son nom. L'effet Zeeman allait permettre aux astrophysiciens de mesurer le champ magnétique sur la surface du Soleil, notamment au niveau de ses taches solaires.  

    Mais ce n'est qu'en 1947 que l'astronomeastronome états-unien Horace Babcock (lequel est incidemment le premier à envisager ce que l'on appelle aujourd'hui l'optique adaptative en astronomie) a pu montrer grâce à cet effet que des champs magnétiques existaient aussi à la surface d'autres étoiles. L'essor fulgurant de l'astrophysique après la seconde guerre mondiale allait permettre de tester et de nourrir les modèles de la structure et de l'évolution des étoiles que l'on avait commencé à développer à partir des années 1920. Les astrophysiciens sont alors tombés sur une première énigme : certaines étoiles massives possédaient un champ magnétique anormalement intense dont on avait bien du mal à comprendre l'origine.

    Certes, on pouvait, tout comme dans le cas du Soleil et de la Terre, faire intervenir la théorie de la dynamo auto-excitatrice qui permet de générer un champ magnétique dans un fluide turbulent et conducteur mais, dans le cas des étoiles massives, la majeur partie de l'enveloppe d'une étoile est dans un état dit radiatif, c'est-à-dire que le transfert de chaleurchaleur se fait par rayonnement et non par convection, laquelle est naturellement turbulente.

    L'énigme des champs magnétiques intenses des étoiles massives a pris un nouveau relief lorsque fut découverte l'existence des magnétars, c'est-à-dire des étoiles à neutrons possédant un champ magnétique si intense qu'on n'en connaît pas de plus fort dans l'univers observable.


    Quelques explications sur le fonctionnement des pulsars qui sont aussi valables quand ceux-ci sont également des magnétars. Traduction en cliquant sur le rectangle blanc en bas à droite, ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». © Nasa Goddard

    Les magnétars, des pulsars exotiques

    L'existence d'un champ magnétique important pour une étoile à neutrons, laquelle peut être détectée sous forme de pulsar, n'est toutefois pas une surprise ni d'un point de vue théorique ni d'un point de vue observationnel. Ces objets fascinants -- et tellement denses que l'équivalent de la masse du Soleil s'y retrouve dans une sphère de quelques dizaines de kilomètres de diamètre -- sont le produit de l'effondrement d'étoiles au moins 8 à 10 fois plus massives que le Soleil au moment où elles deviennent des supernovae de type II.

    Ces étoiles possédaient déjà un champ magnétique or, les lois de l'électromagnétismeélectromagnétisme de Maxwell impliquent très clairement, via la loi de conservation du flux du champ magnétique, que celui-ci doit devenir d'autant plus intense que l'étoile devient de plus en plus petite en s'effondrant gravitationnellement. Mais les champs magnétiques des magnétars restent bien au-dessus de ceux mesurés dans le cas de nombreux pulsars.

    Les intensités mesurées sont de l'ordre de 109 à 1011 teslasteslas, ce qui est des centaines de millions de fois plus élevé que celles des champs des plus puissants aimants faits de la main de l'Homme. Ces champs magnétiques stockent beaucoup d'énergie et ils peuvent conduire à des émissionsémissions intenses de rayons X et même à des sortes de sursauts gamma appelés des sursauteurs gamma mous (en anglais Soft gamma repeaterrepeater, SGR), c'est-à-dire des sources gamma connaissant des épisodes d'émission violents et récurrents mais irréguliers, avec des photonsphotons moins énergétiques que les sursauts gamma classiques en général. Le premier SGR a été détecté par sérendipitésérendipité en 1979 par plusieurs missions spatiales.


    Un extrait de la simulation montrant la fusion en cours de deux étoiles avec en fausses couleurs (la couleur indiquant la force du champ magnétique, en jaune l'intensité la plus forte, et en violet, l'une des moins fortes), l'amplification des champs magnétiques résultants. © University of Oxford, Ohlmann, Schneider, Röpke

    Des collisions d'étoiles à l'origine des traînardes bleues

    Pour expliquer les vertigineux champs magnétiques des magnétars, il faut donc là encore supposer qu'ils proviennent de l'effondrement d'étoiles massives possédant un champ magnétique initial anormalement élevé. Heureusement, les théoriciens avaient une solution pour produire ces étoiles. Mais, pour l'accréditer, il fallait faire de savantes et surtout très puissantes (car gourmandes en calculs) simulations de magnétohydrodynamique des plasmas constituant deux étoiles dans un système binaire sur le point d'entrer en collision pour finalement fusionner.

    La puissance disponible des superordinateurs a fini par rejoindre celle nécessaire à un test numérique de ce modèle de collision stellaire comme le prouve un article publié dans Nature par une équipe internationale d'astrophysiciens des université de Heidelberg et Oxford, ainsi que de l'Heidelberger Institut für Theoretische Studien (HITS) et du centre de calcul de l'Institut Max PlanckMax Planck, à Garching (Munich). Les calculs menés sont très encourageants car on peut effectivement expliquer de cette façon l'existence d'étoiles massives avec un champ magnétique anormal en les faisant résulter de la fusionfusion de deux étoiles. Ces étoiles sont destinées à devenir des supernovae SN II et donc, souvent, à produire des magnétars, et parfois des trous noirs si elles sont assez massives.

