Au-dessus d'environ 25 masses solaires, une étoile en fin de vie devait devenir un trou noir. Mais des astronomes étudiant l’amas d’étoiles ouvert Westerlund 1 depuis le VLT viennent de jeter un pavé dans la mare. Le magnétar qu’ils y ont découvert et les masses des étoiles d’un système binaire qu’ils ont déterminées contraignent à revoir cette limite à la hausse.

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    En théorie, n'importe quel objet peut devenir un trou noir si on le comprime suffisamment pour que son rayon passe en dessous de celui dit de Schwarzschild, associé à sa masse. En pratique, l'entreprise se révèle si difficile que seules les exceptionnelles conditions de pressions régnant dans l'Univers primordial ont pu créer, peut-être, des mini trous noirs. Par la suite, seuls des processus astrophysiques à l'échelle d'étoiles géantes ou de galaxiesgalaxies ont pu former des trous noirs de grandes tailles et de grandes masses.

    Si l'on ne comprend toujours pas vraiment comment se sont formés les trous noirs supermassifstrous noirs supermassifs installés au cœur des quasars, même si l'on pense que les processus qui les produisent ont probablement à voir avec des trous noirs intermédiaires, on pensait jusque-là comprendre assez bien l'origine des trous noirs stellairestrous noirs stellaires.

    On sait qu'une étoile ayant épuisé son carburant nucléaire et dont la masse dépasse la limite de Chandrasekharlimite de Chandrasekhar, de 1,4 fois celle du SoleilSoleil ou peu s'en faut, doit inévitablement s'effondrer pour donner un trou noir (ce destin est donc impossible pour notre étoile). Cette limite ne s'applique évidemment pas à une étoile brûlant encore du carburant et l'on connaît des astresastres de ce genre dépassant 100 masses solaires.

    Le jeune amas ouvert Westerlund 1 dans la constellation de l'Autel contient beaucoup d'étoiles supergéantes bleues. Mais à cause des nombreuses poussières interstellaires qui s'interposent entre lui et nous dans la Voie lactée, ces étoiles apparaissent rouges. Certaines brillent d’un éclat pratiquement équivalent à un million de soleils et certaines ont un diamètre deux mille fois plus grand que le Soleil (donc aussi large que l’orbite de Saturne). En haut à gauche, dans un cercle, on remarque le système binaire W13. En bas à gauche, la localisation du magnétar de Westerlund 1. Crédit : ESO

    Le jeune amas ouvert Westerlund 1 dans la constellation de l'Autel contient beaucoup d'étoiles supergéantes bleues. Mais à cause des nombreuses poussières interstellaires qui s'interposent entre lui et nous dans la Voie lactée, ces étoiles apparaissent rouges. Certaines brillent d’un éclat pratiquement équivalent à un million de soleils et certaines ont un diamètre deux mille fois plus grand que le Soleil (donc aussi large que l’orbite de Saturne). En haut à gauche, dans un cercle, on remarque le système binaire W13. En bas à gauche, la localisation du magnétar de Westerlund 1. Crédit : ESO

    On sait aussi que des étoiles dépassant les 10 masses solaires environ sont destinées à exploser en supernovaesupernovae, leur cœur s'effondrant pour former un astre compact. Mais avant cela, elles vont perdre une partie de leur masse sous forme de ventvent stellaire. L'explosion des étoiles très massives éjectant bien sûr de grandes quantités de matièrematière, on pensait que pour laisser un résidu suffisamment peu massif et compact pour que celui-ci ne s'effondre pas en trou noir, il fallait que la masse initiale soit de l'ordre de 10 à 25 masses solaires.

    Or, on connaît dans la constellationconstellation de l'Autel, un remarquable amas ouvert d'étoilesamas ouvert d'étoiles. Situé à environ 16.000 années-lumièreannées-lumière, Westerlund 1 contient un assez grand nombre d'étoiles géantes qui se sont toutes formées à peu près en même temps sous l'effet de la fragmentation d'un seul nuage interstellairenuage interstellaire en train de s'effondrer. On peut estimer l'âge d'un tel amas : environ de 3,5 à 5 millions d'années. C'est donc environ l'âge de toutes les étoiles qui s'y trouvent.

    En effet, en utilisant l'instrument Flames du VLTVLT, des astronomesastronomes de l'ESOESO ont réussi à peser les masses de deux étoile géantes de l'amas parce qu'elles formaient un système binairesystème binaire à éclipseéclipse, W13. Les masses trouvées sont d'environ 20 masses solaires pour l'une et 30 pour l'autre.


    Une vidéo d'artiste montrant une approche du magnétar de l'amas ouvert. Crédit : ESO/L. Calçada

    Elle pesait 40 masses solaires mais n'est pourtant pas devenue un trou noir

    On sait que plus une étoile est massive plus elle brûle vite son carburant. Des étoiles dépassant les 10 masses solaires exploseront d'autant plus vite en supernovae (donnant des étoiles à neutronsétoiles à neutrons) qu'elles sont massives. Or, on connaît dans l'amas Westerlund 1 un magnétar, c'est-à-dire une étoile à neutrons possédant un champ magnétiquechamp magnétique particulièrement intense.

    La conclusion semble donc imparable : ce magnétarmagnétar doit provenir de l'explosion d'une étoile qui a évolué très rapidement, plus que les autres étoiles, et les calculs indiquent une masse d'au moins 40 fois celle du Soleil pour rester en accord avec les masses des étoiles de W13, nées en même temps que l'étoile à l'origine du magnétar.

    Les théoriciens sont donc confrontés à une énigme. Comment une telle étoile a pu perdre suffisamment de masse pour éviter de donner un trou noir ?

    Toutefois, si l'étoile de 40 masses solaires faisait elle-même partie d'un système binaire, son évolution et son taux de perte de masse, influencés par sa compagne, pourraient avoir été tels que l'évolution fatale en trou noir ait été évitée. On n'observe pas de partenaire à ce magnétar mais on sait que l'explosion d'une supernova, avec sa perte de masse, peut éjecter d'un système binaire le résidu compact.