C'est une autre forme d'infarctus : la SCAD est une maladie, atypique, peu étudiée car mal documentée sur les facteurs de risque, et qui affecte les femmes en bonne santé et actives. Alors que l'infarctus du myocarde touche majoritairement les hommes, âgés et en surpoids, cette déchirure de la paroi interne de l’artère coronaire, consécutive à la formation d'un hématome mal résorbé, représente un tiers des cas d’infarctus chez les femmes de moins de 60 ans. Une méta-analyse s'est intéressée aux causes génétiques de cette maladie.

 


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    La dissection spontanée de l'artère coronaire, plus connue sous l'acronyme SCAD, est une cause d'infarctus dont 9 victimes sur 10 sont des femmes dans la quarantaine, en apparente bonne santé. Encore mal comprise, elle est souvent sous-diagnostiquée, ce qui complique la prise en charge alors qu'elle pourrait représenter jusqu'à un tiers des cas d'infarctus chez les femmes de moins de 60 ans.

    Afin de comprendre les causes génétiques et les mécanismes biologiques à son origine, une nouvelle étude internationale dirigée par Nabila Bouatia-Naji, directrice de recherche à l'Inserm au Paris Centre de recherche cardiovasculaire - PARCC (Inserm/Université Paris Cité) a été mise en place.

    Les résultats obtenus montrent que les causes génétiques qui définissent le risque de la SCAD sont très nombreuses et réparties sur l'ensemble du génome des patients. L'étude identifie 16 régions génomiques associées à un risque plus élevé de SCAD, ouvrant la voie à une meilleure compréhension des mécanismes biologiques sous-jacents à cette maladie. L'étude est parue le 29 mai 2023 dans Nature Genetics.

    L'infarctus au féminin

    Contrairement à la majorité des maladies cardiovasculaires comme l'infarctus de myocardemyocarde, qui affectent principalement les hommes âgés et/ou en surpoidssurpoids, la dissection spontanée de l'artère coronaire (SCAD) est une forme d'infarctus qui touche les femmes dans 9 cas sur 10. Celles-ci sont souvent dans la quarantaine, même si la maladie peut également survenir plus tôt, dans l'année qui suit un accouchementaccouchement, ou plus tard, pendant la transition vers la ménopause. De plus en plus reconnue comme une forme importante d'infarctus au sein de cette population, la SCAD demeure toutefois encore assez mal documentée du fait notamment d'un manque de données et d'une méconnaissance des facteurs de risquefacteurs de risque qui lui sont spécifiques, notamment génétiques.

    Dans les 20 dernières années, des progrès considérables ont été réalisés pour détailler les mécanismes du développement de pathologiespathologies coronaires comme l’athérosclérose et sur les formes très rares et syndromiques des maladies cardiovasculaires. De telles connaissances sont primordiales pour mieux appréhender ces pathologies et concevoir des stratégies de préventionprévention et de traitements améliorés et personnalisés.

    La SCAD touche principalement des femmes âgées de moins de 60 ans, en particulier à des périodes charnières de leur vie, accouchement ou ménopause. © New Africa, Adobe Stock
    La SCAD touche principalement des femmes âgées de moins de 60 ans, en particulier à des périodes charnières de leur vie, accouchement ou ménopause. © New Africa, Adobe Stock

    Néanmoins, la recherche a pris un retard important dans la compréhension des maladies comme la SCAD qui touchent des femmes à des étapes charnières de leur vie. Il est donc essentiel de s'intéresser maintenant à cette maladie cardiovasculaire si peu étudiée et au risque génétique qui lui est propre.

    Comprendre les mécanismes biologiques de cette autre forme d'infarctus

    L'équipe de la généticienne Inserm Nabila Bouatia-Naji donc mené un travail de grande ampleur sur le sujet, en coordonnant une méta-analyseméta-analyse de 8 études d'association pangénomique (en anglais genome-wide association study, GWAS). En comparant les données génétiques de plus de 1900 patients et d'environ 9300 personnes non malades, les scientifiques ont identifié 16 régions génomiques (ou lociloci) de prédispositionprédisposition génétique à la SCAD.

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    Ce travail a d'abord permis de montrer que les variations génétiques que l'on retrouve le plus souvent chez les patient(e)s ayant survécu à la SCAD jouent un rôle dans la composition du « cimentciment » qui entoure les cellules de l'artère coronaire.

    Cependant, un des gènesgènes identifiés est F3 et il code le facteur de coagulationcoagulation tissulaire. En temps normal, le facteur tissulaire initie la coagulation au niveau des cellules afin de résorber d'éventuelles hématomes. Les résultats de l'étude suggèrent qu'un défaut d'expression de F3 est souvent retrouvé chez les patient(e)s ce qui constitue une cause potentielle d'une mauvaise réparation des artères, pouvant aboutir à leur déchirure. La mauvaise résorptionrésorption de l'hématome serait donc une cause génétique de l’infarctus qui était inconnue jusqu'à présent.

    Un lien entre la pression artérielle élevée et le risque de la SCAD

    L'un des autres objectifs de cette étude a été de positionner la SCAD par rapport à d'autres maladies cardiovasculaires afin de mieux connaître ses spécificités épidémiologiques. En utilisant les données qui déterminent les facteurs de risque cardiovasculaires génétiques et des méthodes de statistiques astucieuses, les scientifiques ont mis en évidence un lien robuste entre la pression artériellepression artérielle élevée et le risque de la SCAD, tout en confirmant que le cholestérol élevé, le surpoids et le diabètediabète de type 2 n'avaient aucun impact sur ce risque.

    « Ce résultat pourrait donc s'avérer intéressant sur le plan clinique à plus long terme, pour encourager les médecins à surveiller de près l'évolution de la pression artérielle chez les patients et patientes qui présentent un risque génétique accru de SCAD », explique Nabila Bouatia-Naji, directrice de recherche à l'Inserm et dernière auteure de l'étude.

    Faire sortir de l’ombre une maladie cardiovasculaire essentiellement féminine

    Finalement, ce travail met en évidence un lien génétique entre l'infarctus dû à la SCAD et l'infarctus dû à l'athéroscléroseathérosclérose (aussi appelé infarctus athéromateux). En effet, les chercheurs ont montré qu'un grand nombre de régions génomique de prédisposition à la SCAD sont partagées avec celles de l'infarctus athéromateux. Cependant, même s'il s'agissait des mêmes variantes génétiques, les allèlesallèles qui sont plus fréquents chez les patients atteints de SCAD sont systématiquement décrites comme moins fréquents chez les sujets atteints de l'infarctus athéromateux.

    « Ce résultat est très surprenant, car ils montrent que, selon si l'on est face à une jeune femme sans facteurs de risques, ou un homme plus âgé et présentant des facteurs de risque, les causes génétiques et les mécanismes biologiques associés à leur infarctus peuvent être opposés. Nos résultats alertent sur le besoin de mieux comprendre les spécificités des maladies cardiovasculaires chez les femmes jeunes afin d'améliorer leur suivi qui est actuellement identique à celui de l'infarctus athéromateux », conclut Nabila Bouatia-Naji.

    Forte de ces résultats, l'équipe travaille désormais au développement de nouveaux modèles cellulaires et animaux qui rendent mieux compte des facteurs génétiques impliqués dans la maladie, afin notamment de mieux étudier leur impact sur l'état des artères. Avec toujours un objectif en tête à plus long terme : celui de faire sortir de l'ombre une maladie cardiovasculaire essentiellement féminine et trop souvent négligée, et d'améliorer la manière dont elle est comprise et prise en charge.