    Cette image en fausses couleurs est extraite d'une simulation qui marque la naissance d'une étoile magnétique telle que Tau Scorpii. L'image est une coupe à travers le plan orbital où la couleur indique la force du champ magnétique alors que deux étoiles sont sur le point de fusionner. © Ohlmann, Schneider, Röpke
    Cette image en fausses couleurs est extraite d'une simulation qui marque la naissance d'une étoile magnétique telle que Tau Scorpii. L'image est une coupe à travers le plan orbital où la couleur indique la force du champ magnétique alors que deux étoiles sont sur le point de fusionner. © Ohlmann, Schneider, Röpke

    Comme l'explique l'un des auteurs de l'article de Nature, Sebastian Ohlmann (Garching) : « Il y a déjà plus de dix ans, il a été suggéré que de puissants champs magnétiques pourraient être générés par la collision de deux étoiles. Mais jusqu'à présent, nous n'avions pas pu tester cette hypothèse, car nous n'avions pas les outils informatiques nécessaires ». Mais, depuis tout a changé, notamment parce que les chercheurs se sont rendus compte qu'ils pouvaient ré-utiliser le code Arepo, développé par Volker Springel et Rüdiger Pakmor de l'Institut Max Planck, code initialement développé pour faire des simulations avec les galaxiesgalaxies en cosmologiecosmologie.

    Les résultats obtenus sont d'autant plus convaincants que l'on sait que des fusions stellaires sont fréquentes et on estime ainsi qu'environ 10 % de toutes les étoiles massives de la Voie lactéeVoie lactée sont le produit de ces fusions stellaires, ce qui correspond bien au taux de formation estimé des magnétars. Ces étoiles peuvent apparaître comme des blue stragglers, ce que l'on peut traduire en français par « traînardes bleues ».


    L'énigme de la formation d'un magnétar résolue par le VLT

    Article de Laurent Sacco publié le 29/05/2014

    Un des magnétars repérés dans la Voie lactée posait problème aux astrophysiciens. Tout semblait indiquer qu'il provenait d'une étoile contenant initialement au moins 40 masses solaires. Or, en fin de vie,une telle étoile aurait dû se transformer en trou noir et pas en magnétar. La solution de l'énigme semble avoir été trouvée après la détection par le VLTVLT d'une étoile qui aurait dans le passé formé un système binaire avec ce qui allait devenir ce magnétar.

    Depuis que Fred Zwicky, Walter Baade, Lev Landau et Robert Oppenheimer ont compris pendant les années 1930 qu'il devait exister des étoiles à neutrons notre compréhension théorique de ces astres a fait des progrès et ils sont observés, sous forme de pulsars, depuis la fin des années 1960. Mais ces astres conservent encore beaucoup de leur mystère. On continue à s'interroger sur l'état de la matière nucléaire dans leurs profondeurs mais aussi sur les mécanismes astrophysiques qui leur donnent naissance. On sait tout de même qu'elles se forment à l'occasion de certaines explosions d'étoiles, les supernovae SN II.

    En 1992, le bestiaire des étoiles à neutrons s'est étendu lorsque les astrophysiciens Robert Duncan et Christopher Thompson ont postulé l'existence de ce que l'on appelle des magnétars pour expliquer certaines sources sporadiques particulièrement intenses de rayons X et de rayons gamma découvertes depuis la fin des années 1970. Aujourd'hui une vingtaine de magnétars sont connus dans la Voie lactée et il semble bien que ce sont des étoiles à neutrons possédant un champ magnétique particulièrement élevé.

    Une étoile qui aurait dû se transformer en trou noir

    L'un de ces magnétars, présent dans les archives scientifiques sous la dénomination technique de CXOU J164710.2-455216, intriguait les astrophysiciens depuis un certain temps. Sa situation est particulière, au sein d'un amas ouvertamas ouvert de jeunes étoiles découvert en 1961 par l'astronome suédois Bengt Westerlund. Situé à 16.000 années-lumièreannées-lumière de la Terre dans la constellationconstellation australe de l'Autel (Ara), l'amas Westerlund 1 est considéré comme le plus massif et le plus compact identifié à ce jour dans la Galaxie, avec environ 100.000 masses solaires contenues dans un volumevolume dont la taille est d'environ 6 années-lumière seulement.

    Le jeune amas ouvert Westerlund 1 dans la constellation de l'Autel contient beaucoup d'étoiles supergéantes bleues. Mais à cause des nombreuses poussières interstellaires qui s'interposent entre lui et nous, ces étoiles apparaissent rouges. Certaines brillent d’un éclat pratiquement équivalent à un million de soleils et certaines ont un diamètre deux mille fois plus grand que le Soleil (donc aussi large que l’orbite de Saturne). En bas à gauche, la localisation du magnétar de Westerlund 1. © ESO
    Le jeune amas ouvert Westerlund 1 dans la constellation de l'Autel contient beaucoup d'étoiles supergéantes bleues. Mais à cause des nombreuses poussières interstellaires qui s'interposent entre lui et nous, ces étoiles apparaissent rouges. Certaines brillent d’un éclat pratiquement équivalent à un million de soleils et certaines ont un diamètre deux mille fois plus grand que le Soleil (donc aussi large que l’orbite de Saturne). En bas à gauche, la localisation du magnétar de Westerlund 1. © ESO

    Quand il est apparu que cet amas contenait beaucoup d'étoiles de quelques dizaines de masses solaires, il a beaucoup attiré l'attention des astrophysiciens qui y ont vu un excellent laboratoire pour étudier la naissance, l'évolution et la mort des étoiles massives. En effet, la théorie de la structure et de l'évolution stellaire implique que des étoiles aussi massives sont destinées à s'effondrer gravitationnellement. Elles exploseront toutes sous forme de supernovae en laissant derrière elles des cadavres stellaires, à savoir des étoiles à neutrons et des trous noirs.

    Comme ces étoiles brûlent leur carburant nucléaire très rapidement, on en déduit que Westerlund 1 est jeune. Il y a quatre ans, son âge a été estimé à 3,5 millions d'années tout au plus, grâce à une mesure des masses des composantes d'une étoile binaire. La présence d'un magnétar est tout de suite devenue problématique. L'étoile génitrice du magnétar devait contenir au moins 40 masses solaires pour s'être transformée en cet astre compact avant ses sœurs nées en même temps qu'elle (puisque dans un amas ouvert, toutes les étoiles se sont formées simultanément). Or une telle masse entre a priori en conflit avec la théorie de la structure et de l'évolution stellaire qui prédit qu'elle aurait dû se transformer en trou noir et pas en étoile à neutrons.

    Les théoriciens avaient bien trouvé une façon de résoudre ce conflit en postulant que le magnétar avait commencé sa vie lui aussi sous forme d'étoile binaire. Mais pour le prouver, encore fallait-il trouver son étoile compagne. Aucune n'apparaissait à proximité de CXOU J164710.2-455216 mais elle pouvait fort bien avoir été éjectée une fois que l'étoile binaire avait été déstabilisée par l'explosion de l'une de ses composantes. Les astronomes de l'ESOESO sont donc partis à la chasse à cette éventuelle étoile compagne. Ils ont récemment annoncé dans un article déposé sur arxiv qu'ils pensaient bel et bien l'avoir retrouvée.

    Un scénario de formation pour les magnétars

    Westerlund 1-5 est une étoile dotée d'une vitessevitesse élevée qui la conduit à s'échapper de l'amas ouvert précisément comme le ferait une étoile ayant fait partie d'un système binaire avant d'en être éjectée par l'explosion en supernova de son étoile compagne. L'analyse de la composition de son atmosphèreatmosphère montre que c'est probablement ce qui s'est passé. En tant qu'étoile légère, elle contient beaucoup trop de carbonecarbone. Cela se comprend bien si elle a accrété le gazgaz enrichi en ces noyaux lourds par une étoile compagne ayant explosé en supernova.

    Tous ces éléments confortent le scénario avancé pour rendre compte de l'existence paradoxale du magnétar. Westerlund 1-5 aurait été initialement l'étoile la plus massive de ce duo, avec probablement 41 masses solaires, et elle devait former avec le futur magnétar un système si serré qu'il aurait été contenu dans l'orbiteorbite de la Terre autour du Soleil. Un premier transfert de masse se serait effectué de l'étoile la plus massive vers la moins massive contenant initialement peut-être 35 masses solaires et qui aurait gagné au passage aussi du moment cinétiquemoment cinétique. Voyant sa masse augmenter alors que celle de Westerlund 1-5 diminuait ,elle aurait évolué plus rapidement en devenant une étoile de Wolf-Rayet. Instable et rendant une partie de sa masse sous forme de ventsvents stellaires à son étoile compagne, elle aurait fini par exploser en supernova SN Ibc, éjectant les noyaux lourds qu'elle avait synthétisés, enrichissant la surface de Westerlund 1-5 en carbone. Au final, bien qu'ayant évolué plus rapidement que toutes les autres étoiles du fait de sa masse, l'étoile progénitrice du magnétar devait être moins massives que 40 masses solaires au moment de son explosion. Elle était donc assez légère pour ne pas devenir un trou noir.

    On peut penser que c'est le transfert de moment cinétique, ayant fortement augmenté la vitesse de rotationvitesse de rotation de l'étoile, qui a joué un rôle essentiel dans l'amplification de son champ magnétique et qui est donc responsable de l'existence du magnétar. Peut-être faut-il y voir là l'explication de la formation de tous les magnétars.